Cour de Cassation
Chambre civile 1
Audience publique du 4 Avril 1995
Rejet.
N° de pourvoi 93-10.818
Président M de Bouillane de Lacoste .
Demandeur Ordre des avocats à la cour d'appel de Toulouse
Défendeur procureur général près la cour d'appel de Toulouse.
Rapporteur Mme ....
Avocat général M. Lupi.
Avocat la SCP Boré et Xavier.
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Attendu que, par délibération du 7 juillet 1992, le conseil de l'Ordre des avocats au barreau de Toulouse a adopté son nouveau règlement intérieur dont l'article 2, alinéa 9, prévoyait que " les candidats au bâtonnat devront obligatoirement appartenir ou avoir appartenu au conseil de l'Ordre des avocats ou à la commission régionale des conseils juridiques " et l'article 65, dans ses alinéas 2 et 3, énonçait " le bénéficiaire de l'aide juridictionnelle conserve le droit de substituer ou d'associer un autre avocat non désigné ou non commis d'office à sa défense ; dans ces deux cas, il renonce au bénéfice de l'aide juridictionnelle avec effet rétroactif au jour de la désignation ou de la commission de l'avocat " ; que le procureur général a formé un recours en annulation de ces articles ;
Sur le premier moyen
Attendu que l'Ordre des avocats fait grief à l'arrêt attaqué (Toulouse, 30 novembre 1992) d'avoir annulé l'article 2, alinéa 9, de son règlement intérieur, alors, selon le moyen, que le conseil de l'Ordre a pour attribution de traiter toutes questions intéressant l'exercice de la profession et d'arrêter, pour ce faire, son règlement intérieur ; que seules les délibérations étrangères aux attributions du conseil de l'Ordre ou contraires aux dispositions législatives ou réglementaires peuvent être annulées par la cour d'appel ; qu'aucune disposition légale ou réglementaire ne s'oppose à ce que le conseil de l'Ordre réglemente les conditions et modalités de l'élection du bâtonnier, au besoin, en restreignant les conditions d'accès à cette responsabilité aux membres ou anciens membres du conseil de l'Ordre ou de la commission régionale des conseils juridiques ; qu'en annulant néanmoins l'article 2, alinéa 9, précité, qui n'était pas contraire aux dispositions légales mais seulement plus restrictif, la cour d'appel a violé les articles 17 et 19 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 modifiée par la loi n° 90-1259 du 31 décembre 1990 ;
Mais attendu que, si l'article 6 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 dispose que le conseil de l'Ordre est présidé par un bâtonnier élu pour 2 ans au scrutin secret majoritaire à deux tours par l'assemblée générale de l'Ordre " suivant des modalités fixées par le règlement intérieur ", aucune disposition légale ou réglementaire ne l'habilite à fixer les conditions d'éligibilité du bâtonnier ; que, dès lors, c'est à juste titre que la cour d'appel a décidé que le conseil de l'Ordre avait excédé ses attributions en posant une condition supplémentaire, restreignant les conditions d'éligibilité prévues par l'article 15 de la loi du 31 décembre 1971 et par les articles 8 et 9 du décret précité du 27 novembre 1991 ; que le moyen n'est dès lors pas fondé ;
Et sur le second moyen
Attendu qu'il est encore fait grief à la cour d'appel d'avoir annulé les alinéas 3, 4, 5 et 6 de l'article 65 du règlement intérieur de l'Ordre des avocats alors, selon le moyen, que la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique prévoit la liberté de choix de l'avocat par le bénéficiaire ; que celui-ci peut renoncer à cette aide en faisant le choix d'un nouveau conseil qu'il rémunérera ; que, la loi ne prévoyant aucune renonciation partielle au bénéfice de l'aide juridictionnelle, laquelle couvre l'ensemble des frais de procédure, cette renonciation doit produire ses effets à compter de la désignation du premier conseil ; qu'en énonçant, dès lors, que le bénéficiaire de l'aide juridictionnelle renonce à celle-ci, avec effet rétroactif au jour de la désignation ou commission de l'avocat, l'article 65 du règlement intérieur du barreau de Toulouse n'édicte aucune règle contraire aux lois ou décrets ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles 17 et 19 de la loi du 31 décembre 1971 ;
Mais attendu que la cour d'appel, qui a retenu à bon droit que le conseil de l'Ordre ne peut imposer au plaideur, bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, qui exerce sa liberté de choix de son avocat, une renonciation rétroactive à cette aide, laquelle n'est prévue par aucun texte et, notamment, pas par la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, en a justement déduit que ce conseil avait excédé ses pouvoirs réglementaires en prenant la décision litigieuse et que celle-ci devait être annulée conformément aux dispositions de l'article 19 de la loi du 31 décembre 1971 précitée ; qu'elle a ainsi justifié sa décision sans violer les textes dont fait état le moyen ;
PAR CES MOTIFS
REJETTE le pourvoi.