AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par M. Raphael X..., demeurant ..., en cassation d'un jugement rendu le 23 février 1994 par le tribunal de grande instance de Versailles (1e chambre, 1ere section), au profit du directeur général des Impôts, domicilié ministère de l'Economie et des Finances, ..., défendeur à la cassation ;
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 27 mai 1997, où étaient présents : M. Bézard, président, M. Vigneron, conseiller rapporteur, M. Leclercq, conseiller, M. Mourier, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Vigneron, conseiller, les observations de la SCP Richard et Mandelkern, avocat de M. X..., de Me Goutet, avocat du directeur général des Impôts, les conclusions de M. Mourier, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique, pris en ses cinq branches :
Attendu, selon le jugement déféré ( tribunal de grande instance de Versailles, 23 février I994) que M. X... a été invité par l'Administration des impôts à payer les droits de mutation à titre gratuit sur les libéralités dont il avait bénéficié de la part d'un tiers avec lequel il entretenait des relations intimes; qu'il a fait opposition à l'avis de mise en recouvrement des droits ;
Attendu que M. X... reproche au jugement d'avoir repoussé cette demande, alors, selon le pourvoi, d'une part, que le jugement renfermant la reconnaissance d'un don manuel n'est sujet au droit de donation que si le donataire a été partie à l'instance ayant donné lieu à cette décision; qu'en décidant néanmoins que le jugement du tribunal correctionnel de Versailles du 3 février 1992 était sujet au droit de donation dans la mesure où il renfermait la reconnaissance d'un don manuel de M. Y... à lui-même, alors qu'il n'était pas partie à l'instance ayant donné lieu à cette décision, le tribunal a violé l'article 757 du Code général des impôts; alors, d'autre part, que le jugement du tribunal correctionnel mentionnait qu'il "reconnaissait expressément avoir eu une relation homosexuelle monnayée avec Bernard Y..." et que "cette relation avait toujours été payante"; que le juge répressif avait lui-même affirmé que M. Y... "souhaitait acheter la présence et l'affection de M. X..." ;
que le tribunal correctionnel avait ainsi constaté que les sommes que lui avait remises M. Y... constituaient la rémunération des relations intimes qu'il entretenait avec lui, et non des libéralités; qu'en affirmant cependant, que le juge pénal avait "reconnu de manière claire et certaine que Bernard Y... avait remis à titre libéral à Raphaël X... des choses mobilières", le Tribunal a dénaturé le jugement du tribunal correctionnel de Versailles du 3 février I987 en violation de l'article 1134 du Code civil; alors ensuite, qu'en se bornant à affirmer que les sommes et effets mobiliers à lui remis par M. Y... n'avaient aucune contrepartie appréciable en argent, pour en déduire qu'il s'agissait de dons manuels, sans rechercher si ces remises avaient pour contrepartie la poursuite des relations intimes entre les deux hommes, ce qui excluait toute intention libérale, et par conséquent la qualification de don manuel, le Tribunal a privé sa décision de base légale au regard des articles 894 du Code civil et 757 du Code général des Impôts; alors encore, qu'en décidant qu'il était tenu au droit de donation, quand bien même le don manuel serait nul, le Tribunal a violé l'article 757 du Code général des Impôts; et alors, enfin, qu'un immeuble ne peut être l'objet d'un don manuel; qu'en décidant néanmoins que la donation par M. Y... d'un immeuble d'une valeur de 225 OOO francs constituait un don manuel, le Tribunal a derechef violé ce dernier texte ;
Mais attendu, d'une part, que l'application de l'article 757 du Code général des Impôts, soumettant au droit de donation les actes renfermant la reconnaissance judiciaire d'un don manuel n'est pas subordonnée à la présence du bénéficiaire dans l'instance ayant abouti au jugement ;
Attendu, d'autre part, qu'il résulte du jugement pénal du 3 février I987, qui n'a pas été dénaturé, qu'en rémunération des relations intimes qu'il entretenait avec le donataire et en vue d'en favoriser la continuation, M. X... a reçu de ce dernier des dons en argent qui lui ont servi notamment à l'acquisition d'un appartement; qu'il en résulte que, sans qu'il ait été nécessaire de procéder à de plus amples investigations, et quelqu'en soit la cause, ces versements constituaient des dons manuels fiscalement soumis au droit de donation ;
Que le moyen n'est fondé en aucune des ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du huit juillet mil neuf cent quatre-vingt-dix-sept.