Cour de Cassation
Chambre criminelle
Audience publique du 6 Mars 1997
Cassation
N° de pourvoi 96-80.944
Président M. Culié, conseiller le plus ancien faisant fonction.
Demandeur ... Félix
Rapporteur M. ....
Avocat général M. Le Foyer de Costil.
Avocat la SCP Boré et Xavier.
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
CASSATION sur le pourvoi formé par ... Félix, partie civile, contre l'arrêt de la cour d'appel de Douai, 6e chambre, en date du 12 septembre 1995, qui, après condamnation définitive de Monique ..., notamment pour abus de confiance, a prononcé sur les intérêts civils.
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 408 du Code pénal (ancien), 2, 3 et 593 du Code de procédure pénale, 1382 du Code civil, 6 de la Convention européenne des droits de l'homme
" en ce que l'arrêt attaqué a limité la réparation du préjudice subi par Félix ... à la somme de 123 225 francs ;
" aux motifs que devant les juridictions correctionnelles l'action civile en réparation des dommages commis par les infractions appartient à tous ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par l'infraction ; que Félix ... ne peut donc réclamer devant la Cour, statuant correctionnellement, que le montant des chèques détournés à son propre préjudice par la prévenue, soit, en l'espèce, pour un montant de 53 225 francs, somme à laquelle il convient d'ajouter 10 000 francs pour le préjudice moral, 10 000 francs pour la franchise d'assurance et 50 000 francs pour frais de recherches des détournements, soit, au total 123 225 francs ;
" 1° alors que, en tant que détenteur des chèques ou sommes appartenant à ses clients, Félix ... a subi un préjudice direct en raison des malversations commises par Mme ..., qui a détourné les chèques ou fonds en question ; qu'en refusant à Félix ... le droit d'obtenir réparation du préjudice résultant du détournement par son employée des chèques qu'il détenait pour le compte de ses clients au motif que le demandeur ne pouvait réclamer que le montant des chèques détournés à son propre préjudice, la Cour a violé les textes susvisés ;
" 2° alors que l'indemnisation de la victime par son assureur, lequel ne dispose devant la juridiction répressive d'aucun recours subrogatoire contre le responsable du dommage, ne dispense pas ce dernier de réparer le préjudice résultant de l'infraction dont il a été déclaré coupable ; qu'en décidant le contraire la Cour a violé les textes susvisés " ;
Vu lesdits articles ;
Attendu que l'abus de confiance, prévu et réprimé par les articles 406 et 408 anciens et 314-1 nouveau du Code pénal, peut préjudicier et ouvrir droit à réparation, non seulement aux propriétaires, mais encore aux détenteurs et possesseurs des effets ou deniers détournés ;
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que Monique ... a détourné, alors qu'elle était employée par Félix ..., expert-comptable, des chèques établis par des clients du cabinet à l'ordre du Trésor public ;
Attendu que, pour refuser à la partie civile tout droit à réparation de ce chef de dommage, l'arrêt attaqué énonce que les chèques n'ont pas été détournés à son propre préjudice ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors que, d'une part, Félix ... était détenteur de ces effets et subissait un préjudice direct du fait de leur détournement, et que, d'autre part, l'indemnisation éventuelle de la victime par son assureur ne dispense pas l'auteur de l'infraction de réparer le préjudice qui en découle, par son employée, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt de la cour d'appel de Douai, en date du 12 septembre 1995, et, pour qu'il soit à nouveau jugé conformément à la loi
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel d'Amiens.