ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION
Chambre Sociale
05 Juillet 1995
Pourvoi N° 92-40.095
société anonyme Football Club Gueugnonnais
contre
M. Jean-Yves ...
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant
Sur le pourvoi formé par la société anonyme Football Club Gueugnonnais, dont le siège est à Gueugnon (Saône-et-Loire), en cassation d'un arrêt rendu le 12 novembre 1991 par la cour d'appel de Dijon (chambre sociale), au profit de M. Jean-Yves ..., demeurant à Gueugnon (Saône-et-Loire), défendeur à la cassation ;
LA COUR, composée selon l'article L 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 23 mai 1995, où étaient présents M. Monboisse, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président, M. Frouin, conseiller référendaire, rapporteur, MM ..., ..., conseillers, Mlle Sant, conseiller référendaire, M. Martin, avocat général, Mme Marcadeux, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M le conseiller référendaire Frouin, les observations de la SCP Célice et Blancpain, avocat de la société Football Club Gueugnonnais, de Me ..., avocat de M. ..., les conclusions de M. Martin, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Dijon, 12 novembre 1991), que le Football Club de Gueugnon a conclu, le 25 août 1988, avec M. ... un contrat d'entraîneur pour une durée de trois années ;
que le contrat prévoyait qu'il pourrait être dénoncé à la fin de chaque saison à la condition que l'une des parties prévienne l'autre avant le 15 avril de la saison en cours ;
que, par lettre du 14 avril 1990, le Football Club de Gueugnon a notifié à M. ... qu'il dénonçait le contrat avec effet au 30 juin 1990 ;
Sur le premier moyen
Attendu que le Football Club de Gueugnon fait grief à l'arrêt d'avoir décidé que le contrat de M. ..., conforme à la charte du football professionnel, avait été rompu prématurément par l'employeur et de l'avoir en conséquence condamné en application de l'article L 122-3-8 du code du travail à payer au salarié une indemnité à titre de dommages-intérêts alors, selon le moyen, d'une part, qu'en vertu de l'article L 122-1 le contrat de travail à durée déterminée peut ne pas comporter de terme précis lorsqu'il est conclu pour un emploi dans lequel il est d'usage de ne pas recourir au contrat à durée indéterminée et que tel est le cas des conventions offertes par la charte du football professionnel, que dès lors était licite, sous l'emprise des textes applicables à l'époque, la convention portant sur trois saisons sportives, dans laquelle des parties avaient prévu des termes successifs correspondant à chaque fin de saison, et permettant à chacune d'elles de ne pas poursuivre l'exécution du contrat, à condition de respecter un délai de préavis, de sorte qu'en statuant comme il l'a fait, l'arrêt a violé ensemble l'article L 122-1-1 du Code du travail, l'article 1134 du Code civil et les articles 29 et 51 de la charte du football professionnel ;
alors, d'autre part et très subsidiairement, que la clause bilatérale en vertu de laquelle chaque partie pouvait mettre fin au contrat au terme de chaque saison moyennant un préavis, avait pour effet de limiter la durée du contrat de travail à chacune d'elle, tout en laissant place à deux renouvellements, de sorte qu'en ne recherchant pas si la rupture intervenue le 15 avril 1990 ne correspondait pas au terme normal de la convention et à un refus de renouvellement et en décidant au contraire que le salarié aurait un droit acquis pour les deux autres saisons, l'arrêt se trouve privé de base légale au regard de l'article L 122-1-1, L 122-3-6, L 122-3-10 et L 122-3-15 du Code du travail ;
Mais attendu que la cour d'appel a exactement énoncé qu'aux termes de l'article L 122-3-8 du Code du travail, sauf accord des parties, le contrat à durée déterminée ne peut être rompu avant l'échéance du terme qu'en cas de faute grave ou de force majeure et qu'il résultait de ces dispositions d'ordre public que le salarié ne peut par avance accepter la rupture du contrat par l'employeur pour d'autres causes que celles prévues par ce texte ;
Et attendu qu'ayant relevé que le contrat conclu entre les parties l'avait été pour une durée de trois ans, elle a décidé à bon droit que la clause permettant à l'employeur de dénoncer le contrat avant son terme était nulle ;
Que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen
Attendu que le Football Club de Gueugnon reproche encore à la cour d'appel d'avoir ainsi statué alors, selon le moyen, que contrairement aux énonciations de l'arrêt, il est de jurisprudence constante qu'un contrat à durée déterminée comportant une clause permettant sa résiliation avant le terme fixé doit être requalifié en contrat à durée indéterminée, de sorte qu'en statuant comme il l'a fait, l'arrêt attaqué a violé l'article L 121-5, L 122-1 et L 122-3-10 du Code du travail ;
Mais attendu que, contrairement aux énonciations du moyen, la méconnaissance par l'employeur des dispositions, prévues à l'article L 122-3-8 du Code du travail et relatives à la rupture avant l'échéance du terme du contrat à durée déterminée, n'entraîne pas sa requalification en contrat à durée indéterminée mais, en vertu du même article, ouvre droit pour le salarié à des dommages intérêts d'un montant au moins égal aux rémunérations qu'il aurait perçues jusqu'au terme du contrat sans préjudice de l'indemnité prévue à l'article L 122-3-4 ;
Et attendu que la cour d'appel n'a fait que se conformer à ces dispositions en statuant comme elle l'a fait ;
Que le moyen ne saurait être accueilli ;
Code de procédure civile
Attendu que M. ... sollicite, sur le fondement de ce texte, l'allocation d'une somme de 10 000 francs ;
Mais attendu qu'il n'y a pas lieu d'accueillir cette demande ;
PAR CES MOTIFS
REJETTE le pourvoi ;
REJETTE également la demande présentée par M. ... au titre de Condamne la société Football Club Gueugnonnais, envers M. ..., aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par M le président en son audience publique du cinq juillet mil neuf cent quatre-vingt-quinze.