Cour de Cassation
Chambre commerciale
Audience publique du 7 Avril 1992
Cassation partielle.
N° de pourvoi 89-20.418
Président M. Bézard
Demandeur Mme ...
Défendeur Directeur général des Impôts
Rapporteur M. ...
Avocat général M. Raynaud
Avocats MM. ..., ....
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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Attendu, selon le jugement déféré, que, dans ses déclarations souscrites au titre de l'impôt sur les grandes fortunes pour les années 1984 et 1985, Mme ... a déclaré la valeur de deux immeubles, situés à Cannes, en tenant compte de l'usufruit dont elle bénéficiait sur le premier à la suite d'un legs particulier, et, sur le second, en vertu d'une donation à elle consentie par son époux prédécédé ; que l'administration des Impôts a opéré un redressement en considérant que les biens en cause devaient être compris dans l'assiette de l'impôt pour la valeur en pleine propriété de la fraction faisant l'objet de l'usufruit ;
Sur la loi applicable
Attendu que, selon l'ancien article 885-G du Code général des impôts relatif à l'impôt sur les grandes fortunes, les biens ou droits grevés d'un usufruit sont compris respectivement dans les patrimoines de l'usufruitier et du nu-propriétaire suivant les proportions fixées par l'article 762 du Code général des impôts, lorsque la constitution de l'usufruit résulte de l'application des articles 767, 1094 ou 1098 du Code civil ;
Attendu que le Directeur général des Impôts soutient que ce texte doit être appliqué en la cause, compte tenu des dispositions de l'article 10-II de la loi du 29 décembre 1989, en raison du caractère interprétatif de ce dernier texte, qui énonce que " les biens dont la propriété est démembrée en application d'autres dispositions, et notamment de l'article 1094-1 du Code civil, ne peuvent faire l'objet de cette imposition répartie " ;
Mais attendu que les dispositions des articles 767, 1094 et 1094-1 à 1094-3, 1098 du Code civil sont indissociables ; qu'il s'ensuit que l'article 10-II de la loi du 29 décembre 1989, qui n'a pas un caractère interprétatif dès lors qu'il tend à substituer de nouvelles conditions d'imposition à celles résultant du texte prétendument interprété, est sans influence sur la solution du litige ;
Sur le moyen unique
Vu l'ancien article 885-G du Code général des impôts ;
Attendu que, pour statuer ainsi qu'il a fait en ce qui concerne l'immeuble situé à Cannes, le jugement retient que, l'usufruit recueilli par Mme ... étant supérieur, par donation et convention entre héritiers, à l'usufruit légal défini à l'article 767 du Code civil, elle ne peut prétendre détenir ses droits dudit article et qu'elle est usufruitière dans les termes généraux de l'article 885-G, paragraphe 1er, du Code général des impôts et qu'il lui appartient de régler l'impôt sur les grandes fortunes sur ce bien ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que l'article 885-G précité dispose que, pour déterminer l'assiette de l'impôt sur les grandes fortunes, les biens grevés d'un usufruit sont compris respectivement dans les patrimoines de l'usufruitier et du nu-propriétaire, suivant les proportions fixées par l'article 762 du Code général des impôts, lorsque la constitution de l'usufruit résulte de l'application des articles 767, 1094 et 1098 du Code civil, et alors qu'en visant l'article 1094, la loi se réfère nécessairement aux usufruits résultant de l'application des articles 1094-1 à 1094-3 du Code civil, le Tribunal a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS
CASSE ET ANNULE, mais seulement en qu'il a débouté Mme ... de sa demande concernant l'immeuble situé à Cannes, le jugement rendu le 24 janvier 1989, entre les parties, par le tribunal de grande instance de Nanterre ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le tribunal de grande instance de Paris