Cour de Cassation
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Chambre criminelle
Audience publique du 5 Février 1998
Cassation partielle
N° de pourvoi 96-85.596
Président M. Schumacher, conseiller le plus ancien faisant fonction.
Demandeur ... Eric et autres
Rapporteur M. ....
Avocat général M. Amiel.
Avocats la SCP Boré et Xavier, la SCP Peignot et Garreau, la SCP Waquet,Farge et Hazan, M. Le ....
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
CASSATION sur les pourvois formés par ... Eric, ... Dominique, épouseBarbe, ... Muriel, civilement responsable, contre l'arrêt de la courd'appel de Paris, 9e chambre, du 31 octobre 1996, qui a condamné
1° EricBraun, pour les délits d'importation sans déclaration de marchandises prohibées,à 3 300 000 francs d'amende, pour les contraventions d'importation encontrebande et d'importation sans déclaration de marchandises non prohibées,à 54 amendes de 350 francs chacune et au paiement de la somme de 7 000 000francs au titre de la confiscation des marchandises,
2° Dominique ...,pour participation à l'importation en contrebande en tant qu'adhérent à lafraude, à 54 amendes de 350 francs chacune pour les contraventions, ainsi qu'aupaiement de la somme de 7 000 000 francs au titre de la confiscation desmarchandises, la solidarité avec Eric ... étant cantonnée au paiement de 23amendes et de la somme de 1 030 000 francs, a déclaré Me Muriel ...,ès qualités de mandataire liquidateur de la société Braun, solidairementresponsable d'Eric ... et a prononcé sur les pénalités douanières.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires ampliatifs produits en demande et en défense ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que la société Braun, dirigée parEric Braun, ayant pour objet le négoce de terminaux de télécommunications, aprocédé courant 1988, 1989 et début 1990 à des importations en France de télécopieurset de détecteurs de fumée d'origine étrangère mis en libre pratique enBelgique, et à leur revente à des sociétés situées sur le territoirenational dont la société Triade gérée par Dominique ... ; que, parsuite de la mise en règlement judiciaire de la société Braun, le 10 mai 1990,Me Muriel ... a été nommée mandataire liquidateur de l'entreprise ;
Qu'Eric ... et Me Muriel ... ont été poursuivis par l'administrationdes Douanes, l'un en sa qualité de dirigeant social, l'autre en tant que représentantde l'entreprise en liquidation, pour importations réputées sans déclarationou en contrebande de marchandises prohibées et non prohibées ;
Que Dominique ... a été citée pour avoir participé en tant qu'intéresséeà la fraude à plusieurs de ces opérations ;
En cet état ;
Sur le moyen unique de cassation, pris en faveur de Dominique ... pourviolation de l'acte unique des 17 et 28 février 1986, de la directivecommunautaire 88/361 CEE du 24 juin 1988, des articles 412 du Code des douanes,23 de la loi du 8 juillet 1987, 98 de la loi du 29 décembre 1989, 23 de la loidu 12 juillet 1990, 6, 444, 446, 513 et 591 du Code de procédure pénale, défautde motifs et manque de base légale
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Dominique ... coupabled'importation en contrebande de marchandises non prohibées ;
" aux motifs que le tribunal ayant relevé, à juste titre, qu'en réglantdirectement la société belge, exportatrice, Dominique ... avait pris laqualité d'importateur, la Cour confirmera le jugement déféré sur la déclarationde culpabilité de Dominique ... ;
" alors, d'une part, que les dispositions des lois et règlements, même nonexpressément abrogées, cessent d'être applicables dans la mesure où ellessont inconciliables avec celles d'une loi ou d'une convention internationalenouvelle ; que les restrictions à la libre circulation des marchandises et descapitaux existants entre la France et la Belgique ont été supprimées par lestextes visés au moyen ;
" et alors, d'autre part, que l'article 23 de la loi du 8 juillet 1987 qui aabrogé l'article 369-2 du Code des douanes, permet aux contrevenants en matièredouanière de rapporter la preuve de leur bonne foi ; que si la démonstrationde la bonne foi demeure à la charge des prévenus, il n'en appartient pas moinsaux juges du fond de se prononcer sur l'exception de bonne foi ainsi soulevée ;qu'en l'espèce Dominique ... avait constaté que sa relaxe s'imposait dèslors qu'elle n'était à aucun moment intervenue dans l'exécution des formalitésdouanières, qu'elle avait payé les télécopieurs par lettre de change, desorte qu'elle était restée dans l'ignorance du destinataire des paiements etqu'elle n'avait eu elle-même aucun intérêt à la fraude ; qu'en s'abstenantde se prononcer sur l'exception de bonne foi soulevée par la prévenue, la courd'appel a privé sa décision de base légale " ;
Attendu que Dominique ... ne saurait se faire un grief de ce que, aprèsavoir écarté sa bonne foi, les juges du fond lui ont fait application destextes visés à la prévention malgré l'entrée en vigueur de l'acte unique etde la loi du 17 juillet 1992 relative à la suppression des contrôles auxfrontières, dès lors que, d'une part, les juges apprécient souverainement labonne foi des prévenus et que, d'autre part, aux termes de l'article 110 deladite loi, les infractions douanières commises avant son entrée en vigueursur le fondement des dispositions législatives antérieures demeurentpunissables ;
D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;
Sur le premier moyen de cassation, pris en faveur d'Eric ..., pour violationdes articles 38, 412 et 414 du Code des douanes, 593 du Code de procédure pénale
" en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a déclaré Eric ... coupabled'importation sans déclaration de marchandises prohibées télécopieursd'une valeur de 9 686 170 francs ; d'importation en contrebande de marchandisesnon prohibées télécopieurs d'une valeur de 9 390 613 francs ; d'importationsans déclaration de marchandises non prohibées télécopieurs d'une valeurde 1 157 090 francs ;
" aux motifs que, contrairement à ce qu'il soutient, Eric ... n'a pas étécondamné par le tribunal pour les mêmes faits à des peines délictuelles età des peines contraventionnelles, les peines délictuelles concernant, comme ila été dit précédemment, les importations sans déclaration de marchandisesprohibées (télécopieurs importés à l'aide de factures inexactes) et lespeines contraventionnelles les importations sans déclaration de marchandisesnon prohibées (importation de télécopieurs sans déclaration), ainsi que lesimportations en contrebande ;
" alors qu'il résulte des articles 412 et 414 du Code des douanes queconstituent une contravention de 3e classe tout fait de contrebande et touteimportation sans déclaration lorsque l'infraction porte sur une marchandise nonprohibée ou non fortement taxée, et que constitue un délit de 1re classe toutfait de contrebande et toute importation sans déclaration lorsque l'infractionporte sur une marchandise prohibée ou fortement taxée ; qu'il résulte despropres mentions de l'arrêt attaqué que la cour d'appel a considéré les télécopieursqu'Eric ... aurait importés sans déclaration ou en contrebande à la foiscomme des marchandises prohibées, Eric ... étant déclaré coupabled'importation sans déclaration de marchandises prohibées, et comme desmarchandises non prohibées, Eric ... étant déclaré coupable d'importationsans déclaration et de contrebande de marchandises non prohibées ; que, dèslors, l'arrêt attaqué, qui ne permet pas à la Cour de Cassation d'exercer soncontrôle sur la légalité de la condamnation, une même marchandise ne pouvantêtre à la fois prohibée et non prohibée au sens de l'article 38 du Code desdouanes, a violé l'article 593 du Code de procédure pénale " ;
Attendu que, pour avoir introduit en France des télécopieurs provenant deBelgique, tantôt en les présentant comme des pièces détachéesd'informatique sous le couvert de fausses factures, tantôt en leur substituantdes imprimantes matricielles, tantôt en ne procédant pas à leur dédouanement,Eric ... a été poursuivi et condamné distinctement des chefs d'importationréputée sans déclaration de marchandises prohibées, d'importation encontrebande de marchandises non prohibées et d'importation sans déclaration demarchandises non prohibées ;
Qu'en cet état, la Cour de Cassation est en mesure de s'assurer que la courd'appel, a sans contradiction, retenu les faits sous l'ensemble desqualifications qui leur sont applicables ;
Que le moyen doit être écarté ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris en faveur d'Eric ... pour violationdes articles 38, 414, 426,3° du Code des douanes, 593 du Code de procédure pénale,3f, 90, 86 du traité de Rome, 111-5 du Code pénal et la directive n°88-301/CEE du 16 mai 1988
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Eric ... coupable d'importationsans déclaration de marchandises prohibées les télécopieurs, et l'acondamné à une amende de 3 300 000 francs et à verser la somme de 7 000 000francs au titre de la confiscation des marchandises ;
" aux motifs que l'argumentation développée par le prévenu et tendant à laconstatation de l'illégalité de la réglementation française etsubsidiairement à la saisine de la Cour de justice des Communautés européennesne peut qu'être écartée, Eric ... n'étant pas poursuivi en applicationd'une réglementation qu'il estime illégale, mais pour de fausses déclarationsen douane ; que les peines délictuelles concernent, comme il a été dit précédemment,les importations sans déclaration de marchandises prohibées (photocopieursimportés à l'aide de factures inexactes) ;
" alors, d'une part, que le délit d'importation sans déclaration demarchandises prohibées suppose que celles-ci soient soumises à desrestrictions au sens de l'article 38 du Code des douanes ; qu'Eric ... faisaitvaloir, dans ses conclusions, que le décret n° 85-172 du 11 juillet 1985, quisubordonne l'importation de télécopieurs à l'obtention d'un agrément délivrépar la Direction générale des télécommunications, ou d'un rapport favorabledu Centre national d'études des télécommunications, était non conforme auxarticles 3f, 86 et 90 du Traité sur la Communauté économique européenne,relatifs à la libre concurrence ; qu'en rejetant un tel moyen aux seuls motifsqu'Eric ... n'aurait pas été poursuivi en vertu de ce texte national quipourtant justifie légalement le caractère prohibé des marchandises importées,mais seulement pour fausses déclarations, la cour d'appel a méconnu l'étenduede ses pouvoirs ;
" alors, d'autre part, que les articles 3f, 86 et 90 du Traité relatif à laCommunauté économique européenne imposent que l'organisme, qui délivre unagrément ou tout autre document équivalent justifiant de la conformité desappareils terminaux avec certaines exigences nationales, soit indépendant desentreprises publiques ou privées offrant des biens ou services concurrents dansle domaine des télécommunications ; que la Direction générale des télécommunicationset son centre de recherche le Centre national d'études des télécommunications,habilités en vertu de l'avis du 1er novembre 1985 à délivrer l'agrément prévupar le décret 85-712 du 11 juillet 1985, auquel sont subordonnéesl'importation, la détention, la fabrication et la distribution de terminaux,sont en concurrence directe avec les autres opérateurs économiques dans ledomaine des télécommunications, de sorte que ce décret, fondement légal ducaractère prohibé des télécopieurs, est lui-même illégal, puisquecontraire au traité de Rome ; que, en déclarant néanmoins Eric ... coupabled'importation sans déclaration de marchandises prohibées, la cour d'appel aviolé les textes précités et privé sa décision de base légale " ;
Attendu qu'Eric ... ayant été poursuivi sur le fondement des articles 426-3et 414 du Code des douanes du chef d'importation réputée sans déclaration demarchandises prohibées, non pour avoir éludé une mesure de prohibition ausens de l'article 38 dudit Code mais pour avoir eu recours à de faussesfactures, le moyen qui invoque l'incompatibilité de l'agrément délivré parla Direction générale des télécommunications valant mesure prohibitive avecl'article 30 du Traité CE, est inopérant et doit être écarté ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris en faveur d'Eric ... pour violationdes articles 343, 412 du Code des douanes, 593 du Code de procédure pénale, 62de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertésfondamentales
" en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a déclaré Eric ... coupabled'importation sans déclaration de marchandises non prohibées ;
" aux motifs qu'Eric ... n'a pu produire aucun document justifiant du dédouanementet de la mise en libre pratique de marchandises importées pour une valeur de 1157 000 francs (PV du 3 août 1989), que la TVA éludée de ce fait s'est élevéeà 231 369 francs et les droits de douane à 86 782 francs ;
" alors, d'une part, qu'il appartient à l'administration des Douanes, quiexerce l'action douanière, d'établir l'infraction reprochée au prévenu ;que, en déclarant Eric ... coupable d'importation sans déclaration demarchandises non prohibées au seul motif qu'il n'aurait pas justifié de leur dédouanementet de leur mise en circulation sur le marché, l'arrêt attaqué a méconnu leprincipe de la présomption d'innocence et a violé les textes susvisés ;
" alors, d'autre part, qu'Eric ... avait fait valoir, dans ses conclusions,qu'il était impossible que les droits de douane relatifs aux télécopieurscommercialisés par la société Braun n'aient pas été acquittés, dans lamesure où les marchandises extra-communautaires ne peuvent quitter les entrepôtsdouaniers dans les ports ou les aéroports, et circuler librement en Europe,qu'après acquittement des droits correspondants ; qu'il ajoutait que la SABraun Belgique avait été inspectée par le ministère des Finances et uncurateur, sans que soit relevé un défaut de paiement des droits de douane ;que, en ne répondant pas à ces moyens, la cour d'appel a violé l'article 593du Code de procédure pénale " ;
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué et des procès-verbaux del'administration des Douanes que le prévenu a été poursuivi sur le fondementde l'article 412 du Code des douanes pour avoir détenu des télécopieurs dontil n'a pu justifier la mise en libre circulation en Belgique et l'importation régulièreen France ;
Que l'absence de justification d'origine de ces produits induit qu'ils ont étéimportés dans des conditions irrégulières imputables à l'intéressé en saqualité de représentant légal de la société Braun ainsi que l'a jugé lacour d'appel ; que le grief d'atteinte à la présomption d'innocence n'est pasfondé ;
Que le moyen doit être rejeté ;
Sur le quatrième moyen de cassation, pris en faveur d'Eric ... pour violationdes articles 38, 414, 426-3 du Code des douanes, 111-5 du Code pénal, 30 et 36 du traité de Rome, 593 du Code de procédure pénale
" en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a déclaré Eric ... coupabled'importation sans déclaration de marchandises prohibées les détecteurs defumée, et l'a condamné à une amende de 3 300 000 francs et à verser la sommede 7 000 000 francs au titre de la confiscation ;
" aux motifs qu'Eric ... a également importé, comme marchandises libres àla circulation, des détecteurs de fumée pour une valeur de 124 973 francs,alors que ces détecteurs devaient être soumis à agrément (PV du 19 1989) ; que l'argumentation développée par le prévenu, et tendant à laconstatation de l'illégalité de la réglementation française etsubsidiairement à la saisie de la Cour de justice des Communautés européennes,ne peut qu'être écartée, Eric ... n'étant pas poursuivi en applicationd'une réglementation qu'il estime illégale, mais pour de fausses déclarationsen douane ;
" alors, d'une part, que le délit d'importation sans déclaration demarchandises prohibées suppose que celles-ci soient soumises à desrestrictions au sens de l'article 38 du Code des douanes ; qu'Eric ... avaitfait valoir, dans ses conclusions, que les articles R 5234, R 5235 et R 5237 duCode de la santé publique, qui subordonnent à un agrément ou une autorisationspéciale l'importation d'appareils comportant des radioéléments artificielstel l'américium que l'on trouve dans les détecteurs de fumée, étaientcontraires aux articles 30 et 36 du Traité relatif à la Communauté économiqueeuropéenne ; qu'en rejetant un tel moyen au seul motif qu'Eric ... n'auraitpas été poursuivi en vertu de ces textes nationaux qui pourtant justifient légalementle caractère prohibé des détecteurs de fumée, mais seulement pour fausses déclarations,la cour d'appel a méconnu l'étendue de ses pouvoirs ;
" alors, d'autre part, que les restrictions à la libre circulation desmarchandises doivent être nécessaires et proportionnées au but à atteindrepour être conformes aux articles 30 et 36 du Traité sur la Communauté économiqueeuropéenne ; que les détecteurs de fumée comportés par les établissementsBraun, fabriqués et commercialisés librement en Belgique, ne contiennentqu'une infime quantité de matière radioactive, de sorte que les articles R5234, R 5235 et R 5237 du Code de la santé publique, qui subordonnent leurimportation à un agrément ou une autorisation spéciale, instituent unerestriction illégale à leur libre circulation ; qu'en déclarant Eric ... d'importation sans déclaration de marchandises prohibées au motifqu'il n'était titulaire ni de l'agrément ni de l'autorisation précités, lacour d'appel a privé sa décision de base légale " ;
Sur le septième moyen de cassation pris en faveur d'Eric ..., pour violationdes articles 38, 414, 426-3 du Code des douanes, 115-1 du Code pénal, 30 et 36du traité de Rome, 593 du Code de procédure pénale
" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré Eric ... coupabled'importation sans déclaration de marchandises prohibées les détecteurs defumée, et l'a condamné à une amende de 3 300 000 francs et à verser la sommede 7 000 000 francs au titre de la confiscation ;
" aux motifs qu'Eric ... a également importé, comme marchandises libres àla circulation, des détecteurs de fumée pour une valeur de 124 973 francs,alors que ces détecteurs devaient être soumis à agrément (PV du 19 1989) ; que l'argumentation développée par le prévenu, et tendant à laconstatation de l'illégalité de la réglementation française etsubsidiairement à la saisine de la Cour de justice des Communautés européennes,ne peut qu'être écartée, Eric ... n'étant pas poursuivi en applicationd'une réglementation qu'il estime illégale, mais pour de fausses déclarationsen douane ;
" alors qu'il appartient aux autorités nationales de démontrer que leur réglementationa pour effet de restreindre la libre circulation des marchandises, est nécessairepour protéger effectivement les intérêts visés à l'article 36 du TraitéCEE, et notamment que la commercialisation du produit en question présente unrisque sérieux pour la santé publique ; que l'Etat français n'a jamaisjustifié la nécessité de soumettre l'importation des détecteurs de fuméecontenant une infime quantité d'éléments radioactifs à l'agrément ou à l'autorisation spéciale prévues par les articles R 5234 et suivants du Code dela santé publique, de sorte que ces derniers s'avèrent contraires aux articles30 et 36 du Traité CEE ; que, en déclarant Eric ... coupable d'importationsans déclaration de marchandise prohibée au motif qu'il ne serait titulaire nide l'agrément ni de l'autorisation spéciale en question, la cour d'appel aprivé sa décision de base légale " ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que, suivant les énonciations du procès-verbal des douanes, en date du19 octobre 1989, base des poursuites, Eric ... est prévenu d'avoir importédes détecteurs de fumée contenant des matières radioactives et plus précisémentde l'américium, élément radioactif artificiel, sans être titulaire del'autorisation devant être délivrée, aux termes des articles R 5234, R 5235et R 5237 du Code de la santé publique, par la Commission interministérielledes radio-éléments artificiels, faits réputés importation sans déclarationde marchandises prohibées aux termes des articles 38-4 et 426, dernier alinéa,du Code des douanes ;
Attendu que si, pour l'en déclarer coupable, la cour d'appel a énoncé à tortqu'il est poursuivi pour de fausses déclarations en douanes, alors que sous lecouvert des articles 38 et 414 du Code des douanes, la prévention lui opposeune réglementation nationale qu'il estime contraire aux dispositions desarticles 30 et 36 du Traité instituant la Communauté européenne, l'arrêtn'encourt pas la censure, dès lors que l'article 36 du Traité autorise lesinterdictions et restrictions d'importation édictées pour des raisons deprotection de la santé, et que l'agrément prévu par les articles L 632 et R5234 du Code de la santé publique, non sollicité par l'intéressé, ne sauraitêtre considéré, en l'absence de preuve contraire non rapportée en l'espèce,comme un moyen de discrimination arbitraire ou une restriction déguisée dansle commerce entre les États membres au sens de l'article 36, étant exigé nonseulement pour l'importation des appareils contenant des radio-élémentsartificiels mais aussi et de façon équivalente pour toutes autres transactionsréalisées sur le marché national ;
Attendu que, par ces motifs substitués à ceux des juges du fond, la décisionse trouve justifiée et que les moyens doivent être écartés ;
Sur le cinquième moyen de cassation, pris en faveur d'Eric ... pour violationdes articles 44 et 426-3 du Code des douanes, 593 du Code de procédure pénale
" en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a déclaré Eric ... coupabled'importation sans déclaration de marchandises prohibées les détecteurs defumée, et l'a condamné à une amende de 3 300 000 francs et à verser la sommede 7 000 000 francs au titre de la confiscation ;
" aux motifs qu'Eric ... a également importé comme marchandises libres àla circulation des détecteurs de fumée pour une valeur de 124 973 francs,alors que ces détecteurs devaient être soumis à agrément ;
" alors, d'une part, que la responsabilité pénale en tant qu'auteurprincipal, en matière douanière, suppose soit que le prévenu soit détenteurde marchandises, déclarant, commissionnaire en douane ou capitaine de navire oucommandant d'aéronef au moment des faits, soit qu'il ait participé matériellement,personnellement et de mauvaise foi aux actes de fraude ; que l'arrêt attaqué,qui ne constate nulle part qu'Eric ..., président-directeur général de la société Braun, était, au moment des faits, détenteur des détecteurs de fumée,déclarant, commissionnaire en douane, capitaine ou commandant, et qui se borneà relever qu'il avait importé lesdites marchandises, sans caractériser uneparticipation personnelle de sa part aux faits de fausse déclaration qui luisont reprochés, a privé sa décision de motifs et de base légale ;
" alors, d'autre part, qu'Eric ... faisait valoir, dans ses conclusions,qu'il avait délégué l'ensemble des démarches administratives afférentes auximportations de détecteurs de fumée à M. ..., son homme de confiance, desorte qu'il ne pouvait être tenu responsable des fausses déclarations qui luiétaient reprochées ; que, en ne répondant pas à ce moyen pourtant pertinent,l'arrêt attaqué a privé sa décision de motifs " ;
Attendu que le demandeur ne saurait faire grief à la cour d'appel de l'avoir,en sa qualité de dirigeant de la société Braun, déclaré coupable du délitd'importation sans déclaration de marchandise prohibée commis dans le cadre del'activité de celle-ci, dès lors que les juges n'ont pas retenu qu'il ait déléguéen tout ou en partie ses pouvoirs de direction au sein de l'entreprise ;
Qu'ainsi le moyen doit être écarté ;
Mais sur le sixième moyen de cassation, pris en faveur d'Eric ... pourviolation des articles 412, 414, 426, 38, 437, 438, 432 bis du Code des douanes,30 et 36 du Traité relatif à la Communauté économique européenne, 593 duCode de procédure pénale
" en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a déclaré Eric ... coupable du délitd'importation sans déclaration de marchandises prohibées, des contraventionsd'importation sans déclaration de marchandises non prohibées, et decontrebande de marchandises non prohibées, et l'a condamné à une amende de 3300 000 francs, à 54 amendes de 350 francs, et au paiement d'une somme de 7 000000 francs au titre de la confiscation des marchandises ;
" alors, d'une part, qu'Eric ... avait fait valoir, dans ses conclusions, quele principe de la libre circulation des marchandises implique que, dans les casexceptionnels où une formalité à l'importation est maintenue, celle-ci doitêtre raisonnablement appliquée et ne doit pas être assortie de sanctionsdisproportionnées ; que, dès lors, les sanctions prévues par les articles 412et 414 du Code des douanes, qui consistent en des peines de prison, d'amendecomprise entre 1 et 2 fois la valeur de la marchandise litigieuse, et deconfiscation, sont disproportionnées à l'objectif poursuivi et contraires auxarticles 30 à 36 du Traité CE ; que, en ne répondant pas à ce moyen, la courd'appel a violé l'article 593 du Code de procédure pénale ;
" alors, d'autre part, que le principe de la libre circulation des marchandisesimplique que, dans les cas exceptionnels où une formalité à l'importation estmaintenue, celle-ci doit être raisonnablement appliquée et ne doit pas êtreassortie de sanctions disproportionnées ; que les articles 412 et 414 du Codedes douanes, qui prévoient que le défaut de déclaration de marchandisesprohibées ou non prohibées et la contrebande de marchandises non prohibéessont punis d'une amende comprise entre 1 et 2 fois la valeur des marchandises etde la confiscation des marchandises litigieuses et de peines de prison,instituent des sanctions disproportionnées à l'objectif poursuivi et contraireaux articles 30 à 36 du Traité de Rome ; que, en condamnant Eric ... à unepeine d'amende assise sur la valeur des marchandises et au paiement de la sommede 7 000 000 francs au titre de la confiscation des marchandises, la courd'appel a violé le principe énoncé et les textes précités " ;
Et sur le moyen relevé d'office en faveur de Muriel ... et de DominiqueChiocchia
Vu lesdits articles, ensemble l'article 95 du Traité CE ;
Attendu que tout jugement ou arrêt doit contenir les motifs propres àjustifier la décision ; que les juges doivent répondre aux chefs péremptoiresdes conclusions dont ils sont saisis ;
Attendu que, selon l'article 95 du Traité CE, les produits d'un Etat membre nepeuvent être frappés directement ou indirectement d'impositions intérieuresde quelque nature qu'elles soient, supérieures à celles qui frappentdirectement ou indirectement les produits nationaux similaires ;
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué et des citations délivrées à larequête de l'administration des Douanes, qu'Eric ..., poursuivi, enapplication des articles 426 et 423 du Code des douanes, pour des importationsen provenance de Belgique de détecteurs de fumée d'une valeur de 124 973francs et de télécopieurs d'une valeur de 9 686 170 francs, 1 157 090 francset 9 390 613 francs ayant permis d'éluder au titre de la TVA la somme de 1 350961 francs, a été condamné en vertu des articles 412 et 414 du Code desdouanes, après que lui eut été accordé le bénéfice des circonstances atténuantes,à une amende de 3 300 000 francs pour les délits, à 54 amendes de 350 francspour les contraventions et au paiement de la somme de 7 000 000 francs au titrede la confiscation des marchandises ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors que les infractions à la taxe surla valeur ajoutée commises à l'occasion d'une importation en provenance d'unautre Etat membre ne peuvent selon l'article 95 du Traité CE donner lieu à dessanctions disproportionnées par rapport à celles qui répriment en régime intérieurles infractions à la même taxe et qu'au regard dudit texte seules étaientencourues les amendes contraventionnelles alors prévues par l'article 411 duCode des douanes pour sanctionner l'inobservation des lois et règlements ayantpour but ou pour résultat d'éluder ou de compromettre le recouvrement d'undroit ou d'une taxe quelconque, la cour d'appel, qui n'a pas répondu auxconclusions dont elle était régulièrement saisie de ce chef, a méconnu lesens et la portée des textes et principes susvisés ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Et sur le premier moyen de cassation, pris en faveur de Muriel ... pourviolation des articles 47 de la loi du 25 janvier 1985, 404 et 407 du Code desdouanes, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de réponse àconclusions, défaut de motifs et manque de base légale
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Me ..., ès qualités demandataire liquidateur de la société Braun solidairement responsable d'EricBraun ;
" aux motifs qu'il y a lieu, conformément aux dispositions de l'article 407 duCode des douanes, de déclarer Me ..., ès qualités de mandataireliquidateur de la société Braun propriétaire des marchandises solidairementresponsable d'Eric ... ;
" alors que, d'une part, l'article 47 de la loi du 25 janvier 1985 interdisanttoute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance ason origine antérieurement audit jugement et tendant à la condamnation aupaiement d'une somme d'argent, la Cour ne pouvait sans violer cette règled'ordre public faire droit à la demande de l'administration des Douanes tendantau prononcé de la confiscation par équivalent à raison d'une saisie pratiquéeantérieurement au jugement d'ouverture d'une procédure collective à l'encontre de la société Braun ni par voie de conséquence déclarer leliquidateur de cette société solidairement responsable par application del'article 407 du Code des douanes ;
" et alors que, d'autre part, en tout état de cause, les dispositions del'article 407 du Code des douanes ne prévoyant de solidarité à l'encontre dupropriétaire des marchandises de fraude qu'en ce qui concerne le paiement de l'amende des sommes tenant lieu de confiscation et des dépens, la Cour, qui,nonobstant les conclusions dont elle était saisie et faisant valoir qu'il nepouvait être retenu ni lien de préposition entre le prévenu et la sociétéBraun ni faute de cette dernière, ensemble de circonstances excluant la mise enuvre des dispositions de l'article 1384 du Code civil, a néanmoins déclaré MeKatz-Sulzer, ès qualités de liquidateur de la société Braun solidairementresponsable d'Eric ... autrement dit à ce titre tenu de garantir le paiementde l'ensemble des sommes mises à la charge de ce dernier, a privé sa décisionde toute base légale " ;
Et sur le second moyen de cassation, pris en faveur de Muriel ..., pourviolation des articles 40 de la loi du 25 janvier 1985, 591 et 593 du Code deprocédure pénale, défaut de réponse à conclusions, défaut de motifs etmanque de base légale
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré que les amendes et sommes tenant lieude confiscation des marchandises de fraude seront recouvrées contre la sociétéBraun dans les conditions de l'article 40 de la loi du 25 janvier 1985 ;
" alors que les marchandises de fraude étant passibles de confiscation etd'amende à compter de leur introduction irrégulière sur le territoirenational, il en résulte que l'importation des télécopieurs présentement encause et qui constitue dès lors le fait générateur des amendes etconfiscations pouvant être prononcées au profit de l'administration desDouanes ayant été effectuée jusqu'en janvier 1989 donc antérieurement aujugement du 10 mai 1990 prononçant l'ouverture d'une procédure collective à l'encontre de la société Braun, la créance de l'administration des Douanes résultantde cette confiscation et de ces amendes ne pouvait bénéficier du privilège del'article 40 de la loi du 25 janvier 1985 " ;
Vu lesdits articles ;
Attendu que, selon l'article 40 de la loi du 25 janvier 1985, seules peuvent êtrerecouvrées à leur échéance les créances nées régulièrement après lejugement d'ouverture de la procédure collective ;
Attendu que, pour écarter les conclusions de Me Muriel ... quiinvoquait l'impossibilité de mettre à la charge de la société Braun desdettes pécuniaires nées antérieurement à l'ouverture de la procédurecollective, les juges énoncent qu'en tant que propriétaire de la marchandise,la société est, en application de l'article 407 du Code des douanes,solidairement responsable avec Eric ... du paiement des amendes et sommestenant lieu de confiscation douanière, et que celles-ci doivent être recouvréesdans les conditions de l'article 40 de la loi du 25 janvier 1985, à l'exceptiondes droits et taxes éludés devant être produits entre les mains du représentantdes créanciers pour un montant de 1 437 743 francs ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors que si les amendes et confiscationsdouanières ont un caractère pénal, les agissements qu'elles sanctionnent etqui constituent le fait générateur de la créance sont antérieurs à l'ouverture de la procédure collective, la cour d'appel a méconnu le sens etla portée des textes et principes susvisés ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs,
CASSE ET ANNULE l'arrêt de la cour d'appel de Paris, en date du 31 octobre 1996en ses seules dispositions, ayant, par application des articles 412 et 414 duCode des douanes, condamné Eric ... à une amende de 3 300 000 francs pourles délits, Eric ... et Dominique ... solidairement à 54 amendes de350 francs chacune pour les contraventions et au paiement de la somme de 7 000000 francs tenant lieu de confiscation de la marchandise, limitant la solidaritéde Dominique ... à 23 amendes et à la somme de 1 030 000 francs pour laconfiscation, et ordonné que les amendes et sommes tenant lieu de confiscationprononcées solidairement entre Eric ... et la société Braun seront recouvréescontre la société Braun dans les conditions de l'article 40 de la loi du 25janvier 1985, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et pour qu'il soit jugé à nouveau, conformément à la loi ;
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris, autrementcomposée.
Publication Bulletin criminel 1998 N° 48 p 121
Décision attaquée Cour d'appel de Paris,1996-10-31
Abstrat 1°
DOUANES - Importation sans déclaration - Marchandises prohibées - Produitssoumis à restrictions de circulation, article 38-4 du Code des Douanes -Communauté européenne - Libre circulation des marchandises - Restriction fondéesur la protection de la santé et la vie des personnes - Article 36 du traitéCE - Radio-éléments artificiels.
Abstrat 1°
Est à bon droit déclaré coupable d'importation sans déclaration demarchandises prohibées au sens de l'article 38-4° du Code des douanes, lecommerçant qui importe des détecteurs de fumée contenant des matièresradioactives sans être titulaire des autorisations requises par le Code de lasanté publique.
Les restrictions à l'importation édictées pour des raisons de protection dela santé ne peuvent être considérées, en l'absence de preuve contraire,comme un moyen de discrimination arbitraire ou une restriction déguisée dansle commerce entre les États membres au sens de l'article 36 du traité CE, dèslors que les mêmes autorisations sont exigées pour toutes autres transactionsréalisées à l'intérieur du marché national(1).
Abstrat 1°
COMMUNAUTÉ ÉCONOMIQUE EUROPÉENNE - Interdiction d'importation - Restrictionjustifiée par des raisons de protection de la santé et de la vie des personnes- Réglementation des radio-éléments artificiels
Abstrat 2°
DOUANES - Importation en provenance d'un autre Etat membre - Infraction à laTVA - Communauté européenne - Sanctions disproprotionnées au regard del'article 95 du traité CE.
Abstrat 2°
Les infractions à la TVA commises à l'occasion d'une importation en provenanced'un autre Etat membre ne peuvent, selon l'article 95 du traité CE telqu'interprété par la Cour de justice des Communautés européennes, donnerlieu à des sanctions disproportionnées par rapport à celles qui répriment enrégime intérieur les infractions à la même taxe(2).
Abstrat 3°
DOUANES - Infractions douanières - Article 407 du Code des Douanes -Redressement judiciaire et liquidation de biens de la société - Responsabilitésolidaire de la société au paiement des amendes et confiscations prononcéescontre le dirigeant - Recouvrement des amendes et confiscations - Nécessitépour l'Administration de produire ses demandes entre les mains du syndic (non).
Abstrat 3°
Une société étant reconnue solidairement responsable de son dirigeant socialen application de l'article 407 du Code des douanes pour le paiement des amendeset confiscation douanière infligées à ce dernier, l'administration desDouanes ne peut à la suite de la mise en liquidation de biens de ladite société,obtenir le recouvrement des pénalités douanières dans les conditions prévuespar l'article 40 de la loi du 25 janvier 1985, dès lors que les agissementssanctionnés qui constituent le fait générateur de la créance sont antérieursà l'ouverture de le procédure collective(3).
Textes cités 1° .
Code des Douanes 34-4° 3° .
Code des Douanes 407
Textes cités 3° .
Loi 1985-01-25 art 40.
Jurisprudence CONFER (1°).
(1) Cf Chambre criminelle, 1993-03-10, Bulletin criminel 1993, n° 108, p 261(cassation par voie de retranchement sans renvoi).
CONFER (2°).
(2) Cf Cour de justice des communautés européennes, 1993-08-02, C-276/91,Commission des Communautés européennes contre République française.
CONFER (3°).
(3) Cf Chambre criminelle, 1995-05-11, Bulletin criminel 1995, n° 173, p 481(rejet).