Jurisprudence : Cass. civ. 1, 25-05-1992, n° 89-10.096, Irrecevabilité et cassation partielle.

Cass. civ. 1, 25-05-1992, n° 89-10.096, Irrecevabilité et cassation partielle.

A4176AH7

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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION
Chambre Civile 1
25 Mai 1992
Pourvoi N° 89-10.096
Ordre des avocats du barreau de Dijon
contre
M. ... et autre
. Attendu que M. ..., avocat au barreau de Dijon, a saisi le bâtonnier d'une demande de modification de l'article 23 du règlement intérieur de l'Ordre intitulé " recherche de clientèle, déclaration de presse ", en proposant une nouvelle rédaction de cet article ;
que, par délibération du 2 novembre 1987, le conseil de l'Ordre a substitué à l'article initial un nouveau texte, différent de celui proposé par M. ..., ainsi rédigé " publicité, recherche de clientèle, déclaration à la presse 1°) la publicité autorisée par l'article 90 du décret du 9 juin 1972 et destinée à faire connaître la profession d'avocat, à diffuser le tableau de l'Ordre ou un annuaire est réservée au bâtonnier, à l'Ordre et aux organismes représentatifs de la profession ; 2°) la publicité permise à l'avocat individuellement est limitée à la pose d'une plaque au lieu où il exerce sa profession et à des avis dans la presse pour faire connaître l'ouverture ou le transfert du cabinet. Le transfert peut faire l'objet d'une plaque maintenue à l'ancienne adresse pendant 2 ans, cette publicité doit être mise en uvre avec discrétion ; 3°) toutefois, les avocats peuvent faire suivre leur nom de leur qualité lorsqu'il publient ou font publier des uvres ou articles, notamment à caractère juridique, à l'exception des publications qui, par leur objet ou leur présentation, constituent un appel à la clientèle ; 4°) la recherche de la clientèle directe ou indirecte, par personnes interposées, quelles qu'en soient les formes, est interdite. L'avocat qui souhaite faire une déclaration destinée à être publiée ou diffusée par les moyens audiovisuels relative à un procès en cours, doit, au préalable, recueillir l'autorisation de son bâtonnier et aviser le bâtonnier dans le ressort duquel se déroule le procès " ;
que, par décision du même jour le conseil de l'Ordre a rejeté comme devenue sans objet la requête de M. ... ; que cet avocat a alors saisi la cour d'appel d'un recours contre ces deux décisions en faisant valoir qu'en application des dispositions de l'article 75 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques et de celles de l'article 90 du décret n° 72-468 du 9 juin 1972 organisant la profession d'avocat, la publicité est permise à l'avocat dans la stricte mesure où elle procure au public une nécessaire information et où elle est mise en uvre avec discrétion et que si, en conformité des articles 2 et 3 du décret n° 72-785 du 25 août 1972 relatif au démarchage et à la publicité en matière de consultation et de rédaction d'actes juridiques, un avocat ne peut utiliser certains supports, les annonces publicitaires par voie de presse ne sont pas interdites ;
que l'arrêt attaqué (Dijon, 22 novembre 1988) a annulé les alinéas 2 et 3 de la délibération du conseil de l'Ordre du 2 novembre 1987 portant modification de l'article 23 du règlement intérieur et ordonné leur retranchement et annulé, par voie de conséquence, la délibération du même jour ayant rejeté la requête de M. ... ;
Sur l'intervention volontaire de l'association Conférence des bâtonniers des barreaux de France
Vu les articles 327 et 330 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu que, selon ces textes, les interventions volontaires sont admises devant la Cour de Cassation, si elles sont formées à titre accessoire, à l'appui des prétentions d'une partie, et ne sont recevables que si leur auteur a intérêt pour la conservation de ses droits à soutenir cette partie ;
Attendu que le pourvoi formé par l'Ordre des avocats au barreau de Dijon est dirigé contre un arrêt qui a annulé certaines dispositions de son règlement intérieur ; que l'association Conférence des bâtonniers des barreaux de France n'est pas fondée à prétendre qu'elle a intérêt pour la conservation de ses droits, à soutenir le demandeur au pourvoi dès lors que, selon l'article 177° de la loi du 31 décembre 1971, chaque bâtonnier peut ester en justice, après autorisation du conseil de l'Ordre, et que chaque conseil de l'Ordre arrête librement son règlement intérieur, sous réserve du contrôle exercé par la cour d'appel ; que l'association Conférence des bâtonniers des barreaux de France, n'est donc pas recevable en son intervention volontaire ;
Sur le premier moyen, pris en ses cinq branches
Attendu que le conseil de l'Ordre des avocats au barreau de Dijon reproche à la cour d'appel d'avoir annulé l'alinéa 2 de la délibération du conseil de l'Ordre modifiant l'article 23 du règlement intérieur alors, selon le moyen, d'une part, qu'en jugeant qu'excède ses pouvoirs le conseil de l'Ordre qui règlemente la publicité individuelle susceptible d'être faite par un avocat en précisant ce que chaque membre du barreau peut faire de manière licite, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs et violé les articles 17 de la loi du 31 décembre 1971, 90 et 91 du décret du 9 juin 1972 et 1 à 4 du décret du 25 août 1972 ; alors, d'autre part, qu'en décidant que l'article 2 du décret du 25 août 1972 est d'interprétation stricte puisqu'il énumère les actes de publicité prohibés de façon limitative, de sorte que n'est pas exclue la publicité par voie de presse, qui serait ainsi licite et ne pourrait en aucun cas être réglementée a priori par le conseil de l'Ordre, la cour d'appel a violé les articles précités ; alors, de troisième part, que le décret du 25 août 1972 intéresse l'activité spécifique des conseils juridiques de sorte que la cour d'appel ne pouvait invoquer ses dispositions, notamment celles de l'article 2, pour délimiter ce qui est licite de ce qui ne l'est pas, s'agissant de la publicité individuelle d'un avocat, restreignant ainsi le pouvoir réglementaire du conseil de l'Ordre que celui-ci tire de l'article 17 de la loi du 31 décembre 1972 ; alors, de quatrième part, qu'en affirmant qu'un avocat a la faculté de faire connaître par voie de presse ses activités dominantes en vue de la nécessaire information du public et sans contrôle a priori du conseil de l'Ordre, la cour d'appel a statué par voie réglementaire et excédé ses pouvoirs en violant les articles 90 et 91 du décret du 9 juin 1972 ; et alors, enfin, qu'en ne s'interrogeant pas, comme elle y avait été invitée, sur le point de savoir si une publicité réalisée par un avocat par voie de presse pour faire connaître ses activités dominantes ne constituait pas en soi un acte de sollicitation au sens de l'alinéa 2 de l'article 90 du décret du 9 juin 1972, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
Mais attendu, d'abord, que la prérogative reconnue par l'article 17 de la loi du 31 décembre 1971 au conseil de l'Ordre d'établir le règlement intérieur du barreau s'exerce sous le contrôle de la cour d'appel qui n'excède pas ses pouvoirs lorsqu'elle statue sur le recours formé par un avocat dans les conditions prévues à l'article 19 de la même loi ;
Attendu, ensuite, que l'article 90 du décret du 9 juin 1972 n'interdit pas la publicité de l'avocat mais ne l'autorise que dans la stricte mesure où elle procure au public une nécessaire information et si les moyens auxquels il est recouru à cet effet sont mis en uvre avec discrétion de façon à ne pas porter atteinte à la dignité de la profession ; que s'il appartient au conseil de l'Ordre de veiller au respect de ces principes, il ne peut cependant limiter la publicité individuelle autorisée aux seuls moyens constitués par le pose d'une plaque et à des avis dans la presse relatifs à l'ouverture ou au transfert du cabinet de l'avocat ; qu'il s'ensuit que c'est par une exacte application de l'article 90 de la loi susvisée, dont l'article 91 précise d'ailleurs, à titre d'exemple, que ne constitue pas une publicité prohibée l'apposition d'une plaque portant les différentes mentions qu'il énumère, que la cour d'appel, abstraction faite de la référence aux dispositions du décret du 25 août 1972 qui ne concerne qu'une partie des activités auxquelles peut se livrer un avocat, a estimé que l'alinéa 2 de l'article 23 du nouveau règlement intérieur du barreau de Dijon devait être annulé ;
qu'elle n'a pas statué par voie réglementaire et a légalement justifié sa décision ;
D'où il suit qu'en aucune de ses cinq branches le moyen n'est fondé ;
Sur le deuxième moyen (sans intérêt) ;
Mais sur le troisième moyen
Vu les articles 17 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 et 90 du décret n° 72-468 du 9 juin 1972 ;
Attendu qu'aux termes du second alinéa du second de ces textes tout acte de démarchage ou de sollicitation est interdit à l'avocat ;
Attendu que pour annuler l'alinéa 3 de la délibération du conseil de l'Ordre portant modification de l'article 23 du règlement intérieur, la cour d'appel retient que cet alinéa est " le corollaire du précédent et procède de la même restriction non imposée par le législateur et la réglementation applicables " ;
Attendu qu'en se prononçant ainsi, alors que cette disposition du règlement intérieur a simplement pour objet de prévenir tout acte de démarchage ou de sollicitation de la clientèle, par voie de publication, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS
DIT IRRECEVABLE l'intervention volontaire de l'association Conférence des bâtonniers des barreaux de France ;
CASSE ET ANNULE mais seulement en ce qu'il a annulé l'alinéa 3 de la délibération du conseil de l'Ordre des avocats du barreau de Dijon du 2 novembre 1987 portant modification de l'article 23 du règlement intérieur et ordonné son retranchement, l'arrêt rendu le 22 novembre 1988, entre les parties, par la cour d'appel de Dijon ;
remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nancy

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