ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION
Chambre Sociale
25 Mars 1998
Pourvoi N° 95-44.735
société Brasselet, société anonyme
contre
M. Gilbert ... et autres
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant
Sur le pourvoi formé par la société Brasselet, société anonyme dont le siège est Gauchy, en cassation d'un jugement rendu le 10 juillet 1995 par le conseil de prud'hommes de Saint-Quentin (Section commerce), au profit
1°/ de M. Gilbert ..., demeurant Itancourt,
2°/ de M. Christian ..., demeurant Bellicourt,
3°/ de M. Alain ..., demeurant Crécy-sur-Serre,
4°/ de M. Gérard ..., demeurant Séquehart, défendeurs à la cassation ;
LA COUR, en l'audience publique du 10 février 1998, où étaient présents M. Gélineau-Larrivet, président, M. Finance, conseiller rapporteur, MM ..., ..., ..., ..., ..., Mme ..., conseillers, M. ..., Mme ..., MM ... ... ... ..., ..., ..., Mme ..., conseillers référendaires, M. Chauvy, avocat général, Mme Marcadeux, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Finance, conseiller, les observations de la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat de la société Brasselet, les conclusions de M. Chauvy, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu, selon le jugement attaqué (conseil de prud'hommes de Saint-Quentin, 10 juillet 1995), que MM ..., ..., ... et ..., salariés de la société Brasselet, sont affectés à l'atelier de découpe de viande, selon un horaire journalier de 8 heures 45 minutes, comprenant deux pauses de 24 et 21 minutes; que, contestant le refus de l'employeur de rémunérer ces temps de repos, ils ont saisi la juridiction prud'homale ;
Sur le premier moyen Attendu que la société Brasselet fait grief au jugement de l'avoir condamnée à payer aux salariés un rappel de salaires sur la pause conventionnelle de 24 minutes, alors, selon le moyen, que l'article 46-7 de la Convention collective nationale des entreprise de l'industrie et des commerces de gros de viandes dispose que "tout salarié effectuant dans les différents ateliers de l'entreprise ou de l'établissement des opérations ou travaux qui se déroulent suivant un rythme et une cadence imposés collectivement, a droit à un temps de pause calculé sur la base de trois minutes par heure de travail effectivement accomplie, que cette pause est rémunérée au taux normal sans majoration"; qu'en l'espèce, l'employeur faisait valoir dans ses conclusions que la notion de "rythme ou cadence imposés collectivement" ne peut s'entendre que d'une organisation à la chaîne ou dont les postes dépendent impérativement les uns des autres pour l'exécution d'un travail décomposé en différentes opérations et qu'à l'évidence, force est de constater que chaque salarié de la société Brasselet est autonome sur son poste de travail et qu'il peut à tout moment s'absenter momentanément sans remettre en cause l'exécution du travail des autres salariés qui l'environnent; que, faute de s'être expliqué sur ce moyen déterminant de ses écritures, le conseil de prud'hommes n'a pas légalement justifié, au regard de la convention collective précitée, sa motivation selon laquelle l'employeur avait institué "un travail par roulement, ce qui, en conséquence, induit un rythme collectif de travail" ;
Mais attendu qu'ayant relevé que le travail au sein de l'entreprise Brasselet s'exécute par roulement selon un rythme collectif, le conseil de prud'hommes a décidé à juste titre que la pause instituée par l'employeur devait être rémunérée dans les conditions fixées par la convention collective susvisée; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen Attendu que la société Brasselet fait grief au jugement de l'avoir condamnée au paiement de diverses sommes à titre de rappel de salaires sur la pause contractuelle de 21 minutes, alors, selon le moyen, que, sauf usages, conventions ou accords collectifs, inexistants en l'espèce, il résulte de l'article L 212-4 du Code du travail que n'ont pas à être rémunérés par l'employeur les temps de pause accordés ou imposés par celui-ci; qu'il s'ensuit que la société Brasselet ayant institué une pause de 45 minutes par jour, ce qui implique que les salariés sont libres d'occuper comme ils l'entendent ledit temps de pause, viole le texte précité le jugement attaqué qui décide qu'au-delà des 24 premières minutes qui relèveraient de l'article 46-7 de la convention collective, ce temps de pause devrait être rémunéré au motif que l'employeur exige de ses salariés qu'ils restent en permanence à sa disposition; que, d'autre part, viole l'article 455 du nouveau Code de procédure civile le jugement qui, de façon contradictoire, reconnaît, dans un premier temps, que l'employeur accorde à ses salariés un temps de pause et retient, ensuite, que lesdits salariés seraient en permanence (et notamment pendant ce temps de pause) à la disposition de l'employeur ;
Mais attendu qu'ayant fait ressortir que, durant ce temps de pause, les salariés demeuraient en fait, en permanence, à la disposition de l'employeur, le conseil de prud'hommes a pu décider que ces 21 minutes devaient être assimilées à une période de travail effectif; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Brasselet aux dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq mars mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit.