Cour de Cassation
Chambre criminelle
Audience publique du 11 Octobre 1995
Cassation partielle sans renvoi
N° de pourvoi 94-80.759
Président M. Le Gunehec
Demandeur ... Danielle épouse Etchebehere
Rapporteur Mme ....
Avocat général M. Amiel.
Avocat M. ....
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
CASSATION PARTIELLE sans renvoi sur le pourvoi formé par ... Danielle, épouse Etchebehere, contre l'arrêt de la cour d'appel de Pau, chambre correctionnelle, en date du 4 janvier 1994 qui, pour tolérance habituelle de la prostitution dans un lieu ouvert au public, l'a condamnée à 2 ans d'emprisonnement avec sursis et 2 ans d'interdiction de séjour, a ordonné la fermeture de l'établissement pendant 1 an ainsi que le retrait de la licence et a prononcé la privation des droits de l'article 42 du Code pénal durant 2 ans.
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 335 et 335-1 du Code pénal ancien, 225-10 et 225-22 du nouveau Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale
" en ce que l'arrêt confirmatif a condamné la prévenue pour avoir toléré la présence dans son établissement de personnes se livrant à la prostitution à 2 ans d'emprisonnement avec sursis, 2 années d'interdiction de séjour et de privation des droits visés à l'article 42 et a ordonné la fermeture de l'établissement pour 1 an et le retrait de la licence d'exploitation ;
" aux motifs qu'une commission rogatoire délivrée au SRPJ de Marseille par un juge d'instruction de cette ville dans le cadre d'une autre affaire a permis de connaître les agissements de Danielle ..., propriétaire exploitante du bar Gau Txoky à Saint-Jean-de-Luz ; que les enquêteurs ont appris que des prostituées bayonnaises s'étaient déplacées à Saint-Jean-de-Luz (D 5) ; que des écoutes téléphoniques (D 4) ont fourni des renseignements identiques ; qu'un inspecteur du SRPJ de Marseille, assisté d'un inspecteur de police de Bayonne et d'un inspecteur de l'antenne de Bayonne du SRPJ de Bordeaux, s'est rendu au Gau Txoky le 9 juillet 1992 (D 3) et a pu constater que les faits révélés s'avéraient exacts une prostituée, Gisèle ..., distribuait ses faveurs dans une chambre contiguë à la salle de bar et versait une contribution à l'actuelle prévenue après chaque "passe" ; que les déclarations concordantes de la demoiselle G (D 7) et les aveux réitérés de la prévenue (D 8 et D 14) permettent d'entrer en voie de condamnation ;
" 1o) alors que, faute de préciser les conditions dans lesquelles la prévenue aurait habituellement toléré la présence de femmes se livrant à la prostitution à l'intérieur de son établissement, l'arrêt manque de base légale ;
" 2o) alors que le retrait de la licence ne peut être ordonné pour une durée supérieure à la fermeture temporaire de l'établissement " ;
Sur la première branche du moyen
Attendu que, pour déclarer Danielle ..., épouse ..., coupable des faits qui lui sont reprochés, l'arrêt attaqué énonce, outre le motif repris au moyen, que la prévenue les a reconnus, en précisant qu'il était de notoriété publique que des femmes venaient se livrer à la prostitution dans son établissement et qu'elle recevait une partie du produit qui en résultait ;
Attendu qu'en l'état de ce seul motif, la cour d'appel a caractérisé la circonstance d'habitude exigée par l'article 335, 2o du Code pénal et a ainsi justifié sa décision sans encourir le grief allégué ;
Que, dès lors, le moyen en sa première branche ne peut qu'être écarté ;
Mais sur la seconde branche du moyen
Vu les articles invoqués ;
Attendu que, tant en vertu de l'article 335-1 du Code pénal applicable au moment des faits poursuivis que de l'article 225-23 du Code pénal actuellement en vigueur, le retrait de la licence ne peut être prononcé par la juridiction répressive que pour une durée égale à celle de la fermeture de l'établissement, lorsqu'elle a été ordonnée ;
Attendu que, par suite, en ordonnant le retrait de la licence sans limitation de durée alors que la fermeture du bar exploitée par Danielle ... l'était pour la durée de 1 an, la cour d'appel a méconnu les dispositions ci-dessus rappelées ;
Qu'ainsi l'arrêt encourt la cassation de ce chef ;
Par ces motifs
CASSE ET ANNULE l'arrêt de la cour d'appel de Pau, en date du 4 janvier 1994, mais en ses seules dispositions prononçant le retrait de la licence sans limitation de durée, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Vu l'article L 131-5 du Code de l'organisation judiciaire ;
Faisant application de la règle de droit ;
DIT que la fermeture de l'établissement pour une durée de 1 an emporte suspension de la licence du débit de boissons pour la même durée ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi.