Jurisprudence : CA Paris, 6, 12, 08-12-2023, n° 20/03999, Confirmation

CA Paris, 6, 12, 08-12-2023, n° 20/03999, Confirmation

A598818B

Référence

CA Paris, 6, 12, 08-12-2023, n° 20/03999, Confirmation. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/102442033-ca-paris-6-12-08122023-n-2003999-confirmation
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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS


COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 12


ARRÊT DU 08 Décembre 2023


(n° , 2 pages)


Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 20/03999 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CB7LF


Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 24 Février 2020 par le Pole social du TJ de CRETEIL RG n° 18/00810



APPELANTE

CPAM 49 - MAINE ET LOIRE ([Localité 2])

[Adresse 1]

[Localité 2]

dispensée de comparaître à l'audience


INTIMEE

S.A.S. MARIE

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 3]

représentée par Me Anne-Laure DENIZE, avocat au barreau de PARIS, toque : D0276 substituée par Me Pauline CUNHA, avocat au barreau de PARIS, toque : D0276



COMPOSITION DE LA COUR :


En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile🏛, l'affaire a été débattue le 06 Octobre 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Marie-Odile DEVILLERS, Présidente de chambre, chargée du rapport.


Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Marie-Odile DEVILLERS, Présidente de chambre

Madame Sophie BRINET, Présidente de chambre

Monsieur Gilles BUFFET, Conseiller


Greffier : Madame Claire BECCAVIN, lors des débats


ARRET :


- CONTRADICTOIRE

- prononcé

par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, initialement prévu le 01 décembre 2023 et prorogé au 08 décembre 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile🏛.

-signé par Madame Marie-Odile DEVILLERS, Présidente de chambre et par Madame Claire BECCAVIN, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.


La cour statue sur l'appel interjeté par la CPAM de Maine et Loire (la caisse) à l'encontre d'un jugement rendu le 24 février 2020 par le tribunal judiciaire de Créteil , dans un litige l'opposant à la société Marie.



FAITS, PROCEDURE, PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES


Le 2 mai 2017, la CPAM de Maine-et-Loire a reçu de Mme [B] [X], conductrice de machine au sein de la société MARIE, une déclaration de maladie professionnelle datée du 14 avril 2017 pour "tendinopathie chronique de la coiffe des rotateurs épaule droite" avec 1ère constatation au 15 mars 2017. Le certificat médical initial du 15 mars 2017 fait état d'une "tendinopathie chronique de la coiffe des rotateurs (tendinite du supra épineux avec conflit sous acromial avéré par IRM ) épaule droite,"


La CPAM adressait aux parties des questionnaires et diligentait une enquête sur place de laquelle il résultait que les travaux exercés par l'assurée sociale ne faisaient pas partie de la liste des travaux mentionnés au tableau n° 57 des maladies professionnelles et la CPAM avisait les parties qu'elle saisissait donc le Comité de Reconnaissance des Maladies Professionnelles (CRRMP) des Pays de la Loire pour une "rupture de la coiffe des rotateurs épaule droite" .


A réception de l'avis favorable du comité, la CPAM notifiait le 13 avril 2018 la prise en charge de la maladie déclarée par Mme [X]. Celle-ci a bénéficié de la prise en charge de soins et d'arrêt de travail du 15 mars 2017 au 22 octobre 2018, date de sa consolidation.


La société Marie après rejet de son recours par la commission de recours amiable a saisi le tribunal de Créteil en contestant la décision de prise en charge.



Par décision du 24 février 2020, le tribunal a dit que la décision de reconnaissance du caractère professionnel de la pathologie déclarée le 14 avril 2017 par Mme [X] prise par la CPAM du Maine-et-Loire le 13 avril 2018 est inopposable à la société Marie.


Il a estimé que la Caisse qui avait ouvert une instruction relative à une tendinopathie de la coiffe des rotateurs a modifié la nature de la pathologie en retenant une rupture de la coiffe des rotateurs au moment de la transmission du dossier au CRRMP, et qu'elle aurait dû justifier de sa décision de modifier la nature de la pathologie prise en charge en rapportant la preuve que la maladie était une rupture.



La CPAM du Maine et Loire a fait appel le 1er juillet 2020 de cette décision qui lui a été signifiée le 18 mai 2020 d'après le tampon de l'accusé de réception du recommandé mais non signé.


A l'audience du 6 octobre 2023, la Caisse a demandé une dispense de comparution et fait parvenir à la Cour des conclusions dans lesquelles elle lui demande d'infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions et de déclarer la décision de prise en charge de la pathologie présentée par Mme [X], prise par la Caisse primaire d'assurance maladie de Maine-et-Loire le 18 avril 2018, opposable à la société Marie et de condamner celle-ci aux dépens de l'instance.


Elle soutient qu'il n'y a pas eu de changement de pathologie, qu'en effet que le terme de "tendinopathie", du certificat médical initial est un terme générique désignant une affection d'un ou plusieurs tendons, et que la pathologie de "rupture de la coiffe des rotateurs" correspond spécifiquement à une affection des tendons de l'épaule et que le médecin conseil n'a fait qu'affiner le diagnostic établi dans un premier temps, les deux qualifications successivement retenues n'étant donc pas incompatibles. Elle affirme que l'IRM avait bien été réalisée et visée dans le certificat médical initial et que le médecin-conseil a simplement précisé le diagnostic.


Elle soutient qu'elle a demandé l'avis du médecin du travail, qu'elle en justifie par la copie d'écran des démarches faites et que dans ces conditions l'absence d'avais du médecin du travail n'est pas un motif d'inopposabilité de l'avis du CRRMP.


La société Marie ne s'est pas opposée à la dispense de comparution de la Caisse et a fait soutenir oralement à l'audience par son conseil des conclusions dans lesquelles elle demande à la cour de:

- constater que la CPAM ne rapporte pas la preuve que la constatation médicale de rupture partielle ou transfixiante de la coiffe des rotateurs de l'épaule droite a été réalisée par IRM;

- constater que le dossier transmis au CRRMP ne contenait pas l'avis du médecin du travail;

- constater que la CPAM ne justifie pas de diligences entreprises pour obtenir l'avis du médecin du travail et de l'impossibilité de le recueillir;

En conséquence,

- confirmer le jugement rendu par le Pôle social du Tribunal judiciaire de Créteil du 24 février 2020 en ce qu'il a déclaré inopposable à la société Marie la décision de prise en charge au titre de la législation professionnelle de l'affection du 15 mars 2017 déclarée par Madame [X].

- mettre les dépens de l'instance à la charge de la CPAM de Maine et Loire ;


Elle fait valoir que la CPAM a ouvert une instruction pour une "tendinopathie épaule droite", mais que lors de la transmission du dossier au CRRMP, celui-ci était consulté pour une "rupture partielle coiffe épaule droite", que cette nouvelle maladie doit être objectivée par une IRM, et la société soutient que la CPAM n'a justifié de la réalisation d'une nouvelle IRM permettant de poser un nouveau diagnostic alors que l'avis du médecin conseil ne précise pas la date de l'IRM ayant permis le diagnostic de rupture de la coiffe des rotateurs. Elle soutient donc que la preuve de la pathologie n'est pas rapportée.


Elle rappelle que avant de saisir le CRRMP la Caisse doit solliciter l'avis du médecin du travail, qu'en l'espèce elle n'a pas justifié de cette sollicitation et que l'avis du CRRMP est nul sans qu'il soit possible d'en désigner un deuxième.



SUR CE LA COUR


Sur le changement de maladie et l'absence d'IRM pour justifier de la 2ème maladie


Le tableau 57 des maladies professionnelles relatives à l'épaule prévoit des cas de maladie dont les deux plus graves sont causées par les mêmes gestes, la seule différence résidant dans les délais de prise en charge, et qui doivent toutes les deux être objectivées par IRM:

- Tendinopathie chronique non rompue non calcifiante avec ou sans enthésopathie de la coiffe des rotateurs objectivée par IRM (délai de prise en charge 6 mois ,sous réserve d'une durée d'exposition de 6 mois)

- Rupture partielle ou transfixiante de la coiffe des rotateurs objectivée par IRM (délai de prise en charge un an, sous réserve d'une durée d'exposition de un an)


Le certificat médical initial du 15 mars 2017 joint à la déclaration de maladie professionnelle "tendinopathie chronique de la coiffe des rotateurs épaule droite" et précisait : tendinite du supra épineux avec conflit sous acromial avéré par IRM épaule droite".

Un conflit sous-acromial est une inflammation ou une rupture superficielle des tendons de la coiffe des rotateurs provoquée par le frottement de ces tendons. Cette pathologie n'est donc absolument pas contradictoire avec la pathologie finalement retenue par le colloque médical de "Rupture de la coiffe des rotateurs". Il convient de relever aussi que les certificat médicaux à partir du 23 mai évoquent une opération le 9 juillet 2017, et que les certificats médicaux suivant celle-ci mentionnent une rupture de la coiffe des rotateurs.


Il apparaît ainsi que la pathologie retenue n'est qu'une précision de la pathologie déclarée, notamment parce qu'entre une rupture superficielle (conflit sous acromial) et une réelle rupture la nuance s'est sans doute faite à l'opération, mais sans qu'une nouvelle IRM l'objectivant soit nécessaire. La société Marie n'a d'ailleurs présenté aucune observation lorsque le CRRMP a été consulté sur une rupture de la coiffe.


Il convient donc de constater que la CPAM a bien justifié de la pathologie finalement retenue après IRM comme prévu au tableau, et d'infirmer le jugement qui a déclaré inopposable la maladie professionnelle déclarée par Mme [X].


Sur la validité de l'avis du CRRMP


Aux termes de l'article D.461-29 du code de la sécurité sociale🏛, dans sa rédaction applicable à l'espèce : "Le dossier constitué par la caisse primaire doit comprendre ....2°Un avis motivé du médecin du travail de la ou des entreprises ou la victime a été employée portant notamment sur la maladie et la réalité de l'exposition de celle-ci à un risque professionnel présent dans cette ou ces entreprises"


La Cour de cassation a jugé que le CRRMP peut valablement exprimer l'avis servant à fonder la décision de la caisse en cas d'impossibilité matérielle démontrée par la Caisse d'obtenir cet élément.


En l'espèce, la société avait bien donné à la CPAM le nom et l'adresse du médecin du travail dans le questionnaire employeur renvoyé en mai 2017. La Caisse a fourni un relevé informatique des opérations effectuées dans le dossier, et à la date du 9 novembre 2017 il est indiqué "demander avis médecin du travail" . En l'absence de toute autre preuve, la Caisse ne démontre ni qu'elle a cherché à obtenir l'avis, ni qu'elle a été dans l'impossibilité de l'obtenir.


L'absence d'avis du médecin du travail rend l'avis du CRRMP nul, sans qu'il soit possible d'en saisir un autre et le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a déclaré inopposable à l'employeur la prise en charge au titre de la législation professionnelle de la maladie déclarée par Mme [X].



PAR CES MOTIFS


LA COUR,


DECLARE recevable l'appel de la CPAM de Maine et Loire ;


CONFIRME le jugement du tribunal de Créteil du 24 février 2020 RG 18/00810 ;


CONDAMNE la CPAM de Maine et Loire aux dépens.


La greffière La présidente

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