CE 1/4 ch.-r., 27-02-2024, n° 467503, mentionné aux tables du recueil Lebon
A23592QG
Identifiant européen : ECLI:FR:CECHR:2024:467503.20240227
Référence
30-02-07-01 Si le 2° de l’article R. 914-75 du code de l’éducation prévoit que le chef d’un établissement privé sous contrat d’association prend en compte la durée des services d’enseignement, de direction ou de formation des maîtres de son établissement pour établir la liste par discipline des maîtres dont il propose de réduire ou de supprimer le service, ses dispositions ne font pas obstacle à ce qu’il prenne en compte pour établir cette proposition d’autres critères, tels que celui de la détention de qualifications professionnelles particulières adaptées aux besoins de l’enseignement. Il en va de même du recteur d’académie lorsqu’il se prononce sur cette liste.
Mme B A, épouse C, a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler pour excès de pouvoir la décision, révélée par un courrier du 18 mai 2019 de la directrice du lycée Albert Pourrière au Petit-Quevilly, par laquelle la rectrice de la région académique Normandie a supprimé son service au sein de ce lycée. Par un jugement n° 1902629 du 30 mars 2021, le tribunal administratif de Rouen a annulé la décision du 18 mai 2019.
Par un arrêt n° 21DA01218 du 7 juillet 2022, la cour administrative d'appel de Douai⚖️ a rejeté l'appel formé par le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse contre ce jugement.
Par un pourvoi enregistré le 12 septembre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse demande au Conseil d'Etat d'annuler cet arrêt.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'éducation ;
- le code de justice administrative
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Laurent Cabrera, conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Raphaël Chambon, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à Maître HAAS, avocat de Mme B C ;
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme B A, recrutée en qualité de maître contractuel de l'enseignement privé, enseignait la coiffure au lycée Albert Pourrière, au Petit-Quevilly. Par un courrier du 18 mai 2019, la directrice de l'établissement a informé Mme A qu'une nouvelle ventilation de la dotation horaire globale de l'établissement avait été décidée par l'autorité rectorale, entraînant la suppression d'un poste de coiffure et qu'au regard des formations dispensées et des impératifs attendus en terme de compétences spécifiques de perruquier-posticheur, dont ne justifiait pas Mme A, son service était supprimé. Par un jugement du 30 mars 2021, le tribunal administratif de Rouen a, sur la demande Mme A, annulé la décision du 18 mai 2019. Par un arrêt du 7 juillet 2022 contre lequel le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Douai a rejeté l'appel qu'il avait formé contre ce jugement.
2. Aux termes de l'article R. 914-75 du code de l'éducation🏛 dans sa version applicable au litige : " Aux dates fixées chaque année par un arrêté du recteur, les chefs d'établissement transmettent au recteur, s'il s'agit d'un établissement du second degré, ou au directeur académique des services de l'éducation nationale agissant sur délégation du recteur d'académie, s'il s'agit d'un établissement du premier degré : () / 2° La liste par discipline des maîtres pour lesquels il est proposé de réduire ou supprimer le service. Pour établir la liste, le chef d'établissement prend en compte la durée des services d'enseignement, de direction ou de formation accomplis par chacun d'eux dans les établissements d'enseignement publics ou privés sous contrat. () ". Si ces dispositions prévoient que le chef d'un établissement privé sous contrat d'association prend en compte la durée des services d'enseignement, de direction ou de formation des maîtres de son établissement pour établir la liste par discipline des maîtres dont il propose de réduire ou de supprimer le service, elles ne font pas obstacle à ce qu'il prenne en compte pour établir cette proposition d'autres critères, tels que celui de la détention de qualifications professionnelles particulières adaptées aux besoins de l'enseignement. Il en va de même du recteur d'académie lorsqu'il se prononce sur cette liste.
3. Il s'ensuit qu'en jugeant que l'autorité rectorale n'avait pu légalement fonder sa décision sur le critère tiré de l'absence de compétences spécifiques de perruquier-posticheur de Mme A, au motif qu'il découlerait des dispositions de l'article R. 914-75 du code de l'éducation que seul le critère tiré de la durée des services accomplis pouvait être pris en compte, la cour administrative d'appel a entaché son arrêt d'erreur de droit.
4. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l' autre moyen de son pourvoi, le ministre chargé de l'éducation est fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque.
5. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛 font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
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Article 1er : L'arrêt du 7 juillet 2022 de la cour administrative d'appel de Douai est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Douai.
Article 3 : Les conclusions présentées par Mme A au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, et à Mme B A.