Cass. soc., Conclusions, 20-09-2023, n° 22-12.293
A85192RX
Référence
AVIS DE Mme ROQUES, AVOCATE GÉNÉRALE RÉFÉRENDAIRE
Arrêt n° 916 du 20 septembre 2023 (B) – Chambre sociale Pourvoi n° 22-12.293 Décision attaquée : Conseil des prud'hommes de Paris du 16 décembre 2021
SAS Newrest Wagons Lits France C/ Mme [Z] [Y] syndicat CFDT Restauration ferroviaire Trains de nuit ________
1. Faits et procédure Par contrat à durée indéterminée conclu le 2 mai 2001, Mme [Z] [Y] (la salariée) a été engagée en qualité de commerciale de bord. Son contrat de travail a fait l'objet de deux transferts, son dernier employeur étant la SAS Newrest Wagons Lits France ( ci-après l'employeur). Le 4 mai 2015, la salariée a été victime d'un accident du travail et a été placée en arrêt de travail jusqu'au 6 décembre de la même année. Elle a repris ensuite son poste en mi-temps thérapeutique jusqu'au 8 août 2016.
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Par acte en date du 5 juin 2019, elle a saisi le conseil des prud'hommes de Paris, contestant le montant de la somme qui lui avait été versée au titre de la réserve spéciale de participation (RSP) « pour l'exercice 2015-2016 » et sollicitant le paiement d'un complément, outre des dommages et intérêts. Le syndicat CFDT Restauration ferroviaire Trains de nuit est intervenu volontairement à la procédure et a également sollicité des dommages et intérêts en réparation de l'atteinte à l'intérêt collectif de la profession. Par jugement contradictoire et en dernier ressort en date du 16 décembre 2021, le conseil des prud'hommes a notamment : - condamné l'employeur à verser à sa salariée le somme de 222,79 euros « au titre du rappel sur la prime d'intéressement pour l'année 2015-2016 », ainsi que 1.500 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral, outre les intérêts au taux légal produits par ces deux sommes, - et condamné l'employeur à régler une somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts au syndicat CFDT Restauration ferroviaire Trains de nuit. C'est la décision attaquée par l'employeur. Il développe trois moyens, le premier relatif à la condamnation au titre du rappel de prime d'intéressement, les deux autres, subsidiaires, qui portent sur chacune des condamnations à des dommages et intérêts. L'employeur soutient qu'en le condamnant à verser une somme au titre d'un rappel sur la prime d'intéressement, le conseil des prud'hommes a violé tant l'article L. 3322-2 du code du travail que l'article 5 de l'accord de participation du 2 février 2015 puisqu'aucun de ces deux textes ne prévoit qu'il faut assimiler la période de mi-temps thérapeutique à une période de travail effectif à temps plein pour calculer la somme due à un salarié au titre de la réserve spéciale de participation. Dans les deuxièmes et troisièmes moyens, il soutient que les premiers juges ont violé les dispositions de l'article 1240 du code civil en retenant sa responsabilité, tout en caractérisant improprement ou en ne caractérisant pas la faute commise par lui. Il estime également que le préjudice subi par l'organisation syndicale n'a pas non plus été caractérisé par les juges du fond. En réplique, la salariée et le syndicat CFDT Restauration ferroviaire Trains de nuit concluent au rejet du pourvoi.
2. Discussion et avis Compte tenu du caractère subsidiaire des deux derniers moyens, ils ne seront évoqués brièvement qu'en fin d'avis puisqu'ils ne peuvent, selon moi et comme l'indique également Mme le rapporteur Ott, entraîner la cassation de la décision. •
Sur le premier moyen
La question posée par le présent pourvoi est la suivante : est-il possible, pour le calcul de la somme due au titre de la réserve spéciale de participation, de ne tenir compte que des heures de travail effectuées dans le cadre d'un temps partiel thérapeutique, sans
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que cela ne constitue une discrimination en raison de l'état de santé du salarié concerné ? Pour y répondre, il convient, tout d'abord, de revenir sur ce que prévoient tant le code du travail que l'accord de participation du 2 février 2015 puis d'examiner les dispositions prohibant toute discrimination en fonction de l'état de santé du salarié, pour déterminer si elles sont ou non applicables en l'espèce. Est-ce que le code du travail ou l'accord de participation du 2 février 2015 permet de ne tenir compte que des heures effectivement travaillées par un salarié en temps partiel thérapeutique pour calculer ses droits au titre de la RSP? Aux termes des deux premiers alinéas de l'article L. 3222-2 du code du travail, dans sa version applicable au litige, « Les entreprises employant habituellement au moins cinquante salariés pendant douze mois, consécutifs ou non, au cours des trois derniers exercices, garantissent le droit de leurs salariés à participer aux résultats de l'entreprise au titre du troisième exercice. Il en va de même pour les entreprises constituant une unité économique et sociale d'au moins cinquante salariés reconnue dans les conditions prévues à l'article L. 2322-4. La base, les modalités de calcul, ainsi que les modalités d'affectation et de gestion de la participation sont fixées par accord dans les conditions prévues par le présent titre. » L'article L. 3324-5, dans sa version applicable au litige, précise que : « La répartition de la réserve spéciale de participation entre les bénéficiaires est calculée proportionnellement au salaire perçu dans la limite de plafonds déterminés par décret. Pour les bénéficiaires visés au deuxième alinéa de l'article L. 3323-6 et au troisième alinéa de l'article L. 3324-2, la répartition est calculée proportionnellement à la rémunération annuelle ou au revenu professionnel imposé à l'impôt sur le revenu au titre de l'année précédente, plafonnés au niveau du salaire le plus élevé versé dans l'entreprise, et dans les limites de plafonds de répartition individuelle déterminés par le même décret. Toutefois, l'accord de participation peut décider que cette répartition entre les bénéficiaires est uniforme, proportionnelle à la durée de présence dans l'entreprise au cours de l'exercice, ou retenir conjointement plusieurs de ces critères. L'accord peut fixer un salaire plancher servant de base de calcul à la part individuelle. Le plafond de répartition individuelle déterminé par le décret prévu au premier alinéa ne peut faire l'objet d'aucun aménagement, à la hausse ou à la baisse, y compris par un accord mentionné à l'article L. 3323-1. » Et l'article L. 3324-6 indique que « Sont assimilées à des périodes de présence, quel que soit le mode de répartition retenu par l'accord : 1° Les périodes de congé de maternité prévu à l'article L. 1225-17 et de congé d'adoption prévu à l'article L. 1225-37 ; 2° Les périodes de suspension du contrat de travail consécutives à un accident du travail ou à une maladie professionnelle en application de l'article L. 1226-7. » Un accord de participation a été signé le 2 février 2015 entre l'employeur et quatre organisations syndicales, dont le syndicat CFDT Restauration ferroviaire Trains de nuit. L'article 5 de cet accord prévoit un « plafonnement individuel » des droits à participation « fixé à 3/4 du Plafond Annuel de la Sécurité Sociale » ainsi que des modalités de répartition reposant sur « la durée de présence effective ou assimilée au cours de
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l'exercice » qui prend en compte le « total des heures de travail effectif ou assimilées du salarié ». Et, l'accord précise que « sont considérées comme heures assimilées au sens du présent article celles correspondant : - aux congés payés, - aux congés légaux et conventionnels pour événements familiaux, - aux journées de formation suivies dans le cadre du plan de formation de l'entreprise, - aux congés légaux de maternité et d'adoption, - aux périodes de suspension du contrat pour accident du travail ou maladie professionnelle (à l'exception des accidents de trajets et des rechutes dues à un accident du travail intervenu chez un précédent employeur), - aux absences des représentants du personnel pour l'exercice de leur mandat. » Ainsi, tant le code du travail que l'accord de participation du 2 février 2015 n'assimilent à des heures ou périodes travaillées que les périodes de suspension du contrat de travail pour accident du travail ou maladie professionnelle. Et, l'accord précise bien que le calcul des droits à participation de chaque salarié se fait en tenant compte « du total des heures de travail effectifs ou assimilées ». Or, le temps partiel thérapeutique, défini par le code de la Sécurité sociale comme la « reprise d'un travail léger autorisé par le médecin traitant » qui est « de nature à favoriser la guérison ou la consolidation de la blessure »1, implique normalement la fin de la suspension du contrat de travail et semble donc ne pas entrer dans les prévisions des textes précités. Pour autant, dans un arrêt du 16 juin 20112, cité dans le mémoire en défense, la chambre a énoncé ce qui suit : « Mais attendu qu'il résulte de l'article L. 3314-5 du code du travail que les périodes de suspension du contrat de travail consécutives à un accident du travail sont assimilées, sans limitation de durée, à des périodes de présence ; qu'il en est de même pour les périodes non travaillées dans le cadre d'un travail à temps partiel thérapeutique consécutif à un accident du travail ; D'où il suit que la cour d'appel a exactement décidé que le salarié avait droit au versement de la prime d'intéressement calculée sans application d'un prorata pendant toute sa durée d'absence pour accident du travail reconnu par la sécurité sociale ; que le moyen n'est pas fondé ; ». Or, l'article L. 3314-5 visé, relatif à l'intéressement, était, dans sa version applicable au litige, rédigé dans les mêmes termes que l'article L. 3324-6 s'agissant des périodes devant être assimilées à des périodes de travail effectif.
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Cf. Article L 433-1 alinéa 3 qui détermine les droits des salariés à des indemnités journalières en cas de reprise d'une activité professionnelle 2
Soc., 16 juin 2011, pourvoi n° 08-44.616
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En outre, même s'il est vrai que les termes de l'accord d'intéressement en question dans cette espèce ne sont pas reproduits, y compris dans l'arrêt de la cour d'appel, la chambre a, elle, visé l'article L. 3314-5 et a précisé que « les périodes non travaillées dans le cadre d'un travail à temps partiel thérapeutique consécutif à un accident du travail » devaient être soumises au même régime que celles de suspension du contrat de travail consécutives à un accident du travail. Il me semble donc que la chambre a fondé sa décision sur les raisons de l'absence partielle du salarié, sans tenir compte du fait que son contrat de travail n'était plus suspendu. Dans les deux hypothèses, les motifs de l'absence sont identiques, à savoir un état de santé du salarié fragilisé, suite à un accident du travail ou une maladie professionnelle. Seules les modalités d'absence du salarié varient : celle-ci est tantôt totale pour l'arrêt de travail, tantôt partielle dans le cas du temps partiel thérapeutique. La même lecture de cette décision est faite par M. Matthieu Babin, dans un article intitulé « Accident du travail, annulation du licenciement : le calcul de l'indemnité d'éviction et le mi-temps thérapeutique »3. Il y fait un rapprochement entre cette décision et un arrêt rendu le 9 décembre 2020 4 et écrit ceci : « Le temps partiel thérapeutique est une notion propre au droit de la sécurité sociale, permettant que le service des indemnités journalières se poursuive en cas de délivrance par le médecin traitant d'un certificat autorisant un travail aménagé ou à temps partiel (CSS, art. L. 433-1, al. 3). En droit du travail, il s'agit d'une période de travail à temps partiel et non d'une période de suspension du contrat. La Cour adopte-telle ici le raisonnement qui l'avait conduite, en matière d'intéressement, à étendre aux " périodes non travaillées dans le cadre d'un travail à temps partiel thérapeutique consécutif à un accident du travail " le régime favorable prévu par la loi pour les périodes de suspension consécutives à un accident du travail (Cass. soc., 16 juin 2011, n° 08-44.616) ? » Toutefois, il semble que sa question ne soit pas pertinente car, comme le relève Mme l'avocate générale Grivel dans son avis sous l'arrêt du 9 décembre 2020, dans cette seconde espèce la salariée était de nouveau en arrêt de travail lorsqu'elle a été licenciée. En outre, sauf erreur de ma part, cette assimilation faite par la chambre ne l'a été que dans une seule décision. Il n'est donc pas exclu que la particularité des faits de l'espèce, ayant donné lieu à l'arrêt du 16 juin 2011, ait justifié tant la solution que son caractère isolé.
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La Semaine Juridique Social n° 7, 16 Février 2021, 1044
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Soc., 9 décembre 2020, pourvoi n° 19-16.448
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Cependant, la solution peut aussi reposer, sans que la chambre l'ait indiqué, sur les textes du code du travail prohibant les discriminations, fondées notamment sur l'état de santé du salarié. Il convient donc de se poser la question du caractère discriminatoire ou non des dispositions en cause dans notre espèce. L'exclusion, pour le calcul de la somme due au titre de la réserve spéciale de participation, des heures d'absence d'un salarié en temps partiel thérapeutique ne constitue-t-elle pas une discrimination en raison de l'état de santé de celui-ci ? Dans son dernier mémoire, l'employeur conteste toute application des dispositions prohibant les discriminations en soutenant que la salariée n'est pas en situation de handicap mais qu'elle se trouvait temporairement dans l'impossibilité de reprendre son poste à temps plein.
La prohibition des discriminations est prévue dans le code du travail aux articles L. 1132-1 et suivants. Ce texte ainsi que l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, auquel il renvoie, ont fait l'objet de multiples modifications, en particulier à la période qui nous intéresse5. Néanmoins, l'article L. 1132-1 prévoyait pour la période en question qu'une personne, candidat à un emploi ou à une formation ou salarié, ne pouvait faire l'objet d'une discrimination directe ou indirecte « en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions », en raison notamment « de son état de santé ou de son handicap ». Cette prohibition a été introduite par l'article 9 de la loi n°90-602 du 12 juillet 1990 relative à la protection des personnes contre les discriminations en raison de leur état de santé ou de leur handicap. Dès son origine, il était donc fait mention des deux cas de figure. Dans la circulaire DRT n° 93-11 du 17 mars 1993 intitulée « Contrat de travail, maladie et inaptitude physique du salarié. Application de la loi n° 90-602 du 12 juillet 1990 et de l'article 32 de la loi n° 92-1446 du 31 décembre 1992 », il est bien opéré une distinction entre le salarié dont l'état de santé peut justifier des aménagements de son poste, la situation des personnes séropositives ou atteinte du VIH étant mentionnée à titre d'exemple, et celle du salarié souffrant d'un handicap, qui impose également des aménagements. 5
Il convient de rappeler que, si la salariée sollicite un rappel au titre de la participation pour la période allant du 6 décembre 2015 au 8 août 2016, la somme due à ce titre est calculée chaque année par l'employeur à la clôture de l'exercice comptable de la société et le salarié est informé de ses droits dans les mois qui suivent. En l'espèce, il résulte des conclusions de la salariée qu'elle a reçu cette information en mars 2017. Ainsi, selon moi, les « faits générateurs » de la discrimination se sont produits en 2016 et 2017. Or, trois modifications textuelles sont intervenues les 26 juin (loi n°2016-832 du 24 juin), le 20 novembre 2016 (loi n°2016-1547 du 18 novembre) puis le 2 mars 2017 (loi n°2017-256 du 28 février 2017).
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Le second fait l'objet d'une reconnaissance de sa situation de handicap par l'actuelle Commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées, tandis que le premier peut simplement disposer de pièces médicales et de préconisations du médecin du travail attestant de son état de santé. L'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008, auquel le code du travail renvoie, donne une définition des discriminations directe et indirecte. Ainsi, il précise que « Constitue une discrimination indirecte une disposition, un critère ou une pratique neutre en apparence, mais susceptible d'entraîner, pour l'un des motifs mentionnés au premier alinéa, un désavantage particulier pour des personnes par rapport à d'autres personnes, à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un but légitime et que les moyens pour réaliser ce but ne soient nécessaires et appropriés. » S'agissant de la discrimination directe, pour les raisons exposées plus haut dans la note de bas de page n°5, je considère que la définition applicable, à tout le moins pour le calcul de la RSP sur l'année 2016, est celle issue de la loi n°2016-1547 du 18 novembre, qui n'a pas été modifiée ultérieurement pour le tronçon de phrase qui nous intéresse et qui est la suivante : « Constitue une discrimination directe la situation dans laquelle, sur le fondement de son origine, de son sexe, de sa situation de famille, de sa grossesse, de son apparence physique, de la particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique, apparente ou connue de son auteur, de son patronyme, de son lieu de résidence, de son état de santé, de sa perte d'autonomie, de son handicap, de ses caractéristiques génétiques, de ses mœurs, de son orientation sexuelle, de son identité de genre, de son âge, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales, de sa capacité à s'exprimer dans une langue autre que le français, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une prétendue race ou une religion déterminée, une personne est traitée de manière moins favorable qu'une autre ne l'est, ne l'a été ou ne l'aura été dans une situation comparable. »6 Ainsi, même si la directive 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail n'évoque que le la situation de handicap 7, le droit français prohibe les mesures ayant un effet discriminant fondées sur l'état de santé du salarié. Il me semble donc que la discussion sur la notion de handicap, évoquée par l'employeur, n'est pas opérante. Par ailleurs, je considère que nous sommes face à une discrimination fondée sur l'état de santé de la salariée dans la présente affaire.
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Étant précisé que la version de cet article 1, issue de la loi n° 2017-256 du 28 février 2017, entrée en vigueur le 2 mars 2017, inclut toujours l'état de santé, la perte d'autonomie ou le handicap de la personne dans la définition de la discrimination directe. 7
Voir les paragraphes 11 et 12 de son préambule
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Il est vrai qu'un salarié en temps partiel thérapeutique voit ses droits calculés comme ceux des autres salariés à temps partiel puisque l'accord de participation du 2 février 2015 prend en compte le « total des heures de travail effectif ou assimilées du salarié ». Cependant, il ne se trouve pas dans la même situation que le salarié travaillant à temps partiel. En effet, il résulte des dispositions du code du travail8 que le salarié doit avoir donné son accord pour travailler à temps partiel et que celui-ci ne peut lui être imposé en cours d'exécution de son contrat de travail. Ainsi, le travail à temps partiel induit une manifestation de la volonté du salarié d'en accepter le principe. En revanche, le temps partiel thérapeutique est décidé après que le salarié concerné a subi une période d'arrêt de travail et sur avis de son médecin traitant, voire du médecin du travail. S'il est vrai que le salarié est dans une démarche volontaire de reprise de son emploi, il n'en reste pas moins que les modalités selon lesquelles celle-ci a lieu lui sont imposées par son état de santé et les avis médicaux. Ce temps partiel est donc bien la résultante de son état de santé. Il n'est donc pas justifié, selon moi, de traiter de façon identique un salarié ayant accepté un travail à temps partiel et un salarié qui le subit.
En outre, comme cela a été indiqué plus haut, le temps partiel thérapeutique est une mesure qui doit permettre à un salarié, dont l'état de santé reste fragile, de reprendre « un travail léger » dans le but d'améliorer ou de consolider son état de santé. Il s'agit donc d'une modalité de reprise du travail qui se veut favorable au salarié. Pour autant, il se trouverait pénaliser si les temps d'absence de son emploi étaient exclus du « total des heures de travail effectif ou assimilées du salarié » alors qu'une absence complète de son poste est assimilée à une période de travail effectif, au sens du code du travail et l'accord de participation du 2 février 2015.
Ainsi, prendre en compte ce temps partiel thérapeutique pour le calcul des droits du salarié dans le cadre de la RSP, ce qui revient à lui accorder des droits moindres, constitue une discrimination fondée sur son état de santé. Je considère donc que la décision des premiers juges est justifiée mais doit reposer sur la prohibition de toute discrimination fondée sur l'état de santé d'un salarié.
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Cf. Articles L. 3123-1 et suivants
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Je suis donc d'avis de rejeter le premier moyen, en opérant la substitution de motifs évoquée dans le rapport complémentaire de Mme Ott.
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Sur les deuxièmes et troisième moyens
L'employeur soutient que les premiers juges n'ont pas caractérisé la faute commise par lui ayant causé un préjudice à la salariée (2ème moyen) et n'ont caractérisé ni la faute commise par lui, ni le préjudice subi par l'organisation syndicale (3ème moyen). Il estime donc que les dispositions le condamnant à leur régler des dommages et intérêts doivent être cassées. S'agissant de la somme allouée à la salariée, ce dernier soutient que les premiers juges n'ont pas caractérisé l'« usage abusif du droit de se défendre en justice » qu'il aurait commis. La salariée sollicitait, dans ses conclusions, des dommages et intérêts en reprochant à son employeur une exécution déloyale de son contrat de travail. Les juges du fond ne pouvaient donc que répondre à cette demande. Or, ils ont retenu ce qui suit : « En l'espèce, la société NEWREST WAGONS LITS FRANCE a opposé une résistance marquée dans le temps à la demande légitime et fondée de [la salariée]. Elle sera par conséquent condamnée à lui verser la somme de 1.500 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral. » Ils ont donc caractérisé la faute commise par l'employeur. Je suis donc au rejet de ce moyen. S'agissant de l'action de l'organisation syndicale, les premiers juges ont rappelé les termes de l'article L. 2132-3 du code du travail qui prévoit que : « Les syndicats professionnels ont le droit d'agir en justice. Ils peuvent, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent. » L'employeur estime qu'ils ont omis de caractériser la faute commise par lui ainsi que le préjudice subi par le salarié et ont donc violé les dispositions de l'article 1240 du code civil. Toutefois, les juges du fond ont considéré que l'employeur n'avait pas correctement appliqué l'accord de participation du 2 février 2015.
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Or, il est de jurisprudence constante que la méconnaissance d'une convention ou d'un accord collectif constitue une atteinte à l'intérêt collectif des salariés et cause un préjudice aux organisations syndicales qui sont chargées de le défendre 9. Le moyen ne saurait donc prospérer. Pour toutes ces raisons, je suis d'avis de rejeter le pourvoi.
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Voir par exemples Soc., 10 février 2016, pourvoi n° 14-26.304, Bull. 2016, V, n° 29, Soc., 30 novembre 2010, pourvoi n° 0942.990, Bull. 2010, V, n° 276, Soc., 20 janvier 2021, pourvoi n° 19-16.283 ou Soc., 2 mars 2022, pourvoi n° 19-25.421
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