AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par l'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) de Melun, dont le siège est ... (Seine-et-Marne), en cassation d'un arrêt rendu le 5 février 1992 par la cour d'appel de Paris (18e chambre, section B), au profit de la société anonyme SNECMA, dont le siège est ... (15e), défenderesse à la cassation ;
En présence de :
La Direction régionale des affaires sanitaires et sociales d'Ile-de-France (DRASSIF), dont le siège est ... (19e),
La SNECMA a formé un pourvoi incident contre le même arrêt ;
La demanderesse au pourvoi principal et la demanderesse au pourvoi incident invoquent chacune, à l'appui de leur recours, un moyen unique de cassation, tous deux annexés au présent arrêt ;
LA COUR, en l'audience publique du 5 mai 1994, où étaient présents : M. Kuhnmunch, président, M. Lesage, conseiller rapporteur, MM. Hanne, Berthéas, Pierre, conseillers, Mme Kermina, M. Choppin Haudry de Janvry, conseillers référendaires, M. Martin, avocat général, M. Richard, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. le conseiller Lesage, les observations de Me Luc-Thaler, avocat de l'URSSAF de Melun, de Me Cossa, avocat de la SNECMA, les conclusions de M. Martin, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu, selon les énonciations des juges du fond, qu'à la suite de contrôles effectués en 1987 et 1988 dans un centre d'essai de la SNECMA en Seine-et-Marne, l'URSSAF a opéré divers redressements sur les cotisations dues par la société au titre des années 1985, 1986 et 1987 ; qu'elle a notamment réintégré dans l'assiette des cotisations les sommes correspondant à la prise en charge par l'employeur d'une partie de l'impôt sur le revenu payé par ses salariés détachés à l'étranger ; que, "pour garantir sa créance", l'organisme social a adressé, le 8 décembre 1987, à la SNECMA, une première mise en demeure non chiffrée couvrant les années 1985 et 1986 ; qu'à l'issue des opérations de vérifications en novembre 1988, une nouvelle mise en demeure chiffrée a été notifiée le 5 décembre 1988 à l'entreprise ;
Sur le moyen unique du pourvoi principal formé par l'URSSAF :
Attendu que l'URSSAF fait grief à l'arrêt attaqué (Paris, 5 février 1992) d'avoir annulé la mise en demeure initiale du 8 décembre 1987 et décidé que seules étaient dues par la SNECMA les cotisations exigibles entre le 5 décembre 1985 et le 31 décembre 1987, alors, selon le moyen, d'une part, que la mise en demeure, qui a le caractère d'une invitation adressée à l'employeur d'avoir à régulariser sa situation, n'est soumise pour sa validité à aucune forme particulière, et l'absence d'indication du montant de la somme définitivement arrêtée n'est pas de nature à entraîner sa nullité ;
qu'en déclarant en l'espèce la mise en demeure du 8 décembre 1987 non valable comme ne comportant pas l'indication d'un montant à régler, la cour d'appel a violé l'article L.244-2 du Code de la sécurité sociale ; alors, d'autre part, que la mise en demeure avant poursuites adressée par l'URSSAF ne constituait qu'une invitation
adressée au débiteur d'avoir à régulariser sa situation en attirant son attention sur des anomalies portant sur certains points :
régularisation annuelle, avantages sociaux complémentaires et frais professionnels, tout en permettant à l'URSSAF d'agir en recouvrement dans les trois années qui suivent, et non une décision au sens de l'article R.242-1 du Code de la sécurité sociale susceptible de faire courir le délai de forclusion prévu par le texte, en sorte que l'employeur conservait après sa délivrance la faculté de contester le redressement ; qu'en annulant la mise en demeure du 8 décembre 1987 au motif que son caractère conservatoire était incompatible avec la procédure, la cour d'appel a violé les articles L.244-2, L.244-3 et L.244-11 du code précité ;
Mais attendu qu'après avoir relevé que la mise en demeure non chiffrée adressée à la SNECMA le 8 décembre 1987, avant que ne soit établi le rapport de contrôle, n'avait pas permis à l'employeur de connaître sur quels points précis l'URSSAF entendait opérer un redressement de cotisations, la cour d'appel en a exactement déduit que cette mise en demeure ne satisfaisait pas aux exigences de l'article L.244-2 du Code de la sécurité sociale et devait être annulée ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident formé par la SNECMA :
Attendu que la SNECMA reproche à l'arrêt d'avoir maintenu le redressement de cotisations opéré par l'URSSAF sur le montant de la prise en charge d'une partie de l'impôt sur le revenu payé par les salariés détachés à l'étranger, alors, selon le moyen, que constitue une charge de caractère spécial inhérente à l'emploi au sens des articles L.242-1 du Code de la sécurité sociale et 1er de l'arrêté du 26 mai 1975 le supplément d'impôt acquitté par un salarié en détachement hors de son pays d'origine, quand bien même il serait tenu de transférer son domicile fiscal dans son pays d'accueil ;
qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les textes précités ;
Mais attendu qu'après avoir exactement énoncé que l'impôt sur le revenu payé par les salariés détachés à l'étranger constituait une dépense de caractère personnel non liée à la fonction ou à l'emploi, la cour d'appel a décidé, à bon droit, que l'avantage consenti par l'employeur devait être considéré comme une rémunération au sens de l'article L.242-1 du Code de la sécurité sociale et soumis à cotisations ; que le moyen ne peut être accueilli ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois ;
Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par M. le président en son audience publique du seize juin mil neuf cent quatre-vingt-quatorze.