ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION
Chambre Sociale
24 Octobre 1995
Pourvoi N° 94-40.188
Société Décolletage plastique
contre
M. ....
Sur le moyen unique Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 11 octobre 1993), que M. ..., salarié de la société Décolletage plastique depuis le 7 octobre 1985 en qualité de régleur, devenu aide-contrôleur, a été victime d'un accident de travail le 8 juin 1989 à la suite duquel, le 2 avril 1990, le médecin du Travail l'a reconnu " inapte à un travail en équipe alternée apte à un travail sédentaire assis sans port de charges lourdes " ; qu'il a été licencié le 24 avril 1990 ; Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir condamné à payer au salarié des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen, d'une part, que, selon l'article L 122-32-5 du Code du travail, si le salarié a été déclaré inapte à reprendre le poste anciennement occupé, l'employeur doit lui proposer, compte tenu des indications écrites du médecin du Travail sur l'aptitude du salarié à exercer une des tâches existant dans l'entreprise, un emploi approprié à ses capacités, d'où il résulte que l'employeur est tenu d'une obligation de reclassement au sein de sa seule entreprise ; que, dès lors, en constatant qu'aucun poste conforme aux nouvelles capacités de M. ... n'existait au sein de la société Décolletage plastique, et en décidant néanmoins que l'employeur n'avait pas satisfait à son obligation de reclassement en ne proposant pas au salarié un poste existant dans trois autres sociétés juridiquement distinctes, situées dans le même site et exerçant des activités complémentaires, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et ainsi violé les articles L 122-32-5 et suivants du Code du travail ;
alors, d'autre part, en toute hypothèse, qu'une société n'appartient à un groupe, dans lequel le reclassement d'un salarié pourrait être imposé, que si cette société dépend d'une société dominante qui, soit possède plus de la moitié de son capital social, soit la contrôle effectivement et forme avec elle un même ensemble économique ; que, dès lors, en se bornant à relever que la société Décolletage plastique avait, avec les sociétés Bic, Bic commercial et Compagnie des moulages, des activités complémentaires exercées sur un même site, pour déclarer que l'employeur n'avait pas satisfait à son obligation de reclassement faute d'avoir recherché en leur sein un emploi approprié aux nouvelles capacités de M. ..., sans rechercher si ces sociétés appartenaient à un même groupe, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L 122-32-5 et suivants du Code du travail ; alors, enfin, en toute hypothèse, que les juges du fond sont liés par les conclusions prises devant eux et ne peuvent modifier les termes du litige dont ils sont saisis ; qu'en l'espèce, devant la cour d'appel, l'employeur avait fait valoir que le salarié ne pouvait être affecté à la mise en cartons des crayons puisqu'elle était effectuée par des machines contrôlées par des salariés, se tenant debout, procédant à leur chargement ; que, dès lors, en déclarant que l'employeur ne démentait pas les propos du salarié apte à un travail assis sans port de charges lourdes, selon lesquels il aurait pu occuper un tel poste, la cour d'appel a modifié les termes du litige et ainsi violé l'article 4 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que la recherche des possibilités de reclassement du salarié victime d'un accident du travail, déclaré inapte à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment au sens de l'article L 122-32-5 du Code du travail, alors applicable, doit s'apprécier à l'intérieur du groupe auquel appartient l'employeur concerné, parmi les entreprises dont les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation lui permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel ;
Et attendu que la cour d'appel, qui a constaté que des salariés de la société Décolletage plastique travaillaient régulièrement pour l'une des trois autres sociétés précitées, a fait ressortir la permutabilité du personnel entre ces sociétés et a retenu, sans méconnaître les termes du litige, que l'employeur n'établissait pas l'impossibilité de reclassement dans le cadre des sociétés ; qu'elle a ainsi légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS
REJETTE le pourvoi.