Jurisprudence : Cass. com., 19-12-2000, n° 97-11.502, inédit au bulletin, Rejet



COUR DE CASSATION
Chambre commerciale
Audience publique du 19 Décembre 2000
Pourvoi n° 97-11.502
M. Louis Z ¢
société Crédit industriel de l'Ouest, société anonyme
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant

Sur le pourvoi formé par M. Louis Z, demeurant Cholet,
en cassation d'un arrêt rendu le 13 novembre 1996 par la cour d'appel d'Angers (1re chambre civile, section B), au profit de la société Crédit industriel de l'Ouest, société anonyme, dont le siège est Nantes,
défenderesse à la cassation ;
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

LA COUR, composée selon l'article L 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 8 novembre 2000, où étaient présents M. Dumas, président, M. Métivet, conseiller rapporteur, M. Poullain, conseiller, M. Feuillard, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. Métivet, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat de M. Z, de la SCP de Chaisemartin et Courjon, avocat du Crédit industriel de l'Ouest, les conclusions de M. Feuillard, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Angers, 13 novembre 1996), que par acte du 20 février 1989 le Crédit industriel de l'Ouest (la banque) a consenti à la société Eurodis un prêt destiné à l'acquisition par cette société de 97 % des actions de la société anonyme Sepco France ; que le 25 janvier 1989, M. Z, s'est porté caution solidaire du remboursement de ce prêt ; qu'outre cette garantie, la banque a obtenu la remise par la société Eurodis à titre de nantissement des actions de la société Sepco France, objet de l'acquisition, le cautionnement de la société Sepco Saumur, filiale de la société Sepco France, ainsi qu'un nantissement sur le fonds de commerce de celle-là ; que la société Eurodis ayant été mise en redressement judiciaire, la banque a assigné en paiement M. Z qui a résisté en faisant valoir que les garanties complémentaires consenties à la banque avaient été accordées en violation des dispositions de l'article 217-9 de la loi du 24 juillet 1966 ;
Sur le premier moyen, pris en sa troisième branche
Attendu que M. Z reproche à l'arrêt de l'avoir condamné à payer à la banque une certaine somme en sa qualité de caution solidaire des engagements de la société Eurodis alors, selon le moyen, qu'en se bornant à relever, par motifs adoptés, que c'était la société Eurodis qui avait donné les actions de la société Sepco France qu'elle venait d'acquérir, en nantissement à la banque, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si l'article 217-9 de la loi du 24 juillet 1966 n'avait pas vocation à régir une situation, telle celle de l'espèce, dans laquelle une société, la société Eurodis, acquiert la quasi-totalité du capital d'une autre, la société Sepco France, en donnant les actions de cette dernière en nantissement au prêteur des fonds nécessaires à la réalisation de l'opération, ne serait-ce que parce que ce mécanisme révèle, de la part de ses auteurs, une volonté de s'affranchir d'une disposition légale impérative, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du texte précité, ensemble les règles applicables à la fraude à la loi ;
Mais attendu que l'arrêt retient que le prêt consenti par la banque à la société Eurodis a été garanti par le nantissement par cette dernière des actions de la société Sepco France ce dont il résultait que les biens engagés n'étant pas la propriété de la société Sepco France, la constitution de cette sûreté n'entrait pas dans le champ d'application de l'article 217-9 de la loi du 24 juillet 1966 ; qu'en l'état de ces énonciations, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé en sa troisième branche ;
Sur le premier moyen, pris en ses deux premières branches
Attendu que M. Z fait encore le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen
1 / qu'il se prévalait dans ses conclusions, de la violation des dispositions de l'article 217-9 de la loi du 24 juillet 1966 pour soutenir, en premier lieu, que l'obligation principale était en conséquence nulle ;
qu'en se bornant, dès lors, à relever qu'il n'établissait pas avoir entendu faire des sûretés consenties par la société Sepco Saumur à la banque une condition de son propre engagement, motif qui n'a trait qu'au moyen qu'il tirait, à titre simplement subsidiaire, de ce qu'il ne s'était engagé en qualité de caution qu'en considération du nantissement de son fonds de commerce qui avait été donné par la société Sepco Saumur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 2012 du Code civil et 217-9 de la loi du 24 juillet 1966 ;
2 / qu'en se bornant à relever que l'article 217-9 de la loi du 24 juillet 1966 serait d'interprétation stricte, sans rechercher ainsi qu'elle y était invitée, si ce texte n'avait pas vocation à régir une situation, telle celle de l'espèce, dans laquelle, pour permettre l'acquisition de ses propres actions par un tiers, une société mère, la société Sepco France, obtenait de sa filiale, la société Sepco Saumur, au sein de laquelle elle était très largement majoritaire- l'arrêt tenant même pour constant qu'il s'agissait d'une filiale à 100 %- qu'elle donne son fonds de commerce en nantissement, la garantie étant ainsi finalement consentie par personne interposée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du texte précité, ensemble les règles applicables à la fraude à la loi ;
Mais attendu que la méconnaissance de la disposition de l'article 217-9 de la loi du 24 juillet 1966 interdisant à une société de consentir une sûreté en vue de la souscription ou de l'achat de ses propres actions par un tiers n'entraîne la nullité que de la sûreté irrégulièrement consentie, en l'espèce, le nantissement consenti à la banque par la société Sepco Saumur sur son fonds de commerce, relevé par l'arrêt ;
Et attendu que la demande formulée par M. Z dans ses écritures d'appel tendant, sur le fondement de l'article 217-9 de la loi du 24 juillet 1966, à l'annulation du prêt consenti par la banque à la société Eurodis et de son propre engagement de caution n'entre pas dans les prévisions du texte susvisé ;
Attendu que par ces motifs de pur droit, substitués à ceux justement critiqués par le pourvoi, l'arrêt se trouve légalement justifié ;
D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli en ses deux premières branches ;
Sur le deuxième moyen
Attendu que M. Z fait encore le même reproche à l'arrêt, alors, selon le moyen, que la caution est déchargée lorsque la subrogation aux droits, hypothèques et privilèges du créancier ne peut plus s'opérer en sa faveur par le fait de ce créancier, non seulement lorsque ces garanties existaient antérieurement au contrat de cautionnement, ou lorsque le créancier s'était engagé à les prendre, mais encore lorsque la caution pouvait, au moment où elle s'est engagée, normalement croire que le créancier les prendrait ; que M. Z soutenait, à cet égard, dans ses conclusions d'appel, que le prêt n'avait été consenti par le CIO à la société Eurodis, dont il était gérant, qu'à la condition que la société Sepco Saumur lui donne son fonds de commerce en nantissement ; qu'en ne recherchant pas, dès lors, si, lorsqu'il s'était engagé en qualité de caution, M. Z ne pouvait pas légitimement croire que le prêt serait également garanti par ce nantissement, et partant, revendiquer l'exception tirée de ce texte, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2037 du Code civil ;
Mais attendu qu'ayant retenu qu'il ne résulte de rien que M. André Z ait entendu faire des sûretés consenties par Sepco Saumur une condition de son propre engagement, et dès lors que la caution n'a pas soutenu, dans ses conclusions, qu'au moment où elle s'est engagée, elle pouvait légitimement croire à l'existence de la garantie prévue dans le seul acte de prêt, signé postérieurement par M. Noël Z, en sa qualité de gérant de la société Eurodis, la cour d'appel, qui n'était pas tenue d'effectuer une recherche qui ne lui était pas demandée, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et sur le troisième moyen, pris en ses deux branches
Attendu que M. Z fait enfin le même reproche à l'arrêt, alors, selon le moyen
1 / que la caution ne peut être tenue au paiement d'intérêts à un taux conventionnel qu'à la condition que ce taux ait été fixé par écrit dans l'acte de cautionnement ; qu'en condamnant M. Z au paiement d'intérêts au taux de 10,20 % l'an à compter du 27 janvier 1994 après avoir constaté que l'acte de cautionnement ne faisait pas mention de ce taux, la cour d'appel n'a pas tiré de ses propres énonciations les conséquences qui s'en évinçaient nécessairement au regard des articles 1326 et 2015 du Code civil ;
2 / que par la mise en demeure de payer qui lui est faite par le créancier, la caution est seulement tenue, en vertu de l'article 1153, alinéa 3, du Code civil, des intérêts au taux légal ; qu'en retenant que la mise en demeure qui avait été adressée à M. Z par le CIO le 27 janvier 1994 valait information de la caution, au sens de l'article 48 de la loi du 1er mars 1984, et permettait au créancier de prétendre aux intérêts au taux conventionnel à partir de cette date, la cour d'appel a violé le second de ces textes ;
Mais attendu, d'une part, que l'arrêt retient que le taux effectif global est déterminable puisque figurent expressément dans l'acte de cautionnement mentionnant le montant du prêt le nombre et le montant des échéances de remboursement, conformément aux prévisions de l'acte de prêt, ce dont il résulte que le taux avait été fixé par écrit ;
qu'ainsi, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;
Attendu, d'autre part, que la cour d'appel, qui a retenu, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation du contenu de la mise en demeure du 27 janvier 1994, que celle-ci valait information de la caution, a légalement justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. Z aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne M. Z à payer au Crédit industriel de l'Ouest la somme de 12 000 francs ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf décembre deux mille.

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