Jurisprudence : Cass. civ. 2, 29-02-2024, n° 22-18.868, F-B, Rejet

Cass. civ. 2, 29-02-2024, n° 22-18.868, F-B, Rejet

A26192Q3

Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2024:C200174

Identifiant Legifrance : JURITEXT000049290757

Référence

Cass. civ. 2, 29-02-2024, n° 22-18.868, F-B, Rejet. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/105185204-cass-civ-2-29022024-n-2218868-fb-rejet
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Abstract

Il résulte des articles L. 452-1 du code de la sécurité sociale et L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail que le manquement à l'obligation légale de sécurité et de protection de la santé, à laquelle l'employeur est tenu envers le travailleur, a le caractère d'une faute inexcusable lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était soumis le travailleur et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver


CIV. 2

LM


COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 29 février 2024


Rejet


Mme MARTINEL, président


Arrêt n° 174 F-B

Pourvoi n° P 22-18.868


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 29 FÉVRIER 2024



L'association Hôpital [4], dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° P 22-18.868 contre l'arrêt rendu le 16 juin 2022 par la cour d'appel de Versailles (5e chambre), dans le litige l'opposant :

1°/ à Mme [H] [C], … [… …],

2°/ à la caisse primaire d'assurance maladie des Hauts-de-Seine, dont le siège est [Adresse 1],

défenderesses à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.


Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Lerbret-Féréol, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de l'association Hôpital [4], de la SCP Yves et Blaise Capron, avocat de Mme [C], et l'avis de Mme Tuffreau, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 16 janvier 2024 où étaient présentes Mme Martinel, président, Mme Lerbret-Féréol, conseiller référendaire rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller doyen, et Mme Catherine, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.


Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles,16 juin 2022), Mme [C] (la victime), salariée de l'association Hôpital [4] (l'employeur), a été victime, dans la nuit du 8 au 9 janvier 2017, d'un accident pris en charge au titre de la législation professionnelle par la caisse primaire d'assurance maladie des Hauts-de-Seine (la caisse).

2. La victime a saisi une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale aux fins de reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur.


Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa troisième branche

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile🏛, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen, pris en ses première et deuxième branches

Enoncé du moyen

4. L'employeur fait grief à l'arrêt de dire que l'accident est dû à sa faute inexcusable, alors :

« 1°/ que la reconnaissance d'une faute inexcusable suppose qu'un lien de causalité nécessaire soit établi entre le manquement reproché à l'employeur et la lésion survenue au temps et au lieu de travail ; qu'au cas présent, l'employeur faisait valoir que le fait que les accès aux urgences aient été ouverts 24 heures sur 24 était indifférent dès lors qu'un patient, une fois pris en charge, pouvait être l'auteur d'une agression, et que la mise en place d'agents de sécurité dédiés à la protection et de portes fermant la zone de soins n'aurait pas été en mesure d'empêcher l'accident ; que pour retenir l'existence d'une faute inexcusable de l'employeur, la cour d'appel a énoncé que les zones de soins et ambulatoire n'étaient pas été fermées par une vitre ni l'accès limité par des portes, la cour d'appel s'étant bornée à déduire de la réalisation du risque que les mesures de sécurité mises en oeuvre par l'employeur étaient « manifestement insuffisantes à prévenir les risques d'agression au sein même de l'hôpital » ; qu'en statuant ainsi, sans caractériser en quoi l'agression de la victime par une patiente déjà admise aux urgences pour y être soignée, était en lien de causalité avec l'absence de fermeture de la zone de soins et ambulatoire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale🏛 ;

2°/ que le manquement à l'obligation légale de sécurité et de protection de la santé à laquelle l'employeur est tenu envers le travailleur a le caractère d'une faute inexcusable lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était soumis le travailleur et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver ; que le caractère suffisant des mesures prises s'apprécie au regard de la conscience qu'avait, ou qu'aurait dû avoir l'employeur, du danger ; qu'il ne peut être considéré que la seule réalisation du risque démontrerait le caractère insuffisant des mesures mises en oeuvre par l'employeur, et donc sa conscience du danger subsistant, pour retenir l'existence d'une faute inexcusable de l'employeur, les juges du fond étant tenus de caractériser quelles mesures auraient pu être prises afin d'éviter la réalisation du risque ; qu'au cas présent, l'employeur faisait valoir qu'elle avait mis en place avant l'accident des mesures de nature à prévenir le risque d'agression en recrutant notamment un maître-chien et en ayant fait appel à une prestation de sécurité de niveau 2 de 20h à 7h ; que le fait que les accès aux urgences aient été ouverts 24 heures sur 24 était indifférent dès lors qu'un patient, une fois pris en charge, pouvait être l'auteur d'une agression, ce qui avait été le cas de la patiente ayant agressé la victime ; que l'hôpital avait organisé régulièrement des formations sur la gestion de la violence et les situations traumatisantes et aucun dispositif de sécurité supplémentaire n'aurait pu empêcher l'accident, dû au comportement imprévisible de la patiente ; que l'hôpital indiquait encore qu'il serait excessif de placer, au sein d'un hôpital, des agents de sécurité armés, des portes blindées ou un filtrage systématique comme le soutenait la victime, tandis que la multiplication des dispositifs de sécurité ne pourrait en aucun cas garantir un risque zéro quant à la survenance d'un incident ; que la cour d'appel, pour retenir l'existence d'une faute inexcusable, a énoncé qu'aucune mesure n'avait été prise, avant l'agression, de nature à prévenir le risque tandis qu'il avait été demandé que la zone de soins et l'ambulatoire soient fermés par une vitre et que l'accès soit limité par des portes à l'entrée ; que ces portes n'avaient jamais fonctionné et il n'existait pas de personnel dédié à la protection, le recrutement d'un agent de sécurité pour des vacations et pour contrôler l'accès, ainsi que la fermeture des portes coulissantes, ayant été mises en place après l'accident ; qu'en statuant ainsi, sans expliquer en quoi le contrôle à l'entrée des urgences et la fermeture des portes de la zone de soins auraient été de nature à éviter l'accident et à préserver la victime du danger tandis qu'elle avait été agressée par une patiente admise aux urgences dans le parcours de soin, de sorte que le contrôle à l'entrée des urgences et la présence de portes fermées n'auraient pas empêché l'accident, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale. »


Réponse de la Cour

5. Il résulte des articles L. 452-1 du code de la sécurité sociale et L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail🏛 que le manquement à l'obligation légale de sécurité et de protection de la santé à laquelle l'employeur est tenu envers le travailleur a le caractère d'une faute inexcusable lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était soumis le travailleur et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.

6. L'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que la victime a subi une agression physique par une patiente rentrée dans l'espace ambulatoire alors que le médecin ne prêtait pas attention à elle, et que seule l'équipe de soins est intervenue pour les séparer. Il relève que la recrudescence d'actes violents au sein du service des urgences de l'hôpital avait été évoquée dès 2015, en raison, notamment, de l'engorgement des services générant l'insatisfaction des usagers, l'altération des conditions de travail et la dégradation de la qualité des soins. Il en déduit que l'employeur ne pouvait ignorer le risque d'agression encouru par son personnel soignant, médecins compris.

7. Il estime ensuite que le recrutement d'un agent de sécurité et la fermeture de la zone de soins par des portes coulissantes, qui lui avaient été demandés par certains salariés pour sécuriser les locaux, sont postérieurs à l'accident du travail. Il relève que le contrat de sécurité cynophile était manifestement insuffisant à prévenir les risques d'agression au sein même de l'hôpital et retient que l'organisation de formations sur la gestion de la violence constituait une réponse sous-dimensionnée par rapport à la réalité et la gravité du risque encouru. Il en déduit que les mesures de protection mises en oeuvre par l'employeur étaient insuffisantes ou inefficaces à prévenir le risque d'agression auquel était soumis son personnel.

8. En l'état de ces constatations et énonciations, relevant de son appréciation souveraine des éléments de fait et de preuve débattus devant elle, la cour d'appel, qui a procédé aux recherches prétendument omises, a légalement justifié sa décision.


PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne l'association Hôpital [4] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile🏛, rejette la demande formée par l'association Hôpital [4] et la condamne à payer à Mme [C] la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf février deux mille vingt-quatre.

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