ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION
Chambre Criminelle
07 Octobre 1991
Pourvoi N° 90-87.210
... Joël
CASSATION PARTIELLE sur le pourvoi formé par ... Joël, contre l'arrêt de la cour d'appel de Chambéry, chambre correctionnelle, en date du 7 novembre 1990, qui, pour émission de chèque sans provision, l'a condamné à la peine de 1 mois d'emprisonnement avec sursis et 3 000 francs d'amende, et a prononcé sur les intérêts civils. LA COUR,. Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 71 du décret-loi du 30 octobre 1935, 47 de la loi du 25 janvier 1985, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motif, manque de base légale, " en ce que l'arrêt attaqué a condamné Dubois, déclaré coupable du délit d'émission de chèque sans provision, à payer à la société Bennett voyages une somme de 31 000 francs à titre de dommages-intérêts, " aux motifs que le 22 juillet 1989, Joël ..., gérant de la société Morgan voyages a, en règlement d'un carnet de voyages, émis à l'ordre de la société Bennett voyages un chèque de 30 627 francs qui est revenu impayé faute de provision au compte ; que la société Morgan voyages a ensuite été déclarée en liquidation judiciaire ; que la société Bennett voyages sollicite la condamnation de Joël ... au paiement d'une somme de 40 000 francs à titre de dommages-intérêts ; que l'auteur d'une infraction doit réparer le préjudice qui en est directement résulté ; que la société Bennett voyages n'aurait pas adressé le carnet de voyages impayé si le prévenu n'avait pas émis le chèque litigieux ; que la Cour dispose d'éléments suffisants pour fixer à 31 000 francs le montant des dommages-intérêts ;
" alors que l'action en paiement du montant d'un chèque sans provision ne peut être dirigée que contre le débiteur de l'obligation que ce chèque prétendait éteindre ; que les juges du fond ne peuvent donc condamner l'auteur du délit d'émission d'un chèque sans provision qu'à réparer le dommage causé par l'infraction mais non à rembourser le montant d'une créance dont il n'était pas personnellement débiteur ; qu'ainsi, la cour d'appel ne pouvait allouer à la société Bennett voyages, à titre de dommages-intérêts, une somme supérieure au montant du chèque impayé, et, sous couvert de réparation du préjudice né de l'infraction, condamner, en fait, Dubois au remboursement d'une créance qui ne lui incombait pas et dont était débitrice une société en état de liquidation judiciaire " ;
Vu lesdits articles, ensemble les articles 2 et 3 du Code de procédure pénale ;
Attendu que l'action civile en remboursement de la créance que la remise du chèque prétend éteindre ne peut être dirigée que contre le débiteur lui-même ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que Joël ..., gérant de la SARL Morgan voyages, a tiré le 22 juillet 1989 sur un compte bancaire de cette société, en règlement d'un carnet de voyages, un chèque de 30 627 francs à l'ordre de la société Bennett voyages, qui a été retourné impayé faute de provision ; que la société Morgan voyages a fait l'objet le 6 novembre 1989 d'une procédure de redressement, convertie ultérieurement en liquidation judiciaire ;
Attendu que, pour condamner personnellement Joël ..., déclaré coupable d'émission de chèque sans provision, à payer à la société Bennett une somme de 31 000 francs à titre de dommages-intérêts, l'arrêt attaqué relève que l'auteur d'une infraction doit réparer le préjudice qui en est directement résulté et qu'en l'espèce, " la société Bennett n'aurait pas adressé le carnet de voyages impayé si le prévenu n'avait émis le chèque litigieux " ;
Mais attendu qu'en se déterminant par de tels motifs, dont il ressort que sous le couvert de dommages-intérêts destinés à réparer le préjudice particulier causé par l'infraction, les juges ont ordonné le remboursement d'une créance contractuelle préexistante, dont la seule débitrice est une société non présente à l'instance et en liquidation judiciaire, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et le principe susénoncé ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs
CASSE ET ANNULE, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Chambéry en date du 7 novembre 1990, mais seulement en ses dispositions civiles, toutes autres dispositions de l'arrêt étant expressément maintenues, et pour qu'il soit à nouveau jugé conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Grenoble