ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION
Chambre Commerciale
09 Novembre 1993
Pourvoi N° 91-19.724
M. ...
contre
société Créations JP Simart et autre.
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 4 juillet 1991), que M. ... était titulaire d'un certain nombre de parts de la société à responsabilité limitée Créations JP Simart (la société Simart) dont son ex-épouse, Mme ..., était la gérante salariée ; qu'il a demandé l'annulation de la cession de parts faite par l'un des associés, le 5 décembre 1980, au profit de M. ..., tiers étranger à la société, pour inobservation des formalités de l'article 45 de la loi du 24 juillet 1966, la notification du projet de cession ayant été faite seulement à la société, et pour faux ou abus de blanc-seing ; qu'il a demandé, par voie de conséquence, l'annulation des assemblées générales de la société des 29 octobre 1986, 30 juin 1987 et 24 février 1989 ;
Sur le premier moyen, pris en ses trois branches et sur le second moyen, pris en ses trois premières branches, et réunis
Attendu que M. ... fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré irrecevable son action en nullité de la cession de parts, aux motifs qu'il avait renoncé à une telle action et que celle-ci était irrecevable comme tardive, alors, selon le pourvoi, d'une part, que la renonciation à un droit ne se présume pas et ne peut résulter que d'actes manifestant, sans équivoque, la volonté de renoncer ;
qu'ainsi, la cour d'appel ne pouvait, de la simple connaissance qu'il avait pu avoir, d'abord du projet de cession, puis, au début de la procédure, de la cession elle-même, induire qu'il avait renoncé à agir en nullité de la cession pour inobservation des formalités de notification et d'agrément du cessionnaire par les associés prévues par l'article 45 de la loi du 24 juillet 1966 ; qu'elle a ainsi violé l'article 1134 du Code civil ; alors, d'autre part, qu'il résulte des termes mêmes de l'article 367 de la loi du 24 juillet 1966 que la prescription triennale qu'il édicte ne s'applique qu'aux actions en nullité de la société ou d'actes et de délibérations pris par celle-ci (ou par ses organes) postérieurement à sa constitution ;
qu'ainsi, en déclarant cette prescription applicable à l'acte de cession de parts, purement civil, conclu entre un associé et un tiers étranger à la société, la cour d'appel a violé le texte précité ;
alors en outre, que la prescription est suspendue lorsque le créancier ignore le fait qui donne naissance à son action et se trouve dans l'impossibilité d'agir ; qu'ainsi, en ne recherchant pas la date à laquelle la cession litigieuse -qui, selon les énonciations mêmes de l'arrêt, ne lui avait pas été notifiée et dont la signification à la société avait été faite à l'insu des associés- avait été effectivement portée à sa connaissance, le mettant en mesure d'exercer son action en nullité, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 2251 du Code civil ; alors, au surplus, que la renonciation à un droit ne se présume pas et ne peut résulter que d'actes manifestant, sans équivoque, la volonté de renoncer ; qu'ainsi, en induisant de la simple connaissance qu'il avait pu avoir, d'abord du projet de cession puis de la cession elle-même, qu'il avait renoncé à agir en nullité de la cession pour faux ou abus de blanc-seing, sans même constater qu'il avait été mis en possession de l'acte de cession, la cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil ; alors, par ailleurs, qu'il résulte des termes de l'article 367 de la loi du 24 juillet 1966 que la prescription triennale prévue par cet article ne s'applique qu'aux actions en nullité de la société ou d'actes et délibérations pris par celle-ci (ou par ses organes) postérieurement à sa constitution de sorte qu'en déclarant applicable cette prescription à l'acte de cession de parts, purement civil, conclu entre un associé et un tiers à la société, la cour d'appel a violé le texte précité ; et alors, enfin, que la suspension de la prescription est admise toutes les fois que le créancier peut raisonnablement ignorer le fait qui donne naissance à son action et se trouve ainsi dans l'impossibilité d'agir ; qu'en ne recherchant pas la date à laquelle l'acte de cession argué de faux ou d'abus de blanc-seing lui avait été communiqué, le mettant en mesure d'exercer son action en nullité, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 2251 du Code civil ;
Mais attendu qu'après avoir énoncé, à bon droit, que la prescription applicable à l'action en nullité de la cession était celle de 3 ans prévue à l'article 367 de la loi du 24 juillet 1966, et que celle-ci se prescrivait à compter du jour où la nullité était encourue, la cour d'appel a constaté que l'acte de cession avait été déposé le 22 décembre 1980 au greffe du tribunal de commerce et que M. ... avait contesté la cession litigieuse le 5 décembre 1988 ;
qu'elle en a déduit que cette contestation était tardive ; que la cour d'appel, qui n'avait pas à faire la recherche prétendument omise, a, abstraction faite des motifs surabondants critiqués aux première et quatrième branches, légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Et sur le second moyen, pris en sa quatrième branche (sans intérêt) ;
PAR CES MOTIFS
REJETTE le pourvoi.