Cour de Cassation
Chambre commerciale
Audience publique du 5 Mars 1991
Cassation.
N° de pourvoi 89-20.252
Président M. Defontaine
Demandeur Crédit industriel de l'Ouest
Défendeur Société lorraine de laminage continu et autres
Rapporteur M. ...
Avocat général M. Patin
Avocats la SCP de Chaisemartin, la SCP Célice et Blancpain, la SCP Coutard et Mayer.
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
.
Sur le premier moyen, pris en sa première branche
Vu l'article 13, alinéa 2, de la loi du 31 décembre 1975, ensemble les articles 118, 185 et 188 du Code de commerce ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la Société lorraine de laminage continu (SOLLAC) a passé un marché de travaux avec la Société métallurgique de Bretagne (SMB) ; que la SMB a sous-traité ces travaux à la société Van der Guth et Savio (société Van der Guth) ; que, le 20 mars 1984, en paiement des travaux effectués, la SOLLAC a souscrit au bénéfice de la SMB un billet à ordre à échéance du 31 mai 1984 ; que cet effet a été escompté par le Crédit industriel de l'Ouest (la banque) ; que, le 16 mai 1984, la société Van der Guth a mis en demeure la SMB de lui régler les sommes dues et a adressé copie de cette mise en demeure au maître de l'ouvrage ; que, le 21 mai 1984, elle a fait défense à celui-ci de payer le billet à ordre ; qu'elle l'a ensuite assigné en paiement sur le fondement de l'action directe ; que, de son côté, la banque a obtenu à l'encontre de la SOLLAC une ordonnance portant injonction de payer le montant du billet à ordre ; que la SOLLAC a fait opposition à cette ordonnance ; que les deux instances ont été jointes ;
Attendu que, pour condamner la SOLLAC à paiement envers la société Van der Guth et débouter la banque de sa demande, la cour d'appel a retenu que le billet à ordre s'analysait comme un titre par lequel le souscripteur s'engageait à payer une somme à une date déterminée ; que, l'exercice de l'action directe par la société Van der Guth étant antérieur à l'échéance de cet effet, la SOLLAC n'était pas encore dessaisie de la valeur fournie par le billet à ordre et qu'en conséquence, l'action directe du sous-traitant pouvait trouver lieu à entière application ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, alors que les obligations du maître de l'ouvrage vis-à-vis du sous-traitant exerçant l'action directe sont limitées à ce que le premier doit encore à l'entrepreneur principal à la date de la réception de la copie de la mise en demeure, la cour d'appel, qui n'a pas recherché à quelle date la banque, par l'endossement lui ayant transmis tous les droits résultant du billet à ordre, était devenue propriétaire de la créance de l'entrepreneur principal sur le maître de l'ouvrage, qui, dès lors, ne devait plus rien à celui-ci, n'a pas donné de base légale à sa décision ;
Et sur le premier moyen, pris en sa seconde branche
Vu l'article 13-1 de la loi du 31 décembre 1975, les articles 121 et 185 du Code de commerce ;
Attendu que, pour statuer ainsi qu'elle a fait, la cour d'appel a retenu encore que l'opération d'escompte réalise au profit de la banque une cession de créance et se heurte aux dispositions de l'article 13-1 de la loi du 31 décembre 1975, qui s'oppose à ce que l'entrepreneur principal cède la part de sa créance sur le maître de l'ouvrage correspondant à sa dette envers le sous-traitant sans avoir obtenu préalablement un cautionnement, et qu'une telle garantie n'avait pas été délivrée en l'espèce au sous-traitant ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'une exception tirée de ces dispositions ne pouvait être opposée à la banque dont la mauvaise foi n'était pas relevée, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 28 juin 1989, entre les parties, par la cour d'appel de Metz ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Colmar