ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION
Chambre Sociale
12 Novembre 1997
Pourvoi N° 94-43.839
Société Forges de Courcelles
contre
M. ....
Sur le moyen unique Attendu que M. .... engagé le 2 juillet 1979 en qualité d'électricien par la société Forges de Courcelles, a été, à compter du 29 avril 1991, en arrêt de travail pour maladie dont le caractère professionnel a été déclaré le 12 juin 1991 à la caisse primaire d'assurance maladie ; que se prévalant d'un avis du médecin du Travail du 7 août 1992 concluant à son inaptitude totale, il a saisi, le 16 avril 1993, la juridiction prud'homale pour obtenir la mise en uvre de son licenciement, le paiement de l'indemnité légale de licenciement et la réparation du préjudice né de l'absence de rupture de son contrat de travail ;
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt attaqué (Dijon, 28 juin 1994) de l'avoir condamné à payer à son salarié à compter du 9 février 1993 le salaire correspondant à l'emploi que celui-ci occupait avant le 29 avril 1991, alors, selon le moyen, d'une part, que les dispositions de la loi n° 92-14446 du 31 décembre 1992, relatives aux effets de la suspension du contrat de travail par suite d'un accident ou d'une maladie professionnelle ne sont pas applicables aux salariés victimes d'un accident ou d'une maladie antérieurement à sa date d'entrée en vigueur ; qu'en faisant application en l'espèce des dispositions de cette loi, la cour d'appel a violé l'article 2 du Code civil ; d'autre part, que seule la visite de reprise effectuée à l'initiative de l'employeur lors de la reprise effective du travail, en vue de lui permettre d'apprécier lui-même les possibilités de reclassement du salarié marque la fin de la période de suspension du contrat de travail, et fait naître l'obligation, à la charge de l'employeur, soit de reclasser le salarié, soit de le licencier ; qu'en estimant que les fiches d'inaptitude établies à l'initiative du salarié à l'occasion de visites de " préreprise ", pratiquées, par hypothèse, avant la fin de l'arrêt de travail, valaient déclaration d'inaptitude opposable à l'employeur et marquaient la fin de la période de suspension du contrat de travail, la cour d'appel a violé les articles L 122-32-5, R 241-50 et R 241-51 du Code du travail ; alors, enfin, qu'en tout état de cause, en jugeant que l'employeur devait verser au salarié ses salaires à compter du 9 février 1993, sans donner aucun motif de nature à justifier le choix de cette date, à laquelle nulle partie n'avait jamais fait référence, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés et des articles 4 et 7 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu, d'abord, que la loi n° 92-14446 du 31 décembre 1992, qui vise notamment à renforcer la protection des salariés victimes d'accidents du travail ou de maladies professionnelles, en faisant peser sur l'employeur si le salarié n'est pas reclassé dans l'entreprise à l'issue d'un délai d'un mois à compter de la date de l'examen de reprise du travail ou s'il n'est pas licencié, l'obligation de verser à l'intéressé, dès l'expiration de ce délai, le salaire correspondant à l'emploi que celui-ci occupait avant la suspension de son contrat de travail, a un caractère d'ordre public et est, en conséquence, immédiatement applicable au contrat de travail en cours, même si la maladie professionnelle a été déclarée antérieurement à son entrée en vigueur ;
Attendu, ensuite, que la visite de reprise, dont l'initiative appartient normalement à l'employeur, peut aussi être sollicitée par le salarié, soit auprès de son employeur, soit auprès du médecin du travail en avertissant l'employeur de cette demande ;
Attendu, enfin, que le salarié a invoqué les dispositions nouvelles de l'article L 122-32-5 du Code du travail résultant de la loi n° 92-14446 du 31 décembre 1992 et que, sous réserve d'une erreur purement matérielle de date, ne donnant pas ouverture à cassation, la cour d'appel a exactement décidé de faire courir le délai d'un mois, à partir duquel l'employeur est tenu, selon cette loi, de reprendre le paiement du salaire, de la date de son entrée en vigueur ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé dans aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS
REJETTE le pourvoi.