Selon déclaration électronique de son avocat remise au greffe de la cour le 28 septembre 2020, M. [Aa] a interjeté appel dans les formes et délais prescrits de ce jugement, aux fins de réformation en ce qu'il l'a débouté de sa demande en nullité du licenciement, dit que son licenciement repose bien sur une cause réelle et sérieuse, l'a débouté de ses demandes d'annulation de la mise à pied disciplinaire de septembre 2016 et des demandes afférentes, l'a débouté de ses demandes relatives aux heures supplémentaires, l'a débouté de ses demandes relatives aux repos compensateurs de remplacement, l'a débouté de sa demande au titre de la rémunération variable, l'a débouté de sa demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat, l'a débouté de sa demande de repositionnement hiérarchique au niveau 3.2 coefficient 210.
Aux termes des dernières conclusions de son avocat remises au greffe de la cour le 4 décembre 2023, M. [Aa] demande à la cour de :
'réformer le jugement entrepris en ce qu'il l'a débouté de sa demande tendant à lui voir reconnaître le bénéfice du coefficient 210 ;
réformer le jugement entrepris en ce qu'il l'a débouté de sa demande en nullité du licenciement ainsi que de sa demande en réintégration ;
réformer jugement entrepris en ce qu'il l'a débouté de sa demande en annulation de la mise à pied disciplinaire ;
réformer le jugement entrepris en ce qu'il l'a débouté de sa demande en rappel de salaire au titre de la rémunération variable ;
réformer le jugement entrepris en ce qu'il l'a débouté de sa demande au titre des heures supplémentaires ;
réformer le jugement entrepris en ce qu'il l'a débouté de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour non-information du droit à repos de remplacement ;
y ajoutant ;
condamner la société Acies consulting group à lui payer sommes suivantes :
rappel de salaire par application du coefficient 210 (année 2014) : 9 019,38 euros
- congés payés afférents : 901,93 euros
rappel de salaire par application du coefficient 210 (année 2015) : 10 623,40 euros
- congés payés afférents : 1 062,34 euros
rappel de salaire par application du coefficient 210 (année 2016) : 10 623,40 euros
- congés payés afférents : 1 062,34 euros
rappel de salaire par application du coefficient 210 (année 2017) : 4 970,95 euros
- congés payés afférents : 497,09 euros
rappel de salaire au titre des heures supplémentaires (année 2014) : 12 309,51 euros
- congés payés afférents : 1 230,95 euros
rappel de salaire au titre des heures supplémentaires (année 2015) : 17 774,45 euros
- congés payés afférents : 1 777,44 euros
rappel de salaire au titre des heures supplémentaires (année 2016) : 343,45 euros
- congés payés afférents : 634,34 euros
à titre subsidiaire et à tout le moins (38 à 42 heures) :
rappel de salaire au titre des heures supplémentaires (année 2014) : 3 076,10 euros
- congés payés afférents : 307,61 euros
rappel de salaire au titre des heures supplémentaires (année 2015) : 4 956,76 euros,
- congés payés afférents : 495,67 euros
rappel de salaire au titre des heures supplémentaires (année 2016) : 1 762,40 euros,
- congés payés afférents : 176,24 euros
à titre infiniment subsidiaire (après 18 h) :
rappel de salaire au titre des heures supplémentaires (année 2014) : 2 644,97 euros,
- congés payés afférents : 264,49 euros,
rappel de salaire au titre des heures supplémentaires (année 2015) : 3 501,11 euros,
- congés payés afférents : 350,11 euros,
rappel de salaire au titre des heures supplémentaires (année 2016) : 891,11 euros,
- congés payés afférents : 89,11 euros,
dommages et intérêts pour non-information des droits à repos de remplacement (année 2014) : 8 561,88 euros,
dommages et intérêts pour non-information des droits à repos de remplacement (année 2015) : 14 107,73 euros,
dommages et intérêts pour non-information des droits à repos de remplacement (année 2016) : 2 491,48 euros
à titre subsidiaire (sur la base d'un coefficient 170) :
dommages et intérêts pour non-information des droits à repos de remplacement (année 2014) : 6 767,79 euros,
dommages et intérêts pour non-information des droits à repos de remplacement (année 2015) : 11 427,76 euros,
dommages et intérêts pour non-information des droits à repos de remplacement (année 2016) : 2 016,79 euros,
dommages et intérêts pour travail dissimulé : 36 165,84 euros nets,
rappel de salaire au titre de la rémunération variable (année 2013-2014) - objectifs collectifs : 4 384,18 euros,
- congés payés afférents : 438,47 euros,
rappel de salaire au titre de la rémunération variable (année 2013-2014) - objectifs individuels : 1 710,00 euros,
- congés payés afférents : 171 euros,
rappel de salaire au titre de la rémunération variable (année 2014-2015) - objectifs collectifs : 2 960 euros,
- congés payés afférents : 296 euros,
rappel de salaire au titre de la rémunération variable (année 2014-2015) - objectifs individuels : 1 184 euros,
- congés payés afférents : 118,40 euros,
rappel de salaire au titre de la rémunération variable (année 2015-2016) - objectifs collectifs : 888 euros,
- congés payés afférents : 88,80 euros,
rappel de salaire au titre de la rémunération variable (année 2015-2016) - objectifs individuels : 1 628 euros,
- congés payés afférents : 162,80 euros,
rappel de salaire au titre de la rémunération variable (année 2016-2017) - objectifs collectifs + individuels : 2 973 euros,
- congés payés afférents : 297,30 euros,
rappel de salaire au titre de la mise à pied disciplinaire : 303,64 euros,
- congés payés afférents : 30,34 euros,
dommages et intérêts pour mise à pied injustifiée : 1 000 euros,
dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat : 5 000 euros nets ;
fixer la moyenne de son salaire mensuel de son salaire à la somme de 6 027,64 euros ;
dire la demande en nullité de son licenciement recevable et bien fondée ;
dire le licenciement notifié nul et de nul effet (à titre principal) ;
ordonner sa réintégration aux effectifs de la société Acies ;
condamner la société Acies à lui payer la somme, sauf à parfaire, de 506 321,76 euros à titre de rappel de salaire depuis la rupture du contrat de travail jusqu'à sa réintégration effective (somme arrêtée au 15 mars 2024), outre 50 632,17 euros au titre des congés payés afférents ;
condamner la société Acies à lui payer la somme de 5 000 euros nette à titre de dommages et intérêts à raison du préjudice moral lié à la rupture injustifiée ;
à titre subsidiaire,
dire le licenciement notifié dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
condamner en conséquence la société Acies à lui payer la somme de 50 000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif ;
condamner la société Acies à lui remettre des bulletins de salaire, un certificat de travail et une attestation Pôle emploi rectifiés en fonction des condamnations prononcées, le tout sous astreinte de 100,00 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
se réserver le pouvoir de liquider ladite astreinte ;
à titre infiniment subsidiaire,
confirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a dit fondé à demander un repositionnement 3.1 coefficient 170, de façon rétroactive ;
confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société Acies consulting group à lui payer les sommes suivantes :
rappel de salaire par application du coefficient 170 (année 2014) : 967,38 euros,
congés payés afférents : 96,73 euros,
rappel de salaire par application du coefficient 170 (année 2015) : 961,00 euros,
congés payés afférents : 96,10 euros,
rappel de salaire par application du coefficient 170 (année 2016) : 961,00 euros,
congés payés afférents : 96,10 euros,
rappel de salaire par application du coefficient 170 (année 2017) : 488,67 euros,
congés payés afférents : 48,86 euros ;
en toute hypothèse,
condamner la société Acies à lui payer la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
ordonner la capitalisation des intérêts ;
condamner la société Acies consulting group aux entiers dépens ;
Selon les dernières conclusions de son avocat remises au greffe de la cour le 12 décembre 2023, ayant fait appel incident en ce que le jugement a accordé au salarié la position 3.1 coefficient 170 de façon rétroactive à compter de l'année 2014 et en ce qu'elle a été condamnée en conséquence à lui verser des rappels de salaire, la société Acies consulting group demande à la cour d'infirmer partiellement le jugement entrepris et statuant à nouveau de :
déclarer irrecevable la demande en rappel de salaire au titre d'un système de jours de réduction du temps de travail qui serait illicite, selon le principe de l'estoppel, la demande étant, en tout état de cause, nouvelle à hauteur d'appel ;
déclarer irrecevable la demande en nullité du licenciement présentée par M. [Aa] ainsi que sa demande de réintégration, outre un rappel de salaire pour un montant à parfaire de 759 482,50 euros depuis la rupture du contrat de travail jusqu'à sa réintégration effective (somme arrêtée au 15 mars 2024, outre 75 948,25 euros au titre des congés payés afférents), au motif que cette demande est nouvelle au sens des
articles R.1452-2 du code du travail🏛 et 70 du code de procédure civile (instance RG n° 17/01207 et 18/02360), puis prescrite (prescription annale) dans le cadre de l'instance introduite sous le n° RG 19/00503) ;
déclarer irrecevable, pour le même motif, la demande de dommages et intérêts à hauteur de 5 000,00 euros à raison d'un préjudice moral ;
débouter en conséquence M. [Aa] de l'intégralité de ses demandes.
condamner M. [Aa] à lui verser la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
lui laisser la charge de l'entier dépens de l'instance ;
à titre subsidiaire,
confirmer le jugement de première instance en toutes ses dispositions ;
à titre infiniment subsidiaire,
prononcer la compensation avec toute créance de salaire éventuel au titre d'heures supplémentaires, les jours de réduction du temps de travail pris, soit :
année 2014 : 8 heures x 12 jours x 22,46 euros = 2 156,16 euros
année 2015 : 8 heures x 12 jours x 22,46 euros = 2 156,16 euros
année 2016 : 8 heures x 12 jours x 22,46 euros = 2 156,16 euros
réduire le rappel de salaire pour rémunération variable pour l'exercice 2013/2014 à la somme de 1.710 euros (objectifs individuels) ;
réduire le rappel de salaire pour rémunération variable pour l'exercice 2014/2015 à la somme de 1.184,00 euros (objectifs individuels) ;
réduire à de plus justes proportions toute demande d'indemnisation au titre d'une prétendue nullité et réintégration, soit :
pour la période du 18 février 2019 au 23 janvier 2024, la somme de 178 140 euros nets,
à défaut, pour la période du 24 juillet 2018 au 23 janvier 2024, la somme de 195 954 euros nets,
à défaut, pour la période du 15 mars 2017 au 23 janvier 2024, la somme de 249 396 euros nets,
le tout, sous déduction de tout revenu, de quelque nature qu'il soit sur la période litigieuse, et sous déduction du montant de l'indemnité de licenciement, pour un montant de 8 624,00 euros nets.
La clôture des débats a été ordonnée le 14 décembre 2023 et l'affaire a été évoquée à l'audience du 23 janvier 2024.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties il est fait expressément référence au jugement entrepris et aux conclusions des parties sus-visées.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur l'exécution du contrat de travail
1- Sur les rappels de salaire par application du coefficient hiérarchique 210 position 3.2 de la convention collective et 170 position 3.1
Le salarié fait grief au jugement de le débouter de sa demande de repositionnement au coefficient hiérarchique 210 position 3.2, en faisant valoir que :
- son expérience, son expertise et la réalité de ses fonctions auraient dû lui permettre de bénéficier à tout le moins d'un coefficient 210, alors que la société l'a laissé positionné au niveau 2.3 coefficient 150 tout au long de leur collaboration ;
- il ressort de plusieurs documents internes à la société, notamment à usage de diffusion auprès des clients, que la société a entendu le gratifier du grade de consultant senior, lequel est attribué aux consultants justifiant d'une autonomie étendue sur leur domaine d'activité, d'un apport d'une forte valeur ajoutée sur leurs missions, d'une capacité à s'investir sur de nombreuses missions complexes en parallèle, d'une capacité à déléguer des travaux à d'autres consultants et à former des consultants ; sa valeur ajoutée ne saurait être contestée, ni le spectre étendu de ses compétences ou encore le fait qu'il a été responsable de plusieurs missions 'grands comptes' au cours desquelles il a eu l'occasion d'encadrer, sur la partie scientifique, un consultant junior (exercices 2015/2017 et 2016/2017) mais aussi un consultant confirmé (exercice 2016/2017) ;
- il disposait, dans le cadre de ses fonctions de consultant senior, d'initiative et de responsabilités importantes en ce qu'il pouvait susciter, orienter et contrôler le travail de ses subordonnés, comme spécifié dans la convention collective applicable, avec un commandement sur des collaborateurs et cadres de toute nature.
La société soutient que :
- le salarié ne peut solliciter ni le niveau 3.1, ni le niveau 3.2 puisqu'il n'assumait aucune responsabilité personnelle dans les missions qui lui ont été confiées, et agissait selon les directives qui lui étaient données par ses supérieurs hiérarchiques ou fonctionnels, en demeurant responsable de la direction des employés et techniciens ou ingénieurs travaillant à la même tâche, conformément à la définition de la position II de la convention collective applicable ;
- les éléments et titres formels, issus des documents produits par l'appelant, ne permettent pas de démontrer les fonctions réellement exercées, et la direction de salariés revendiquée par ce dernier ne constitue pas un critère classant de la position III.
***
Il appartient au salarié qui se prévaut d'une classification conventionnelle différente de celle dont il bénéficie au titre de son contrat de travail, de démontrer qu'il assure effectivement de façon habituelle, dans le cadre de ses fonctions, des tâches et responsabilités relevant de la classification qu'il revendique
Les fonctions réellement exercées, qui sont prises en compte pour déterminer la qualification d'un salarié, sont celles qui correspondent à son activité principale, et non celles qui sont exercées à titre accessoire ou occasionnel.
Aux termes de la convention collective nationale Syntec, les différentes classifications des ingénieurs sont ainsi définies :
position 2.3 coef 150 :
Ingénieurs ou cadres ayant au moins 6 ans de pratique en cette qualité et étant en pleine possession de leur métier ; partant des directives données par leur supérieur, ils doivent avoir à prendre des initiatives et assumer des responsabilités pour diriger les employés, techniciens ou ingénieurs travaillant à la même tâche.
position 3.1 coef 170 :
Ingénieurs ou cadres placés généralement sous les ordres d'un chef de service et qui exercent des fonctions dans lesquelles ils mettent en œuvre non seulement des connaissances équivalant à celles sanctionnées par un diplôme, mais aussi des connaissances pratiques étendues sans assurer, toutefois, dans leurs fonctions, une responsabilité complète et permanente qui revient en fait à leur chef.
Position 3.2 coef 210 :
Ingénieurs ou cadres ayant à prendre, dans l'accomplissement de leurs fonctions, les initiatives et les responsabilités qui en découlent, en suscitant, orientant et contrôlant le travail de leurs subordonnés. Cette position implique un commandement sur des collaborateurs et cadres de toute nature.
Le salarié ne rapporte pas d'élément justifiant qu'il occupait un poste de commandement sur les collaborateurs et cadres de toutes nature. En effet, le rapport d'entretien d'évaluation de l'année 2015/16 mentionne qu'il proposait des axes d'amélioration et de sécurisation en collaboration avec le 'DM' (directeur de mission) et qu'en ce qui concerne le 'savoir manager', il avait accompagné la formation d'un collègue ([U]) sur certaines parties de la mission Ab mais que la majorité des autres missions avait été réalisées par lui même, intervenant seul, dénotant ainsi qu'il n'exerçait pas de poste de commandement au sens de la convention collective. Il ne saurait donc prétendre à la position 3.2 coef 210 et le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a rejeté sa demande de rappel de salaire sur la base de ce repositionnement.
Néanmoins, comme l'a exactement considéré le conseil de prud'homme, au regard du niveau d'expert qui lui était conféré dans l'item 'savoir traiter une mission CIR/CII' et de ses tâches de pilotage de deux missions grands comptes, de sa maîtrise des périmètres techniques dans ces deux missions et les propositions d'axes d'amélioration et de sécurisation en collaboration avec le 'DM', le salarié qui est titulaire d'un doctorat en physique des matériaux, a mis en oeuvre des connaissances équivalentes à celles sanctionnées par un diplôme et des connaissances pratiques étendues qui lui ont été reconnues par son employeur. Le salarié avait en outre le grade de senior en 2014 comme il ressort de la fiche de 'synthèse COCH' saison 2013/2014. Ce faisant, et alors qu'il n'assure pas la responsabilité complète et permanente, puisque les propositions étaient faites avec son directeur de mission, le salarié est en droit de bénéficier de la position 3.1 coefficient 170 de la convention collective nationale. L'appel incident relevé par la société sur ce chef sera rejeté.
Le jugement entrepris sera en conséquence confirmé en ce qu'il a accordé au salarié le niveau 3.1 coef.170 à compter de l'année 2014 ainsi que les rappels de salaire consécutifs outre d'indemnités compensatrices de congés payés afférentes sur la base du salaire mensuel brut de 3.422,10 euros correspondant au dit coefficient, soit : 967,38 euros au titre de rappel de salaire sur l'année 2014 outre 96,73 euros à titre de congés payés afférents ; 961 euros au titre de rappel de salaire sur l'année 2015 outre 96,10 euros à titre de congés payés afférents ; 961 euros au titre de rappel de salaire sur l'année 2016 outre 96,10 euros à titre de congés payés afférents ; 488,67 euros au titre de rappel de salaire sur l'année 2017 outre 48,86 euros à titre de congés payés afférents.
2- Sur les heures supplémentaires
Le salarié fait grief au jugement de le débouter de sa demande de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires et soutient que :
A titre principal, sur la demande en paiement des heures supplémentaires effectuées à raison de 49,30 heures hebdomadaires
- la durée du travail prévue à l'article 5 de son contrat de travail était de 40 heures de travail effectif, ramenée à 38 heures hebdomadaires par l'octroi sur l'année de 12 jours supplémentaires de réduction du temps de travail, et l'horaire collectif théorique applicable à l'entreprise était de 42 heures hebdomadaires de travail ;
- la société a supprimé le système de double comptabilisation du temps de travail des salariés auxquels il était demandé de renseigner des feuilles d'heures dites 'TPHP' (temps personnel hebdomadaire passé) mais a continué, après l'arrêt de la cour d'appel de Lyon du 19 février 2013 ayant révélé l'existence de ce système, à exiger de ses salariés une charge de travail bien supérieure à la durée légale, tout en plafonnant à 40 heures l'outil informatique 'SMP' (suivi missions et projets) que doit renseigner chaque consultant, ce qu'ont dénoncé les membres du comité d'entreprise ;
- il réalisait a minima 9,30 heures supplémentaires par semaine, travaillait régulièrement bien au-delà de 49,30 heures hebdomadaires, et l'ampleur de ses heures supplémentaires est établie par de nombreux courriels démontrant qu'il a travaillé en dehors des horaires contractuels et collectifs, ce temps de travail étant notamment consacré à l'avancement technique des dossiers dont il avait la charge ;
- la société, qu'il a informée à plusieurs reprises, était consciente de sa charge de travail ;
- les relevés de badgeages et relevés login produits par la société constituent des pièces respectivement dépourvues de force probante et irrecevables, et en tout état de cause insuffisantes à établir sa durée du travail, et cette dernière ne verse aucune des procédures internes visées à l'article 5.1 8e alinéa de son contrat de travail ou autres outils de gestion du temps de travail ;
A titre subsidiaire, sur la demande en paiement des heures supplémentaires effectuées de 40 à 42 heures, le salarié fait valoir que le temps de présence de 42 heures exigé par la société de la part de ses collaborateurs s'entendait déduction faite de la pause méridienne ;
A titre subsidiaire, sur la demande en paiement des heures supplémentaires effectuées de 38 à 40 heures, le salarié soutient qu'il a, a minima, travaillé de manière hebdomadaire 40 heures, ce dont il ressort des tableaux de relevé des temps passés, comme des relevés de suivi de mission et projet [SMP] dont les temps mentionnés correspondent à du temps travaillé ; les heures travaillées de 38 à 40 heures n'étaient pas compensées par l'octroi de jours de réduction du temps de travail [JRTT], l'opposabilité d'un tel système supposant que la demande de jours de repos complémentaire en contrepartie d'une récupération du temps émane du salarié et que l'employeur définisse par écrit les modalités de récupération acceptées par le collaborateur ;
A titre infiniment subsidiaire, sur la demande en paiement des heures supplémentaires effectuées après 18 heures, le salarié fait valoir que les mails versés aux débats, dont la société se trouvait en copie, constituent les témoignages incontestables d'un travail effectif effectué au nom, pour le compte et à la demande de l'employeur.
La société conteste la réalisation d'heures supplémentaires par le salarié en soutenant que :
- le salarié a expressément accepté l'organisation suivante concernant sa durée du travail, à savoir 35 heures hebdomadaires de travail effectif, auxquelles s'ajoutait le versement de 3 heures supplémentaires prévues contractuellement, et la durée hebdomadaire de travail effectif fixée à 40 heures, correspondant à 38 heures de travail effectif en moyenne sur l'année, après l'octroi de 12 jours de réduction du temps de travail ;
- l'horaire collectif est reporté sur les SMP, lesquels font en effet apparaître comme durée moyenne de suivi du temps 'productif' 8 heures par jour et 40 heures par semaines pour 5 jours travaillés, mais les jours de réduction de temps de travail réduisent les semaines à 32 heures, induisant un temps de travail effectif de 38 heures en moyenne sur l'année.
A titre subsidiaire sur le rappel d'heures de la 38ème à la 40ème heure, les SPM produits, destinés à analyser et permettre le suivi en temps réel des temps de productifs de chaque mission/projet/activité, exprimés en durée productive et non en horaire de travail, n'est pas le même document auquel le salarié fait référence dans ses écritures, au visa d'un précédent litige concernant un document n'existant plus lors de son embauche ; le salarié n'a en aucun cas effectué 40 heures de travail effectif, chaque semaine durant toute l'année, compte tenu de l'octroi de 12 jours de RTT, et ce dernier n'étaye pas sa demande en versant les SPM ;
- l'octroi de jours de réduction du temps de travail sur l'année repose sur les dispositions expresses des articles 1 et 5 du chapitre 2 de l'accord national du 22 juin 1999, et non pas l'article 1 chapitre 4 visé par le salarié.
A titre subsidiaire, sur le rappel de salaire de la 40ème à la 42ème heure, la société rappelle que le régime de la preuve applicable est celui définit à l'
article L. 3171-4 du code du travail🏛 et, en l'espèce, le débat étant relatif à la détermination d'un temps de travail effectif et non à un temps de pause légal, il revient au salarié d'étayer sa demande ; ce dernier ne verse aucun autre élément qu'un tableau 'mécanique' contradictoire et sans horaires.
Très subsidiairement, le salarié travaillait 7,50 heures par jours, de 9h à 12h30 et de 14h à 18h, la durée de 40 heures de travail étant dès lors respectée.
A titre infiniment subsidiaire, concernant le prétendu travail effectif au-delà de 40 heures, le décompte proposé par le salarié à partir de ses courriels envoyés après 18h n'est pas recevable car non hebdomadaire, et la seule production des courriels litigieux envoyés le soir ne permettent pas d'établir l'amplitude de travail de l'intéressé.
***
La durée légale du travail effectif des salariés est fixée à 35 heures par semaine soit 151.67 heures par mois.
La durée du travail hebdomadaire s'entend des heures de travail effectif et des temps assimilés, étant précisé que selon les dispositions de l'
article L.3121-1 du code du travail🏛, la durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles.
Selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.
Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.
***
Aux termes du contrat de travail il est prévu que :
' A titre purement informatif, les modalités d'organisation et de gestion du temps de travail actuellement en vigueur se traduisent par un temps de présence hebdomadaire de 42 heures correspondant à 40 heures de temps de travail effectif, compte tenu d'un temps de pause régulièrement constaté et décompté de deux heures hebdomadaires.
Ce temps de pause, exclu de l'appréciation du temps de travail effectif, n'entre pas non plus dans le calcul de la rémunération.
Ce temps de travail effectif de 40 heures hebdomadaires est ramené à 38 heures hebdomadaires de travail effectif en moyenne par l'octroi pour une année complète de travail de 12 jours de repos supplémentaires par an, dits jours de réduction du temps de travail (RTT), sous réserve d'un temps de travail effectif suffisant.
Les modalités définies ci-dessus sont susceptibles d'être modifiées et/ou complétées par la société en fonction notamment de l'évolution des dispositions légales et/ou conventionnelles applicables.
M. [Aa] pourra par ailleurs être amené, sous réserve d'une demande préalable et expresse de la hiérarchie à effectuer des heures supplémentaires au-delà de la limite précitée de 38 heures de temps de travail effectif en moyenne.
La gestion du temps de travail de M. [Aa], notamment des temps de non-présence, s'effectue au moyen des procédures internes en vigueur sous le contrôle et après validation par le supérieur hiérarchique'.
La rémunération fixe mensuelle brute de M. [Aa] est fixée à 3 250 euros bruts se décomposant comme suit :
salaire de base pour 151,67 heures mensuelles : 2 935,49 euros
heures supplémentaires correspondant à 38 heures de travail effectif : 3 heures supplémentaires x 4,33 semaines en moyenne mensuelle = 13 heures au taux majoré de 25% soit 314,51 euros bruts.
Il est constant que les horaires collectifs applicables dans l'entreprise sont les suivants :
- du lundi au vendredi : 8h-12h30/14h-18h (8h30)
- le vendredi : 8h-12h30/ 14h-17h30 (8h), faisant un total hebdomadaire de 42 heures.
Le salarié qui affirme avoir travaillé au-delà de l'horaire collectif et ainsi avoir effectué 49,5 heures de travail hebdomadaire, verse aux débats les pièces suivantes :
- l'entretien annuel (Sena) de juillet 2014 au sein duquel il a précisé à son employeur : 'très forte implication sur ces dossiers en faisant des efforts - notamment en termes d'heures supplémentaires- pour sortir les dossiers en temps prévu' ;
- l'entretien annuel de mars 2015 au sein duquel il a précisé que : 'la charge de travail demandée pour sortir les dossiers dans les délais imposés a occasionné de forts dépassements horaires non payés et non récupérés' ;
- mail du 6 mars 2015 à M. [Ac] dans lequel il indique que : 'le volume d'heures pointées sur la rédaction ARTE 2013 sera sensiblement sous-évaluée en raison de l'important travail que nous avons réalisés en dehors de nos heures remontées par Sales force et cela alors que nous somme tous deux cadres non autonomes' ;
- mail du 25 mars 2016 de M. [Aa] à M. [Ac] mentionnant que : ' la prise en compte de l'important volume de 'temps cachés' que je consacrais à mes missions';
- une centaine de mails émanant du salarié envoyés à des horaires tardifs entre le 9 juillet 2014 et le 18 avril 2016 (19h26 et 21h34 le 8 avril 2016, 23h34 le 4 février 2016, 20h13 le 20 novembre 2015...)
- les bulletins de salaire pour les années 2014, 2015, 2016 prenant en considération les 13 heures supplémentaires mensualisées ;
- les tableaux pour chacune des années 2014, 2015 et 2016 mentionnant pour chacune des semaines de ces années et chacun des jours de la semaine, les horaires d'embauche et de débauche, la durée de la pause, le temps de travail accompli par jour, par semaine, le nombre d'heures supplémentaires accomplies par semaine, le coût des heures supplémentaires en fonction de la majoration de 25% ou de 50%, le total mensuel dû et le total annuel.
A ces éléments la société oppose l'acceptation par le salarié de l'organisation de la durée du travail sur la base d'une durée hebdomadaire de travail effectif de 40 heures correspondant à 38 heures de travail effectif en moyenne sur l'années après l'octroi de 12 jours de RTT, le paiement de 3 heures supplémentaires au taux majoré par semaine et produit aux débats les pièces suivantes :
- les fiches de suivi des missions et projets (SMP) indiquant les temps passés exprimés par missions projet, étape de processus, en heures et minutes par jour et par semaine et renseignées par le salarié, s'agissant de durées productives sans que ce soit un horaire de travail ;
- tableau récapitulatif des jours de congés, réduction du temps de travail, jours d'absence pour maladie du salarié au cours des années 2014 à 2016 ;
- tableaux des horaire de 'login' du salarié du 6 janvier 2014 au 9 mars 2017 mentionnant les horaires des activités informatiques du salarié , faisant apparaître une mise en marche de l'ordinateur aux alentours de 9h ;
- tableau des horaires de badgeage du salarié du 7 janvier 2014 au 5 mai 2016 faisant apparaître une arrivée sur les lieux entre 8h35 et 9h, essentiellement vers 9h et de manière exceptionnelle vers 7h40 (30 janvier 2014) ou 9h30.
En signant son contrat de travail, le salarié a accepté la clause selon laquelle les deux heures de travail hebdomadaires portant sur la durée de travail effectif de 38 heures à 40 heures seront compensées par des jours de RTT, dont il n'est pas contesté qu'il en a effectivement bénéficié, en sorte que ces deux heures ne peuvent être qualifiées d'heures supplémentaires.
La société soulève l'irrecevabilité de la 'demande' tendant à considérer que le système de réduction du temps de travail lui est inopposable dès lors que par application des
articles 1er du chapitre 4 et 5 du chapitre 2 de l'accord national du 22 juin 1999, pris en application de la loi n°98-461 du 13 juin 1998🏛, il est nécessaire qu'un accord d'entreprise prévoit ces jours de réduction du temps de travail mais également que le salarié ait accepté les modalités de récupération définies par l'accord d'entreprise et qu'il demande à en bénéficier.
Néanmoins, elle n'explicite aucunement la contradiction qu'elle invoque et s'agissant non d'une demande nouvelle mais d'un moyen nouveau invoqué à hauteur de cour, la fin de non recevoir tirée de l'estoppel sera rejetée.
Au sein des 42 heures de présence résultant des horaires collectifs, le contrat stipule deux heures de pause hebdomadaires.
Les temps de pause ne constituent pas du travail effectif et ne s'agissant pas de pauses légales, il incombe alors au salarié de justifier qu'il était à la disposition de l'employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles.
Si la présence du salarié pendant ces deux heures de pause était nécessaire, le salarié ne justifie pas qu'il était alors à la disposition de l'employeur sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles pendant ces deux heures hebdomadaires. Ces deux heures ne constituent donc pas du temps de travail effectif.
Les pauses méridiennes sont décomptées du temps de présence et de l'horaire collectif. Il ressort des décomptes du salarié que ce dernier prenait au moins une pause méridienne de l'ordre de 50 minutes par jour mais, il n'apporte pas d'élément portant sur les 40 supplémentaires de la pause permettant de considérer qu'il était alors à la disposition de l'employeur et qu'il ne pouvait pas vaquer librement à des occupations personnelles. L'horaire collectif intégrant une heure trente de pause méridienne sera donc retenu.
Il n'est pas contesté que la société a supprimé l'obligation des salariées de remplir les fichiers dit de 'temps personnel hebdomadaire passé' (TPHP) mais qu'il est demandé aux salariés de renseigner une fiche dite 'SMP'.
Il ressort des fiches SMP versées aux débats que le cumul journalier ne dépasse pas huit heures ni 40 heures par semaine, ce qui a été dénoncé par les représentants du personnel lors de la réunion du comité d'entreprise du 20 décembre 2013. La direction avait alors précisé que le SMP avait pour objectif de service de données d'entrée à la planification des missions, de servir de base de reporting au service de contrôle de gestion et de suivre la volumétrie globale des temps passés sur les missions, mais qu'il n'était en aucun cas un outil de pointage du temps de travail, un outil servant de base à la facturation ou un outil d'évaluation des collaborateurs. Mais cette réponse n'avait pas satisfait les représentants du personnel qui avaient fait savoir que l'utilisation plafonnée mais non réelle pouvait aboutir à une mauvaise planification des missions.
Le temps de travail productif au titre de l'outil SMP est défini comme le temps consacré au travail et uniquement au travail (production de valeur), que ne sont pas compris les temps de pause ni les temps non productifs, que les temps de déplacement productifs doivent être déclarés (ex : 1 heure de travail dans le train pour la mission X-2007), que les temps de déplacement non productifs ne doivent pas être déclarés. Il s'en infère que ces temps de travail productifs ne correspondent pas nécessairement à du temps de travail effectif ni qu'ils intègrent tous les temps de travail effectifs. Ils sont sans emport sur la durée effective de travail du salarié.
Les relevés de badgeage ne relèvent pas d'un mode de preuve irrecevable, dès lors que tout salarié titulaire d'un badge pour pouvoir entrer au sein des locaux sait pertinemment que les horaires d'entrée et de sortie en cas d'utilisation du badge sont enregistrés. En outre, ce moyen n'est pas utilisé comme contrôle du temps de travail mais seulement opposé au salarié qui revendique des heures supplémentaires. Il en est de même des relevés de Login qui ne sont pas utilisés par l'employeur pour contrôler son temps de travail mais seulement avancé comme élément opposé aux prétentions du salarié.
Il ressort de l'ensemble de ces éléments que la charge de travail du salarié avait été importante au cours des années 2014 à 2015, compte tenu de la prise en charge de missions grands-comptes et de la restitution des travaux dans des délais contraints et qu'elle avait rendu nécessaire l'exécution d'heures supplémentaires pour tenir les délais impartis. En effet, le supérieur hiérarchique avait mentionné au sein du 'SENA 2015" que la charge de travail réalisée cette année avait été très importante puisque deux années de la mission Essilor avaient été livrées en l'espace de six mois.
Ce faisant, et au regard des nombreux courriers de travail postérieurs aux horaires collectifs, le salarié a accompli au cours des années 2014 à 2016, des heures supplémentaires mais non à hauteur de 49,5 heures par semaine ni même systématiquement à hauteur de 42 heures par semaine comme il le prétend.
Compte tenu des jours de réduction du temps de travail, la société sera condamnée à payer au salarié les sommes suivantes au titre des heures supplémentaires accomplies et non rémunérées, calculées sur la base du coefficient 170 :
- année 2014 : 56,25 x (22,56 x 1,25) = 1 586,44 euros outre
158,64 euros au titre de l'indemnité de congés payés afférente,
- année 2015 : 70 x ( 22,56 x 1,25) = 1 974,00 euros outre
197,40 euros au titre de l'indemnité de congés payés afférente,
- année 2016 : 20,5 x (22,56 x 1,25) = 578,10 euros outre
57,81 euros au titre de l'indemnité de congés payés afférente.
Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a débouté le salarié de toute demande de rappel de salaire au titre d'heures supplémentaires.
3- Sur la non-information du droit à contrepartie obligatoire en repos
Le salarié conteste le jugement entrepris en ce qu'il la débouté de sa demande de dommages et intérêts pour non-information du droit à repos compensateur, puisqu'en dépit de la réalisation d'heures supplémentaires, la société ne l'a jamais informé de la possibilité qu'il avait de bénéficier de repos compensateurs légaux à hauteur du nombre de ces heures accomplies.
La société fait valoir que la demande du salarié ne saurait aboutir, tant à titre principal qu'à titre subsidiaire, et rappelle que le salarié a été déclaré apte invariablement à son poste.
***
Le salarié fonde sa demande sur les dispositions de l'
article L. 3121-11 du code du travail🏛, lesquelles prévoient dans leur rédaction issue des dispositions de la
loi n°2008-789 du 20 août 2008🏛, que :
Une convention ou un accord collectif d'entreprise ou d'établissement ...fixe l'ensemble des conditions d'accomplissement d'heures supplémentaires au-delà du contingent annuel ainsi que les caractéristiques et les conditions de prise de la contrepartie obligatoire en repos due pour toute heure supplémentaire accomplie au-delà du contingent annuel, la majoration des heures supplémentaires étant fixée selon les modalités prévues à l'article L. 3121-22... A défaut d'accord collectif, un décret détermine ce contingent annuel et les caractéristiques et les conditions de prise de la contrepartie obligatoire en repos pour toute heure supplémentaire accomplie au-delà du contingent annuel.
Selon les dispositions de l'article 18-IV de la loi sus visée, la contrepartie obligatoire en repos due pour toute heure supplémentaire accomplie au-delà du contingent est fixée à 50% pour les entreprises de vingt salariés au plus et à 100% pour les entreprises de plus de vingt salariés.
Le contingent annuel d'heures supplémentaires applicable est de 130 heures, en sorte que le salarié qui a accompli 212,25 heures supplémentaires en 2014, 226 heures supplémentaires en 2015 et 176,5 heures supplémentaires en 2016 avait droit à une contrepartie obligatoire en repos. Or l'employeur n'a pas informé le salarié de son droit à contrepartie en repos.
Tout salarié dont le contrat est rompu avant qu'il ait pu bénéficier d'un repos compensateur reçoit une indemnité en espèce correspondant à ses droits acquis comprenant l'indemnité de congés payés. Il ne peut prétendre à indemnité compensatrice de congés payés indépendante en plus de l'indemnité.
En considération des heures supplémentaires accomplies au delà du contingent annuel de 130 heures, du droit à contrepartie obligatoire en repos équivalent à 100% de ces heures et du coefficient 170 applicable correspondant à un salaire horaire de 22,56 euros, M. [Aa] est en droit de bénéficier des sommes suivantes à titre d'indemnité :
- année 2014 : 1 855,78 + 185,57 = 2 041,35 euros
- année 2015 : 2 165,76 + 216,57 = 2 382,33 euros
- année 2016 : 1 049,01 + 104,90 = 1 153,91 euros
Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a débouté le salarié de toute demande au titre du défaut d'information à contrepartie obligatoire en repos.
4- Sur le travail dissimulé
Le salarié soutient que la société, qui n'ignorait ni la réalité ni l'ampleur de ses heures supplémentaires en raison des mails échangés et des outils mis en place, s'est délibérément abstenue de procéder au paiement de ses heures supplémentaires et s'est rendue coupable de l'infraction de travail dissimulé.
La société fait valoir que le salarié sera débouté de ses demandes, étant soumis à l'horaire collectif, et l'intention de dissimuler une activité ne saurait être caractérisée par un désaccord relatif au volume des heures effectuées ou à l'existence d'un travail commandé pour l'employeur.
Il résulte de l'
article L.8221-5 du code du travail🏛 que la dissimulation d'emploi salarié n'est caractérisée que si l'employeur a, de manière intentionnelle, mentionné sur le bulletin de paye un nombre d'heure de travail inférieur à celui réellement effectué.
En l'espèce, le salarié avait informé l'employeur de l'existence d'heures supplémentaires dans le cadre des supports d'évaluation. L'employeur connaissant cette situation et le supérieur hiérarchique avait validé leur existence en indiquant que la charge de travail réalisée cette année (2015) avait été très importante puisque deux années de la mission Essilor avaient été livrées en l'espace de six mois. En éludant le paiement des heures supplémentaires qu'il savait ainsi avoir été effectuées, l'employeur a manifesté son intention de dissimulation et le salarié, dont le contrat a été rompu, est en droit de percevoir l'indemnité de travail dissimulé de l'
article L. 8223-1 du code du travail🏛 correspondant à six mois de salaire, soit la somme de 26 618,34 euros.
Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande d'indemnité de travail dissimulé.
5- Sur la rémunération variable
Le salarié fait grief au jugement de le débouter de sa demande en paiement de la rémunération variable et fait valoir que :
- sa rémunération variable annuelle a été fixée unilatéralement par l'employeur au moyen de lettres de cadrage, selon des critères abscons et subjectifs concernant les objectifs individuels ;
- au titre de l'exercice 2013/2014, non seulement les objectifs collectifs n'ont pas été définis en début d'exercice et ne lui ont pas été communiqués de sorte qu'ils ne lui sont pas opposables, mais la société a informé les salariés lors d'une réunion, et par diffusion d'une note d'information le 30 juin 2014, qu'il s'agissait non plus d'un objectif de chiffre d'affaires 'new business' mais tout simplement d'un chiffre d'affaires réalisé à hauteur de 4 750.000 euros pour déclencher au maximum 120% de la prime collective ; concernant son objectif individuel, la société ne justifie pas l'avoir informé en son temps des dits objectifs, et n'apporte aucun élément démontrant qu'il ne les auraient pas atteints, alors que la charge de la preuve lui incombe ;
- concernant l'exercice 2014/2015, la société, à qui il revient de justifier par des éléments comptables objectifs ses résultats sur la période, ne lui a rien versé au titre des objectifs collectifs ; le défaut de communication opposé par la société ne saurait justifier le non-paiement de la prime individuelle, qu'il aurait dû percevoir dans son intégralité ;
- au titre de l'exercice 2015/2016, les critères d'attribution des points pour l'objectif individuel, dont il conteste l'annotation, étaient subjectifs : il démontre ainsi qu'il respectait les deadlines et anticipait les problèmes éventuels, rien ne justifiant que ne lui soit pas attribués tous les points de ce critère ;
concernant le respect des temps planifiés, et du reproche de commencement tardif de la mission Ad, il l'a débutée 7 jours après avoir été informé de son attribution, et avait commencé à travailler dès prise de connaissance des éléments communiqués, dans un contexte de période traditionnellement dense en terme de charge de travail ;
concernant la qualité des livrables, la société ne saurait justifier la non-attribution de points alors qu'elle indique que ses livrables sont d'une qualité suffisante ;
concernant les critères relatifs à la relation clients et au remplissage 'savoir-faire reporting', la totalité des points aurait du lui être attribué compte tenus des avis de son supérieur hiérarchique dans son support d'entretien annuel ;
- au titre de l'exercice 2016/2017, il est le seul salarié dans sa catégorie dont le montant du chiffre d'affaires à générer pour atteindre son objectif individuel a augmenté, sans justification.
Au soutien de la confirmation de la décision, la société fait valoir que :
- le contrat de travail du salarié prévoit que les objectifs seront fixés par annexe, conduisant à la possibilité d'une fixation unilatérale des objectifs ;
- au titre de l'exercice 2013/2014, et concernant les objectifs collectifs, la note d'information du 30 juin 2014 fait référence au même chiffres d'affaires que celui précisé dès le 29 novembre 2013, en le déclinant à la baisse de manière favorable pour les salariés, et confirme bien la fixation des objectifs collectifs, lesquels ont bien été portés à la connaissance du salarié ; concernant les objectifs individuels, ils ont été détaillés le 17 décembre 2013, après un entretien du 13 décembre 2013, et la période d'évaluation qui n'était pas contractualisée a été fixée du 1er décembre 2013 au 30 juin 2014, seul pouvant être retenu le caractère réalisable des objectifs fixés pour cette période ;
- au titre de l'exercice 2014/2015, le chiffre d'affaires à atteindre au 30 juin 2015 pour déclencher les objectifs collectifs n'a pas été atteint ; les objectifs individuels pour cet exercice ont été fixés le 1er août 2014 et évalués le 25 juin 2015, mais le défaut de communication du salarié a été révélé ;
- au titre de l'exercice 2015/2015, l'objectif collectif a été explicité le 27 juillet 2015 et l'ensemble des consultants ont perçu une somme identique ; concernant les objectifs individuels, elle n'a attribué au salarié qu'un point sur deux pour le respect des deadlines, en raison du non-respect de la date limite pour la réalisation de la mission Essilor, l'appréciation du critère étant objective ;
concernant le respect des temps planifiés, ils n'ont pas été respectés par le salarié tant pour la mission Ad que pour la mission Constellium, et dépassés s'agissant des dossiers VTFR, VOGF et Serimax, la cotation étant objectivement démontrée ;
concernant la qualité des livrables, le salarié n'a pas respecté le process ACE 2.0, tout comme le fichier de gestion des risques ;
concernant la relation client, la déresponsabilisation dont le salarié a fait preuve dans le dossier Ad justifie à tout le moins la retenue de 0,5 points ;
la minoration du critère de remplissage/reporting est justifiée en raison du comportement non collaboratif du salarié ;
- au titre de l'exercice 2016/2017 et de l'objectif individuel, le chiffre d'affaires a effectivement évolué, mais seulement pour la note maximale, et non seulement le salarié pouvait parfaitement réaliser le chiffre d'affaires fixé, mais il a perçu presque la totalité de la prime escomptable nonobstant une qualité discutée, ou encore une relation client perfectible voire déresponsabilisée de sa part.
Le contrat de travail stipule qu'à la rémunération fixe s'ajoute le cas échéant une part variable de rémunération liée à la réalisation d'objectifs fixés annuellement par annexe.
Il s'en infère la fixation unilatérale d'objectifs annuels par l'employeur
5-1- Sur l'exercice du 2013/2014
Les objectifs 2013/2014 ont été définis le 29 novembre 2013 pour un exercice se terminant le 30 juin 2014 selon note interne destinée à l'ensemble des collaborateurs de la direction consulting dont il n'est pas contesté que le salarié fait partie. Il en a eu nécessairement connaissance dès lors qu'il produit la pièce. Il en ressort que la période d'évaluation a été reportée et que les objectifs collectifs seraient exceptionnellement mesurés sur la période du 1er novembre 2013 au 30 juin 2014 et les objectifs individuels sur la période courant du 1er décembre 2013 au 30 juin 2014.
La répartition des parts individualisées et collectives pour le calcul de la rémunération variable était fixée aux pourcentages suivants :
objectif de productivité : 11% du variable
objectif collectif : 50%
objectif individualisé : 39%.
Les objectifs collectifs ont été définis au sein de la note du 29 novembre 2013. Ils étaient liés à l'atteinte sur la période d'évaluation d'un chiffre d'affaires 'new business' de 4,7K euros pour l'ensemble de la société, toutes directions confondues.
Par note du 30 juin 2014, il a été précisé que l'objectif de chiffre d'affaires new business réalisé de 4,750Keuros donnait lieu à 120% de la prime collective obtenue, le CA de 4,250K euros à 100%, le CA de 3,800 K euros à 75%, 3,250 K euros à 50% et le CA inférieur à 3,250 K euros à aucune prime.
Ces notes ont été diffusées en interne à l'ensemble des collaborateur de la direction consulting dont faisait partie le salarié, en sorte qu'il ne saurait prétendre qu'il n'a pas été informé des objectifs collectifs.
La modification même tardive du seuil de déclenchement de l'objectif collectif en fin de période d'évaluation, ne fait pas grief au salarié, dès lors que le seuil de déclenchement avait été revu à la baisse, en faveur des salariés et que l'objectif ainsi défini n'empêchait pas sa réalisation.
Contrairement à ce que prétend le salarié, la prime collective était conditionnée à l'atteinte de l'objectif New business.
Ce faisant le salarié est mal venu de prétendre que les objectifs collectifs n'ont pas été définis en début de période.
Il ressort l'attestation du directeur financier corroborée par les pièces jointes (tableau Excel intitulé Pacte Vif - tableau REPO CA 2013-2014 du 1er août 2014) que le seuil de déclenchement de la prime collective correspondant au chiffre d'affaires new Business n'a pas été atteint.
Il n'est pas contesté qu'il s'agissait d'un nouveau mode de rémunération variable. Il n'avait donc pas d'élément de comparaison pour le fixer. Par ailleurs l'année suivante, il est revenu à un objectif de 'chiffre d'affaires minimum société' et non plus de nouvelles affaires. Ce faisant, au regard du défaut d'atteinte de cet objectif collectif et de la baisse du seuil de déclenchement de la prime collective outre du retour à un objectif de chiffre d'affaires pour la société l'année suivante, il y a lieu de considérer que l'objectif fixé pour l'exercice 2013/2014 était irréalisable.
En conséquence, le salarié est en droit de percevoir l'intégralité du montant de la rémunération variable au titre de l'objectif collectif pour l'exercice 2013/14, soit un rappel de salaire à hauteur de la somme sollicitée de 4 384,78 euros outre 438,47 euros au titre de l'indemnité de congés payés afférente.
Les objectifs individuels ont été notifiés individuellement au salarié à la suite de l'entretien du 13 décembre 2013 portant sur la définition de ceux-ci, le 17 décembre 2013.
Représentant 39% de la part variable pour l'année et sur la période d'évaluation du 1er décembre 2013 au 30 juin 2014, ils étaient les suivants :
- des objectifs communs à tous les consultants dont un objectif lié à l'attitude et au comportement : 'chaque consultant doit avoir une attitude et un comportement en rapport avec sa fonction et l'image d'excellence des services véhiculée par la société tant chez les clients qu'en interne' ;
- des objectifs personnalisés dont : veiller à bien communiquer avec ses directeurs de mission ;
- assurer l'exhaustivité du périmètre technique sur ses missions, notamment sur les missions au résultat et superviser en tant que responsable scientifique sur certaines missions le travail des autres consultants scientifiques ; rédiger des argumentaires techniques de qualité à mettre en regard des exigences actuelles des contrôles ; respecter le processus OP4 sur ses missions d'accompagnement au CIR ainsi que la procédure d'assistance à contrôle ; être acteur dans les remontées d'information terrain ou réseaux et, le cas échéant, participer en tant que support au développement commercial ; participer au respect du planning des DOJU 2012/2013 et 2013/2014 tel que validés par les DM et RS ; afin d'optimiser les ressources et le staffing, prévenir son RHI de sa disponibilité afin d'exploiter au mieux ce temps disponible ; respecter les règles d'utilisation des outils de reporting mentionnés dans la section 4 'outils de suivi ( CRM- mise à jour régulière des données portant sur les missions, les affaires et les contacts, tableau de bord- mis à jour chaque semaine, RPHP- rempli pour le jeudi soir avant 16h, SMP- rempli en fin de semaine, OCP- renseigné en temps réel).
La société a attribué au salarié une part de 3,9% au titre des objectifs individuels alors que le taux maximal était fixé à 7,8%.
Au regard du support d'évaluation de la saison 2013/14, le supérieur hiérarchique a noté les points positifs mais a également mis en exergue :
- sur l'item 'être acteur des remontées de terrain', qu'il n'y avait eu qu'une remontée de terrain, que cela pouvait être amélioré sur les aspects réseaux ;
- les DOJU étaient tous sortis comme prévu mais en dernière minute pour les DOJU Vallourec,
- aucune disponibilité remontée ;
- plusieurs oublis d'envois le jeudi pour le RPHP ;
- TBDO, pas toujours à l'heure et également après plusieurs relances,
- si le salarié avait un bon esprit de synthèse, une bonne capacité d'écoute du client, qu'il était travailleur et sérieux, qu'il gérait bien ses missions avec une bonne connaissance de ses dossiers, ses faiblesses se portaient sur la communication avec les autres collaborateurs et le peu de remontées de développement commercial, que les axes de progrès se portaient sur l'ouverture aux autres collaborateurs, la participation à l'entraide entre CS quand nécessaire, la participation plus active au développement business.
Ainsi au regard des faiblesses mises en évidence, le salarié ne pouvait pas obtenir l'intégralité de la part de la rémunération variable individuelle.
Si ce dernier a fait état de son désaccord avec cette évaluation par courriel du 29 août 2014, ce mail manifeste la communication radicale du salarié : 'En interne, communication à améliorer' : peux tu me dire ce que cela signifie' Est-ce-que c'est pour avoir expliqué à certains collaborateurs ce que je pensais de leur attitude, eux qui avaient pris l'habitude de transformer, entre 2 pauses café, le bureau dans lequel je suis en cour de récréation' Ai-je traumatisé ces jeunes collaborateurs' Ces mises au point auraient sans doute dû être faites par un autre que moi, plus ancien et amené à occuper des fonctions de management. Protéger ces collaborateurs (qui ont, sans doute, l'avantage d'être plus admiratifs que moi de la personne en question) au détriment de la productivité de l'équipe...', corroborant l'avis du manager dans les progrès à effectuer sur ce point.
Ce faisant, les objectifs individuels qui étaient compréhensibles et vérifiables, n'avaient pas tous été remplis. Le salarié sera débouté de sa demande de rappel de salaire au titre des objectifs individuels 2013/14.
5-2- Sur l'exercice 2014/2015
Par note interne du 3 juillet 2014, diffusée à l'ensemble des collaborateurs de la direction du consulting, la société a informé le salarié de la politique de management par objectif 2015. La période d'évaluation était ainsi fixée pour les objectifs individuels comme collectifs sur l'exercice fiscal du 1er juillet 2014 au 30 juin 2015. La répartition des parts individualisées et collectives étaient définie :
objectif collectif représentant 33,33% de la part variable et 0,80 mois de salaire
objectif individualisé représentant 66,67% de la part variable et 1,6 mois de salaire
total 2,4 mois de salaire.
L'objectif collectif était lié à l'atteinte sur la période d'évaluation d'un chiffre d'affaires minimum société de 13,5Meuros s'agissant du seuil de déclenchement.
Les objectifs individualisés étaient définis au cours de l'entretien annuel avec le RHI qui se déroulait au cours du mois de juillet 2014.
Il ressort de l'attestation du directeur financier, M. [P], que le niveau du chiffre d'affaires n'a pas permis le déclenchement de la prime collective, corrobé par la liasse fiscale de l'exercie qui mentionne un chiffre d'affaires de 12 801 935 euros, inférieur au seuil de déclenchement, qui correspondait au chiffre d'affaires de l'année précédente. Le salarié ne saurait donc prétendre au paiement de la prime d'objectif collectif.
Les objectifs individuels ont été fixés et notifié au salarié le 1er août 2014 qui étaient les suivants :
- objectifs communs à tous les consultants : les respect des valeurs communes, dont l'engagement et le respect mutuel (travailler en équipe, s'entraider et créer un contexte propice à la réalisation des objectifs communs) ; des objectifs opérationnels (exhaustivité et optimisation, traçabilité des travaux réalisés, anticipation des intervention, réduction des délais sur les dossiers) ;
- objectifs du collaborateur : respect du process OP4 sur les missions d'accompagnement au CIR, respect des règles d'utilisation des outils Sales force et de reporting mentionnées dans la sections 'outil de suivi ' (idem année précédente) ; créer les conditions favorables au bon renouvellement des contrats par la qualité des travaux et livrables réalisés sur le missions ; être à l'écoute des interlocuteurs et faire remonter aux directeurs de mission toute information ou proposition pertinente permettant d'améliorer les intervention de la société sur les missions dont contribuer à l'obtention d'honoraires complémentaires sur l'analyse du périmètre GE Ingénierie ; optimiser le ratio temps passé/honoraires global des missions ; informer par anticipation et au quotidien le responsable hiérarchique de ses disponibilités pour la prise en charge de missions et de projets non prévus au portefeuille initial de début d'exercice.
Le salarié a obtenu 80% de la prime individuelle.
Le support d'entretien d'évaluation de l'exercice 2014/2015 met en exergue ses forces mais également ses faiblesses, à savoir :
- en matière de comportement qu'en interne, le salarié était trop renfermé, qu'un manque de communication avec les autres collaborateurs était noté, qu'il ne partageait pas ses expériences et n'avait pas de réelle ouverture vers les autres consultants, même au sein de l'équipe ;
- en matière de développement business, qu'une participation pour des appels d'offres et prospects serait intéressante ;
- les points à améliorer : ouverture vers ses collègues ; nécessiter de créer des groupes de travail et de fédérer les consultants autour de la filière métallurgique dans le cadre du poste de référent filière attribué en début de saison ; possibilité de dégager du temps pour prendre de nouvelles missions en tant que DM sur les PME-ETI. Les faiblesses en matière de communication avaient déjà été notées l'année précédente et se confirmaient encore lors de cet exercice.
Ce faisant l'objectif individuel n'était pas atteint à 100%. Le salarié sera débouté de sa demande rappel de salaire variable au titre de cet exercice.
5-3- Sur l'exercice 2015/2016
Les objectifs ont été définis dans la lettre de cadrage du 27 juillet 2015 dans laquelle le Pay Plan a été joint en annexe et notifiés au salarié le 31 août 2015.
Les objectifs collectifs étaient calculés au moyen d'une note sur 10 en fonction du chiffre d'affaires sur l'entreprise généré en ACG en M euros (0 à 5 selon le chiffre d'affaires de 10,7 = 0 ; 10,9 =1 ;... à 12,5 et plus = 5) et en fonction de l'avancement de facturation calculé sur l'entreprise (0 = 60% ;...5 = 85%).
La note individuelle était sur 20 points avec un nombre de point défini en fonction du chiffre d'affaire porté par le consultant en K euros (0 = 170 ; 1 = 180 ;...; 10 = 270 et +) et en fonction de 5 items ( 2 points par item : respect des deadlines, respect des temps planifiés, qualité des livrables, relation client, remplissage SF/reporting).
La somme des points obtenus donnait lieu à un pourcentage du variable (0 =0 ;1 = 3%; 2 =7% ;...29 = 97% ; 30 = 100%).
Il ressort du support d'entretien annuel de l'exercice que l'objectif collectif était de 7/10 avec un chiffre d'affaires généré de 11,7Meuros correspondant à 3 points et un pourcentage de facturation de 80% correspondant à 4 points. Ainsi l'employeur a parfaitement calculé le montant de l'objectif collectif, étant précisé que les chiffre d'affaires et pourcentage de facturation ne sont pas contestés. Le salarié sera débouté de sa demande de rappel de prime collective au titre de cet exercice.
En ce qui concerne les objectifs individuels, les critères prévus ne présentent pas de caractère subjectif . Ils ne sont compréhensibles, non abscons et objectifs.
Le salarié a obtenu 13,5/20 :
- CA généré : 9/10
- respect des deadlines : 1/2
- respect des temps planifiés : 0/2
- qualité des livrables : 1/2
- relation client : 1,5/2
- remplissage SF/reporting :1/2.
Le respect des deadlines n'a pas été total puisque le salarié lui-même reconnaît qu'il a dans le dossier Essilor sollicité la directrice de mission, en octobre 2015, pour lui indiquer que la date de clôture à la fin juin 2016 était trop ambitieux' et que c'est à sa demande que la date de livraison a été repoussée d'un mois. Il ne pouvait donc pas obtenir l'intégralité des points sur cet item.
La note de 0 sur les temps planifiés a été notamment motivée par le fait que la mission Ad aurait dû commencer en novembre et que les premiers contacts n'ont été pris qu'en décembre par l'envoi d'un mail le 7 décembre alors que 13h avaient été réalisées hors mission et qu'ainsi la prise de contact aurait pu être anticipée. S'il résulte du courriel de Mme [M] du 30 novembre 2015 que ce n'est à cette date qu'elle a informé le salarié de la réception du contrat signé et du transfert de la mission en lui confirmant sa qualité de DM sur cette mission, il n'en demeure pas moins qu'il s'en déduit que le salarié avait connaissance de l'attribution de cette mission bien avant cette date. Ce faisant, c'est à tort qu'il se décharge de toute responsabilité sur Mme [M] et que l'employeur a justifié l'absence de point pour cet item, étant précisé que l'insuffisance de son implication en terme de temps de travail (lequel était quantifié) dans la mission Constellum au sein de laquelle il était responsable scientifique, avait été notée, en faisant valoir qu'il aurait dû se dégager du temps dans celle-ci, compte tenu de l'allocation de ressources supplémentaires sur la mission Vallourec et de ce qu'il avait pointé près d'un mois et demi hors mission.
Sur le critère de qualité des livrables, l'employeur a indiqué que les livrables étaient généralement de qualité suffisante, mais qu'un manque de temps à y consacrer était à noter, que le salarié devait également améliorer sa maîtrise et le respect du process Ace 2.0, les étapes missions n'étant pas suffisamment respectées (le process prévoit l'envoi du RACA une semaine après le LANO, ce qui n'a pas été le cas sur SMPE pour exemple avec 4 mois de délai entre le LANO et la rédaction du RACA) et les outils à disposition non systématiquement utilisés (chier d'ATEC gestion des risques).
La qualité des livrables intègre tous les livrables prévus dans le cadre de la mission, dont le respect des process, ce qui n'a pas été toujours le cas, en sorte que la note de 1/2 est pleinement justifiée par l'employeur.
En ce qui concerne la relation client, la note de 1,5/2 est pleinement justifiée par la déresponsabilisation du salarié dans le dossier Ad, n'ayant aucunement pris attache avec le client courant novembre alors même que la mission devait être terminée fin décembre et que la cliente.
Sur le remplissage SF/reporting, l'évaluateur a noté un manque de reporting et de communication relevé par le RDH et les DM grands comptes et ce alors que ce point avait été déjà soulevé lors de la dernière évaluation. Le responsable scientifique doit informer de l'avancée de ses travaux, pas seulement par le biais d'un pourcentage d'avancement dans le RPHP, il doit améliorer sa communication interne en donnant de l'information précise aux DM et RHD sur ses interventions chez les clients, sur les méthodologies appliquées, sur les retours de LANO, ATEC, BIPE etc. Ainsi l'employeur a objectivé la note de 1/2 attribuée sur cet item et l'intégralité de la prime d'objectifs individuels.
Le salarié sera débouté de sa demande de rappel de salaire variable au titre de cet exercice.
5-4- Sur l'exercice 2016/2017
Le salarié n'apporte aucun élément de comparaison pour prétendre qu'il était le seul dont le chiffre d'affaires généré par consultant avait été augmenté de plus de 10%. Aucune inégalité de traitement à ce titre ne saurait être retenue.
La société a justifié de manière objective au sein du support d'évaluation les notes attribuées au salarié sur chacun des critères et le salarié sera débouté de sa demande de rappel de salaire variable au titre de cet exercice, s'agissant d'un exercice incomplet pour le salarié qui ne pouvait obtenir qu'un maximum de 8,5 douzième du maximum de 8 880 euros.
Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a débouté le salarié de ses demandes de rappel de salaire variable sauf en ce qui concerne la rémunération au titre de l'objectif collectif 2013/2014.
6- Sur la mise à pied disciplinaire
Le salarié soutient que la société l'a sanctionné à raison de la longueur de ses mails et de l'usage d'une liberté fondamentale rappelée aux
articles 10 et 11 de la convention européenne des droits de l'homme🏛, alors que ses messages n'avaient d'autre objet que de répondre à ceux qui lui avaient été adressés par la direction ; il n'a par ailleurs pas dissimulé le matériel d'enregistrement utilisé lors de son entretien avec M. [K], lequel a pu constater dès le début de la réunion que son téléphone portable était posé en évidence sur la table, avec le mode enregistreur activé ; la sanction n'est pas justifiée et non proportionnée au fait litigieux.
La société fait valoir que bien qu'elle ait alerté le salarié à plusieurs reprises sur son comportement non professionnel, il a perduré de manière continue, notamment à la fin de l'année 2015, puis en 2016, année au cours de laquelle elle a été contrainte de constater l'absence de collaboration possible avec son salarié et que ce dernier a manifesté une attitude d'opposition systématique aux requêtes collaboratives qui étaient formulées ou acceptées sous toutes réserves, manifestant une exécution déloyale.
***
Par courrier du 19 septembre 2016, le salarié a été sanctionné d'un mise à pied de deux jours qui prendra effet les 21 et 22 septembre 2016 pour avoir :
- un comportement inapproprié et incompatible avec son statut de cadre dans les termes suivants :
'Vous complexifiez tout échange que ce soit avec les collaborateurs ou la direction comme le montrent les nombreuses correspondances échangées de façon systématique au cours de l'année.
Vous avez été alerté de votre difficulté à ajuster votre communication, tant vis-à-vis de vos responsables hiérarchiques que vis-à-vis de vos collaborateurs, notamment dans le document de votre évaluation pour l'exercice 2014/2015.
Depuis votre retour de congé le 22 août 2016, vous n'avez eu de cesse d'écrire de longs mails à vos interlocuteurs hiérarchiques alors qu'un échange verbal aurait été plus rapide, plus efficace et facilite les relations de travail.
Vous évoquez en outre votre incapacité à organiser votre travail en raison, entre autres, d'éléments qui ne vous auraient pas été transmis alors qu'il vous appartient d'aller les chercher.
Cadre expérimenté, rompu aux outils et méthodes de planification d'une société de conseils, vous semblez ignorer que la prise d'initiative, la communication verbale et l'anticipation sont à privilégier dans la gestion de votre temps de travail.
En agissant comme vous le faites, vous vous comportez comme un simple exécutant et vous faites montre d'un attentisme qui n'est plus acceptable.
Plus grave, lundi 29 août 2016, alors que le vice-président, M. [R] [K] vous a invité à venir échanger librement dans son bureau, vous l'avez enregistré à son insu, dans un premier temps, via le téléphone posé sur la table de réunion.
Ce n'est que voyant un compteur tourner sur votre téléphone que M. [K] a été alerté et vous a demandé si vous étiez entrain de l'enregistrer. Vous avez répondu par l'affirmative. Ce comportement est déloyal et constitue une marque de défiance supplémentaire à l'égard de l'encadrement, marque de méfiance et de défiance que l'on retrouve également dans vos mails (...)'.
Il est ainsi reproché au salarié son mode d'expression au moyen de longs mails au lieu d'échanges verbaux plus fluides mais également un comportement déloyal qui se manifesterait pas la défiance envers sa hiérarchie retrouvée dans ces courriers et par l'enregistrement de l'entretien avec le vice-président. Il ne lui est pas reproché d'opposition ou d'insubordination.
Le mode d'expression fait partie intégrante de la liberté d'expression.
Le salarié jouit, dans l'entreprise et en dehors de celle-ci, de sa liberté d'expression et ne peut être apporté à celle-ci que des restrictions justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnelle au but rechercher. Le salarié ne peut abuser de cette liberté en tenant des propos injurieux, diffamatoires ou excessifs.
Les mails qu'il a envoyé à ses supérieurs hiérarchiques ne comportent aucun propos injurieux, excessif ou diffamatoire en sorte que la façon de communiquer au moyen de longs mails avec ses supérieurs au lieu d'échanges verbaux plus fluides caractérise une atteinte à la liberté d'expression qui n'est aucunement justifiée par l'employeur par la nature des tâches à accomplir. Au regard du caractère contaminant de l'atteinte à cette liberté fondamentale, la sanction de mise à pied sera annulée sans qu'il soit nécessaire d'examiner le second grief.
Ce faisant, le salarié est en droit d'obtenir le paiement du salaire pendant la durée de la mise à pied soit la somme de 303,64 euros outre 30,36 euros au titre de l'indemnité de congés payés afférente.
Il a en outre subi un préjudice moral qui sera entièrement réparé par la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts que la société sera également condamnée à lui verser.
Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a débouté le salarié de ces chefs de demande.
7- La demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale
Le salarié n'invoque aucun fait au soutien de sa demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail. Il ne justifie d'aucun préjudice distinct de celui réparé par l'intérêt moratoire au titre des rappels de salaire accordés ni de celui réparé au
titre de la mise à pied disciplinaire illicite. Il sera débouté de cette demande à ce titre et le jugement entrepris confirmé sur ce chef.
Sur la rupture du contrat de travail
Le salarié fait grief au jugement, à titre principal, de le débouter de sa demande de réintégration dans la société en raison de la nullité de son licenciement, et fait valoir que :
- sa demande en nullité du licenciement, présentée pour la première fois par voie de conclusions en date du 24 juillet 2018 puis de sa nouvelle saisine du 18 février 2019, tend aux mêmes fins que la demande en contestation du bien fondé du dit licenciement, et la demande de réintégration en constitue la conséquence ;
- l'ordonnance du 22 septembre 2017 ayant modifié la prescription de l'action en contestation de la rupture du contrat de travail et fixant, à compter du 23 septembre 2017, le début de la prescription des actions portant sur la rupture du contrat de travail au 23 septembre 2018, ne saurait avoir pour effet de porter la durée totale de la prescription au-delà du délai de deux ans existant avant l'adoption de cette ordonnance ; son contrat ayant été rompu le 4 avril 2017, la prescription était de deux ans et s'étendait jusqu'au 4 avril 2019 ; sa demande en justice formée par voie de conclusions déposées le 24 juillet 2018 a interrompu le délai de prescription ;
- la société a entendu le sanctionner et rompre son contrat pour ne pas avoir accepté qu'il puisse faire valoir ses observations et refuser, sans réagir, de se voir notifier des reproches injustes et injustifiés ;
- la société qui lui reproche son mode de communication, porte atteinte à sa liberté fondamentale d'expression, alors qu'il en conserve la maîtrise et la totale liberté, sauf abus lequel n'est pas démontré ;
A titre subsidiaire le salarié, qui fait valoir que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, soutient que :
- suite à son refus à l'été 2015 de signer une proposition d'avenant emportant changement de statut sans augmentation de salaire, sa hiérarchie a multiplié les accusations infondées, les ordres et contre-ordres et refusé tout dialogue constructif, le contraignant à répondre de manière circonstanciée à chacune des demandes ou reproches qui lui étaient faits ;
- sur le refus de mise à jour du staffing : c'est avec mauvaise foi que la société a formulé un tel reproche dans le cadre de la lettre de licenciement, alors même qu'il a simplement envoyé à sa direction les principales mises à jour à apporter à son 'staffing' suite à sa mise sous tutelle et l'exigence manifestée par Mme [H], sa manager, d'en être rendue strictement informée ;
- sur ses contestations émises sur le compte-rendu d'entretien mi-annuel : il n'a fait qu'user de sa liberté d'expression dans le cadre des entretiens annuels, lesquels constituent le lieu d'une discussion contradictoire, et il n'en a pas abusé en partageant avec son employeur ses points de désaccord ; c'est en raison du constat de la forte augmentation de son nouveau barème permettant le bénéfice d'une rémunération variable, en sa qualité de consultant senior, qu'il s'est renseigné auprès de ses collègues puis sollicité des explications à son management en l'interrogeant sur l'éventuelle rupture d'égalité de traitement entre collaborateurs ;
- sur ses prétendues réactions inappropriées et démesurées : il n'a pas abusé de sa liberté d'expression mais fait le choix, face à la mauvaise foi manifestée par la société et l'exécution déloyale de cette dernière de son contrat de travail, d'échanger par écrit avec sa direction ;
- sur l'attitude d'oppositions incessantes : rien ne justifie que la société mette un terme à son contrat de travail au seul motif qu'il ait sollicité de son employeur des précisions sur les modalités de sa rémunération variable et fait part de ses contestations concernant un certain nombre de problématiques rencontrées dans l'exécution de son contrat de travail.
La société soutient que :
- les règles relatives à la suppression du principe de l'unicité de l'instance et de la recevabilité des demandes nouvelles, issues du décret du 20 mai 2016🏛 portant réforme de la procédure prud'homale, s'appliquent à la saisine du salarié par requête du 28 avril 2017, puisque postérieure à leur entrée en vigueur : dès lors, le salarié pouvait modifier le quantum de sa demande ou formuler d'autres moyens tendant aux mêmes fins, mais n'est pas recevable à solliciter la nullité de la rupture, moyennant une réintégration, une telle demande étant nouvelle au sens des articles R.1452-2 du code du travail, 70 du code de procédure civile et 565 du code de procédure civile ; la demande de réintégration ne poursuit ainsi pas la même fin qu'une demande en indemnisation et ne constitue aucunement l'accessoire d'une demande principale, n'a aucun lien étroit ni suffisant avec celle-ci ;
- le salarié était néanmoins autorisé à saisir à nouveau la juridiction dans un délai de 12 mois suivant son licenciement, la prescription étant dès lors acquise en raison de l'entrée en vigueur de l'article L.1471-1 alinea 2 du code du travail, issu de l'ordonnance du 22 septembre 2017 ;
- au titre du licenciement du salarié, ce dernier avait fait l'objet d'alertes préalables de sa part concernant son comportement et avait un passé disciplinaire, ayant abouti à la notification d'une mise à pied disciplinaire justifiée ;
- sur le grief relatif à la mise à jour du 'staffing', le salarié n'a volontairement pas suivi les recommandations de sa hiérarchie de mise en copie de Mme [H] lors des modifications de plannings dans un premier temps, puis a pris l'initiative d'alourdir les procédures et persisté à adresser des rapports non demandés sans tenir comptes des demandes de sa supérieure ;
- sur le comportement d'insubordination du 19 janvier 2017, le salarié s'est opposé à la politique de la direction consistant à aligner les objectifs, non pas sur les consultants scientifiques juniors, mais les consultants financiers seniors, étant tout cadres non autonomes ;
- l'insubordination du 24 février 2017, par courriel concernant les dépassements d'horaires, permet de constater que le salarié refuse tout lien hiérarchique et s'est installé dans une attitude conflictuelle systématique, incompatible avec une exécution loyale du contrat de travail ;
- la motivation de la lettre de rupture repose sur une attitude fautive d'insubordination et d'exécution déloyale du contrat de travail, et ne vise en aucun cas la liberté d'expression du salarié mais, subsidiairement, le ton employé, méprisant, le refus du lien hiérarchique, le discrédit porté, les insinuations, les mises en cause de l'intégrité et de la probité professionnelles des collègues de travail de l'intéressé dans un lien fonctionnel, les polémiques entretenues, le malaise et les dysfonctionnements constatés, les risques psycho-sociaux générés et attestés par Mme [H], ne pouvant plus supporter la situation, révèlent, par leur caractère systématique réitéré, continu, un abus dans la liberté d'expression.
1- Sur la fin de non recevoir de la nullité du licenciement et de la demande de réintégration
Selon les dispositions de l'
article 70 du code de procédure civile🏛, les demandes reconventionnelles ou additionnelles ne sont recevables que si elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant.
Les demandes formées par le salarié au titre d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse puis d'un licenciement nul tendent à la réparation par l'indemnisation dans un cas, par la reprise du lien contractuel dans l'autre des conséquences de son licenciement qu'il estime injustifié, en sorte qu'elles tendent aux mêmes fins.
En outre le salarié dont le licenciement est nul est en droit de demander sa réintégration, ce dont il résulte que cette demande est la conséquence de la demande de nullité du licenciement et qu'elle ne peut être considérée comme une demande nouvelle.
En l'occurrence, tant la demande de nullité du licenciement présentée pour la première fois devant le conseil de prud'homme par conclusions du 24 juillet 2018 avec une demande de dommages et intérêts pour licenciement nul, que celle présentée lors de la nouvelle saisine du conseil de prud'homme le 18 février 2018 associée à une demande réintégration, présente un lien suffisant avec la demande initiale en contestation du licenciement opéré tendant à déclarer celui-ci sans cause réelle et sérieuse outre l'obtention de dommages et intérêts à ce titre, en sorte que nonobstant l'abrogation du principe d'unicité de l'instance, la fin de non recevoir tiré de l'existence d'une demande nouvelle au sens des articles R.1452-2 du code du travail, 70 et 965 du code de procédure civile sera rejetée.
Il s'ensuit que la prescription de l'action en nullité a été interrompue dès la demande en justice du 24 juillet 2018, soit antérieurement à l'expiration du délai de prescription le 23 septembre 2018.
Ainsi, les demandes relatives à la nullité du licenciement sont recevables.
2- Sur les motifs du licenciement
Aux termes de la lettre de licenciement, il est reproché une insubordination, la remise en cause quasi systématique des décisions de ses supérieurs, qui se sont manifestés par un refus persistant de mettre à jour le 'staffing' obligeant le supérieur à pallier ses manquements, la persistance dans la contestation des objectifs et critères d'évaluation en imputant à la société de créer des inégalités de traitement, en lui reprochant de fixer des critères fallacieux d'appréciation des performances, en lui reprochant d'exercer des pressions à son encontre outre des dénigrements systématiques et des sanctions financières, constitutive d'une attitude d'opposition systématique créant une situation de crispation qui devient intenable pour ses managers.
Aux termes de l'
article L. 1235-1 du code du travail🏛, il appartient au juge d'apprécier le caractère réel et sérieux des griefs invoqués et de former sa conviction au vu des éléments fournis pas les parties, le doute profitant au salarié.
La charge de la preuve de la cause réelle et sérieuse n'incombe pas particulièrement à l'une ou l'autre partie.
Le salarié jouit, dans l'entreprise et en dehors de celle-ci, de sa liberté d'expression et ne peut être apporté à celle-ci que des restrictions justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnelle au but rechercher. Le salarié ne peut abuser de cette liberté en tenant des propos injurieux, diffamatoires ou excessifs.
Au sein de son support d'entretien de mi-année communiqué à l'employeur le 19 janvier 2017, le salarié a imputé à l'employeur une inégalité de traitement en indiquant : ' contrairement à mes collègues scientifiques non autonomes comme moi, mon barème de 'CA Généré porté' a été revu à la hausse ; nos barèmes sont désormais différents alors que nous avons tous le même nombre d'heures de travail sur l'année' et a indiqué que : 'l'échelle d'évaluation de la 'performance conseil' est subjective ou basée sur des critères fallacieux et permet au management Aciès d'infliger des pertes salariales aux consultants ciblés'.
En l'occurrence, il a été examiné ci-dessus qu'à l'exception du caractère irréalisable des objectifs collectifs de l'exercice 2013/2014, les critères d'évaluation mis en place au sein de la société étaient objectifs et vérifiables et que la société les a exactement appliqués au salarié, qui n'ayant apporté aucun élément de comparaison, n'a aucunement démontré avoir été victime d'une inégalité de traitement. Il n'a pas été victime de sanctions financières, puisque les évaluations étaient justifiées. En conséquence, la fausseté des faits imputés à la société et le caractère excessif des termes usés pour contester les critères d'évaluation, caractérisent un abus de la liberté d'expression constitutif d'un comportement déloyal.
Par courriel du 24 février 2017 adressé à Mmes [M], [H] et M. [Ae], le salarié a mentionné : 'Je déplore une nouvelle fois l'attitude du management Aciès à mon égard consistant, depuis mon refus de passer au statut de cadre autonome sans contrepartie salariale, à dénigrer dans une démarche systématique mont travail ou mon comportement.
Tu écris : 'je tiens à te repréciser que nous t'avions expliquer suite à ton mail du 04/10/2016 que tout dépassement des temps de travail habituels n'est pas à ton initiative et doit être validé au préalable par ton management comme pour l'utilisation de son véhicule personnel. Nous d'avions demandé de formuler toute demande de dépassement des heures travaillées habituelles par mail à l'avance. Force est de constater que tu ne nous adresses par de telle demande et que tu prends l'initiative sans notre accord préalable de dépasser ton temps de travail habituel.'
-> Non seulement tu détournes délibérément le sujet des précédents échanges entre le management Acies et moi-même, qui est le dépassement de mon temps normal de trajet entre mon domicile et mon lieu de travail habituel (comme mentionné à l'
article L.3121-4 du code du travail🏛) et non le dépassement des heures travaillées habituelles. Et à ce titre, contrairement à ce que tu écris, il ne m'a jamais été demandé de faire 'valider au préalable et systématiquement mes temps de déplacement en dehors de mes horaires habituels'. Les demandes du management Acies n'ont concerné que les dépassements de temps relatifs à ma charge de travail, donc mes temps passés sur mission et non les temps de déplacement (qu'ils soient en dépassement de mon temps de trajet domicile/travail ou non) qui sont des temps hors mission selon la définition Acies et selon la nomenclature de la base de pointage que nous utilisons. Ce sont deux sujets clairement distincts. Deplus concernant mes heures travaillées habituelles, il m'a été spécifiquement demandé par le directeur du consulting dans son e-mail du 20/09/2016 que mon staffing soit revu chaque semaine par ma manager de niveau 1 ([W] [H]- responsable hiérarchique direct) lors de mon point hebdomadaire avec elle, afin que celui-ci soit en phase avec ce que je dois réaliser sur la semaine et ainsi intégrer les évolutions de planning liées au déroulement concret des missions. Mes heures travaillées sont donc parfaitement suivies par le management Acies et aucune problématique ne m'a été formulée à ce sujet depuis le début de la saison.
-> Mais ce qui est plus déplorable encore que cette manipulation des propos échangés, c'est que les 3 premières heures du dépassement de mon temps normale de trajet domicile/travail (sur les 5h30 mentionnées) sont liées à mon déplacement du 17 novembre 2016 chez le client [Z] (à [Localité 6]) que j'ai effectué...avec toi [G]! Et c'est d'ailleurs toi qui avait fixé le rendez-vous chez le client! Ainsi dans ton mail du 13 octobre 2016 adressé au client et en me mettant en copie, tu écrivais : 'Nous bloquons la date du 17 novembre (...)' A te lire, j'aurais donc commis une erreur en ne t'ayant pas adressé une demande de dépassement de mon temps normal de trajet domicile/travail et en ayant pris l'initiative 'sans l'accord préalable' du management Acies, de dépasser ce temps normal de trajet alors qu'il s'agit d'un déplacement que tu as toi-même organisé!!! Est-ce bien sérieux' Le management Acies n'a aucune limite pour me discréditer' Tous les moyens sont-ils bons pour accroître la pression et me rendre la tâche impossibles' (...)
Pour la part, je considérais que le sujet avait été clos suite à l'e-mail que m'avait envoyé [C] [Ae] ce même 17 février 2017 suite à la réunion mentionnée ci-dessus, puisque celui-ci avait écrit : 'Je t'invite à te rapprocher de [W] pour déterminer en bonne intelligence les modalités de récupération du dépassement de ton temps normal de déplacement mentionné dans ton message.' Tu aurais donc pu, simplement, m'indiquer les modalités de compensation des dépassements du temps normal de trajet domicile/travail, mais tu as délibérément choisi de 'revenir à la charge' et de porter de nouvelles accusations à mon égard. Malheureusement, ces échanges mettent à nouveau en exergue les attaques répétées que je subis, et vis-à-vis desquelles je me dois d'exercer mon droit de réponse, et démontrent ainsi la mécanique mise en place par le management Acies à mon encontre : dénigrement systématique, transformation de mes propos dans un but de décrédibilisation, sanctions financières, mise à pied...
Est-ce-là une attitude responsable et loyale de la part du management Acies''
Ce courriel répondait à celui de Mme [M], dont l'objet était la récupération d'heures et libellé de la sorte :
'[L] [A],
Concernant la récupération des 5h30 de dépassement que tu mentionnes dans ton RPHP du 02/01/2017, tu effectueras demain les horaires de travail : 8h45-11h35. En effet, les horaires de travail que tu as choisis pour le vendredi sont de 8h45 à 12h25 et de 13h30 à 18h10. Par conséquence ton départ à 11h35 permet de récupérer 5h30.
Je tiens à te préciser que nous t'avions expliqué suite à ton mail du 04/10/2016 que tout dépassement des temps de travail habituels n'est pas à ton initiative et doit être validé au préalable par ton management comme pour l'utilisation de son véhicule personnel. Nous t'avions demandé de formuler toute demande de dépassement des heures travaillées habituelles par mail à l'avance. Force est de constater que tu ne nous adresses pas de telle demande et que tu prends l'initiative sans notre accord préalable de dépasser ton temps de travail habituel.
Les dépassements du temps de travail ne sont pas 'imposés par certains déplacement' comme tu l'indiques dans ton RPHP du 13/02/2017. En effet les dates et heures de déplacement peuvent être modulées à l'initiative du collaborateur et du management afin de réaliser les déplacements pendant les horaires habituels. Nous t'avons reformulé à l'oral ce jour notre demande de validation préalable et systématique de tes temps de déplacements en dehors des horaires habituels. Nous attendons donc toujours de ta part de nous formuler par écrit et à l'avance ce type de demande afin que nous puissions t'autoriser ou non à dépasser tes heures de travail habituelles et si tel est le cas de prévoir des modalités de récupération dans une démarche d'entente et non dans une logique comptable 'heure pour heure'. Notre convention collective ne se positionne pas sur le sujet. Tes remarques sur ces temps de dépassement 'non payés' n'ont plus de raison d'être sur ton RPHP. Bien à toi.'
Il résulte de ces éléments que la manager a seulement réitéré par écrit ce qui avait été dit au salarié à l'oral sur les modalités de dépassement des heures normales travaillées, lui rappelant les règles applicables en interne. Le salarié, qui a répliqué à ce courrier en imputant à sa manager une manipulation des propos échangés, en l'accusant de porter de nouvelles accusations à son égard, en lui prêtant un dénigrement systématique, alors même qu'il avait obtenu la récupération des heures de dépassement horaire sollicitées, a ainsi démontré sa volonté de polémiquer et de s'opposer à sa hiérarchie, dépassant son seul droit de réponse et constitutif d'un abus de la liberté d'expression.
Ces faits, sans qu'il soit nécessaire d'examiner ceux relatifs au staffing, caractérisent un comportement inapproprié et démesuré caractérisant un manquement du salarié à son obligation d'exécution loyale du contrat de travail justifiant la mesure de licenciement. Le salarié sera en conséquence débouté de ses demandes tendant à déclarer nul et subsidiairement sans cause réelle et sérieuse le licenciement outre de ses demandes indemnitaires subséquentes, et le jugement entrepris confirmé à ce titre.
Sur les demandes accessoires
Compte tenu de la teneur de la décision, il convient d'ordonner à la société Acies de remettre à M. [Aa] un bulletin de salaire et les documents de fin de contrat conformes au présent arrêt dans un délai de deux mois à compter de ce jour, sans qu'il soit nécessaire de prononcer une astreinte.
Il est rappelé que les sommes allouées par la cour sont exprimées en brut.
Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens
La société succombant même partiellement sera condamnée aux entiers dépens de l'appel. Elle sera déboutée de sa demande d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
L'équité commande de faire bénéficier M. [Aa] de ces mêmes dispositions et de condamner la société Acies à lui verser une indemnité de 3 000 euros à ce titre.