Jurisprudence : Cass. soc., Conclusions, 07-02-2024, n° 22-18.940

Cass. soc., Conclusions, 07-02-2024, n° 22-18.940

A84302RN

Référence

Cass. soc., Conclusions, 07-02-2024, n° 22-18.940. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/105409003-cass-soc-conclusions-07022024-n-2218940
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AVIS DE M. HALEM, AVOCAT GÉNÉRAL RÉFÉRENDAIRE

Arrêt n° 160 du 7 février 2024 (B) – Chambre sociale Pourvois n° 22-18.940 & 22-21.385 Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles du 2 mars 2022 La société Meubles Ikea France C/ Mme [F] [Z] _________________

Mme [Z] épouse [B] (ci-après “la salariée”) a été engagée par la société Meubles Ikea France (ci-après “l'employeur”) en contrat à durée déterminée du 9 juillet et 16 septembre 2012, du 28 septembre 2012 au 6 janvier 2013, puis en contrat à durée indéterminée à partir du 7 janvier 2013, à temps partiel modulé. Par jugement du 24 septembre 2018, le conseil de prud'hommes de Montmorency a débouté la salariée, licenciée pour faute le 1er décembre 2015, de ses demandes. Par arrêt du 2 mars 2022, la cour d'appel de Versailles, infirmant partiellement le jugement, a dit l'accord de modulation inopposable à la salariée, rejeté sa demande en paiement des heures complémentaires effectuées mais condamné l'employeur à lui régler la majoration afférente à compter du 17 février 2014, débouté celui-ci de ses demandes en restitution des sommes versées à la salariée au titre de la modulation et en compensation des créances réciproques de ces chefs, et dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse.

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Le 13 juillet 2022, l'employeur a formé un pourvoi en cassation (n° S2218940) ainsi que la salariée, le 14 septembre 2022 (n° Z2221385).

DISCUSSION * Le pourvoi de l'employeur (n° S2218940) se fonde sur trois moyens de cassation. 1) (i) Les articles 3-1-7 et 3-3-4 de l'accord d'entreprise du 31 juillet 2007 mettant en place la modulation au sein de l'entreprise, qui prévoient le programme indicatif de répartition de la durée du travail selon une période haute (septembre à décembre) et une période basse (janvier à août), n'imposent pas l'établissement d'un nouveau programme pour chaque période annuelle, mais seulement la notification des horaires de travail aux salariés au moins 15 jours avant, la salariée admettant avoir eu connaissance de son planning trois à quatre semaines à l'avance ; or la cour d'appel a conclu à l'irrégularité de l'accord de modulation ou de sa mise en œuvre, le privant d'effet, au motif qu'il ne précisait pas le programme indicatif de la répartition de la durée du travail et que l'employeur ne produisait pas ces programmes (violation de l'accord d'entreprise du 31 juillet 2007). Cette première branche soulève la question suivante : l'employeur relevant de l'accord d'entreprise du 31 juillet 2007 peut-il instaurer une modulation du temps de travail sans communiquer aux salariés avant chaque période annuelle le programme indicatif de répartition de la durée du travail ? (ii) Il résulte de l'article 12-IV de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 que cessent d'être applicables aux accords collectifs conclus avant la publication de cette loi les dispositions relatives à la détermination d'un programme indicatif, notamment les articles L. 212-8, tel qu'issu de la loi n° 2000-37 du 19 janvier 2000, et L. 3122-11, 1°, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2008-789 du 20 août 2008, du code du travail. Dès lors, l'irrégularité de l'accord d'entreprise du 31 juillet 2007 ou de sa mise en œuvre quant à la détermination d'un programme indicatif ne pouvait en toute hypothèse le priver d'effet (violation de l'article 12-IV de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016). Cette seconde branche, relative à l'application dans le temps de la loi du 8 août 2016 précitée, peut être résumé par la question suivante : l'article 12-IV de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 régularise-t-elle l'instauration d'une modulation du temps de travail en application de l'accord d'entreprise du 31 juillet 2007 en l'absence au sein de celui-ci d'un programme indicatif de répartition de la durée de travail ni de communication aux salariés d'un tel programme ?

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(iii) En outre, les parties ont été interrogées en application de l'article 1015 du code de procédure civile, dans l'hypothèse d'un rejet du moyen, sur une substitution de motifs en ce que les dispositions conventionnelles retenues par la cour d'appel, qui a constaté que la salariée avait été soumise au régime du temps partiel modulé, ne sont pas conformes aux dispositions légales relatives à ce régime de durée de travail1, en tant qu'elles ne fixent pas les modalités de communication par écrit du programme indicatif de la répartition de la durée du travail au salarié, ce dont il pourrait être déduit une inopposabilité de l'accord du 31 juillet 2007, révisé en 2014. En d'autres termes, ce nouveau motif de pur droit pose la question de la légalité des dispositions conventionnelles ayant servi de fondement à la mise en place de la modulation du temps de travail litigieuse. 2) L'article 3-3-4 de l'accord d'entreprise du 31 juillet 2007 prévoit, au bénéfice des salariés à temps partiel soumis à la modulation, une prime mensuelle de 2,5 % du salaire. Or, bien qu'ayant jugé l'accord d'entreprise du 31 juillet 2007 inopposable à la salariée, la cour d'appel a rejeté la demande de l'employeur en restitution des sommes indûment perçues par celle-ci au titre de la modulation et sa demande en compensation des créances réciproques de ces chefs, au motif inopérant que la salariée avait été effectivement soumise durant sa période d'emploi à une modulation du temps de travail (violation de l'article 1376 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 et de l'article 1302, alinéa 1er, du même code, dans sa rédaction issue de cette ordonnance). Le moyen pose la question suivante : les sommes perçues par un salarié, irrégulièrement soumis à une modulation du temps de travail en vertu d'un accord privé d'effet, présentent-elles un caractère indû justifiant leur restitution à l'employeur ? 3) Le troisième moyen relatif à la régularité du licenciement, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation en tant qu'il tend à remettre en cause le pouvoir souverain d'appréciation des juges du fond, pourra faire l'objet d'un rejet non spécialement motivé tel que proposé au rapport. * Le pourvoi de la salariée (n° Z2221385) se fonde sur un unique moyen de cassation, articulé en trois branches : 1) Le fait que la salariée ne puisse pas être qualifiée de “travailleur de nuit” au sens de l'article L. 3122-31 du code du travail, c'est-à-dire qu'elle n'accomplissait pas, selon ses horaires habituels, au moins deux fois par semaine au moins trois heures de son temps de travail quotidien durant la période comprise entre 21 heures et 6 heures et ni au moins 270 heures de travail durant celle-ci pendant au moins douze mois consécutifs, ne la privait pas du droit d'obtenir réparation du préjudice subi pour avoir travaillé de façon illicite au-delà de 21 heures (violation des articles L. 3122-29, L. 3122-31 et L. 3122-32 du code du travail, dans leur rédaction issue de l'ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007) ; 1

Article L. 212-4-6 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2005-841 du 26 juillet 2005, avant abrogation par l'ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007, applicable du 27 juillet 2005 au 1er mai 2008.

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2) Le fait qu'un salarié ait bénéficié d'une contrepartie ne permet pas d'écarter l'illégalité du recours par l'employeur au travail de nuit même occasionnellement, de sorte que la circonstance que la salariée ait bénéficié d'une majoration de salaire de 105 % ne la privait pas du droit d'obtenir réparation du préjudice subi pour avoir travaillé de façon illicite au-delà de 21 heures (violation des articles L. 3122-29, L. 3122-31 et L. 3122-32 du code du travail, dans leur rédaction issue de l'ordonnance n°2007-329 du 12 mars 2007) ; 3) Le fait qu'un salarié ait souhaité travailler en soirée ne permet pas d'écarter l'illégalité du recours par l'employeur au travail de nuit de sorte que la salariée ne pouvait être déboutée de sa demande en réparation du préjudice subi du fait du recours illégal au travail de nuit au motif qu'elle avait souhaité expressément travailler en soirée jusqu'à 23 heures afin que son planning soit compatible avec ses études (violation des articles L. 3122-29, L. 3122-31 et L. 3122-32 du code du travail, dans leur rédaction issue de l'ordonnance n°2007-329 du 12 mars 2007). Le moyen de ce pourvoi, pris en ses trois branches, pose la question suivante : le bénéfice du statut de travailleur de nuit au sens de l'article L. 3122-31 du code du travail, d'une contrepartie financière ou le consentement du salarié excluent-ils la possibilité pour celui-ci d'obtenir réparation du préjudice lié au travail illicite au-delà de 21 heures ? Les moyens relatifs à l'opposabilité de l'accord de modulation (I - moyen 1 du pourvoi principal), à la restitution des sommes perçues au titre d'un accord de modulation privé d'effet (II - moyen 2 du pourvoi principal) et aux conditions de recours au travail de nuit (III - moyen unique du pourvoi incident) seront successivement étudiés. I - Sur l'opposabilité de l'accord de modulation (pourvoi principal - moyen 1) Après une analyse consolidée du cadre législatif et conventionnel applicable au litige (A), il y aura lieu, au regard de l'interdépendance entre les différentes branches du moyen, d'aborder en premier lieu celle relative à l'application dans le temps de certaines dispositions légales relatives au programme indicatif de répartition de la durée de travail (B), puis le nouveau motif dont la substitution est proposée relatif à la légalité du cadre conventionnel de la modulation du temps de travail (C) et enfin la seconde branche tenant à la faculté de recours à la modulation sans communication préalable aux salariés du programme de répartition précité (D). A) Analyse consolidée du cadre législatif et conventionnel applicable au litige La modulation du temps de travail sur laquelle se fonde la demande de la salariée en paiement d'un rappel d'heures complémentaires, rejetée par l'arrêt attaqué, a été mise en œuvre au moyen de trois accords d'entreprise successifs, adoptés sur une période sujette à plusieurs modifications du cadre législatif de la modulation, assorties de dispositifs de validation des accords conclus antérieurement. Le régime complexe en résultant, qui recouvre à la fois la modulation au sens large et le recours au temps partiel modulé, dans lequel s'insèrent ces accords, rend donc nécessaire, pour la bonne compréhension du litige, une analyse consolidée de l'évolution des règles applicables, qui peut être retracée en cinq étapes.

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1. L'aménagement de la durée légale hebdomadaire de travail a été conçue à l'origine selon trois modes principaux. 1.1. Pouvant être définie comme un mécanisme de répartition inégale de la durée légale hebdomadaire de travail sur une période longue pouvant aller jusqu'à l'année, selon une compensation des durées de travail effectif à l'intérieur de celle-ci2, la modulation a été insérée dans le code du travail par l'ordonnance n° 82-41 du 16 janvier 1982 relative à la durée de travail et aux congés payés, afin notamment de “favoriser l'émergence d'une société où chacun maîtrisera mieux l'utilisation de son temps”, par le jeu de la négociation collective3. L'ancien article L. 212-8 du code du travail, créé par cette ordonnance, a en effet expressément prévu une telle faculté de réglementation annuelle de la durée de travail, par voie de convention ou accord collectif étendu ou d'accord d'entreprise, sous réserve de respecter la durée légale hebdomadaire de travail : “Sans préjudice des dispositions des articles L. 212-5 et du premier alinéa de l'article L. 2125-1, la durée hebdomadaire du travail peut varier à condition que sur un an, cette durée n'excède pas en moyenne la durée légale fixée à l'article L. 212-1 et que les conditions de sa modulation soient prévues par une convention ou un accord collectif étendu ou par un accord collectif d'entreprise ou d'établissement. Dans ce cas, sauf dispositions conventionnelles différentes, seules les heures de travail effectuées au-delà de cette durée moyenne s'imputent sur le contingent prévu à l'article L. 212-6”.

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Cette répartition inégale se traduit par le calcul d'une durée de travail effectif hebdomadaire moyenne sur la période, de sorte que les heures excédant certaines semaines la durée légale sont compensées par les durées de travail effectif inférieures à ce seuil au cours d'autres semaines. 3

Voir ordonnance n° 82-41 du 16 janvier 1982, rapport au président de la République : “Les règles générales consistent à fixer la durée légale de la semaine de travail, la durée globale des congés payés et des jours fériés, les contingents d'heures supplémentaires possibles, les quota de récupérations et les souplesses d'organisation envisageables. (...) Aux partenaires sociaux appartient le soin de déroger, par voie d'accord, aux règles précédentes en matière d'aménagement du temps de travail, de définir un contingent d'heures supplémentaires utilisables sans autorisation de l'inspection du travail ou de moduler, dans certaines limites, la durée hebdomadaire du travail. (...). Dans le même esprit, dans les entreprises et secteurs où les salariés sont soumis à des conditions particulières d'emploi comportant des durées réduites de travail pour lesquelles l'abaissement de la durée légale du travail n'entraînera pas de répercussion automatique, il appartient aux partenaires sociaux de discuter des modifications éventuelles de la durée du travail” (JO du 17 janvier 1982, p. 295 et 296).

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Dans ce cadre, trois types de modulations étaient ainsi envisageables, permettant à l'entreprise de faire varier la durée hebdomadaire du travail à l'intérieur des limites fixées par l'accord, sans imputation des heures effectuées au-delà de la durée légale sur le contingent d'heures supplémentaires, (i) soit avec paiement des majorations pour heures supplémentaires et droit au repos compensateur obligatoire (modulation de type I4), (ii) soit sans droit à majoration de salaire ni au repos compensateur (modulation de type II5), (iii) soit selon ces dernières règles avec application d'une durée hebdomadaire maximale de 48 heures, les heures excédant la durée hebdomadaire moyenne fixée par l'accord ouvrant droit à majoration de salaire (25 % pour les 8 premières heures et 50 % à compter de la neuvième heure) ou au repos compensateur de remplacement (modulation de type III ou annualisation6). Il convient de souligner que depuis la loi n° 87-423 du 19 juin 1987, la convention ou l'accord collectif étendu instaurant une modulation de type I ou II devait obligatoirement contenir le programme indicatif concernant sa mise en œuvre (ancien article L. 212-8-4 du code du travail7), de même, selon l'administration du travail, qu'en cas de modulation de type III8. 1.2. Le premier texte a été complété par l'article L. 212-2-1 du code du travail, créé par la loi n° 93-1313 quinquennale du 20 décembre 1993 relative au travail, à l'emploi et à la formation professionnelle, prévoyant une faculté de répartition de la durée du travail sur l'année (annualisation), selon des moyennes hebdomadaires fixées par l'accord, sous réserve de respecter les durées maximales de travail, de fixer le programme indicatif de cette répartition et le délai dans lequel les salariés doivent être prévenus des changements d'horaires9. 4

Ancien article L. 212-8, I, du code du travail, dans sa version issue de la loi n° 87-423 du 19 juin 1987, renvoyant à l'article L. 212-8-1 du même code. 5

Ancien article L. 212-8, II, du code du travail, dans sa version issue de la loi n° 87-423 du 19 juin 1987, renvoyant à l'article L. 212-8-1 du même code. 6

Ancien article L. 212-2-1 du code du travail, issu de la loi n° 93-1313 du 20 décembre 1993.

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Ancien article L. 212-8-4, 4°, alinéa 1er, du code du travail, issue de la loi n° 87-423 du 19 juin 1987: “La convention ou l'accord collectif étendu ou la convention ou l'accord d'entreprise ou d'établissement mentionné à l'article L. 212-8 doit préciser les données économiques et sociales qui justifient le recours à la modulation des horaires. Il comporte obligatoirement des dispositions concernant : (...) 4° Le programme indicatif concernant la mise en oeuvre de la modulation ; (...)”. 8

Voir circulaire DRT n° 94/4 du 21 avril 1994, n° II-2-1-2-2, Bull. off. du ministère du travail, n° 94-9.

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Article L. 212-2-1 du code du travail, dans sa version issue de la loi n° 93-1313 du 20 décembre 1993 : “Dans la perspective du maintien ou du développement de l'emploi, les employeurs, les organisations d'employeurs et les organisations de salariés fixent les conditions d'une nouvelle organisation du travail résultant d'une répartition de la durée du travail sur tout ou partie de l'année, assortie notamment d'une réduction collective de la durée du travail, par convention ou accord collectif étendu ou par convention ou accord d'entreprise ou d'établissement. Ces conventions ou accords tiennent compte de la nature saisonnière de certaines activités et prévoient notamment le calendrier et les modalités de mise en oeuvre ; ils fixent également les garanties collectives et individuelles applicables aux salariés concernés.

Ils peuvent prévoir une répartition de la durée du travail sur tout ou partie de l'année, à condition que, sur la période retenue, cette durée n'excède pas, en moyenne, par semaine travaillée, la durée prévue par la convention ou l'accord. Les heures effectuées au-delà de cette moyenne ouvrent droit à une majoration de salaire ou à un repos compensateur calculés dans les conditions fixées aux six premiers alinéas de l'article L. 212-5. Cette durée moyenne est calculée conformément aux dispositions du I de l'article L. 212-8-2.

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1.3. S'agissant des salariés à temps partiel, la même loi n° 93-1313 du 20 décembre 1993 a ouvert la possibilité d'un temps partiel annualisé, sur deux fondements. D'une part, l'ancien article L. 212-4-2 du code du travail mentionnait, dans un alinéa 4 ajouté par cette loi, la possibilité d'un contrat de travail à temps partiel annualisé, sous réserve que celui-ci comporte une alternance de périodes travaillées et non travaillées10. D'autre part, l'article L. 212-4-3 du même code, dans un alinéa 10 également ajouté par la loi du 20 décembre 1993, a prévu l'hypothèse d'une durée du travail fixée dans le cadre de l'année, en précisant que les heures complémentaires et supplémentaires ne peuvent être effectuées, selon un plafond légal, que dans les périodes travaillées prévues par le contrat de travail11. 1.4. En application de ce cadre législatif et de la loi n° 98-461 du 13 juin 1998 dite “Aubry I” sur la réduction du temps de travail, le premier accord d'entreprise applicable, signé le 28 avril 1999 entre l'employeur et plusieurs organisations syndicales, fixait de grandes lignes directrices pour l'élaboration d'un programme indicatif de modulation12, prévoyait une communication obligatoire du seul planning des horaires de travail aux salariés concernés au moins quinze jours avant le début de la période, sans précision sur les modalités de cette communication, ainsi que son affichage dans l'entreprise13. Les conventions et accords définis par le présent article doivent respecter les durées maximales quotidiennes et hebdomadaires du travail prévues par les articles L. 212-1, deuxième alinéa, et L. 212-7, deuxième et quatrième alinéas. Ils doivent fixer notamment le programme indicatif de cette répartition et le délai dans lequel les salariés doivent être prévenus des changements d'horaires, ainsi que les conditions de recours au chômage partiel” (alinéas 1 à 5). 10

Article L. 212-4-2, alinéa 4, du code du travail, dans sa version issue de la loi n° 93-1313 du 20 décembre 1993 : “Sont également considérés comme salariés à temps partiel les salariés occupés selon une alternance de périodes travaillées et non travaillées dont la durée de travail annuelle est inférieure d'au moins un cinquième à celle qui résulte de l'application sur cette même période de la durée légale du travail ou de la durée du travail fixée conventionnellement pour la branche ou l'entreprise diminuée des heures correspondant aux jours de congés légaux ou conventionnels”. Pour une application, voir Soc, 23 mars 2007, n° 05-43.045. 11

Article L. 212-4-3, alinéa 10, du code du travail, dans sa version issue de la loi n° 93-1313 du 20 décembre 1993 : “Lorsque la durée du travail est fixée dans le cadre de l'année, les heures complémentaires ainsi que, le cas échéant, les heures supplémentaires ne peuvent être effectuées que dans les périodes travaillées prévues par le contrat de travail et leur nombre ne peut être supérieur, au cours d'une même année, au dixième de la durée annuelle prévue dans le contrat, sauf convention ou accord collectif de branche étendu dans les conditions prévues au présent article, ou convention ou accord d'entreprise ou d'établissement pouvant porter cette limite jusqu'au tiers de cette durée”. 12

Voir article 17-4 (fixation selon une année calendaire, décomptée du 1er septembre au 31 août de l'année suivante) et 17-6, alinéa 3, (fixation de la durée hebdomadaire de travail par “tertials” et en fonction de l'horaire contractuel) de l'accord. Article 17-6, alinéa 4, de l'accord d'entreprise du 28 avril 1999 : “Le planning des horaires de travail est établi pour chaque unité de travail (magasin, département, service ou rayon) et pour chaque période, par le responsable. Il est communiqué aux salariés concernés, au moins 15 jours avant le début de la période, et affiché. Les horaires hebdomadaires et le programme indicatif ci-dessus pourront varier d'un établissement à l'autre et au sein d'un même établissement d'un service ou rayon à l'autre, compte-tenu des manifestations locales, des activités commerciales du magasin qui peuvent entraîner des surcroîts d'activité au cours des périodes réputées creuses”. 13

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2. La loi n° 2000-37 du 19 janvier 2000 relative à la réduction négociée du temps de travail, dite “Aubry II”, a eu pour objet d'unifier le régime des différents types d'accords de modulation du temps de travail sur l'année. 2.1. En ce qui concerne la modulation au sens strict, cette loi a pris deux séries de dispositions utiles au regard du présent litige. D'une part, sur le fond, la réforme a expressément inscrit dans l'article L. 212-8 du code du travail l'obligation pour les conventions et accords instaurant la modulation de fixer le programme indicatif de répartition de la durée du travail, après avis des représentants du personnel, les règles d'établissement de ce programme ainsi que l'information des salariés du changement de leur horaire de travail au moins sept jours ouvrés avant sa mise en œuvre14. Ces exigences ont été maintenues à l'identique au sein de cet article L. 212-8 par les réformes ultérieures, soit la loi n° 2003-47 du 17 janvier 2003, en vigueur du 18 janvier 2003 au 1er juillet 2004, et la loi n° 2004-626 du 30 juin 2004, en vigueur du 1er juillet 2004 au 1er mai 2008, jusqu'à leur abrogation et leur remplacement par des dispositions équivalentes par l'ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 200715.

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Article L. 212-8 du code du travail, alinéas 5 à 9, dans sa version issue de la loi n° 2000-37 du 19 janvier 2000: “Les conventions et accords définis par le présent article doivent fixer le programme indicatif de la répartition de la durée du travail, les modalités de recours au travail temporaire, les conditions de recours au chômage partiel pour les heures qui ne sont pas prises en compte dans la modulation, ainsi que le droit à rémunération et à repos compensateur des salariés n'ayant pas travaillé pendant la totalité de la période de modulation de la durée du travail et des salariés dont le contrat de travail a été rompu au cours de cette même période. Le programme de la modulation est soumis pour avis avant sa mise en oeuvre au comité d'entreprise ou, à défaut, aux délégués du personnel. Le chef d'entreprise communique au moins une fois par an au comité d'entreprise, ou, à défaut, aux délégués du personnel, un bilan de l'application de la modulation. Les salariés doivent être prévenus des changements de leurs horaires de travail dans un délai de sept jours ouvrés au moins avant la date à laquelle ce changement doit intervenir. Ce délai peut être réduit dans des conditions fixées par la convention ou l'accord collectif lorsque les caractéristiques particulières de l'activité, précisées dans l'accord, le justifient. Des contreparties au bénéfice du salarié doivent alors être prévues dans la convention ou l'accord. Les modifications du programme de la modulation font l'objet d'une consultation du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel. La convention et l'accord définis par le présent article fixent les règles selon lesquelles est établi le programme indicatif de la modulation pour chacun des services ou ateliers concernés et organisent, le cas échéant, l'activité des salariés selon des calendriers individualisés. Dans ce cas, la convention ou l'accord doit préciser les conditions de changement des calendriers individualisés, les modalités selon lesquelles la durée du travail de chaque salarié sera décomptée ainsi que la prise en compte et les conditions de rémunération des périodes de la modulation pendant lesquelles les salariés ont été absents”. 15

Voir infra, § 3.

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D'autre part, s'agissant de l'application de la loi dans le temps, l'article 8, V, de ce texte a procédé à la validation des stipulations des conventions ou accords collectifs intervenus sur le fondement des articles L. 212-2-1 et L. 212-8 du code du travail applicables à la date de publication de la loi, le 20 janvier 201216, ce quel que soit le type de modulation et la durée hebdomadaire moyenne fixée par l'accord, y compris si elle supérieure à 35 heures17. 2.2. En ce qui concerne le temps partiel, la même loi du 19 janvier 2000 a opéré deux modifications importantes. D'une part, le nouveau texte a abrogé le temps partiel annualisé, tout en précisant que les contrats de cette nature conclus avant son entrée en vigueur peuvent subsister18. D'autre part, la même loi a créé le temps partiel modulé, en énonçant à l'article L. 212-4-6 du code du travail qu'une convention ou un accord collectif étendu ou un accord d'entreprise ou d'établissement peut prévoir que la durée hebdomadaire ou mensuelle peut varier dans certaines limites sur tout ou partie de l'année à condition que, sur un an, la durée hebdomadaire ou mensuelle n'excède pas en moyenne la durée stipulée au contrat de travail. Le nouveau texte mentionne expressément, en son deuxième alinéa, l'obligation pour la convention ou l'accord collectif de fixer les modalités de communication par écrit au salarié du programme indicatif de répartition de la durée de travail, du délai de prévenance pour la notification des nouveaux horaires de travail et de modification de ces horaires19. Article 8, V, de la loi n° 2000-37 du 19 janvier 2000 : “Les stipulations des conventions ou accords collectifs intervenues sur le fondement des articles L. 212-2-1 et L. 212-8 du code du travail applicables à la date de publication de la présente loi demeurent en vigueur. Toutefois, à compter de la date à laquelle la durée légale du travail est fixée à trente-cinq heures, les heures excédant une durée moyenne sur l'année de trente-cinq heures par semaine travaillée sont des heures supplémentaires soumises aux dispositions des articles L. 212-5, L. 212-5-1 et L. 212-6 du même code”. 16

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Voir circulaire MES/CAB/2000 003 relative à la réduction négociée du temps de travail, fiche n°26: Sécurisation des accords, § II, 2.2. Voir article 14, II, de la loi n° 2000-37 du 19 janvier 2000 : “II. - Les stipulations des contrats de travail conclus sur le fondement de l'article L. 212-4-3 du code du travail dans sa rédaction applicable avant l'entrée en vigueur de la présente loi et prévoyant une durée du travail calculée sur l'année demeurent en vigueur. Lorsque la limite dans laquelle peuvent être effectuées des heures complémentaires a été portée au-delà du dixième de la durée annuelle fixée au contrat de travail en application d'un accord de branche étendu, chacune des heures complémentaires effectuées au-delà de la durée précitée donne lieu à une majoration de salaire de 25 %”. 18

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Article L. 212-4-6 du code du travail, dans sa version issue de la loi n° 2000-37 du 19 janvier 2000, alinéas 1, 2 et 5 : “Une convention ou un accord collectif étendu ou un accord d'entreprise ou d'établissement n'ayant pas fait l'objet de l'opposition prévue à l'article L. 132-26 peut prévoir que la durée hebdomadaire ou mensuelle peut varier dans certaines limites sur tout ou partie de l'année à condition que, sur un an, la durée hebdomadaire ou mensuelle n'excède pas en moyenne la durée stipulée au contrat de travail. La convention ou l'accord collectif doit fixer : 1° Les catégories de salariés concernés ; 2° Les modalités selon lesquelles la durée du travail est décomptée ; 3° La durée minimale de travail hebdomadaire ou mensuelle ;

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Il convient de souligner qu'à l'instar de l'article L. 212-8 du code du travail précité, cette exigence a été maintenue au sein de l'article L. 212-4-6 du code du travail par les deux lois ayant suivi la loi “Aubry II”, soit la loi n° 2004-391 du 4 mai 2004, en vigueur du 5 mai 2004 au 27 juillet 2005, et la loi n° 2005-841 du 26 juillet 2005, en vigueur du 27 juillet 2005 au 1er mai 2008. 2.3. L'accord du 31 juillet 2007 litigieux, a prévu, dans des termes similaires à l'accord du 28 avril 1999 qu'il révise : - la soumission de tous les salariés de l'entreprise à un régime de modulation du temps de travail au sens de l'article L. 212-8 du code du travail, y compris les salariés à temps partiel, soumis le cas échéant au temps partiel modulé dans les conditions énoncées par l'accord20 ; - de grandes lignes directrices pour l'établissement d'une programmation indicative, définie par “tertial” et au regard de l'horaire contractuel ; - une communication des seuls plannings hebdomadaires de travail au moins quinze jours à l'avance, assortie d'une obligation d'affichage21. 4° La durée minimale de travail pendant les jours travaillés ; seul une convention ou un accord collectif de branche étendu peut prévoir plus d'une interruption d'activité ou une interruption supérieure à deux heures ; 5° Les limites à l'intérieur desquelles la durée du travail peut varier, l'écart entre chacune de ces limites et la durée stipulée au contrat de travail ne pouvant excéder le tiers de cette durée ; la durée du travail du salarié ne peut être portée à un niveau égal ou supérieur à la durée légale hebdomadaire ; 6° Les modalités selon lesquelles le programme indicatif de la répartition de la durée du travail est communiqué par écrit au salarié ; 7° Les conditions et les délais dans lesquels les horaires de travail sont notifiés par écrit au salarié ; 8° Les modalités et les délais selon lesquels ces horaires peuvent être modifiés, cette modification ne pouvant intervenir moins de sept jours après la date à laquelle le salarié en a été informé ; ce délai peut être ramené à trois jours par convention ou accord collectif de branche étendu. (...) Lorsque sur une année l'horaire moyen réellement effectué par un salarié a dépassé la durée hebdomadaire ou mensuelle fixée au contrat et calculée sur l'année, l'horaire prévu dans le contrat est modifié, sous réserve d'un préavis de sept jours et sauf opposition du salarié intéressé, en ajoutant à l'horaire antérieurement fixé la différence entre cet horaire et l'horaire moyen réellement effectué”. Voir l'article 3-1 de l'accord du 31 juillet 2007 : “Il est institué au sein de la société (...) un régime de modulation du temps de travail au sens de l'article L. 212-8 du code du travail. A l'exception des salariés relevant de la catégorie cadres, la modulation du temps de travail concerne tous les salariés de la société (...). Les salariés à temps partiel sont soumis aux dispositions relatives au temps partiel modulé figurant à l'article 3.3 du présent accord (article 22-4 de l'accord interne)”...)”. 20

Voir l'article 3-1-7 de l'accord du 31 juillet 2007 : “Afin de tenir compte des spécificités régionales influant sur les variations de l'activité des magasins, ceux-ci peuvent retenir une programmation indicative différente de celle mentionnée ci-dessous. Dans ce cas, les organisations syndicales signataires de l'Accord de modulation sont associées, et le Comité d'Etablissement est consulté sur cette programmation qui sera affichée au moins 15 jours avant le début de la période de modulation. 21

Le programme indicatif concernant la mise en œuvre de la modulation s'établit de la façon suivante, et conformément à l'article 17.4. Durée hebdomadaire du travail généralement supérieure ou égale l'horaire contractuel au cours du deuxi me tertial (de septembre décembre). Durée hebdomadaire du travail généralement inférieure ou égale l'horaire contractuel au cours du deuxi me et troisi me tertial (de janvier ao t).

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Le programme indicatif annuel de modulation doit en outre être établi après consultation des comités d'établissement22. En ce qui concerne spécifiquement les salariés à temps partiel modulé, le même accord : - fixe le décompte de la période annuelle de modulation à compter du 1er septembre, la durée minimale de travail hebdomadaire (10 heures), journalière (4 heures) et la limite de variation de la durée du travail (un tiers de la durée contractuelle) ; - renvoie, pour les modalités de communication au salarié du programme indicatif, à l'“accord interne” afférent (c'est-à-dire une communication du seul planning des horaires hebdomadaire au moins 15 jours avant le début de la période aux salariés et par voie d'affichage) et fixe un délai de quinze jours préalable pour la notification par écrit des horaires de travail, sauf remplacement d'une absence non prévue (délai ramené à sept jours)23.

Le planning des horaires hebdomadaires de travail est établi pour chaque unité de travail (magasin, département, service ou rayon) et pour chaque période, par le responsable. Il est communiqué aux salariés concernés, au moins 15 jours avant le début de la période, et affiché (...)”. Ce texte reprend la lettre de l'article 17.6 de l'accord du 28 avril 1999 précité (voir supra, § 1.4). Voir l'article 3-1, § 3, de l'accord du 31 juillet 2007 : “Les Comités d'Etablissement sont associés et consultés sur le programme indicatif annuel de la modulation. De plus, tous les trimestres au moins, la communication du tableau de bord mentionné à l'article 42 de l'Accord Interne d'Entreprise, sera l'occasion d'engager une discussion sur le recours à la modulation au cours de la période analysée (nombre de salariés concernés, services concernés, fluctuation d'activité, présentation par service des compteurs individuels et nominatifs)”. 22

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Voir l'article 3-3-4 “temps partiel modulé” de l'accord du 31 juillet 2007 : “

Définition des périodes de modulation La période de modulation est fixée à une année, décomptée du 1er septembre d'une année au 31 août de l'année suivante, elle devra comporter des semaines civiles entières (la semaine civile commençant un lundi matin). - Durée de travail hebdomadaire La durée minimale de travail hebdomadaire est fixée à 10 heures (dure calculée sur la base d'un contrat à 15 heures hebdomadaire démodulé d'un tiers). - Durée minimale de travail pendant les jours travaillés La durée minimale de travail pendant les jours travaillés est fixée à 4 heures et à 5 heures le Dimanche. La planification des semaines de démodulation se fera sur un maximum de 4 journées de travail. La durée de travail des salariés concernés ne pourra être portée à un niveau égal ou supérieur à la durée hebdomadaire de référence applicable dans l'entreprise, c'est-à-dire 33 heures. - Limite de variation de la durée du travail L'écart entre les limites à l'intérieur desquelles la durée du travail peut varier et la durée stipulée au contrat de travail des salariés concernés ne pourra excéder le tiers de cette durée. (...) Modalités de communication au salarié du programme indicatif

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En effet, un “accord interne” du même jour dédié à la modulation du temps de travail se borne à reproduire, sur la question de la programmation indicative de la modulation et de la fixation des plannings, les dispositions générales de l'accord principal du 31 juillet 2007 sur le même thème, notamment le principe de la communication du seul planning des horaires hebdomadaires de travail aux salariés au moins quinze jours avant le début de la période, sans en préciser les modalités, ainsi que par voie d'affichage24. 3. L'ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007 relative au code du travail précitée, entrée en vigueur le 1er mai 200825 après la signature de l'accord du 31 juillet 2007 invoqué par la première branche du premier moyen du pourvoi principal, a mis en œuvre deux modifications du cadre juridique de la modulation.

Le régime de la programmation indicative des temps partiels est soumis aux mêmes dispositions que l'article [17.7] (l'article 17.6 mentionné par le texte étant relatif à la rémunération) de l'accord interne relatif au programme indicatif des salariés modulés. Conditions et délai de notification au salarié des horaires de travail Les horaires de travail des salariés concernés leur seront notifiés par écrit 15 jours minimum avant, sauf accord de l'intéressé. Toutefois ce délai pourra être réduit à 7 jours en cas exceptionnel de remplacement d'une absence non prévue (hors congés, formation,...) ou en cas de travaux urgents Modalités et délais de notification des horaires En cas de modification par la Direction des horaires indiqués, celle-ci devra respecter un délai de prévenance de 15 jours ouvrés. Les nouveaux horaires seront alors communiqués par écrit aux salariés concernés”. La fiche n° 8 intitulée “modulation du temps de travail”, sous-titrée “Article 17 Accord interne / Accord ARTT du 31/07/2007”, versée aux débats mentionne un article 17-7 sur la “Programmation indicative de la modulation et [la] fixation des plannings” reprenant strictement les termes de l'article 3-1-7 de l'accord du 31 juillet 2007 précité, relatif au régime général de la programmation indicative de la modulation et de la fixation des plannings. Cet accord interne reprend donc, sur la communication du programme indicatif au salarié, les dispositions de l'article 3-1-7, alinéa 3, de cet accord précitées, selon lesquelles : “Le planning des horaires hebdomadaires de travail est établi pour chaque unité de travail (magasin, département, service ou rayon) et pour chaque période, par le responsable. Il est communiqué aux salariés concernés, au moins 15 jours avant le début de la période, et affiché”. 24

Article 14 de l'ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007 : “Les dispositions de la présente ordonnance entrent en vigueur le 1er mai 2008”. 25

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3.1. S'agissant de la modulation au sens strict, cette ordonnance a repris le principe de la modulation au sein d'un nouvel article L. 3122-926du code du travail, mais également imposé, à l'article L. 3122-11, 1°, du même code, que “La convention ou l'accord de modulation fixe : (...) Le programme indicatif de la répartition de la durée du travail”27. D'un point de vue procédural, l'article L. 3122-12 du même code, dans sa version issue de la même ordonnance, précise que “La convention ou l'accord de modulation fixe les règles selon lesquelles est établi le programme indicatif de la modulation pour chacun des services ou ateliers concernés et organise, le cas échéant, l'activité des salariés selon des calendriers individualisés”28, ce programme étant en vertu de l'article L. 3122-13 du code du travail tel qu'issu de cette ordonnance “soumis pour avis avant sa mise en œuvre au comité d'entreprise ou, à défaut, aux délégués du personnel”. 3.2. S'agissant du temps partiel modulé, l'ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007 a abrogé l'ancien article L. 212-4-6 du code du travail précité et en a repris le contenu au sein d'un nouvel article L. 3123-25, qui a donc maintenu la nécessité pour l'accord de fixer les modalités de communication par écrit du programme indicatif et de notification des horaires de travail au salarié, ainsi que leur modification29. 26

Voir article L. 3122-9 du code du travail, dans sa version issue de l'ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007 relative au code du travail : “Une convention ou un accord collectif de travail étendu ou une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement peut prévoir que la durée hebdomadaire du travail peut varier sur tout ou partie de l'année à condition que, sur un an, cette durée n'excède pas un plafond de 1 607 heures. La convention ou l'accord peut fixer un plafond inférieur. La convention ou l'accord précise les données économiques et sociales justifiant le recours à la modulation. La convention ou l'accord doit respecter les durées maximales quotidiennes et hebdomadaires de travail définies au chapitre Ier”. 27

Article L. 3122-11 du code du travail, dans sa formulation issue de l'ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007 : “La convention ou l'accord de modulation fixe : 1° Le programme indicatif de la répartition de la durée du travail ; 2° Les modalités de recours au travail temporaire ; 3° Les conditions de recours au chômage partiel pour les heures qui ne sont pas prises en compte dans la modulation ; 4° Le droit à rémunération et à repos compensateur des salariés n'ayant pas travaillé pendant la totalité de la période de modulation et des salariés dont le contrat de travail a été rompu au cours de cette même période”. 28

Voir article L. 3122-12 du code du travail, dans sa version issue de l'ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007 relative au code du travail : “La convention ou l'accord de modulation fixe les règles selon lesquelles est établi le programme indicatif de la modulation pour chacun des services ou ateliers concernés et organise, le cas échéant, l'activité des salariés selon des calendriers individualisés. Dans ce cas, la convention ou l'accord précise : 1° Les conditions de changement des calendriers individualisés ; 2° Les modalités selon lesquelles la durée du travail de chaque salarié sera décomptée ; 3° La prise en compte et les conditions de rémunération des périodes de la modulation pendant lesquelles les salariés ont été absents”. 29

Article L. 3123-25 du code du travail, dans sa formulation issue de l'ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007 : “Une convention ou un accord collectif de travail étendu ou un accord d'entreprise ou d'établissement peut prévoir que la durée hebdomadaire ou mensuelle peut varier dans certaines limites sur tout ou partie de l'année à condition que, sur un an, la durée hebdomadaire ou mensuelle n'excède pas en moyenne la durée stipulée au contrat de travail.

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4. La loi n° 2008-789 du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail a allégé les règles pesant sur les parties à l'accord, en abrogeant l'ensemble des dispositions antérieures encadrant la répartition de la durée du travail sur une période supérieure à la semaine30, en particulier l'obligation de préciser dans l'accord le programme indicatif de répartition de la durée du travail. 4.1. Elle y a substitué un régime simplifié permettant à un accord d'entreprise ou d'établissement31, ou à défaut un accord de branche, d'instaurer, y compris pour les salariés à temps partiel, un mécanisme de modulation sur une période de référence limitée à un an, cet accord devant prévoir les conditions et délais de prévenance des changements de durée ou d'horaire de travail, avec un minimum de sept jours32. Cette convention ou cet accord prévoit : 1° Les catégories de salariés concernés ; 2° Les modalités selon lesquelles la durée du travail est décomptée ; 3° La durée minimale de travail hebdomadaire ou mensuelle ; 4° La durée minimale de travail pendant les jours travaillés. Une convention de branche ou un accord professionnel étendu ou une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement peut prévoir plus d'une interruption d'activité ou une interruption supérieure à deux heures ; 5° Les limites à l'intérieur desquelles la durée du travail peut varier, l'écart entre chacune de ces limites et la durée stipulée au contrat de travail ne pouvant excéder le tiers de cette durée. La durée du travail du salarié ne peut être portée à un niveau égal ou supérieur à la durée légale hebdomadaire ; 6° Les modalités selon lesquelles le programme indicatif de la répartition de la durée du travail est communiqué par écrit au salarié ; 7° Les conditions et les délais dans lesquels les horaires de travail sont notifiés par écrit au salarié ; 8° Les modalités et les délais selon lesquels ces horaires peuvent être modifiés, cette modification ne pouvant intervenir moins de sept jours après la date à laquelle le salarié en a été informé. Ce délai peut être ramené à trois jours par convention ou accord collectif de branche étendu ou convention ou accord d'entreprise ou d'établissement”. Cette disposition sera abrogée par la loi n° 2008-789 du 20 août 2008, qui laissera toutefois subsister les accords antérieurement conclus sous l'empire de cet article (article 20, V, de la loi du 20 août 2008 - voir infra § 4). 30

Dont les anciens articles L. 3122-9, L. 3122-11 et L. 3122-12 précités, dans leur version issue de l'ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007 (article 20 de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008). Sont ainsi visés tous les systèmes antérieurs : cycles de travail sur quelques semaines, modulation du temps de travail sur tout ou partie de l'année, jours de repos sur quatre semaines ou dans le cadre de l'année. L'autonomie de l'accord d'entreprise ainsi consacrée lui permet de mettre en œuvre des dispositions différentes de celles prévues dans un accord de branche, ce quelle que soit la date de signature de cet accord de branche et son contenu. 31

32

Voir l'article L. 3122-2 du code du travail, dans sa formulation issue de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008, en vigueur du 22 août 2008 au 10 août 2016 : “Un accord collectif d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche peut définir les modalités d'aménagement du temps de travail et organiser la répartition de la durée du travail sur une période supérieure à la semaine et au plus égale à l'année. Il prévoit : 1° Les conditions et délais de prévenance des changements de durée ou d'horaire de travail ; 2° Les limites pour le décompte des heures supplémentaires ; 3° Les conditions de prise en compte, pour la rémunération des salariés, des absences ainsi que des arrivées et départs en cours de période. Lorsque l'accord s'applique aux salariés à temps partiel, il prévoit les modalités de communication et de modification de la répartition de la durée et des horaires de travail.

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En outre, la même loi a adopté un mécanisme de sécurisation des accords de modulation, d'annualisation ou de temps partiel modulé antérieurs à la loi du 20 août 2008, selon lequel “Les accords conclus en application des articles L. 31223, L. 3122-9, L. 3122-19 et L. 3123-25 du code du travail (...) dans leur rédaction antérieure à la publication de la présente loi restent en vigueur” (article 20, V, de cette loi)33. 4.2. Dans le cadre de ce régime, l'accord du 19 juin 2014 portant révision des dispositions de celui du 31 juillet 2007 relatives au temps partiel, dernier des trois applicables en l'espèce, a renvoyé, en ce qui concerne l'organisation du temps partiel modulé, aux dispositions de l'accord de 2007, dont il révise le régime s'agissant du temps partiel modulé34. Cette révision retient, en ce qui concerne le programme indicatif de répartition de la durée du travail, un régime identique à celui prévu par l'“accord interne” de 2007 précité, soit des lignes directrices pour l'établissement d'une programmation indicative, dont les modalités de communication aux salariés ne sont pas définies, le principe d'une communication du planning des horaires hebdomadaires de travail aux salariés concernés au moins 15 jours avant le début de la période ainsi que leur affichage35. Sauf stipulations contraires d'un accord d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, d'une convention ou d'un accord de branche, le délai de prévenance en cas de changement de durée ou d'horaires est fixé à sept jours. A défaut d'accord collectif, un décret définit les modalités et l'organisation de la répartition de la durée du travail sur plus d'une semaine”. L'article L. 3122-3 du même code, dans la formulation issue de la même loi, prévoyait que “Par dérogation aux dispositions de l'article L. 3122-2 dans les entreprises qui fonctionnent en continu, l'organisation du temps de travail peut être organisée sur plusieurs semaines par décision de l'employeur”. Constituaient alors des heures supplémentaires celles effectuées au-delà de 1 607 heures annuelles ou de la limite annuelle inférieure fixée par l'accord ou au-delà de la moyenne de trente-cinq heures calculée sur la période de référence fixée par l'accord ou par le décret (article L. 3122-44 du code du travail, dans sa version issue de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008). Interprétation confirmée par la circulaire DGT n° 20 du 13 novembre 2008 : fiche n° 11, § 2, “Maintien des accords collectifs conclus antérieurement à la publication de la loi” : “Il convient de préciser que les stipulations des accords collectifs intervenues sur le fondement des articles L. 3122-3 (cycle), L. 3122-9 (modulation), L. 3122-19 (JRTT sur l'année) et L. 3123-25 (temps partiel modulé) du code du travail ou des articles L. 713-8 (cycle) et L. 713-14 (modulation) du code rural dans leur rédaction antérieure à la publication de la loi n° 2008-789 du 21 août 2008 restent en vigueur sans limitation de durée. 33

Toutes les clauses de ces accords relatifs au cycle de travail, à la modulation ou aux jours de réduction du temps de travail sur l'année continuent donc à s'appliquer dans les conditions prévues par ces accords et par la législation antérieure applicable à ces accords d'aménagement du temps de travail” (p. 20). Voir article 7 “Organisation du temps partiel modulé“ de l'accord du 19 juin 2014, sous-titré “(Cet article révise l'[article] 3-3-4 de l'accord du 31 juillet 2007 “modalités de décompte de la durée de travail”)” : “L'organisation annuelle du temps partiel est régie par les dispositions de l'article 3-1 et 3-3 de l'accord du 31 juillet 2007 portant révision de l'accord du 28 avril 1999 sur la réduction du temps de travail modifié par l'avenant du 18 août 2000. Les dispositions de cet article modifient et révisent l'article 3-3-4 de l'accord du 31 juillet 2007”. 34

Voir l'article 7-2 de l'accord du 19 juin 2014, intitulé “Modalités de communication au collaborateur du programme indicatif”, selon lequel “Le régime de la programmation indicative de la modulation des temps partiels est soumis aux mêmes dispositions que l'article [17.7] (l'article 17.6 visé par le texte porte sur la rémunération) de l'accord interne relatif au programme indicatif des collaborateurs modulés. 35

L'employeur informe chaque tertial le comité d'établissement de l'évolution des compteurs de modulation des collaborateurs de l'établissement”.

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A cet égard, l'accord précise que la notification des horaires de travail au salarié doit intervenir par écrit ou par voie électronique au moins quinze jours à l'avance, sauf urgence36. 5. La loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, qui a peu modifié les conditions de recours au temps partiel modulé, a également adopté un régime de validation législative des accords antérieurs, dont la portée est discutée entre les parties dans le cadre de la seconde branche du premier moyen du pourvoi de l'employeur. Sur le fond, le nouvel article L. 3121-44 du code du travail a confirmé la faculté, par accord d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, de branche, y compris pour les salariés à temps partiel, d'aménager le temps de travail et d'organiser la répartition de la durée du travail sur une période supérieure à la semaine, selon une période de référence pouvant aller jusqu'à trois ans, l'accord devant en outre prévoir les conditions et délais de prévenance des changements de durée ou d'horaires de travail37. Or, il a été précisé plus haut (voir supra, § 2.3 ) que l'article 17-7 de l'accord interne afférent à l'accord du 31 juillet 2007 reprenait strictement les termes de l'article 3-1-7 de ce dernier accord relatif au régime général de la programmation indicative de la modulation et de la fixation des plannings, dont les dispositions de l'alinéa 3 de cet article 3-1-7, selon lesquelles : “Le planning des horaires hebdomadaires de travail est établi pour chaque unité de travail (magasin, département, service ou rayon) et pour chaque période, par le responsable. Il est communiqué aux salariés concernés, au moins 15 jours avant le début de la période, et affiché”. Cependant, ces dispositions ne prévoient pas expressément de communication du programme indicatif et ne précisent pas les modalités de cette communication du planning d'horaires hebdomadaires de travail au salarié. Voir article 11 “Notification au collaborateur des horaires de travail” de l'accord du 19 juin 2014, sous-titré “(Cet article révise l'[article] 3-3-4 de l'accord du 31 juillet 2007 “conditions et délai de notification des horaires de travail”)” : “Les horaires de travail des collaborateurs concernés leur seront notifiés par écrit ou voie électronique 15 jours minimum avant, sauf accord de l'intéressé. 36

Toutefois, ce délai pourra être réduit à 7 jours en cas exceptionnel de remplacement d'une absence non prévue (hors congés, formation,...) ou en cas de travaux urgents tels que prévus par le code du Travail (article L. 31324 du code du Travail). [La société] s'engage à tenir compte des impératifs familiaux et personnels des collaborateurs concernant ces modifications des horaires de travail. Ces nouveaux horaires seront alors communiqués par tout moyen vérifiable (papier ou électronique) aux collaborateurs concernés”. 37

Article L. 3121-44 du code du travail, dans sa version issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016: “En application de l'article L. 3121-41, un accord d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche peut définir les modalités d'aménagement du temps de travail et organiser la répartition de la durée du travail sur une période supérieure à la semaine. Il prévoit : 1° La période de référence, qui ne peut excéder un an ou, si un accord de branche l'autorise, trois ans ; 2° Les conditions et délais de prévenance des changements de durée ou d'horaires de travail ; 3° Les conditions de prise en compte, pour la rémunération des salariés, des absences ainsi que des arrivées et des départs en cours de période de référence. Lorsque l'accord s'applique aux salariés à temps partiel, il prévoit les modalités de communication et de modification de la répartition de la durée et des horaires de travail. L'accord peut prévoir une limite annuelle inférieure à 1 607 heures pour le décompte des heures supplémentaires.

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Sur l'application de la loi dans le temps, cette loi du 8 août 2016 a sécurisé les accords de modulation ou d'annualisation passés sous l'empire de certains régimes antérieurs précisément déterminés : “Cessent d'être applicables aux accords collectifs conclus avant la publication de la présente loi les dispositions relatives à la détermination d'un programme indicatif prévues : 1° Au 4° de l'article L. 212-8-4 du code du travail, dans sa rédaction résultant de la loi n° 87423 du 19 juin 1987 relative à la durée et à l'aménagement du temps de travail38 ; 2° A l'article L. 212-2-1 du code du travail, dans sa rédaction résultant de la loi n° 93-1313 quinquennale du 20 décembre 1993 relative au travail, à l'emploi et à la formation professionnelle39 ; 3° A l'article L. 212-8 du code du travail, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2000-37 du 19 janvier 2000 relative à la réduction négociée du temps de travail40 ; 4° Au 1° de l'article L. 3122-11 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail41 ; 5° A l'article L. 713-16 du code rural et de la pêche maritime, dans sa rédaction antérieure à la même loi” (article 12, IV, de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016).

B) Sur l'applicabilité de certaines dispositions légales relatives au programme indicatif de répartition durée de travail à l'accord du 31 juillet 2007 (branche 2) Les lois de validation doivent être interprétées strictement (1), ce qui amène à en l'espèce retenir l'applicabilité de l'article L. 212-8 du code du travail, dans sa version postérieure à la loi n° 2007-37 du 19 janvier 2000 (2).

Si la période de référence est supérieure à un an, l'accord prévoit une limite hebdomadaire, supérieure à trentecinq heures, au delà de laquelle les heures de travail effectuées au cours d'une même semaine constituent en tout état de cause des heures supplémentaires dont la rémunération est payée avec le salaire du mois considéré. Si la période de référence est inférieure ou égale à un an, l'accord peut prévoir cette même limite hebdomadaire. Les heures supplémentaires résultant de l'application du présent alinéa n'entrent pas dans le décompte des heures travaillées opéré à l'issue de la période de référence mentionnée au 1°. L'accord peut prévoir que la rémunération mensuelle des salariés est indépendante de l'horaire réel et détermine alors les conditions dans lesquelles cette rémunération est calculée, dans le respect de l'avant-dernier alinéa”. 38

Accord de modulation de type I ou II conclu en application de la loi n° 87-423 du 19 juin 1987, l'ancien article L. 212-8-4, 4°, du code du travail prévoyant que la convention ou l'accord collectif étendu l'instaurant devait obligatoirement contenir le programme indicatif concernant sa mise en œuvre (voir supra, § 1.1). 39

Accord d'annualisation du temps de travail au sens de l'article L. 212-2-1 du code du travail, dans sa version issue de la loi n° 93-1313 quinquennale du 20 décembre 1993 relative au travail, à l'emploi et à la formation professionnelle (voir supra, § 1.2). 40

Accord de modulation conclu en application de l'article L. 212-8 du code du travail, dans sa version issue de la loi n° 2000-37 du 19 janvier 2000 (voir supra, § 2.1). 41

Accord de modulation conclu sous l'empire de l'ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007, en application de l'article L. 3122-9 du code du travail, l'article L. 3122-11, 1°, du même code prévoyant alors que “La convention ou l'accord de modulation fixe : (...) Le programme indicatif de la répartition de la durée du travail” (voir supra, § 3.1).

17

1. En tant qu'elles risquent de porter atteinte, de par leur caractère rétroactif, à la sécurité juridique, le conseil constitutionnel, sous l'influence de la Cour européenne des droits de l'homme42, a soumis les lois de validation à trois conditions principales : respecter les décisions de justice ayant force de chose jugée, être justifiées par un motif impérieux d'intérêt général et la portée de la modification ou de la validation doit être strictement définie (conseil constitutionnel, décisions n° 2013-366 QPC du 14 février 2014, point 3 ; n° 2016-736 DC du 4 août 2016, point 20; n° 2015-525 QPC du 2 mars 2016, point 3). Selon les mêmes principes, la cour de cassation a elle-même constaté la violation de l'article 6, § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme par l'article 29 de l'article 29 de la loi n° 2000-37 du 19 janvier 2000 voulant mettre un terme à un abondant contentieux, en raison de l'absence “d'impérieux motifs d'intérêt général” (Soc, 13 juin 2007, n° 06-40.826, 06-40.827, 06-40.828, 06-40.829, 06-40.830, 0640.823, 06-40.824 et 06-40.825 ; n° 05-45.694, 05-45.696). Elle a eu l'occasion de préciser, au sujet de l'article 8-V de validation de la loi n° 2000-37 du 19 janvier 2000, qu'une convention ou un accord de modulation ne peut bénéficier d'un tel article que s'il est applicable à la date d'entrée en vigueur de la loi de validation et en respecte les dispositions (Soc, 25 juin 2015, n° 13-25.938, 13-25.939, 13-25.940, 13-25.941, 13-25.942, 13-25.943 et 13-25.944 ; Soc, 13 février 2007, n° 05-14.078). Il avait de même été jugé, concernant l'article 28-I de validation de la même loi, qu'un dispositif de validation ne peut que s'appliquer qu'aux seules catégories de salariés visées par la loi de validation, et non à d'autres (Soc, 5 avril 2006, n° 05-43.061). L'administration du travail avait également considéré, en s'appuyant sur la décision rendue par le conseil constitutionnel sur le même texte (décision n° 99-423 DC du 13 janvier 2000, point 44), que doivent être incluses dans le champ de la sécurisation toutes les clauses des accords conformes à la législation applicable à la date de leur conclusion (circulaire MES/CAB/2000 003 du 3 mars 2000, fiche n°26 : sécurisation des accords, II)43. Echappent ainsi à la “sécurisation” prévue par la loi “Aubry II” les accords-cadres n'ouvrant que la possibilité d'organiser le travail à l'année, sans l'imposer, en renvoyant la définition des modalités précises de cette organisation à la négociation d'accords collectifs locaux (Soc, 13 mars 2019, n° 17-25.701 ; Soc, 24 juin 2015, n° 14-10.710 ; Soc, 18 mars 2015, n° 13-23.728 ; Soc,17 décembre 2014, n° 1319.834 ; Soc, 13 juin 2012, n° 11-12.192).

42

Voir la célèbre affaire Zielinski et Pradal c/ France (CEDH, 28 octobre 1999, requêtes n° 24846/94 et 34165/96 à 34173/96, point 57), dans laquelle la Cour européenne des droits de l'homme juge qu'une validation législative a méconnu le droit au proc s équitable au motif que le principe de la prééminence du droit et la notion de proc s équitable consacrés par l'article 6 s'opposent, sauf pour d'impérieux motifs d'intérêt général, l'ingérence du pouvoir législatif dans l'administration de la justice dans le but d'influer sur le dénouement judiciaire du litige. Dans le même sens, jugeant que des procédures ou des mesures fiscales ne peuvent être régularisées rétroactivement par la loi que si cette validation est justifiée par des motifs d'intérêt général : CEDH, 9 décembre 2008, SCI Parc de Vallauris, requête n° 31050/06, p. 8 ; 23 juillet 2009, Joubert c/ France, n° 30345/05, § 66 à 68). 43 En ce sens, par rapport à l'article 20, V, de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 : Soc, 8 avril 2021, n° 1920.386, 19-20.389, 19-20.390 et 19-20.384.

18

2. En l'espèce, la salariée a sollicité et obtenu devant la cour d'appel le paiement par l'employeur d'heures complémentaires majorées à compter du 17 février 2014 jusqu'à la rupture de son contrat de travail intervenue le 1er décembre 201544, période régie, au plan conventionnel, par l'accord de modulation du 31 juillet 2007, l'accord interne du même jour et celui du 19 juin 2014, dont la légalité est contestée. L'article 12, IV, de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, présent dès l'origine dans le projet de loi45, a pour objectif de prévenir la remise en cause ultérieure d'accords conclus antérieurement à sa publication au journal officiel du lendemain, sur la base de certaines dispositions législatives relatives à la modulation. La seconde branche du premier moyen du pourvoi de l'employeur (n° S2218940) se prévaut de la non-applicabilité à l'accord du 31 juillet 2007 litigieux de deux dispositions légales antérieures, relatives au régime général de la modulation, imposant la fixation du programme indicatif de répartition de la durée du travail et ses modalités de communication au salarié. S'agissant de l'article L. 212-8 du code du travail, le 3° de l'article 12, IV, de la loi du 8 août 2016 précitée vise expressément la seule rédaction résultant de la loi n° 2007-37 du 19 janvier 2000, à l'exclusion de toute autre version ultérieure de cet article, comprise entre cette loi du 19 janvier 2000 et la date de publication de la loi de validation. Or, il a été exposé plus haut que dans cet intervalle, l'article L. 212-8 du code du travail avait fait l'objet de deux réformes ultérieures, par l'effet des lois n° 2003-47 du 17 janvier 2003, en vigueur du 18 janvier 2003 au 1er juillet 2004, et n° 2004-626 du 30 juin 2004, en vigueur du 1er juillet 2004 au 1er mai 2008, lesquelles ont notamment maintenu l'exigence de fixation dans l'accord du programme indicatif de répartition de la durée du travail, les règles d'établissement de celuici ainsi que l'information des salariés du changement de leur horaire de travail46. Ces deux textes étant entrés en vigueur avant la signature de l'accord de modulation du 31 juillet 2007, la non-application à ce dernier des exigences relatives à la programmation indicative tirées de l'article L. 212-8 du code du travail, dans sa version issue de la loi n° 2007-37 du 19 janvier 2000, n'excluait pas que le même accord soit soumis aux versions ultérieures de cet article issues des deux lois précitées, votées avant la loi de validation du 8 août 2016 et non visées par cette dernière.

44

Voir conclusions d'appel de la salariée, p. 15 et arrêt attaqué, p. 3.

45

Voir en effet l'article 5 du projet de loi initial (p. 123), qui sera renuméroté 12 au moment de sa lecture définitive par l'Assemblée nationale. 46

Voir supra, § 2.1.

19

S'agissant en revanche de l'article L. 3122-11, 1°, du code du travail, qui a succédé à l'article L. 212-8 du même code à l'occasion de l'ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007, en maintenant le principe de la fixation par la convention ou l'accord de modulation du programme indicatif de répartition de la durée du travail47, cette ordonnance est entrée en vigueur le 1er mai 200848, postérieurement à l'adoption de l'accord du 31 juillet 2007 litigieux, auquel elle est donc inapplicable. L'article 12, IV, de la loi du 8 août 2016 visant la rédaction du même article L. 3122-11,1°, antérieure à la loi n° 2008-789 du 20 août 2008, qui l'a par ailleurs abrogé, est par conséquent sans effet à cet égard. 3. Il résulte de l'ensemble de ces éléments que l'article 12, IV, de la loi n° 20161088 du 8 août 2016 ne peut être considéré comme ayant exclu toute application à l'accord du 31 juillet 2007 de l'exigence d'un programme indicatif de répartition de la durée du travail en vertu de l'article L. 212-8 du code du travail visé par l'arrêt attaqué (p. 7), dans ses versions postérieures à la loi “Aubry II” n° 2000-37 du 19 janvier 2000 et antérieures à l'adoption de l'accord. Si l'argument peut être retenu en ce qui concerne l'article L. 3122-11 du code du travail, entré en vigueur après la signature de l'accord et concerné en conséquence par l'article de validation pour la seule période postérieure à celle-ci, le rapport relève à juste titre que le contrat de travail de la salariée ayant été définitivement rompu le 1er décembre 2015 - licenciement motivé notamment par le non-respect des horaires de travail -, soit antérieurement à la loi du 8 août 2016, les dispositions de cette dernière ne peuvent lui être appliquées sans se voir conférer un effet rétroactif contraire à l'article 2 du code civil49. Il conviendra en conséquence de prononcer un rejet pur et simple de la seconde branche du premier moyen. C) Sur la légalité des dispositions conventionnelles fondant la modulation du temps de travail (proposition de nouveau motif substitué) L'irrégularité du contenu d'un accord de modulation le prive d'effet à l'égard du salarié (1), tandis que l'article L. 212-4-6 du code du travail exige qu'il fixe les modalités de communication par écrit au salarié du programme de celle-ci (2), de sorte que les lignes directrices sommaires et optionnelles figurant dans les deux accords litigieux ne remplissent pas les standards légaux, comme l'a justement conclu la cour d'appel (3). 47

Voir supra, § 3.1.

48

Voir supra, § 3.

49

En effet, il est de jurisprudence constante que la loi nouvelle, qui ne dispose que pour l'avenir, ne peut modifier les effets légaux d'une situation juridique définitivement réalisée lors de son entrée en vigueur (Soc, 29 septembre 2021, n° 20-10.634 ; Civ 3ème, 3 juin 2021, n° 20-12.353 ; Ch. Mixte, 13 mars 1981, n° 80-12.125). Or, le litige porte en l'espèce sur l'interprétation du cadre légal et conventionnel applicable au moment de la conclusion d'un contrat de travail ainsi que la contestation du motif de sa rupture, définitivement intervenue avant l'entrée en vigueur de la loi nouvelle n° 2016-1088 du 8 août 2016. Si l'article de validation de cette dernière emporte un effet rétroactif concernant certaines exigences légales relatives au régime de la modulation du temps de travail, cet effet ne peut s'appliquer ni aux conditions de validité du contrat de travail en vigueur au moment de sa conclusion, ni à son exécution définitivement réalisée avant l'entrée en vigueur de cette loi, ce d'autant que cet article, inséré dès l'origine dans le projet de loi, n'est justifié dans les travaux préparatoires par aucun motif impérieux d'intérêt général.

20

1. La jurisprudence de la Cour de cassation sanctionne le respect des dispositions légales relatives à la mise en place d'un programme indicatif de la répartition de la durée du travail à trois niveaux. D'une part, l'irrégularité formelle d'un accord de modulation ne comportant ni le programme indicatif de répartition ou la variation de la durée du travail, ni les conditions de réduction du délai de prévenance, ni les contreparties dont le salarié bénéficierait dans cette hypothèse emporte que celui-ci est inopposable au salarié (Soc, 24 mai 2023, n° 21-24.350 ; Soc, 8 avril 2021, n° 19-20.386, 1920.389, 19-20.390, 19-20.384 ; Soc, 15 décembre 2015, n° 13-28.453 ; Soc, 17 décembre 2014, n° 13-19.834). Le salarié peut alors prétendre au paiement d'heures supplémentaires (Soc, 26 avril 2017, n° 15-26.303, 15-26.304, 15-26.296, 1526.297, 15-26.298, 15-26.299, 15-26.300, 15-26.301 et 15-26.302). D'autre part, s'agissant de l'irrégularité dans la mise en œuvre de la modulation par l'employeur, il a été jugé que l'accord de modulation est privé d'effet en l'absence de mise en place d'un programme indicatif de la durée du travail et de communication de ce programme aux salariés de l'entreprise avant le début de la période considérée (Soc, 11 mai 2017, n° 15-25.038 et 15-25.100 ; Soc, 26 avril 2017, n° 15-26.303, 15-26.304, 15-26.296, 15-26.297, 15-26.298, 15-26.299, 1526.300, 15-26.301, 15-26.302 - arrêt mentionnant l'“inopposabilité” de l'accord ; Soc, 9 avril 2015, n° 13-20.936, 13-20.937, 13-20.941, 13-20.924, 13-20.970, 13-20.925, 13-20.927, 13-20.929, 13-20.932 et 13-20.933 ; Soc, 2 juillet 2014, n° 13-14.216). Dans ce cadre, les juges du fond doivent rechercher si les conditions d'application de l'accord sont réunies (Soc, 13 avril 2022, n° 19-24.920 et 2016.224) et si, lorsqu'il le prévoit, l'employeur justifie avoir communiqué au salarié, sur toute la période considérée et pour chaque année, les programmes indicatifs de répartition de la durée du travail (Soc, 24 mai 2023, n° 21-24.350, précité ; Soc, 16 novembre 2022, n° 21-20.035 ; Soc, 13 octobre 2021, n° 20-12.730 ; Soc, 20 janvier 2021, n° 19-17.364). En outre, pour un salarié à temps partiel modulé, en cas de défaut de respect des modalités selon lesquelles le programme indicatif de répartition de la durée du travail est communiqué par écrit au salarié et des conditions et délais dans lesquels les horaires de travail lui sont notifiés par écrit, le contrat est requalifié en contrat à temps complet (Soc, 16 novembre 2022, n° 21-20.035 ; Soc, 26 janvier 2022, n° 19-24.257, 19-24.258 et 19-24.259 ; Soc, 29 septembre 2021, n° 19-16.544 ; Soc, 2 juin 2021, n° 19-16.059) 2. En l'espèce, il a été exposé plus haut que loi n° 2000-37 du 19 janvier 2000 avait créé pour les travailleurs à temps partiel un nouvel article L. 212-4-6 du code du travail prévoyant, d'une part, une possible variation de la durée hebdomadaire ou mensuelle de travail sur tout ou partie de l'année sous réserve de ne pas excéder sur un an en moyenne la durée stipulée au contrat de travail (alinéa 1er) et, d'autre part, l'obligation pour la convention ou l'accord collectif de fixer les modalités selon lesquelles le programme indicatif de la répartition de la durée du travail est communiqué par écrit au salarié (alinéa 2, 6°)50.

50

Voir supra, § 2.2.

21

Ces obligations ont été maintenues à l'identique par les deux lois postérieures à la loi “Aubry II” de 2000, soit la loi n° 2004-391 du 4 mai 2004, en vigueur du 5 mai 2004 au 27 juillet 2005, et la loi n° 2005-841 du 26 juillet 2005, en vigueur du 27 juillet 2005 au 1er mai 2008, au moment de la signature de l'accord de modulation du 31 juillet 2007, auquel cet article L. 212-4-6 est donc applicable. 3. Or, il résulte de la lecture réalisée plus haut de la convention et de l'accord interne signés le 31 juillet 200751, sous l'empire de l'article L. 212-4-6 du code du travail, que: ▪

s'agissant du régime général de la modulation :

- l'accord principal mentionne au titre de la consultation des Comités d'établissements que le programme indicatif de modulation est annuel (article 3-1, § 5) et indique, par le biais d'un renvoi, que la période de modulation est fixée à une année, étalée de septembre à août et devant comporter des semaines civiles entières (article 3-1-7, alinéa 2, de l'accord principal, renvoyant à l'article 17-4, semble-t-il, de l'accord interne) ; - les deux actes se bornent à définir de grandes lignes directrices non contraignantes pour l'établissement d'un programme de modulation, en fonction d'une durée hebdomadaire du travail “généralement supérieure ou égale à l'horaire contractuel”, par tranches de quatre à six mois (“tertials”), étant précisé que les magasins “peuvent retenir une programmation indicative différente de celle mentionnée ci-dessous” (articles 3-1-7 de l'accord et 17-7 de l'accord interne) ; - les deux actes ne prévoient aucune communication du programme indicatif de modulation, le salarié étant seulement destinataire de ses horaires hebdomadaires de travail quinze jours à l'avance (articles 3-1-7, § 3, de l'accord et 17-7, § 3, de l'accord interne) ; ▪

s'agissant du régime du temps partiel modulé, applicable à la salariée :

- comme pour le régime général, les dispositions spécifiques de l'accord principal confirment le caractère annuel de la période de modulation, courant du mois de septembre au mois d'août suivant, et devant comporter des semaines civiles entières (article 3-3-4, “Définition des périodes de modulation”) ; - ces mêmes dispositions ne comportent aucune indication quant à la répartition indicative de la durée de travail d'une semaine à l'autre, étant limitées à la durée de travail hebdomadaire, journalière et à la limite de variation de cette durée (article 3-3-4 de l'accord principal) ; - sur les “Modalités de communication au salarié du programme indicatif”, l'accord principal (article 3-3-4) renvoie à l'article 17-6 de l'accord interne, lequel est relatif à la question distincte de la rémunération des salariés modulés ; à supposer qu'il s'agisse d'une erreur matérielle et que l'article 17-7 de l'accord interne, relatif à la “Programmation indicative et [à la] fixation des plannings”, soit en réalité visé, il a été précisé plus haut que ce texte se cantonnait à de grandes lignes directrices optionnelles par “tertials”, dont les magasins étaient libres de s'écarter ; 51

Voir supra, § 2.3.

22

- ces dispositions spécifiques ne prévoient aucune communication au salarié de la programmation indicative de la répartition de la durée du travail, cette communication étant limitée à la notification des horaires de travail selon un délai de prévenance de quinze jours (article 3-3-4 de l'accord principal). Il apparaît donc qu'aucune de ces dispositions, qui se bornent à fixer de grandes indications facultatives pour l'établissement du programme indicatif de répartition de la durée de travail sur plusieurs mois, dont les magasins peuvent s'écarter, ne fixe les modalités de communication par écrit au salarié d'un tel programme, tel que prescrit par l'article L. 212-4-6 du code du travail, dans sa version issue de la loi n° 2005-841 du 26 juillet 2005 applicable au moment de la signature de l'accord du 31 juillet 2007 et de l'accord interne afférent. La modulation étant organisée dans l'entreprise sur une base annuelle, les indications sommaires et optionnelles figurant dans ces deux accords permettent d'autant moins au salarié de connaître et d'anticiper, en l'absence de communication du programme indicatif annuel de répartition, la répartition de sa durée de travail sur la période de modulation. L'accord du 31 juillet 2007 étant taisant sur ce point, il ne saurait être considéré comme conforme aux prescriptions de l'article L. 212-4-6 précité, de sorte que l'acte “n'a pu valablement instaurer une modulation du temps de travail, peu important qu'il n'ait pas été contesté” comme le soutient l'arrêt attaqué, ce d'autant que l'employeur “ne produit pas les programmes indicatifs de répartition de la durée du travail” démontrant qu'il aurait néanmoins, dans les faits, respecté les prescriptions légales (arrêt attaqué, p. 7, § 3 et 4). Cet accord étant de ce fait privé d'effet à l'égard de la salariée, la décision ne saurait donc être critiquée pour avoir jugé irrégulier un tel accord et sa mise en œuvre, ce qui devra conduire, sous réserve de substitution du motif de pur droit attaché à l'illégalité de l'accord au regard de l'article L. 212-4-6 du code du travail tel que proposé au rapport, au rejet de la première branche du premier moyen du pourvoi de l'employeur (n° S2218940). D) Sur la faculté d'instauration d'une modulation du temps de travail sans communication préalable aux salariés du programme indicatif de répartition de la durée du travail (branche 1) Outre l'article L. 212-4-6 de code du travail précité, le rejet de la première branche du premier moyen du pourvoi de l'employeur (n° S2218940) pourra encore être prononcé sur le fondement de l'article L. 212-8 du même code, dans sa version issue de la loi n° 2004-626 du 30 juin 2004, en vigueur du 1er juillet 2004 au 1er mai 2008, non visée par l'article 12, IV, 3°, de validation de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, et dès lors applicable à l'accord du 31 juillet 2007 ainsi qu'à l'accord interne afférent.

23

En effet, il a été exposé plus haut qu'en application de ce texte, les conventions et accords concernés devaient fixer le programme indicatif de la répartition de la durée du travail (alinéa 5), après avis des représentants du personnel avant mise en œuvre et en cas de modification (alinéas 6 et 8), ainsi que les règles selon lesquelles est établi ce programme indicatif pour chacun des services ou ateliers concernés et, le cas échéant, l'activité des salariés selon des calendriers individualisés (alinéa 9)52. Or, l'examen du contenu de l'accord du 31 juillet 2007 et de l'accord interne afférent invoqués par la branche du moyen en cause révèle qu'ils se bornent à énoncer des lignes directrices sommaires et optionnelles pour l'élaboration du programme indicatif de modulation, sans en préciser la procédure d'élaboration ni en prévoir la communication au salarié, alors de surcroît que cette modulation doit être renouvelée chaque année. Il s'avère que leur contenu, qui ne permet pas au salarié de connaître à l'avance la répartition de sa durée de travail d'une semaine à l'autre, peut donc être considéré comme ne répondant pas aux exigences de l'article L. 212-8 du code du travail précité, justifiant qu'il soit, comme l'a jugé la cour d'appel, déclaré sans effet à l'égard de la salariée et que l'employeur soit en conséquence condamné à un rattrapage d'heures complémentaires. II - Sur la restitution des sommes perçues au titre d'un accord de modulation privé d'effet (pourvoi principal - moyen 2) Tout versement d'argent sans cause donne lieu à restitution au solvens sans que puisse s'y opposer sa faute éventuelle, le préjudice de l'accipiens devant le cas échéant faire l'objet d'une réparation distincte (1), ce qui doit être appliqué aux conséquences financières d'un accord de modulation privé d'effet (2), contrairement à ce qu'a jugé la cour d'appel (3). 1. L'ancien article 1376 du code civil, dans sa formulation issue de la loi du 9 février 1804, dispose que “Celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû s'oblige à le restituer à celui de qui il l'a indûment reçu”. Il en résulte que dès lors que les sommes versées n'étaient pas dues, le solvens est en droit, sans être tenu à aucune preuve, d'en obtenir la restitution (Ass. plén., 2 avril 1993, n° 89-15.490 ; Civ 1ère, 20 janvier 1998, n° 96-11.176), ce y compris lorsque le paiement est devenu ultérieurement indu (Soc, 16 mai 2000, n° 98-12.571).

52

Voir supra, § 2.1.

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Il en va de même lorsque l'employeur verse par erreur aux salariés des sommes qui ne leur sont pas dues telles qu'une prime conventionnelle intégrée à tort dans le salaire de base après condamnation de l'employeur à des dommagesintérêts correspondant au montant de cette prime (Soc, 23 octobre 2013, n° 1212.894), qu'un salaire payé au-delà du terme du préavis (Soc, 24 septembre 2014, n° 13-16.562), que des indemnités de précarité, spéciales de congés payés et de déplacement versées par erreur (Soc, 27 janvier 2016, n° 13-24.396), sauf preuve d'une intention libérale (Soc, 21 mars 2018, n° 16-21.021 : note de frais indûment remboursée ; Soc, 14 mars 2008, n° 16-13.916 : prime d'ancienneté versée à tort). La Cour de cassation fait application du régime de la répétition de l'indu en matière de contentieux des conventions de forfait en jours devenues non opposables au salarié, justifiant le remboursement des jours de réduction du temps de travail accordés en exécution de la convention, soit que le salarié n'ait pas valablement donné son consentement à la conclusion d'un forfait en heures (Soc, 13 mars 2019, n° 18-12.933, 18-13.049, 18-13.004, 18-13.171, 18-13.060, 1813.154, 18-13.156 et 18-13.065 ; Soc, 4 décembre 2019, n° 18-16.937), soit que les salariés n'étaient pas éligibles à la convention (Soc, 20 février 2019, n° 18-13.067 et pourvois connexes ; Soc, 4 décembre 2019, n° 18-16.942), soit que la convention soit ultérieurement privée d'effet (Soc, 6 janvier 2021, n° 17-28.234), voire annulée53. En outre, la faute du solvens ne constitue pas une fin de non-recevoir à la répétition de l'indu (Soc, 30 septembre 2010, n° 09-40.114) mais peut conduire à réduire la dette de restitution de l'accipiens si celle-ci lui a causé un préjudice (Civ 3e, 28 janvier 2015, n° 13-27.397). Elle peut également, dans ce dernier cas, donner lieu au paiement de dommages-intérêts (Soc, 30 mai 2000, n° 98-15.153 ; Civ 1re, 18 mai 1994, n° 91-21.332), sans préjudice de la possibilité d'une compensation entre les deux sommes. 2. Plusieurs raisons invitent à transposer la jurisprudence relative à la restitution des sommes issues d'une convention de forfait privée d'effet au cas litigieux de la restitution des sommes ayant indemnisé le recours à une modulation dont l'accord a été déclaré sans effet à l'égard d'un salarié. Le droit commun de la répétition de l'indu se borne, pour justifier le remboursement, à prendre en compte le caractère indu du versement, quelle qu'en soit la cause, qu'il résulte d'une annulation ultérieure du titre ou simplement de sa neutralisation, même temporaire, à l'égard d'un salarié donné. Le fait que cette restitution procède d'un recours irrégulier par l'employeur à la modulation n'est pas de nature à empêcher la restitution des sommes versées à tort à ce titre et la réparation du préjudice subi de ce fait par le salarié ne peut passer que par la mise en jeu de la responsabilité de l'employeur, sur un fondement juridique distinct, le cas échéant avec compensation des deux sommes. Outre par le paiement de dommages-intérêts, la sanction de l'employeur et le caractère dissuasif qui en découle sont garantis par la faculté de réduction de sa créance de restitution si le versement procède d'une faute dûment établie, cette réduction éventuelle n'ayant pas pour objet d'indemniser la soumission à une modulation dont le fondement juridique est privé d'effet. 53

En effet, dans une série d'arrêts du 29 septembre 2021, la chambre sociale de la Cour de cassation s'est référée au fait que le paiement des jours non travaillés accordés en exécution de conventions de forfait déclarées nulles, devant être restitués à l'employeur, était devenu indu (Soc, 29 septembre 2021, n° 20-12.983 et suivants).

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3. En l'espèce, s'agissant du grief d'inopérance du moyen, il y a lieu de relever que l'employeur, dans ses conclusions d'appel, développait une argumentation tendant à voir rejeter la demande en paiement de dommages-intérêts de la salariée pour recours irrégulier à la modulation, au motif que celle-ci avait perçu une prime mensuelle égale à 2,5 % de son salaire de base, de sorte qu'en cas d'annulation de l'accord de modulation, l'intéressée devrait être condamnée à restituer les sommes reçues à ce titre54. Si l'employeur ne cite pas explicitement l'article 1376 du code civil, ces éléments permettaient néanmoins d'identifier clairement une demande en restitution de sommes présentant un caractère indu, dont la répétition était sollicitée, et par conséquent au juge de trancher le litige conformément aux règles de droit applicables. Sur le fond, l'article 3-3-4 de l'accord du 31 juillet 2007 comporte un paragraphe “Accompagnement de la modulation” prévoyant le versement aux salariés à temps partiel d'une prime de 2,5 % de leur salaire de base mensuel, laquelle vise à compenser les sujétions particulières liées à la modulation, notamment les variations du volume d'heures travaillées d'une semaine à l'autre et du revenu afférent, particulièrement contraignantes pour les salariés à temps partiel. Dans ces conditions, au vu de la jurisprudence analysée plus haut, dès lors que l'accord de modulation irrégulier était déclaré inopposable, il ne pouvait être refusé à l'employeur solvens la répétition des primes compensatoires versées à tort au salarié accipiens, ainsi que leur compensation avec l'éventuelle condamnation du premier au paiement de dommages-intérêts, au seul motif, comme l'a affirmé la cour d'appel, que la salariée “(...) a été effectivement soumise durant sa période d'emploi dans son planning à une modulation du temps de travail” (arrêt attaqué, p. 8). En statuant ainsi, la cour d'appel a bien, comme le soutient le deuxième moyen du pourvoi de l'employeur (S2218940), violé l'article 1376 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 et l'article 1302, alinéa 1er, du code civil, dans sa rédaction issue de cette ordonnance. Il conviendra donc de prononcer la cassation partielle de l'arrêt attaqué de ce chef.

“Enfin, [la salariée] sollicite 5.000 euros de dommages et intérêts pour compenser le préjudice subi du fait de la modulation de sa durée du travail, alors qu'elle percevait tous les mois une prime de 2,5 % de son salaire de base visant à compenser la sujétion liée à la modulation. 54

Si [la salariée] avait subi le moindre préjudice – ce qu'elle ne démontre pas – celui-ci a déjà été largement compensé par le versement de cette prime mensuelle. Surtout, si par exceptionnel la Cour d'appel de céans devait considérer que la « modulation » n'était pas valable ou pas valablement mise en œuvre, elle devrait alors condamner [la salariée] à restituer les sommes qu'elle a perçues au titre de la modulation. Ce d'autant que la prime de modulation est prévue par l'accord dont [la salariée] sollicite qu'il soit privé d'effet” (conclusions d'appel de l'employeur, p. 32 et 33).

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III - Sur les conditions de recours au travail de nuit (pourvoi incident - moyen unique) Après un rappel du caractère exceptionnel et strictement encadré du travail de nuit (A), l'incidence du statut de travailleur de nuit (B) ainsi que du bénéfice d'une contrepartie financière et du consentement du salarié sur l'indemnisation du travail après 21 heures sera examinée (C). A) Sur le caractère exceptionnel et strictement encadré du travail de nuit Compte tenu de son incidence sur la santé et la sécurité des travailleurs55, le travail de nuit est soumis à des conditions strictes (1) et doit demeurer exceptionnel (2). 1. L'article 2, § 4, a) et b), de la directive 2003/88 du 4 novembre 2003 définit le travailleur de nuit comme tout travailleur qui accomplit durant la période nocturne au moins trois heures de son temps de travail journalier accomplies normalement ou qui est susceptible d'accomplir, durant la période nocturne, une certaine partie de son temps de travail annuel, définie selon le choix de l'État membre concerné. L'article 8 de la même directive prévoit que les États membres prennent les mesures nécessaires pour que le temps de travail normal des travailleurs de nuit ne dépasse pas huit heures en moyenne par période de vingt-quatre heures. L'article L. 3122-29 du code du travail, dans sa version issue de la même ordonnance, énonce que tout travail entre 21 heures et 6 heures est considéré comme travail de nuit, étant précisé qu'une autre période de neuf heures consécutives, comprise entre 21 heures et 7 heures incluant, en tout état de cause, l'intervalle compris entre 24 heures et 5 heures, peut être substituée à la première période par une convention ou un accord collectif de travail étendu ou un accord d'entreprise ou d'établissement, et à défaut, lorsque les caractéristiques particulières de l'activité de l'entreprise le justifient, par l'inspecteur du travail après consultation des représentants du personnel. Selon l'article L. 3122-31 du même code, dans sa version applicable : “Est considéré comme travailleur de nuit tout travailleur qui : 1° Soit accomplit, au moins deux fois par semaine, selon son horaire de travail habituel, au moins trois heures de son temps de travail quotidien durant la période définie à l'article L. 3122-29 ou à l'article L. 3122-30 ; 2° Soit accomplit, au cours d'une période de référence, un nombre minimal d'heures de travail de nuit au sens de ces mêmes articles. Le nombre minimal d'heures de travail de nuit et la période de référence mentionnés au 2° sont fixés par convention ou accord collectif de travail étendu ou, à défaut, par décret en Conseil d'Etat pris après consultation des organisations représentatives au niveau national des employeurs et des salariés”.

Voir considérant 7 de la directive 2003/88 du 4 novembre 2003 : “Des études ont démontré que l'organisme humain est plus sensible pendant la nuit aux perturbations environnementales et à certaines formes pénibles d'organisation du travail et que de longues périodes de travail de nuit sont préjudiciables à la santé des travailleurs et peuvent compromettre leur sécurité au travail”. 55

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L'article R. 3122-8 du code du travail, dans sa version issue du décret n°2008-244 du 7 mars 2008 applicable en l'espèce ajoute : “En l'absence de définition par une convention ou accord collectif de travail étendu, est considéré comme travailleur de nuit, au sens de l'article L. 3122-31, le travailleur qui accomplit, pendant une période de douze mois consécutifs, deux cent soixante-dix heures de travail”.

Sont réputées accomplies, au sens de ces textes, toutes les heures comprises dans l'horaire de travail habituel du salarié (Soc, 7 mars 2012, n° 10-21.744). En outre, le conseil constitutionnel a jugé les conditions restrictives du recours au travail de nuit conformes à la Constitution (Cons. const., décision n° 2014-373 QPC du 4 avril 2014, point 17). 2. Dans ce cadre, l'article L. 3122-32 du code du travail, dans sa version issue de l'ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007 applicable au litige, dispose : “Le recours au travail de nuit est exceptionnel. Il prend en compte les impératifs de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs et est justifié par la nécessité d'assurer la continuité de l'activité économique ou des services d'utilité sociale”.

Sous l'empire de l'ancien article L. 213-1 du code du travail, dont l'article L. 3122-32 précité a repris la lettre, l'administration du travail expliquait : “Le caractère exceptionnel peut être regardé par rapport à un secteur particulier (par exemple, les discothèques, les casinos, les hôpitaux...) pour lequel le travail de nuit est inhérent à l'activité. Pour les autres secteurs, le recours au travail de nuit doit être lié à l'examen préalable des autres possibilités d'aménagement du temps de travail. De plus, les impératifs de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs devront être pris en compte. Ainsi, les critères de rentabilité des investissements ne sauraient être les seuls qui seront retenus”.

Dans un important arrêt Sephora du 24 septembre 2014, la Cour de cassation a jugé qu'il résulte de l'article L. 3122-32 du code du travail précité que “(...) le travail de nuit ne peut pas être le mode d'organisation normal du travail au sein d'une entreprise et ne doit être mis en œuvre que lorsqu'il est indispensable à son fonctionnement”, approuvant l'injonction à une société de cesser d'employer des salariés entre 21 heures et 6 heures dans son établissement des Champs-Elysées, au motif qu'“elle exerçait dans un secteur, le commerce de parfumerie, où le travail de nuit n'est pas inhérent à l'activité, (...) ne démontrait pas qu'il était impossible d'envisager d'autres possibilités d'aménagement du temps de travail, ni que son activité économique supposait le recours au travail de nuit, ce dont il résultait l'existence d'un trouble manifestement illicite” (Soc, 24 septembre 2014, n° 1324.851)56.

56

Cette jurisprudence a donné lieu à l'introduction dans le code du travail (articles L. 3122-4 et L. 3122-19), par la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 (article 254), non applicable ratione temporis au cas d'espèce, de dispositions relatives au travail en soirée après 21 heures, par accord collectif ou sur la base du volontariat.

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La chambre criminelle de la même Cour a précisé qu'il ne peut être recouru au travail de nuit que de façon exceptionnelle et en considération de la situation propre à chaque établissement, et seulement lorsqu'il est justifié par la nécessité d'assurer la continuité de l'activité économique ou de services d'utilité sociale, de sorte qu'il appartient aux juges de contrôler si ces exigences sont remplies dans le cas de l'établissement en cause, le cas échéant en écartant les clauses d'une convention ou accord collectif non conformes (Crim, 7 janvier 2020, n° 18-83.074 ; dans le même sens : Soc, 30 janvier 2019, n° 17-22.018). Ces conditions doivent être remplies avant que sa mise en place ne soit subordonnée à la conclusion préalable d'une convention ou d'un accord collectif de branche étendu ou d'un accord d'entreprise ou d'établissement (Crim, 16 octobre 2018, n° 1783.703). S'agissant du critère de la continuité de l'activité économique, il a été précisé que le caractère exceptionnel s'apprécie au regard du secteur d'activité pour lequel le travail de nuit est inhérent ou pour lequel il n'existe pas d'autres possibilités d'aménagement du temps de travail, à charge pour l'employeur d'établir l'impossibilité d'assurer autrement cette continuité (Crim, 16 octobre 2018, n° 1783.703, précité). Ainsi, le travail de nuit n'est pas considéré comme inhérent à l'activité du commerce alimentaire (Crim, 11 décembre 2018, n° 17-87.432). Il ne peut davantage être justifié par une politique commerciale et un souci concurrentiel, le travail de nuit ne pouvant devenir le principe sous couvert de lutter contre la concurrence ou pour répondre à une demande de la clientèle très passante jusqu'à des heures tardives dans le lieu d'implantation d'un magasin (Crim, 10 mars 2020, n° 18-85.832). Dès lors, une société exploitant un supermarché d'alimentation et son gérant ayant fait exécuter à deux salariés une partie de leur travail après 21 heures doivent donc être condamnés pour contravention de mise en place illégale du travail de nuit (Crim, 2 septembre 2014, n° 13-83.304). S'agissant du critère des services d'utilité sociale, l'ouverture de nuit d'un établissement de vente au détail mettant à disposition de sa clientèle des biens et services ne s'analysait pas en un service d'utilité sociale au sens du texte précité (Soc, 30 septembre 2020, n° 18-24.130). Le recours au travail de nuit peut être en revanche justifié par la prise en charge continue des usagers pour une association telle que la Croix rouge française, lorsque la structure fonctionne avec une permanence d'accueil d'urgence humanitaire 24 heures sur 24, 7 jours sur 7 (Soc, 8 novembre 2017, n° 16-15.584). S'agissant de la charge de la preuve, sous l'empire du régime juridique antérieur à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, il a été jugé, dans le cadre d'un référé, que lorsque le travail de nuit est mis en place par accord d'entreprise, la preuve de la violation du recours au travail de nuit incombe à celui qui se prévaut d'un trouble manifestement illicite (Soc, 30 mai 2018, n° 16-26.394). Si sa mise en place résulte d'une décision unilatérale de l'employeur, il appartient à ce dernier de prouver que le recours au travail de nuit est justifié en application des dispositions légales et conventionnelles (Crim, 4 septembre 2018, n° 17-83.674). Lorsque cette modalité n'est pas inhérente au secteur d'activité auquel appartient l'entreprise, il doit encore démontrer qu'il est impossible d'envisager une autre possibilité d'aménagement du temps de travail et que son activité économique suppose le recours au travail de nuit (Soc, 24 septembre 2014, n° 13-24.851, précité).

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En outre, le salarié est fondé à solliciter les rappels de salaire au titre d'un travail de nuit même occasionnel, dès lors que la convention collective applicable ne réserve pas la prime demandée aux salariés ayant la qualité de travailleur de nuit (Soc, 10 avril 2019, n° 17-27.368). B) Sur l'incidence du statut de travailleur de nuit sur l'indemnisation du travail après 21 heures (branche 1) En l'espèce, la cour d'appel a retenu que la salariée ne pouvait prétendre voir constater l'illégalité du recours au travail de nuit et obtenir une réparation subséquente au motif que les horaires effectués par celle-ci ne recoupaient pas exactement les quotas visés par l'article L. 3122-32 du code du travail : “[La salariée], qui, selon son horaire de travail habituel, n'accomplissait pas, au moins deux fois par semaine au moins trois heures de son temps de travail quotidien durant la période comprise entre 21 heures et 6 heures et n'accomplissait pas non plus au moins 270 heures de travail entre 21 heures et 6 heures pendant une période de douze mois consécutifs, ne peut prétendre au statut de travailleur de nuit” (arrêt attaqué, p. 5).

Il ressort cependant de la jurisprudence analysée plus haut que la protection du salarié contre le recours illégal au travail de nuit n'est pas réservée aux seuls salariés victimes d'un dépassement du seuil légal de 21 heures s'étalant sur l'intégralité des plages horaires visées par les articles L. 3122-31 et R. 3122-8 du code du travail, le caractère exceptionnel d'un tel mode de travail devant être observé quel que soit le temps de travail effectif du salarié. En effet, le salarié est fondé à solliciter réparation d'un travail de nuit irrégulier même si celui-ci présente un caractère occasionnel et sans avoir à intenter au préalable, le cas échéant, une action en nullité contre l'accord d'entreprise l'instaurant. Le fait que ce régime horaire résulte d'un tel accord, par ailleurs non versé aux débats, ne saurait établir en soi la régularité d'un tel régime horaire, dans la mesure où il appartient en toute hypothèse à l'employeur de prouver que le recours au travail de nuit est justifié en application des dispositions légales et conventionnelles applicables et, lorsqu'une telle modalité n'est pas inhérente à son secteur d'activité ce qui paraît être le cas pour une société commercialisant au détail des biens et services d'ameublement -, qu'il lui est impossible de mettre en place une autre organisation du temps de travail. En outre, la perception d'une majoration de salaire, qui ne couvre pas nécessairement l'entièreté du préjudice lié au recours irrégulier, même occasionnel, au travail de nuit ne peut davantage justifier en tant que tel un refus de toute indemnisation. En outre, suivre la grille d'analyse retenue par la cour d'appel conduirait à faire échapper à toute sanction un recours récurant au travail après 21 heures sans atteinte des maxima liés au statut de travailleur de nuit, favorisant ainsi un contournement généralisé des règles protectrices du salarié en la matière, au premier chef son caractère exceptionnel. Il en résulterait de plus une rupture d'égalité, au regard de la protection générale voulue par le législateur, entre les travailleurs de nuit habituels et occasionnels.

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Il résulte de ces éléments que les motifs de l'arrêt attaqué ci-dessus rappelés constituent bien, comme l'affirme la première branche du moyen, une violation des articles L. 3122-29, L. 3122-31 et L. 3122-32 du code du travail, dans leur rédaction applicable au litige issue de l'ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007, justifiant la cassation de l'arrêt de ce chef. C) Sur l'incidence du bénéfice d'une contrepartie (branche 2) et du consentement du salarié (branche 3) sur l'indemnisation du travail après 21 heures. La cour d'appel, pour confirmer le rejet de la demande de la salariée tendant à voir constater l'illégalité du recours au travail de nuit et à en être indemnisée, a retenu, par adoption des motifs des premiers juges57, que la salariée bénéficiait de la contrepartie accordée à ceux amenés occasionnellement à travailler quelques heures par nuit et avait souhaité travailler jusqu'à vingt-trois heures (voir jugement du conseil de prud'hommes, p. 5, deux derniers paragraphes). Le fait que la salariée ait bénéficié d'une majoration de salaire de 105 % relève de l'appréciation de la cour d'appel de l'étendue du préjudice subi du fait du recours potentiellement irrégulier au travail de nuit. Quoique peu étayée et n'indiquant pas expressément que cette somme serait de nature à couvrir l'entièreté du préjudice subi, cette appréciation n'implique pas que la juridiction ait considéré que la salariée devait être de ce fait privée par principe de toute possibilité de réparation. Le grief de violation des articles L. 3122-29, L. 3122-31 et L. 3122-32 du code du travail, dans leur rédaction applicable au litige issue de l'ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007 allégué par la deuxième branche du moyen ne paraît donc pas établi, ce qui devra conduire au rejet de cette branche. En revanche, la circonstance que la salariée ait exprimé le souhait de travailler en soirée jusqu'à vingt-trois heures afin que son planning soit compatible avec ses études n'autorisait pas pour autant son employeur à recourir au travail de nuit dans des conditions irrégulières ni n'était de nature à priver l'intéressée des conséquences indemnitaires qui en résultaient. La violation des trois articles précités est donc bien caractérisée, ce qui devra conduire, comme le soutient la troisième branche du moyen, au prononcé d'une cassation partielle de ce chef.

Voir arrêt attaqué, p. 5 : “Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a débouté la salariée de sa demande tendant à voir constater l'illégalité du recours au travail de nuit par la société (...) à son égard et de sa demande en réparation du préjudice subi du fait du recours illégal au travail de nuit”. 57

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PROPOSITION Pourvoi S 22-18.940 : - cassation sur le deuxième moyen ; - rejet pour le surplus, avec substitution de motifs pour la première branche du premier moyen. Pourvoi Z 22-21.285 : - cassation sur les première et troisième branches du moyen ; - rejet pour le surplus.

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