ARRET N°
du 17 janvier 2023
R.G : N° RG 22/00211 - N° Portalis DBVQ-V-B7G-FD2H
S.A.R.L. FIORENTINI FRANCE
c/
S.A.R.L. ACTION MULTI SERVICES
Formule exécutoire le :
à :
Me Jean-françois MONVOISIN
la SELARL GUYOT - DE CAMPOS
COUR D'APPEL DE REIMS
CHAMBRE CIVILE-1° SECTION
ARRET DU 17 JANVIER 2023
APPELANTE :
d'un jugement rendu le 16 novembre 2021 par le Tribunal de Commerce de REIMS
S.A.R.L. FIORENTINI FRANCE
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représentée par Me Jean-françois MONVOISIN, avocat au barreau de REIMS
INTIMEE :
S.A.R.L. ACTION MULTI SERVICES
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Carlos DE CAMPOS de la SELARL GUYOT - DE CAMPOS, avocat au barreau de REIMS
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :
Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, présidente de chambre
Madame Véronique MAUSSIRE, conseiller
Madame Florence MATHIEU, conseiller
GREFFIER :
Monsieur Nicolas MUFFAT-GENDET, greffier lors des débats
Madame Yelena MOHAMED-DALLAS, greffier lors du délibéré
DEBATS :
A l'audience publique du 21 novembre 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 17 janvier 2023,
ARRET :
Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 17 janvier 2023 et signé par Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, présidente de chambre, et Madame Yelena MOHAMED-DALLAS, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
* * * * *
La société Action Multi Services (AMS) est une entreprise de propreté qui intervient notamment dans les hypermarchés. Des contrats de location avec entretien de machines de nettoyage (autolaveuses) ont été conclus avec [E] [M], gérant de la société Fiorentini France, dénommée DGA RCS REIMS jusqu'en 2013.
Cette dernière a été placée en redressement judiciaire le 17 août 2009 et un plan de continuation a été arrêté en 2011 pour une durée de 10 ans.
En 2017, Monsieur [M] a été révoqué de ses fonctions par ses associés italiens et il a cédé ses parts à la société Fiorentini France.
La société Fiorentini France est devenue une société à responsabilité à associé unique le 28 mars 2018 et elle a fait l'objet d'une dissolution amiable à compter du 27 avril 2018.
En novembre 2018, la société AMS a fait opposition aux prélèvements bancaires des factures émises par Aa Ab, mais dont le bénéficiaire était DGA, et a confirmé que le compte de cette société portait un numéro différent de celui mentionné comme DGA.
Le 18 janvier 2019, la société Fiorentini France a mis en demeure la société AMS de régler la somme de 74 225,02 euros.
Une seconde mise en demeure a été adressée à la société AMS le 7 mars 2019 pour le règlement de la somme de 77 380,30 euros au titre des locations et du service après-vente.
Le 2 avril 2019, une assignation en référé devant le président du tribunal de commerce de Reims a été délivrée mais celui-ci s'est déclaré incompétent.
Le 15 février 2021, la société Fiorentini France a assigné la société AMS devant le tribunal de commerce de Reims.
Le 20 mai 2021, la société Fiorentini France a fait l'objet d'une liquidation amiable et a été radiée du registre du commerce et des sociétés de Reims. Un mandataire ad hoc, la société ING.O.Fiorentini.SpA, associée unique de la société Fiorentini France, a été désigné pour poursuivre cette procédure le 26 mai 2021.
Par jugement du 29 septembre 2021, le tribunal de commerce de Troyes a constaté l'exécution du plan de redressement de la société Fiorentini France et a prononcé la clôture de la procédure ouverte à l'encontre de cette société.
Par jugement rendu le 16 novembre 2021, le tribunal de commerce de Reims a :
- reçu la société Action Multi Services en sa demande, l'a déclaré bien fondée ;
- déclaré irrecevable l'action de la société Fiorentini France ;
- dit n'y avoir lieu à statuer sur l'
article 700 du code de procédure civile🏛 ;
- rejeté toutes autres demandes, fins et conclusions des parties ;
- laissé les dépens à la charge de la société AMS.
La juridiction a considéré, par application de l'
article 1844-5 du code civil🏛, que le transfert de l'ensemble du patrimoine de la société Fiorentini France vers la société ING.O. Fiorentini.SpA avait entraîné sa disparition, qu'elle n'avait plus d'existence légale, qu'elle n'avait donc plus la capacité d'ester en justice et qu'eu égard à l'
article 117 du code de procédure civile🏛, il y avait lieu d'ordonner la nullité de l'assignation et des actes subséquents.
Par déclaration reçue le 4 février 2022, la société Fiorentini France, prise en la personne de son mandataire ad'hoc, la société ING.O.Fiorentini SpA, a formé appel de la décision.
Par conclusions notifiées le 8 septembre 2022, l'appelante demande à la cour de :
- infirmer le jugement du 16/11/2021 en toutes ses dispositions,
- dire et juger l'action de la SARL Fiorentini France (anciennement DGA) recevable,
Au fond,
- condamner la SARL Actions Multi Services (AMS) à régler à la SARL Fiorentini France prise en la personne de la société ING.O.Fiorentini.SpA, mandataire ad hoc, la somme de 14 137, 37 € au titre des contrats de location souscrits, avec intérêts au taux légal à compter du 07/03/2019 date de la dernière mise en demeure,
- condamner la SARL AMS à régler à la SARL Fiorentini France prise en la personne de la société ING.O.Fiorentini.SpA, mandataire ad hoc, la somme de 63 242, 53 € au titre des prestations de services après-vente et vente de marchandises avec intérêts au taux légal à compter du 07/03/2019 date de la dernière mise en demeure,
Subsidiairement,
- condamner la SARL AMS à régler à la SARL Fiorentini France prise en la personne de la société ING.O.Fiorentini.SpA, mandataire ad hoc, la somme de 47 045,10 € correspondant à la somme que la SARL AMS reconnaît devoir à la SARL Fiorentini France avec intérêts au taux légal à compter du 05/02/2019 date de la reconnaissance de dette,
Dans tous les cas,
- condamner la SARL AMS à régler à la SARL Fiorentini France prise en la personne de la société ING.O. Fiorentini.SpA, mandataire ad hoc, la somme de 10 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
condamner la SARL AMS en tous les dépens.
Par conclusions notifiées le 22 juillet 2022, la société AMS demande à la cour de :
- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Subsidiairement,
- débouter la société Fiorentini France de l'ensemble de ses prétentions,
- condamner la société Fiorentini France prise en la personne de ING Ac Aa, son mandataire ad hoc, au paiement d'une somme de 5 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la même aux entiers dépens,
MOTIFS DE LA DECISION :
La régularité de la procédure de dissolution amiable de la société Fiorentini France et des actes subséquents :
Aux termes de l'article 1844-5 du code civil, en cas de dissolution de la société, celle-ci entraîne la transmission universelle du patrimoine de la société à l'associé unique, sans qu'il y ait lieu à dissolution.
En revanche, par application des règles de la procédure collective, à compter de l'ouverture de celle-ci, le débiteur ne peut céder ou transmettre son patrimoine que selon les règles d'ordre public qui prévalent au redressement ou à la liquidation judiciaires des entreprises en difficulté (
cass com 12 juillet 2005, n°02-19.860 et 03-14.809⚖️).
Les règles prévues en matière de droit des sociétés, en particulier celles instaurées par l'article
1844-5 susvisé , n'ont alors pas vocation à s'appliquer.
En l'espèce, la société Fiorentini France fait valoir que l'action en justice qu'elle a engagée à l'encontre de la société AMS est recevable.
Elle soutient que la transmission universelle du patrimoine, sans liquidation, n'est pas applicable lorsque la société fait l'objet d'une procédure collective ; que dès lors, à compter du jugement d'ouverture de cette procédure, le patrimoine du débiteur ne peut être cédé ou transmis que selon les règles d'ordre public applicables au redressement ou à la liquidation judiciaires des entreprises en difficulté ; que telle est la position de la jurisprudence ; que la société Fiorentini France était en procédure collective jusqu'au 29 septembre 2021, date à laquelle la clôture de la procédure a été ordonnée avec constatation de la bonne exécution du plan ; que les règles d'ordre public des procédures collectives s'appliquent donc jusqu'à ce jugement ; que c'est uniquement cette décision qui a fait sortir la société Fiorentini France de la procédure collective et non le jugement ayant adopté le plan en 2011; qu'elle ne pouvait donc avant la clôture du plan procéder autrement que par voie de dissolution amiable puis de liquidation amiable compte tenu des règles d'ordre public des procédures collectives.
L'intimée lui oppose que la société Fiorentini agit dans l'illégalité la plus totale depuis sa dissolution le 27 avril 2018, que le transfert de patrimoine de la société s'est opéré au profit de son associé unique et que les opérations de liquidation ne pouvaient prospérer ; qu'elle est, depuis lors, dépourvue de la personnalité morale.
Elle soutient que la société était in bonis car elle avait un plan de continuation et non en procédure collective comme tente de le faire croire la société Fiorentini France et que les règles d'ordre public de la procédure collective ne s'appliquaient donc pas, conformément à la jurisprudence et à la doctrine ; que l'ordonnance nommant le mandataire ad hoc était dès lors sans fondement.
Le fait qu'une société, après qu'elle a été déclarée en redressement judiciaire, soit de nouveau in bonis par l'adoption d'un plan de continuation ne signifie pas qu'elle ne bénéficie plus des règles protectrices de la procédure collective.
En effet, une société in bonis est une société qui n'est plus en cessation des paiements.
Lorsqu'un plan de continuation est arrêté, le débiteur retrouve certes l'exercice de ses droits, ses pouvoirs et la maîtrise de ses biens sauf décision contraire du tribunal qui peut lui interdire la passation de certains actes.
Ce plan présente les mêmes effets que le plan de sauvegarde et les règles applicables en la matière sont d'ailleurs les mêmes que celles relatives à la sauvegarde (voir l'
article L 631-19 du code de commerce🏛 qui renvoie sauf exceptions dûment énumérées aux articles L 626-1 et suivants du même code).
Dans la procédure de sauvegarde, la société n'est pas en cessation des paiements et elle bénéficie pourtant des règles protectrices de la procédure collective.
Lorsqu'un plan de continuation est décidé, la mission de l'administrateur judiciaire prend fin mais un commissaire chargé de veiller à l'exécution du plan est nommé dont le rôle est de contrôler le respect des dispositions du plan.
Il est également chargé de veiller au respect des restrictions ou interdictions visées dans le jugement arrêtant le plan (ainsi, dans le cas d'espèce, l'inaliénabilité du fonds de commerce pendant la durée du plan).
Le jugement rendu le 29 septembre 2021 par le tribunal de commerce de Troyes constate la bonne exécution du plan de redressement de la société Fiorentini France anciennement DGA et prononce la clôture de la procédure.
Ainsi, même si un plan de continuation de la société est adopté, ce qui signifie que la société n'est plus en cessation des paiements et est de nouveau in bonis, celle-ci reste protégée par les règles de la procédure collective jusqu'à son terme et la constatation par le tribunal de la bonne exécution de ce plan.
C'est par conséquent à bon droit que l'appelante soutient que les règles de l'article 1844-5 du code civil n'ont pas vocation à intervenir, que la transmission universelle du patrimoine sans liquidation n'est pas applicable à la société Fiorentini France et que la procédure menée pour la dissolution de la société et les formalités qui en ont été la conséquence est parfaitement régulière.
L'acte de saisine de la juridiction consulaire n'est donc pas affecté d'une irrégularité de fond, la société Fiorentini France, par la voie de son mandataire ad'hoc, ayant au jour de cet acte la personnalité juridique et par conséquent la capacité à agir pour assigner en paiement la société AMS
La décision sera infirmée de ce chef.
Le paiement des factures':
Aux termes de l'
article 1134 ancien du code civil🏛 applicable au litige, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.
La société Fiorentini France sollicite la condamnation de la société AMS au paiement de la somme de 14 137, 37 euros au titre des contrats de location souscrits et de celle de 63 243,53 euros au titre des prestations de services de SAV et vente de marchandises et ce avec intérêts au taux légal à compte de la mise en demeure du 7/03/2019.
Elle expose que ces sommes correspondent aux locations et aux prestations de service, qui n'ont pas été contestées avant les mises en demeure, et qui ont d'ailleurs fait l'objet d'un paiement partiel.
A titre subsidiaire, elle fait valoir qu'elle produit une reconnaissance partielle de dette à hauteur de 47 045,10 euros émanant du conseil de la société AMS et sollicite sa condamnation pour ce montant.
La société AMS lui objecte que l'entretien des machines n'était plus assuré et que le paiement des factures n'a donc pas à intervenir.
Elle fait également valoir que la restitution est demandée pour des machines qui sont déjà en possession de la société Fiorentini France.
Elle ajoute qu' il n'y a pas de reconnaissance de dette, que la pièce versée met au contraire en exergue l'absence de bons de commande et de livraison pour certaines prestations ou interventions ainsi que l'absence de factures.
Il ressort des pièces versées aux débats (n° 1 à 10 produites par l'appelante) que la société AMS a souscrit avec la société Fiorentini France des contrats de location de machines autolaveuses comprenant un service après-vente.
Il existe effectivement des prestations pour lesquelles aucune facture, aucun bon de commande ou de livraison ne sont produits, élément pointé par la société AMS dans le décompte des sommes dues qui lui a été adressé par le conseil de la société Fiorentini France (pièce n° 17 de l'intimée).
Faute de justifier du montant intégral de sa créance au regard des annotations qui figurent sur le décompte et qui rendent certaines prestations litigieuses, la société Fiorentini France ne peut prétendre obtenir le règlement de la somme totale sollicitée.
En revanche, c'est à bon droit qu'à titre subsidiaire, elle invoque la reconnaissance partielle de la dette par le conseil de la société AMS.
Il ressort en effet du courrier officiel adressé le 5 février 2019 par le conseil de la société AMS à celui de la société Fiorentini France (pièce n° 17) que celui-ci reconnaît expressément, déduction opérée par les soins de sa cliente des sommes qu'elle estime indues et des versements opérés, devoir la somme de 47 045,10 euros en précisant sur le décompte annoté qu'elle se reconnaît redevable de la somme de 12 088, 10 euros au titre des loyers et de celle de 34 957,00 euros au titre de frais divers.
La société AMS sera condamnée à payer à la société Fiorentini France, prise en la personne de son mandataire ad'hoc, la société ING.O.Fiorentini SpA, la somme de 47 045,10 euros qui produira intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure dont il a été accusé réception le 8 mars 2019.
L'article 700 du code de procédure civile :
En équité, il sera alloué à la société Fiorentini France, prise en la personne de son mandataire ad'hoc, la société ING.O.Fiorentini SpA, la somme de 3 000 euros.
Succombant en ses prétentions, la société AMS ne peut prétendre à une indemnité à ce titre.
Les dépens :
La société AMS sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS':
Statuant publiquement et par arrêt contradictoire ;
Infirme le jugement rendu le 16 novembre 2021 par le tribunal de commerce de Reims.
Statuant à nouveau ;
Dit que la société Fiorentini France prise en la personne de son mandataire ad'hoc, la société ING.O.Fiorentini SpA, a capacité d'ester en justice.
Condamne la société Action Multi Services (AMS) à payer à la société Fiorentini France, prise en la personne de son mandataire ad'hoc, la société ING.O.Fiorentini SpA, la somme de 47 045,10 euros avec intérêts au taux légal à compter du 8 mars 2019.
Condamne la société Action Multi Services (AMS) à payer à la société Fiorentini France, prise en la personne de son mandataire ad'hoc, la société ING.O.Fiorentini SpA, la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Déboute la société Action Multi Services (AMS) de sa demande à ce titre.
Condamne la société Action Multi Services (AMS) aux dépens de première instance et d'appel.
Le greffier La présidente