Jurisprudence : CA Grenoble, 08-01-2024, n° 19/04294, Confirmation

CA Grenoble, 08-01-2024, n° 19/04294, Confirmation

A61402DR

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C3


N° RG 19/04294


N° Portalis DBVM-V-B7D-KGSN


N° Minute :


Notifié le :


Copie exécutoire délivrée le :


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS


COUR D'APPEL DE GRENOBLE


CHAMBRE SOCIALE - PROTECTION SOCIALE

ARRÊT DU LUNDI 08 JANVIER 2024


Appel d'une décision (N° RG 17/00112)

rendue par le Tribunal de Grande Instance de VIENNE

en date du 25 septembre 2019

suivant déclaration d'appel du 18 octobre 2019



APPELANTE :


Organisme CPAM DU RHONE prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

Service Affaires Juridiques

[Localité 3]


comparante en la personne de Mme [M] [Aa] régulièrement munie d'un pouvoir


INTIMEE :


SA [6] prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 1]


représentée par Me Grégory KUZMA de la SELARL R & K AVOCATS, avocat au barreau de LYON substituée par Me Yasmina BELKORCHIA, avocat au barreau de LYON



COMPOSITION DE LA COUR :


LORS DES DEBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :


M. Jean-Pierre DELAVENAY, Président,

M. Pascal VERGUCHT, Conseiller,

Mme Elsa WEIL, Conseiller,


Assistés lors des débats de Mme Chrystel ROHRER, Greffier,

En présence de Mme [U] [I], Juriste assistant,


DÉBATS :


A l'audience publique du 07 novembre 2023,

M. Jean-Pierre DELAVENAY, Président chargé du rapport, M. Pascal VERGUCHT, Conseiller et Mme Elsa WEIL, Conseiller ont entendu les représentants des parties en leurs conclusions et plaidoiries.


Et l'affaire a été mise en délibéré à la date de ce jour à laquelle l'arrêt a été rendu.



EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE


M. [F] [Ab], salarié de la SAS [6] depuis le 15 juin 1998, a fait une déclaration de maladie professionnelle le 30 mai 2014 visant un certificat médical initial du 6 mars 2014 dressé par le Docteur [Y], médecin généraliste, pour un syndrome de Ac bilatéral évolutif.


Ensuite des instructions ouvertes par la CPAM du Rhône pour chacune des deux mains, la société [6] a renvoyé un questionnaire le 7 juillet 2014.


La CPAM a notifié par courriers du 10 septembre 2014 un délai complémentaire d'instruction.

Une enquête a été réalisée par téléphone par un enquêteur assermenté de l'organisme social le 1er septembre 2014 concluant : « avant mai 1990, utilisation quotidienne d'outils vibrants ou rotopercutants. Depuis mai 1990, utilisation occasionnelle de ces outils ».


Lors du colloque médico-administratif du 9 septembre 2014 le médecin conseil, le Docteur [J] [O], a préconisé la saisine du Comité Régional de Reconnaissance des Maladies Professionnelles (CRRMP) au motif que les tâches réalisées étaient hors de la liste limitative des travaux du tableau 69A.


Le CRRMP de Lyon a rendu le 19 janvier 2015 l'avis suivant : « l'étude du dossier permet de retenir une exposition persistante à des vibrations par outils tenus à la main dans les dernières années de l'emploi. Dans ces conditions, le comité retient un lien direct entre la maladie et l'activité professionnelle ».


La CPAM du Rhône a décidé selon deux décisions du 20 janvier 2015, la prise en charge des troubles angioneurotiques de la main gauche et de la main droite au titre de la législation sur les maladies professionnelles.


Ensuite d'une saisine du 18 février 2015 par la SAS [6], la commission de recours amiable a confirmé les décisions de prise en charge le 25 janvier 2017.


La société [6] a saisi l'ex tribunal des affaires de sécurité sociale de Vienne le 25 avril 2015 aux fins de demander l'inopposabilité de la décision de prise en charge au titre de la législation professionnelle des deux pathologies du 6 mars 2014 de M. [Ab].


Par jugement du 25 septembre 2019, le pôle social de l'ex tribunal de grande instance de Vienne a :

- déclaré inopposables à la société [6] les décisions de la CPAM en date du 20 janvier 2015 de prise en charge au titre de la législation professionnelle de la pathologie syndrome de Raynaud droit et syndrome de Raynaud gauche,

- rappelé que la présente procédure, initiée avant le 1er janvier 2019, est exempte de dépens.


La décision a été notifiée par le greffe par LRAR dont l'accusé de réception a été tamponné le 26 septembre 2019 par la CPAM du Rhône et signé le même jour par la SAS [6].


La CPAM du Rhône a interjeté appel le 18 octobre 2019.



Par arrêt avant dire droit du 29 mars 2022, la présente cour a :

- désigné le CRRMP de [Localité 5] aux fins de donner un avis sur le point de savoir si, malgré une exposition occasionnelle et non habituelle de M. [Ab] à des vibrations transmises par des outils percutants et roto-percutants dans ses fonctions de chef de chantier au service de la société [6], les pathologies du syndrome de RAYNAUD déclarées par l'assuré à la main gauche et à la main droite, ont ou non été directement causées par le travail habituel de la victime.

- invité la CPAM du Rhône à adresser au CRRMP de [Localité 5] l'ensemble des pièces visées à l'article D. 461-29 du code de la sécurité sociale🏛, ainsi que les conclusions et les pièces des parties.

- dit que le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles de Montpellier devra déposer son avis motivé dans les 4 mois.


- dit que l'affaire sera rappelée à l'initiative de la partie la plus diligente ensuite du dépôt de l'avis du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles de [Localité 5].

- réservé le surplus des prétentions des parties et les dépens.


Par deux avis du 17 août 2022, le CRRMP de [Localité 5] a conclu que les pathologies déclarées par l'assuré ont été directement causées par le travail habituel de la victime.


L'affaire a été réinscrite au rôle sur demande de la caisse primaire.


Les débats ont eu lieu à l'audience du 7 novembre 2023 et les parties avisées de la mise à disposition au greffe de la présente décision le 8 janvier 2024.


EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES


La caisse primaire d'assurance maladie du Rhône selon ses conclusions du 23 août 2023 reprises à l'audience demande l'infirmation du jugement et que les décisions de prise en charge des deux maladies soient déclarées opposables à l'employeur.


Elle se fonde sur l'avis concordant des deux comités régionaux de reconnaissance des maladies professionnelles qui ont retenu un lien entre le travail et les maladies à raison d'une exposition aux vibrations, même occasionnelle, jusqu'à la fin de carrière de l'assuré.

En réponse au moyen soulevé elle fait état de ce que le deuxième comité a demandé l'avis du médecin du travail mais ne l'a pas obtenu.



La SAS [6] selon ses conclusions n° 2 déposées le 17 juillet 2023 reprises à l'audience demande à la cour de :


- confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Vienne du 25 septembre 2019 en ce qu'il lui a déclaré inopposable les décisions de la CPAM en date du 20 janvier 2015 de prise en charge au titre de la législation professionnelle de la pathologie syndrome de Raynaud droit et syndrome de Raynaud gauche,

- juger que la CPAM a violé le principe du contradictoire dans le cadre de la saisine du second CRRMP ordonnée parla Cour d'appel en l'absence de transmission de l'avis du médecin du travail,

- juger que l'exposition aux risques et la réalisation des travaux indiqués au tableau MP 69 A ne sont pas établis.

En conséquence,

- lui déclarer inopposable les décisions dela CPAM en date du 20 janvier 2015 de prise en charge au titre de la législation professionnelle de la pathologie syndrome de Raynaud droit et syndrome de Raynaud gauche,

- condamner la CPAM aux entiers dépens de l'instance.


En premier lieu, elle fait valoir que la CPAM a violé le principe du contradictoire dans le cadre de la saisine du second CRRMP dès lors qu'il ressort de la lecture des deux avis de ce second comité que l'avis du médecin du travail ne lui a pas été transmis et ce, alors même que la CPAM l'avait en sa possession, celui-ci ayant été transmis au premier CRRMP de Lyon, et que le second comité le lui a demandé en vain.

Elle soutient qu'une telle carence de la CPAM caractérisée par la transmission d'un dossier incomplet est sanctionnée par l'inopposabilité de la décision de prise en charge.


En second lieu, selon l'intimée, l'exposition aux risques et la réalisation des travaux indiqués au tableau MP 69 A ne sont pas établis par la CPAM de l'Isère ni par les avis des deux CRRMP saisis dénués de toute motivation.


Elle explique que M. [Ab] n'effectue pas les mouvements incriminés dans le cadre habituel de son poste de chef de chantier. Elle estime qu'au contraire, l'instruction menée par la CPAM de l'Isère, qui n'a pas procédé à une enquête approfondie selon la concluante, établit l'absence de réalisation des travaux figurant au tableau. Elle s'appuie sur une fiche de prévention à des expositions à certains facteurs de risques professionnels dont il résulte objectivement qu'aucun risque inhérent aux vibrations mécaniques n'est indiqué.

Enfin elle considère que les avis des deux CRRMP sont dénués de toute motivation reprochant au premier comité de [Localité 4], de s'être limité à des considérations d'ordre général, sans analyse précise des tâches effectuées habituellement par M.[Ab] et de ne pas avoir précisé les outils tenus à la main visés par le comité, tandis que le CRRMP de [Localité 5], au terme d'un avis lacunaire, a indiqué que M.[Ab] n'était plus exposé de manière habituelle aux travaux visés par le tableau n° 69 A depuis 1990.


Pour le surplus de l'exposé des moyens des parties au soutien de leurs prétentions il est renvoyé à leurs conclusions visées ci-dessus par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile🏛.



MOTIVATION


Les maladies professionnelles ont été déclarées le 30 mai 2014. Dans sa rédaction en vigueur l'article D. 461-30 du code de la sécurité sociale🏛 prévoyait que :

Lorsque la maladie n'a pas été reconnue d'origine professionnelle dans les conditions du deuxième alinéa de l'article L. 461-1 ou en cas de saisine directe par la victime au titre des troisième et quatrième alinéas du même article, la caisse primaire saisit le comité après avoir recueilli et instruit les éléments nécessaires du dossier mentionné à l'article D. 461-29 et, après avoir statué, le cas échéant, sur l'incapacité permanente de la victime (....)'.

Et l'article D. 461-29 du même code dans sa rédaction applicable pour les maladies professionnelles antérieures au 1er décembre 2019 :

'Le dossier constitué par la caisse primaire doit comprendre :

1° Une demande motivée de reconnaissance signée par la victime ou ses ayants droit et un questionnaire rempli par un médecin choisi par la victime dont les modèles sont fixés par arrêté ;

2° Un avis motivé du médecin du travail de la ou des entreprises où la victime a été employée portant notamment sur la maladie et la réalité de l'exposition de celle-ci à un risque professionnel présent dans cette ou ces entreprises ;

3° Un rapport circonstancié du ou des employeurs de la victime décrivant notamment chaque poste de travail détenu par celle-ci depuis son entrée dans l'entreprise et permettant d'apprécier les conditions d'exposition de la victime à un risque professionnel;

4° Le cas échéant les conclusions des enquêtes conduites par les caisses compétentes, dans les conditions du présent livre ;

5° Le rapport établi par les services du contrôle médical de la caisse primaire d'assurance maladie qui comporte, le cas échéant, le rapport d'évaluation du taux d'incapacité permanente de la victime.

Les pièces demandées par la caisse au deuxième et troisième paragraphes doivent être fournies dans un délai d'un mois.

La communication du dossier s'effectue dans les conditions définies à l'article R. 441-13 en ce qui concerne les pièces mentionnées aux 1°, 3° et 4° du présent article.

L'avis motivé du médecin du travail et le rapport établi par les services du contrôle médical mentionnés aux 2° et 5° du présent article ne sont communicables à la victime, ses ayants droit et son employeur que par l'intermédiaire d'un praticien désigné à cet effet par la victime ou, à défaut, par ses ayants droit. Ce praticien prend connaissance du contenu de ces documents et ne peut en faire état, avec l'accord de la victime ou, à défaut, de ses ayants droit, que dans le respect des règles de déontologie.

Seules les conclusions administratives auxquelles ces documents ont pu aboutir sont communicables de plein droit à la victime, ses ayants droit et son employeur.

La victime, ses ayants droit et son employeur peuvent déposer des observations qui sont annexées au dossier'.


Enfin dans ses dispositions constantes, l'article D. 461-34 énonce que le dossier mentionné à l'article D. 461-29 est constitué par l'organisme gestionnaire du risque d'accident du travail ou de maladie professionnelle.


Il incombait donc à la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône de transmettre au second comité saisi un dossier complet, ainsi que rappelé dans l'arrêt du 29 mars 2022 en tant que de besoin ('Invite la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône à adresser au comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles de [Localité 5] l'ensemble des pièces visées à l'article D. 461-29 du code de la sécurité sociale ainsi que les conclusions et pièces des parties').


Selon les décisions du 19 janvier 2015 du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles de [Localité 4] initialement saisi par la caisse, le dossier transmis le 6 octobre 2014 comportait bien l'avis motivé du médecin du travail.

En revanche les décisions du 17 août 2022 du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles d'Occitanie désigné par la présente cour, ne mentionnent pas l'avis motivé du médecin du travail dans les éléments dont le comité a pris connaissance et comportent, dans leur motivation, la mention selon laquelle l'avis du médecin du travail a été demandé mais non reçu.


La caisse en transmettant au second comité un dossier incomplet, n'a pas satisfait aux prescriptions des articles précités et au principe du contradictoire et ne peut s'exonérer de ses obligations au motif que le comité aurait réclamé cet avis en vain, fut-ce auprès du médecin du travail plutôt qu'à elle, ce qui au demeurant resterait à démontrer.


Par conséquent, le jugement ayant déclaré les deux décisions de reconnaissance du caractère professionnel des maladies déclarées par M. [Ab] inopposables à la société [6] sera confirmé.


L'appelante succombant supportera les dépens.



PAR CES MOTIFS


La cour, statuant publiquement et contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,


Confirme le jugement RG n° 17/00112 rendu le 25 septembre 2019 par le pôle social du tribunal de grande instance de Vienne.


Y ajoutant,


Condamne la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône aux dépens d'appel.


Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile🏛.


Signé par M. Jean-Pierre Delavenay, président et par Mme Chrystel Rohrer, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.


Le greffier Le président

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