COMM.
COUR DE CASSATION
FB
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QUESTION PRIORITAIRE
de
CONSTITUTIONNALITÉ
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Audience publique du 13 mars 2024
NON-LIEU A RENVOI
M. VIGNEAU, président,
Arrêt n° 237 F-P
Pourvoi n° F 23-20.199
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 13 MARS 2024
Par mémoire spécial présenté le 22 décembre 2023, M. [V] [L], domicilié [… …], a formulé une question prioritaire de constitutionnalité à l'occasion du pourvoi n° F 23-20.199 qu'il a formé contre l'arrêt rendu le 29 juin 2023 par la cour d'appel de Montpellier (2e chambre civile), dans une instance l'opposant :
1°/ à M. [W] [L], domicilié [… …],
2°/ à la société [L] et ses fils, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2],
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Lefeuvre, conseiller référendaire, les observations de la SARL Boré, Aa de Bruneton et Mégret, avocat de M. [V] [L], de la SCP Alain Bénabent, avocat de M. [W] [L] et de la société [L] et ses fils, et l'avis de M. Bonthoux, avocat général, après débats en l'audience publique du 12 mars 2024 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Lefeuvre, conseiller référendaire rapporteur, M. Ponsot, conseiller doyen, et Mme Layemar, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. M. [Ab] détient 780 des 2 600 parts composant le capital de la société à responsabilité limitée [L] et ses fils.
2. Soutenant qu'il avait été privé de dividendes du fait d'un changement de mode de gestion, M. [Ab] a assigné en la forme des référés la société [L] et ses fils aux fins de voir ordonner, sur le fondement de l'
article 1869 du code civil🏛, son retrait pour juste motif.
Enoncé de la question prioritaire de constitutionnalité
3. A l'occasion du pourvoi qu'il a formé contre l'arrêt confirmatif rendu le 29 juin 2023 par la cour d'appel de Montpellier ayant rejeté sa demande, M. [L] a, par mémoire distinct et motivé, demandé de renvoyer au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité ainsi rédigée :
« Les
articles L. 223-12, L. 223-13 et L. 223-14 du code de commerce🏛🏛🏛, en ce qu'ils n'autorisent pas l'associé d'une Sarl à se retirer de la société, à la différence des associés de sociétés civiles et d'autres formes de sociétés commerciales au profit desquels les dispositions législatives instituent et organisent un droit de retrait, sont-ils entachés d'une incompétence négative affectant le droit de propriété et le principe d'égalité devant la loi, constitutionnellement garantis par les articles 2, 6 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme de 1789 ? »
Examen de la question prioritaire de constitutionnalité
4. Les dispositions contestées sont applicables au litige, qui concerne le retrait d'un associé de société à responsabilité limitée.
5. Elles n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel.
6. Cependant, d'une part, la question posée, ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, n'est pas nouvelle.
7. D'autre part, la question posée ne présente pas un caractère sérieux.
8. En effet, l'absence de disposition légale permettant à un associé de se retirer d'une société à responsabilité limitée ne porte pas atteinte au droit de propriété dès lors que celui-dispose, en vertu de l'article L. 223-14, alinéa 1er, du code de commerce, de la faculté de céder ses parts sociales à un tiers et, en vertu de l'alinéa 3 de ce même texte, de la possibilité, en cas de refus d'agrément du cessionnaire, d'obliger les associés ou la société à acquérir ou à racheter ses parts à un prix fixé dans les conditions prévues à l'
article 1843-4 du code civil🏛.
9. En outre, le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit.
10. Le fait que les dispositions applicables à certaines formes sociales consacrent un droit de retrait en faveur des associés tandis celles applicables aux autres, dont la société à responsabilité limité, ne le prévoient pas trouve sa justification dans les caractéristiques propres à chaque forme ou à chaque variété de société. Ainsi, il est de l'essence des sociétés à capital variable de permettre le libre retrait des associés ; de même le droit de retrait consacré par la loi pour les sociétés cotées vise à garantir la liquidité des titres. Inversement, le droit de retrait dans les sociétés civiles trouve sa justification dans le fort intuitus personae caractérisant cette forme et par la responsabilité indéfinie qui pèse sur chacun des associés. S'agissant, enfin, des sociétés en nom collectif, le droit de retrait est ouvert à l'associé gérant révoqué, cette révocation apparaissant incompatible avec le maintien de la qualité d'associé, eu égard à la responsabilité solidaire et indéfinie qui s'y attache.
11. Les associés des sociétés en responsabilité limité ne se trouvant pas placés dans des situations équivalentes à celles ainsi rappelées, l'absence de règles consacrant un droit de retrait à leur profit ne méconnaît pas le principe d'égalité devant la loi.
12. En conséquence, il n'y a pas lieu de renvoyer la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
DIT N'Y AVOIR LIEU DE RENVOYER au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du treize mars deux mille vingt-quatre.