C3
N° RG 22/02596
N° Portalis DBVM-V-B7G-LN66
N° Minute :
Notifié le :
Copie exécutoire délivrée le :
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
CHAMBRE SOCIALE - PROTECTION SOCIALE
ARRÊT DU JEUDI 15 FEVRIER 2024
Ch.secu-fiva-cdas
Appel d'une décision (N° RG 21/00015)
rendue par le pôle social du tribunal judiciaire de Valence
en date du 02 juin 2022
suivant déclaration d'appel du 06 juillet 2022
APPELANTE :
La CPAM DE L'ISERE, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège
Service Contentieux Général
[Adresse 1]
[Localité 3]
comparante en la personne de Mme [G] [Y], régulièrement munie d'un pouvoir
INTIMEE :
Société [5], prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 2]
représentée par Me Laurent SAUTEREL de la SELARL TESSARES AVOCATS, avocat au barreau de LYON substitué par Me Julie HAZART, avocat au barreau de LYON
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DU DÉLIBÉRÉ :
M. Jean-Pierre DELAVENAY, Président,
Mme Elsa WEIL, Conseiller,
Mme Hélène BLONDEAU-PATISSIER, Conseiller,
DÉBATS :
A l'audience publique du 12 décembre 2023
M. Jean-Pierre DELAVENAY, Président, en charge du rapport et Mme Elsa WEIL, Conseiller, ont entendu les représentants des parties en leurs observations, assistés de M. Fabien OEUVRAY, Greffier, en présence de Mme Virginie ROZERON, Greffier stagiaire et de Mme Aa A, juriste assistant, conformément aux dispositions de l'
article 945-1 du code de procédure civile🏛, les parties ne s'y étant pas opposées ;
Puis l'affaire a été mise en délibéré au 15 février 2024, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.
L'arrêt a été rendu le 15 février 2024.
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
Le 7 décembre 2019, M. [Ab] [Ac] [S], salarié depuis le 2 janvier 2019 au sein de la SASU [5], a souscrit une déclaration de maladie professionnelle sur la base d'un certificat médical initial établi le 2 décembre 2019 mentionnant une épicondylite droite et une première constatation médicale le 29 novembre 2019.
Le 10 avril 2020, après avis favorable du médecin conseil en date du 24 décembre 2019, la Caisse Primaire d'Assurance Maladie (CPAM) de l'Isère a notifié à la SASU [5], sa décision de prendre en charge la maladie tendinopathie des muscles épitrochléens du coude droit inscrite au tableau 57 B des maladies professionnelles.
Le 26 novembre 2020, la SASU [5] a saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Grenoble d'un recours à l'encontre du rejet implicite par la commission de recours amiable de la caisse primaire, saisie le 30 juillet 2020 de sa demande d'inopposabilité de la décision de prise en charge de la maladie déclarée par son salarié.
Par jugement du 2 juin 2022, le pôle social du tribunal judiciaire de Valence a :
- déclaré inopposable à la SASU [5] la décision de la CPAM de l'Isère de prendre en charge, au titre de la législation professionnelle, la maladie de M. [Ac] [S] fondée sur un certificat médical initial du 2 décembre 2019,
- condamné la CPAM de l'Isère aux éventuels dépens.
Le 6 juillet 2022, la CPAM de l'Isère a interjeté appel de cette décision qui lui a été notifiée par lettre recommandée dont elle a accusé réception le 9 juin 2022.
Les débats ont eu lieu à l'audience du 12 décembre 2023 et les parties avisées de la mise à disposition au greffe de la présente décision le 15 février 2024.
EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
La Caisse Primaire d'Assurance Maladie (CPAM) de l'Isère au terme de ses conclusions déposées le 15 mars 2023 demande à la cour de :
- infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Valence du 2 juin 2022,
- débouter la SASU [5] de son recours,
- constater qu'elle a respecté les dispositions légales et réglementaires,
- déclarer opposable à la SASU [5] la décision de prise en charge, au titre de la législation professionnelle, de la maladie dont a été victime son salarié M. [Ac] [S].
La Caisse soutient avoir respecté le principe du contradictoire dès lors que l'employeur a été régulièrement informé des dates d'ouverture et de clôture de l'instruction, de la possibilité de consulter le dossier avant la décision finale et qu'en outre, malgré les allégations de la SASU [5] sur la maladie prise en charge, désignée comme étant une tendinopathie des muscles épitrochléens du coude droit sur la fiche colloque médico-administratif, elle estime que les deux libellés concernent en tout état de cause le tableau n°57 B des maladies professionnelles.
Sur le caractère professionnel de la maladie, elle fait valoir que les conditions du tableau n°57 B sont remplies puisque la maladie dont est atteint le salarié, d'ailleurs inscrite à ce tableau, a bien été constatée médicalement, en l'espèce, le 29 novembre 2019, soit dans le délai de prise en charge de 14 jours imparti.
Concernant la condition relative aux travaux, également remplie selon l'appelante, elle expose que M.[Ac] [S] a un poste de manutentionnaire impliquant d'utiliser ses bras, coudes, poignets et mains et d'exécuter de nombreux gestes répétitifs comme le salarié l'a lui-même souligné dans son questionnaire.
Elle ajoute que la fiche de poste décrit de nombreux mouvements répétitifs du poignet (liste non exhaustive) :
« La préhension des sacs de résine et manipulation fût, préhensions et déversement des caisses de caoutchouc, transfert fût, ouverture des sacs de résine, fermeture du couvercle, manœuvre de transpalette, déversement de masse adhésive ou de solvant, déballage des palettes mise en place des palettes, mise en place pompe huile et plastifiant, chargement en solvant...».
La SASU [5] au terme de ses conclusions déposées le 3 avril 2023 reprises à l'audience demande à la cour de :
- confirmer le jugement rendu en première instance en ce qu'il a déclaré inopposable à son encontre la décision de la CPAM de l'Isère de prendre en charge, au titre de la législation professionnelle, la maladie de M. [Ac] [S] fondée sur un certificat médical initial du 2 décembre 2019,
En conséquence,
A titre principal,
- constater que, tout au long de l'instruction, la caisse primaire a indiqué à l'employeur au cours de l'instruction que l'affection en cause était une « épicondylite »,
- constater que, contre toute attente, elle a pour la première fois constaté lors de la notification de la décision de prise en charge, qu'il s'agissait en réalité d'une « tendinopathie des muscles épitrochléens du coude droit »,
- constater que la caisse primaire s'est livrée à une manipulation de la constatation médicale opérée par le médecin traitant de M.[Ac] [S], puisqu'elle a finalement retenu la qualification de « tendinopathie des muscles épitrochléens du coude droit », sans en aviser en temps utile l'employeur et l'empêchant ainsi de formuler des observations en rapport avec le tableau litigieux,
- constater que la caisse primaire ne pouvait pas modifier unilatéralement la qualification retenue par le médecin traitant de l'assurée, a fortiori si ce type d'affection n'est pas répertorié dans un tableau de maladie professionnelle,
En conséquence,
- lui déclarer inopposable la décision de prise en charge de l'affection du 2 décembre 2019 déclarée par M. [Ac] [S],
A titre subsidiaire,
- constater que l'employeur, dans le rapport circonstancié adressé à la CPAM n'a nullement fait référence à des mouvements réalisés dans les conditions visées par le tableau n° 57,
- constater que la CPAM a donc nécessairement fait prévaloir les déclarations de l'assuré sur celles de l'employeur,
- dire que face à une divergence de déclarations, la CPAM doit pousser son enquête en adressant des questionnaires complémentaires ou en se déplaçant sur le lieu de travail, pour constater de visu les conditions dans lesquelles travaillent les salariés, ce qui n'a pas été le cas en l'espèce,
- constater que l'une des conditions de prise en charge de la maladie déclarée fait défaut,
En conséquence,
- déclarer que la déloyauté de la CPAM est caractérisée et dès lors, déclarer inopposable à son égard la décision de la CPAM de prendre en charge, au titre de la législation professionnelle, la maladie du 2 décembre 2019 de M. [Ac] [S],
A titre très subsidiaire,
- constater que le salarié a cessé d'être exposé le 14 octobre 2019 au poste de préparateur de masses adhésives ainsi qu'elle l'a rappelé dans son courrier du 30 mars 2020,
- constater que la maladie qu'il a déclaré avoir contractée est visée au tableau n°57 B et que le délai de prise en charge visé au tableau n° 57 B est de 14 jours,
- constater que le premier constat de la pathologie, intervenu et daté du 29 novembre 2019, est postérieur d'un mois au terme du délai de prise en charge, et qu'aucun constat de la maladie, même informel, n'est intervenu au sein du délai de prise en charge,
- constater que le délai de prise en charge était donc manifestement dépassé au jour de la constatation médicale,
En conséquence,
- lui déclarer inopposable le caractère professionnel de l'affection du 2 décembre 2019 contractée par M.[Ac] [S],
En toute hypothèse,
- débouter la CPAM de toutes ses demandes, fins et conclusions,
- condamner la CPAM en tous les dépens de première instance et d'appel.
Pour le surplus de l'exposé des moyens des parties au soutien de leurs prétentions il est renvoyé à leurs conclusions visées ci-dessus par application des dispositions de l'
article 455 du code de procédure civile🏛, d'autant que l'intimée a repris l'ensemble de ses moyens au dispositif de ses conclusions.
MOTIVATION
- Sur le respect du contradictoire.
Dans sa rédaction en vigueur depuis le 1er décembre 2019 applicable à la date de déclaration de la maladie professionnelle faite par M. [Ac] [S] le 7 décembre 2019, l'
article R. 461-9 du code de la sécurité sociale🏛 relatif à la procédure d'instruction de la demande de reconnaissance de maladie professionnelle dispose que :
'I.-La caisse dispose d'un délai de cent-vingt jours francs pour statuer sur le caractère professionnel de la maladie ou saisir le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles mentionné à l'article L. 461-1.
Ce délai court à compter de la date à laquelle la caisse dispose de la déclaration de la maladie professionnelle intégrant le certificat médical initial mentionné à l'article L. 461-5 et à laquelle le médecin-conseil dispose du résultat des examens médicaux complémentaires le cas échéant prévus par les tableaux de maladies professionnelles.
La caisse adresse un double de la déclaration de maladie professionnelle intégrant le certificat médical initial à l'employeur auquel la décision est susceptible de faire grief par tout moyen conférant date certaine à sa réception ainsi qu'au médecin du travail compétent.
II.-La caisse engage des investigations et, dans ce cadre, elle adresse, par tout moyen conférant date certaine à sa réception, un questionnaire à la victime ou à ses représentants ainsi qu'à l'employeur auquel la décision est susceptible de faire grief. Le questionnaire est retourné dans un délai de trente jours francs à compter de sa date de réception. La caisse peut en outre recourir à une enquête complémentaire.
La caisse peut également, dans les mêmes conditions, interroger tout employeur ainsi que tout médecin du travail de la victime.
La caisse informe la victime ou ses représentants ainsi que l'employeur de la date d'expiration du délai de cent-vingt jours francs prévu au premier alinéa du I lors de l'envoi du questionnaire ou, le cas échéant, lors de l'ouverture de l'enquête.
III.-A l'issue de ses investigations et au plus tard cent jours francs à compter de la date mentionnée au deuxième alinéa du I, la caisse met le dossier prévu à l'article R. 441-14 à disposition de la victime ou de ses représentants ainsi qu'à celle de l'employeur auquel la décision est susceptible de faire grief.
La victime ou ses représentants et l'employeur disposent d'un délai de dix jours francs pour le consulter et faire connaître leurs observations, qui sont annexées au dossier. Au terme de ce délai, la victime ou ses représentants et l'employeur peuvent consulter le dossier sans formuler d'observations.
La caisse informe la victime ou ses représentants et l'employeur des dates d'ouverture et de clôture de la période au cours de laquelle ils peuvent consulter le dossier ainsi que de celle au cours de laquelle ils peuvent formuler des observations, par tout moyen conférant date certaine à la réception de cette information et au plus tard dix jours francs avant le début de la période de consultation'.
Il n'est pas contesté que la caisse a satisfait à l'ensemble de ces dispositions ; en particulier par courrier recommandé du 31 décembre 2019, elle a adressé un questionnaire à la SASU [5] et l'a avisée de ce qu'elle pourrait consulter les pièces du dossier et formuler ses observations du 26 mars 2020 au 6 avril 2020.
La SASU [5] entend se prévaloir du non respect du contradictoire pour solliciter l'inopposabilité de la décision de prise en charge, au motif en substance du changement de désignation de la maladie d'une épicondylite en épitrochléite (ndr : toujours du coude droit).
En l'espèce le 31 décembre 2019, il lui a été transmis la déclaration de maladie professionnelle de Ac. [J] [S] pour épicondylite droite, accompagnée du certificat médical initial mentionnant la même pathologie.
Cependant, le questionnaire employeur qui lui est transmis le même jour mentionne déjà en page 4 une tendinopathie des muscles épitrochléens du coude droit.
Le colloque médico administratif concluant l'instruction de la demande de prise en charge de la maladie, reprend la même désignation d'épitrochléite par une mention dans le cadre dédié au libellé complet de la maladie dans ce formulaire normé en caractère d'imprimerie très apparents, se détachant nettement du restant du texte.
L'épicondylite et l'épitrochléite restent deux pathologie professionnelles du même tableau 57 B des maladies professionnelles.
L'
article L. 315-1 du code de la sécurité sociale🏛 dispose que le contrôle médical porte sur tous les éléments d'ordre médical qui commandent l'attribution et le service de l'ensemble des prestations de l'assurance maladie, maternité et invalidité ainsi que des prestations prises en charge en application des
articles L. 251-2 et L. 254-1 du code de l'action sociale et des familles🏛🏛, tandis que l'article L. 315-2 prévoit que ses avis s'imposent à l'organisme de prise en charge.
La caisse primaire d'assurance maladie est tenue d'instruire la demande de prise en charge d'une maladie professionnelle, sans être tenue par les termes littéraux du certificat médical initial ; il lui appartient seulement d'informer l'employeur d'un changement de qualification de la maladie, ce à quoi elle a satisfait à raison des éléments repris ci-dessus, tandis que la SASU [5] ayant disposé du délai réglementaire de dix jours pour consulter le dossier n'a formulé aucune observation sur ce changement de désignation de la maladie, relevant du domaine médical et de l'exercice par le médecin conseil de la caisse du pouvoir d'appréciation qui lui est conféré par l'article L. 315-1 précité du code de la sécurité sociale.
Aucun manquement au principe du contradictoire ou aux dispositions de l'article R. 461-9 précité n'étant caractérisé, l'inopposabilité de la décision de prise en charge du 10 avril ne peut donc être retenue pour ce motif.
- Sur la réunion des conditions du tableau.
L'article L. 461-1 dans sa version en vigueur depuis le 1er juillet 2018 applicable au litige dispose que :
'Les dispositions du présent livre sont applicables aux maladies d'origine professionnelle sous réserve des dispositions du présent titre. En ce qui concerne les maladies professionnelles, est assimilée à la date de l'accident :
1° La date de la première constatation médicale de la maladie ;
2° Lorsqu'elle est postérieure, la date qui précède de deux années la déclaration de maladie professionnelle mentionnée au premier alinéa de l'article L. 461-5 ;
3° Pour l'application des règles de prescription de l'article L. 431-2, la date à laquelle la victime est informée par un certificat médical du lien possible entre sa maladie et une activité professionnelle.
Est présumée d'origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau.
Si une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d'exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie telle qu'elle est désignée dans un tableau de maladies professionnelles peut être reconnue d'origine professionnelle lorsqu'il est établi qu'elle est directement causée par le travail habituel de la victime.
Peut être également reconnue d'origine professionnelle une maladie caractérisée non désignée dans un tableau de maladies professionnelles lorsqu'il est établi qu'elle est essentiellement et directement causée par le travail habituel de la victime et qu'elle entraîne le décès de celle-ci ou une incapacité permanente d'un taux évalué dans les conditions mentionnées à l'article L. 434-2 et au moins égal à un pourcentage déterminé.
Dans les cas mentionnés aux deux alinéas précédents, la caisse primaire reconnaît l'origine professionnelle de la maladie après avis motivé d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles. La composition, le fonctionnement et le ressort territorial de ce comité ainsi que les éléments du dossier au vu duquel il rend son avis sont fixés par décret. L'avis du comité s'impose à la caisse dans les mêmes conditions que celles fixées à l'article L. 315-1.
Les pathologies psychiques peuvent être reconnues comme maladies d'origine professionnelle, dans les conditions prévues aux septième et avant-dernier alinéas du présent article. Les modalités spécifiques de traitement de ces dossiers sont fixées par voie réglementaire'.
Les dispositions du tableau 57 B sont reproduites ci-dessous :
Désignation des maladies
délai de prise en charge
liste limitative des travaux susceptibles de provoquer ces maladies
Tendinopathie d'insertion des muscles épicondyliens associée ou non à un syndrome du tunnel radial.
14 jours
Travaux comportant habituellement des mouvements répétés de préhension ou d'extension de la main sur l'avant-bras ou des mouvements de pronosupination.
Tendinopathie d'insertion des muscles épitrochléens
14 jours
Travaux comportant habituellement des mouvements répétés d'adduction ou de flexion et pronation de la main et du poignet ou des mouvements de pronosupination.
Si le délai de prise en charge de 14 jours est commun à l'épicondylite et l'épitrochléite, la liste des travaux est différente selon les deux pathologies.
Ainsi les mouvements répétés de préhension ou d'extension de la main sur l'avant-bras ne figurent pas au nombre des travaux susceptibles de provoquer une épitrochléite.
Ne sont ainsi susceptibles de provoquer l'épitrochléite du coude droit de M. [Ac] [S], objet du litige, que les mouvements répétés :
- d'adduction (vers l'axe du corps) ou de flexion de la main ;
- de pronation et pronosupination (visser / dévisser).
Il ressort de la comparaison des questionnaires salarié et employeur (pièces C.P.A.M n°s 4 et 5) qu'ils ne décrivent pas le même poste de travail.
En effet dans son courrier d'observations du 30 mars 2020, la SASU [5] a précisé que M. [Ac] [S] a été affecté jusqu'au 14 octobre à un poste de préparateur de masses adhésives - mixing et qu'à compter du 15 octobre, il a été en formation avec un tuteur confirmé sur le poste dénommé enroulage ligne 103, à l'exception seulement de la journée du 4 novembre où il est retourné au mixing.
La caisse primaire d'assurance maladie n'a pas interrogé le salarié sur son nouveau poste de travail de sorte que la cour ne dispose, tout comme la caisse, que des informations transmises par l'intimée.
Dans son précédent poste de travail (mixing - préparateur de masses adhésives), M. [Ac] [S] était posté en bout de chaîne de production et devait, durant toute sa journée de travail (8 heures moins la pause), récupérer des rouleaux d'adhésif d'un mètre trente de longueur et pesant vingt kilos pour les disposer à la verticale sur des chariots et ce à raison d'environ 500 rouleaux par période de travail journalier, soit autant de mouvements répétés de préhension des deux mains.
À l'évidence la condition du tableau 57 B relative à la liste des travaux était satisfaite mais pour une épicondylite or c'est une épitrochléite qui a été prise en charge.
Dans son poste de travail à compter du 15 octobre 2019, M. [Ac] [S] était en formation et intervenait directement sur le processus de production en introduisant des composants dans un mélangeur.
La SASU [5] a joint à son questionnaire une fiche de sécurité, assorties de photographies, et une fiche de poste comportant des temps d'exécution moyen dont il ressort les gestes suivants :
- préhension de sacs de résine et ouverture de ceux-ci avec un cutter ;
- manipulation de fûts / ouverture de fûts ;
- déversement de caisses de caoutchouc ;
- transferts des fûts avec un diable ;
- manipulation de barrières protectrices et de couvercles ;
- utilisation d'un transpalette.
En dehors des phases de production automatisée (ndr : laisser tourner 4 heures) et de contrôles, les phases de préparation sont quantifiées comme suit :
- déballage de palettes : 30 minutes ;
- préparation des palettes pour le lancement et pesées : 1 h 30 ;
- mise en place des palettes : 10 minutes ;
- chargement anti oxydant et résine et caoutchoux : 40 minutes ;
- nettoyage de la grille et de la plate-forme : 5 minutes :
- total : 2 h 55.
Au cours de cette période, M. [Ac] [S] a certes accompli des mouvements répétés de préhension des deux mains mais ils ne sont pas au nombre des travaux désignés par le tableau 57 B à l'origine d'une épitrochléite.
Il est probable qu'il a été amené en se saisissant de divers objets à effectuer des mouvements d'adduction et de flexion de la main ; en revanche il n'a été décrit aucun mouvement de vissage dévissage quelconque.
Enfin étant en doublon et en formation, il faut considérer que sa durée d'exposition quotidienne a été réduite d'autant.
En conséquence la caisse primaire d'assurance maladie de la Drôme, au terme de son enquête, ne disposait pas de la preuve certaine que M. [Ac] [S], dans les 14 jours ayant précédé la date de première constatation de son épitrochléite (29/11/2019) soit depuis le 15 novembre 2019, aurait été exposé à des travaux comportant habituellement des mouvements répétés d'adduction ou de flexion et pronation de la main et du poignet ou des mouvements de pronosupination.
Dès lors en l'absence de réunion de toutes les conditions du tableau, la caisse ne pouvait décider d'une prise en charge d'emblée au titre de l'
article L. 461-1 du code de la sécurité sociale🏛, sans recueillir préalablement l'avis d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles sur l'existence du lien entre la maladie considérée (épitrochléite et non épicondylite) et le travail de Ac. [J] [S] depuis le 15 octobre 2019.
Le jugement sera donc entièrement confirmé en ce qu'il a jugé la décision de prise en charge de cette maladie inopposable à la caisse primaire d'assurance maladie.
Cette dernière succombant en son appel supportera les dépens.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement et contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Confirme le jugement RG n° 21/00015 rendu le 2 juin 2022 par le pôle social du tribunal judiciaire de Valence.
Y ajoutant,
Condamne la caisse primaire d'assurance maladie de la Drôme aux dépens d'appel.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'
article 450 du code de procédure civile🏛.
Signé par M. Jean-Pierre Delavenay, président et par Mme Chrystel Rohrer, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier Le président