Cour de Cassation
Chambre criminelle
Audience publique du 9 Mars 1992
Rejet
N° de pourvoi 90-87.478
Président M. Souppe, conseiller le plus ancien faisant fonction
Demandeur ... Michel et autre
Rapporteur M. ...
Avocat général M. Robert
Avocat la SCP Le Bret et Laugier
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
REJET des pourvois formés par 1°) ... Michel, 2°) ... ... Claudine, contre l'arrêt de la cour d'appel de Toulouse, chambre correctionnelle, en date du 31 octobre 1990, qui les a condamnés, pour culture illicite de cannabis, le premier à 1 mois d'emprisonnement et 3 000 francs d'amende, la seconde à 1 mois d'emprisonnement avec sursis et 1 500 francs d'amende.
LA COUR,.
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu le mémoire produit commun aux deux demandeurs ;
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 2 du Code civil, R 5181 et R 5178 du Code de la santé publique, 5 du décret n° 88-1232 du 29 décembre 1988, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale
" en ce que l'arrêt attaqué a condamné Michel ... et Claudine Le ... du chef de culture illicite de cannabis ;
" au motif que cette infraction est punie par le décret du 29 décembre 1988, et en particulier les dispositions de l'article R 5178 du Code de la santé publique, lequel concerne de façon spécifique les opérations agricoles relatives aux stupéfiants, et est entré en application le 1er janvier 1989 ;
" alors, d'une part, que l'article R 5178, serait-il d'une application immédiate, n'interdit nullement la culture du cannabis, mais règlemente seulement le régime de l'autorisation prévue à l'article R 5171, lequel n'était pas encore applicable à la date de délivrance de la citation ;
" alors, d'autre part, qu'en se fondant aussi sur les autres dispositions du décret du 29 décembre 1988, en particulier celles de l'article R 5181 du Code de la santé publique expressément visées par le jugement confirmé, mais dont l'entrée en vigueur est postérieure à la date de la citation, la cour d'appel a violé le principe de non-rétroactivité de la loi pénale " ;
Sur le deuxième moyen de cassation pris de la violation des articles 8 de la Déclaration des droits de l'homme, 4 du Code pénal, 485, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale
" en ce que l'arrêt attaqué a condamné Michel ... et Claudine Le ... du chef de culture illicite de cannabis ;
" sans autre motif que le visa des articles L 626 et L 627 du Code de la santé publique ;
" alors que la base légale de l'incrimination de culture illicite de cannabis est totalement absente des articles L 626 et L 627 du Code de la santé publique qui n'interdisent aucunement une telle culture, de sorte qu'en l'absence de désignation des textes à la base des poursuites, l'arrêt attaqué a entaché sa décision d'un défaut de base légale et d'une absence de motif " ;
Sur le troisième moyen de cassation pris de la violation des articles 55 de la Constitution, 4 du Code pénal, 38 à 47, 177 du traité de Rome, des règlements CEE n°s 1308/70 du 29 juin 1970, 1430/82 du 18 mai 1982, 2059/84 du 16 juillet 1984, 421/86 du 25 février 1986, des articles 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motif, manque de base légale
" en ce que l'arrêt attaqué a condamné Michel ... et Claudine Le ... du chef de culture illicite de cannabis sans constater que le taux de THC des plants saisis était supérieur à 0,3 % ;
" aux motifs propres et adoptés que si la culture du chanvre est effectivement régie par les règlements CEE, le cannabis dont la culture est punissable se définit par référence à la Convention internationale des stupéfiants du 30 mars 1961, qui renvoie aux dispositions répressives du droit interne, savoir les articles L 626 et L 627 du Code de la santé publique ; qu'il résulte de l'ensemble des règlements communautaires que la Communauté économique européenne n'intervient pas dans l'autorisation ou l'interdiction de la culture du chanvre, mais qu'elle définit comment et dans quelles conditions la culture bénéficie d'une aide ; qu'ainsi donc l'article R 5181 du Code de la santé publique tel qu'il définit la plante de cannabis n'est pas incompatible avec le règlement communautaire du 16 juillet 1984 ;
" alors, d'une part, que la culture du chanvre est régie non seulement par la réglementation internationale mais aussi par la réglementation communautaire dont l'autorité s'impose au droit national, et qui oblige à distinguer entre le chanvre à fibres dont la culture est licite dans la Communauté économique européenne et le chanvre à drogue dont la culture est illicite ;
" alors, d'autre part, que les juges du premier degré ont constaté qu'en vertu des règlements communautaires, certaines variétés de chanvre, en particulier le cannabis à fibres, bénéficiaient d'une aide à la production, une telle aide à la culture impliquant nécessairement que la culture de cette variété de chanvre est licite ; que, dès lors, le jugement entrepris n'a pu déclarer que la législation répressive française, bien qu'elle ne comportât pas cette distinction entre les différentes variétés de chanvre, n'est pas contraire à la réglementation communautaire " ;
Sur le quatrième moyen de cassation pris de la violation des articles L 628 et L 627 du Code de la santé publique, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale
" en ce que l'arrêt attaqué a condamné du chef de culture illicite de cannabis Michel ... et Claudine Le ..., qui cultivaient quelques plants pour leur consommation personnelle ;
" aux motifs que les premiers juges ont exactement qualifié les faits en affirmant que si ceux-ci ne peuvent être des actes de trafic, ils constituent cependant un acte de culture illicite nonobstant le nombre limité de plants ;
" alors qu'il convient de distinguer entre la culture aux fins de consommation personnelle assimilée à l'usage visé par l'article L 628 du Code de la santé publique et la culture aux fins de trafic réprimée par l'article L 627 du Code de la santé publique et que faute d'avoir fait cette distinction, l'arrêt attaqué a privé sa décision de toute base légale " ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que pour condamner, sur le fondement des articles L 626 et L 627 du Code de la santé publique, Michel ... et Claudine Le ... du chef de culture illicite de cannabis, l'arrêt attaqué, écartant l'exception d'incompatibilité du décret d'application du 29 novembre 1988 avec la réglementation communautaire, énonce que " le cannabis dont la culture est punissable, se définit par référence à la Convention internationale sur les stupéfiants du 30 mars 1961 laquelle assimile, en son article 1-l, culture et trafic, et renvoie en son article 36-1 a) aux dispositions répressives du droit interne, savoir pour la France aux articles L 626 et L 627 du Code de la santé publique, étant observé qu'en l'espèce les prévenus ont reconnu se livrer à la culture du chanvre, non pour en extraire les fibres, mais dans le seul but d'en consommer la substance vénéneuse qu'il contient " ;
Attendu qu'en cet état, la cour d'appel qui, au demeurant, n'a nullement retenu dans le visa des textes allégués l'article R 5181 du Code de la santé publique, issu du décret du 29 novembre 1988, a caractérisé l'ensemble des éléments constitutifs, tant matériels qu'intentionnel, du délit dont les prévenus ont été déclarés coupables, et a ainsi, sans encourir les griefs allégués, justifié sa décision ;
Qu'en effet, le cannabis se définit non par référence aux dispositions réglementaires du Code de la santé publique, mais à la Convention internationale unique du 30 mars 1961, qui, en application de l'article 55 de la Constitution, a acquis une autorité supérieure à la loi interne dès sa publication au Journal officiel du 2 mai 1969 ;
Que cette Convention, qui exclut de son champ d'application la culture de la plante de cannabis à des fins uniquement industrielles, n'opère aucune distinction entre la culture de cannabis en vue du trafic et la culture aux fins de consommation personnelle, ses articles 23 et 28 précisant au contraire que le producteur de cannabis est tenu de livrer la totalité de sa récolte à l'organisme national de contrôle ;
D'où il suit que les moyens ne sauraient être accueillis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE les pourvois