Cour de Cassation
Chambre commerciale
Audience publique du 9 Mai 1995
Cassation.
N° de pourvoi 93-12.202
Président Mme Pasturel, conseiller le plus ancien faisant fonction.
Demandeur Crédit industriel d'Alsace et de Lorraine
Défendeur M. ..., ès qualités de liquidateur de M. ....
Rapporteur M. ....
Avocat général Mme Piniot.
Avocats MM ... ..., ....
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche
Vu l'article 101 de la loi du 25 janvier 1985 ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le Crédit industriel d'Alsace et de Lorraine (le CIAL) a déclaré au passif de la liquidation judiciaire de M. ... des créances échues ; que, par ordonnance du 25 mars 1991, le juge-commissaire a admis les créances pour la somme de 1 249 538,68 francs à titre chirographaire, dont 517 507,97 francs sous réserve, et a rejeté certaines créances pour 47 871,51 francs ; que la cour d'appel a dit que les créances sont admises pour 1 249 538,68 francs, dont 66 897,17 francs sous réserve, et a confirmé pour le surplus l'ordonnance déférée ;
Attendu qu'après avoir énoncé que le premier juge avait, à juste titre, réservé l'admission de la créance résultant d'avances sur cession de créances professionnelles à la justification par le CIAL des motifs du refus de paiement opposé par les débiteurs cédés, l'arrêt décide de réserver les seules créances des débiteurs Hergott et Muller, pour lesquels il n'est justifié d'aucun refus de paiement, soit 66 897,17 francs ;
Attendu qu'en admettant sous réserve ces créances, alors que l'article 101 de la loi du 25 janvier 1985 dispose que le juge-commissaire décide de l'admission ou du rejet des créances déclarées et qu'est, dès lors, exclue toute décision conditionnelle de sa part, à moins que ne soient en cause les créances visées à l'article 50, alinéa 2, de la loi du 25 janvier 1985, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Sur le deuxième moyen
Vu l'article 160, alinéa 1er, de la loi du 25 janvier 1985, et les articles 1134 et 1152 du Code civil ;
Attendu que, pour rejeter la créance du CIAL s'élevant à la somme de 47 871,51 francs et correspondant à des indemnités d'exigibilité anticipée des prêts, l'arrêt, après avoir relevé qu'aucune déchéance du terme n'est intervenue pour défaut de paiement des mensualités avant le jugement déclaratif, retient que la clause pénale ne peut produire d'effet puisque, majorant les obligations du débiteur admis à la procédure collective, elle porte atteinte à la règle d'ordre public de l'égalité des créanciers ;
Attendu qu'en se prononçant ainsi, alors qu'aucun texte, et spécialement l'article 160 de la loi du 25 janvier 1985, ne dispose que la clause, déterminant le montant de l'indemnité destinée à réparer le préjudice causé au prêteur au cas d'exigibilité anticipée du prêt, serait réputée non écrite après le prononcé de la liquidation judiciaire et qu'une telle clause, dont les parties peuvent librement convenir lors de la signature du contrat, sous réserve du pouvoir reconnu au juge par l'article 1152, alinéa 2, du Code civil, n'est pas contraire à la règle d'égalité des créanciers, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et sur le troisième moyen
Vu l'article 55 de la loi du 25 janvier 1985 ;
Attendu que, pour limiter l'admission de la créance d'intérêts déclarée par le CIAL, l'arrêt retient, par motif adopté, que, s'agissant de prêts à plus d'un an, les intérêts courent jusqu'à la date de la liquidation judiciaire ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, alors que, lorsqu'en application de l'article 55 de la loi du 25 janvier 1985, le jugement de redressement judiciaire n'a pas arrêté le cours des intérêts d'une créance, le jugement prononçant la liquidation judiciaire ne modifie pas cette situation, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la première branche du premier moyen
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 5 janvier 1993, entre les parties, par la cour d'appel de Metz ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Colmar.