La présente décision est rédigée dans sa version originale en lettres majuscule. Pour faciliter votre lecture, nous avons tout rédigé en minuscule sauf les premiers lettres de phrase. Il se peut que certains caractères spéciaux ou accents n’aient pas pu être retranscrits.
Sur le premier moyen : attendu que, selon l'arret attaque, au cours d'une audience du tribunal paritaire des baux ruraux tenue le 22 fevrier 1983 sous la presidence de M. Descoubes, alors que les parties a un litige venaient d'aboutir a un accord et que M. Descoubes redigeait le proces-verbal constatant cet accord, M. Trula, greffier, a demande a M. Wallon, avocat de l'une des parties, de lui remettre le timbre de plaidoirie ;
Que M. Wallon a refuse et, sur l'insistance du greffier, a interpelle celui-ci en ces termes : "allez vous faire foutre avec vos pretentions" ;
Que, l'avocat ayant ensuite decline l'invitation de passer au greffe pour en terminer avec cet incident, M. Trula a, le 28 fevrier 1983, depose une plainte au parquet pour outrages a citoyen charge d'un service public ;
Que le procureur de la republique a demande a M. Descoubes de le renseigner par ecrit sur l'incident et a transmis les renseignements recus au procureur general, qui a demande au batonnier d'engager des poursuites disciplinaires contre M. Wallon, sur le fondement de l'article 25 de la loi du 31 decembre 1971, modifie par la loi du 15 juin 1982 ;
Que, par une premiere decision du 29 mars 1983, le conseil de l'ordre des avocats a declare la demande de poursuites du procureur general irrecevable, au motif que ce magistrat avait ete saisi, non par la juridiction a l'audience de laquelle M. Wallon avait tenu les propos qui lui etaient reproches, mais seulement par le president de cette juridiction ;
Attendu que, dans le meme temps, M. Wallon, ayant appris la plainte deposee contre lui par M. Trula, a adresse a celui-ci, le 1er mars 1983, une lettre aux termes de laquelle il l'accusait d'avoir "demarche un temoin" de l'incident d'audience, et ajoutait : "je me contrefous de vos explications... ;
Si cette plainte existe, je vous garantis que je vous poursuivrai" ;
Que le procureur general a alors saisi a nouveau le batonnier en lui demandant d'exercer des poursuites disciplinaires contre son confrere, sur le fondement de l'article 22 de la loi du 31 decembre 1971, a la fois pour les propos tenus a l'audience du 22 fevrier 1983 et pour les termes utilises dans la lettre du 1er mars suivant ;
Que, par une seconde decision du 30 juin 1983, le conseil de l'ordre a decide qu'il n'y avait pas lieu a sanction aux motifs, en ce qui concerne l'incident d'audience, que sa precedente decision d'irrecevabilite avait acquis force de chose jugee et, en ce qui concerne la lettre du 1er mars 1983, que les termes reproches etaient indetachables des propos tenus a l'audience ;
Que, sur recours du procureur general contre cette decision, la cour d'appel, statuant en assemblee des chambres et en chambre du conseil, a decide que l'incident d'audience ne relevait que de la procedure specifique de l'article 25 de la loi du 21 decembre 1971, et que, le procureur general n'ayant pas ete saisi par la juridiction elle-meme, la poursuite de ce chef etait irrecevable, mais que les termes incorrects et meprisants utilises dans la lettre du 1er mars 1983, qui etaient detachables des propos tenus a l'audience, constituaient pour le moins un manquement a la moderation qui devait etre sanctionne par la peine disciplinaire de l'avertissement ;
Attendu que M. Wallon fait grief a la cour d'appel d'avoir debattu de la cause et d'avoir statue en chambre du conseil, alors que l'article 6, alinea 1er, de la convention europeenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertes fondamentales, tel qu'interprete par l'arret de la cour europeenne des droits de l'homme du 23 juin 1981, exigerait que la cause de l'avocat ait ete debattue et jugee en audience publique, sauf renonciation de l'interesse a cette publicite ;
Que, faute d'avoir constate une telle renonciation, l'arret attaque aurait viole le texte susvise ;
Mais attendu que, si l'article 6, alinea 1er, de la convention europeenne de savegarde des droits de l'homme et des libertes fondamentales, tel qu'interprete par un arret de la cour europeenne des droits de l'homme en date du 23 juin 1981, donne a un avocat poursuivi disciplinairement devant la cour d'appel, le droit de voir sa cause entendue publiquement, et l'arret sur cette cause rendu en audience publique, c'est a la condition que ce droit ait ete renvendique devant cette juridiction ;
Que, M. Wallon n'ayant pas demande a la cour d'appel de tenir les debats et de statuer en audience publique, le moyen tire de la non-publicite des debats et du prononce de l'arret, invoque pour la premiere fois devant la cour de cassation, ne peut etre accueilli ;
Sur le second moyen, pris en ses trois branches : attendu que M. Wallon reproche encore a la cour d'appel d'avoir retenu contre lui une faute disciplinaire, alors que, d'une part, contrairement a ce qu'ont decide les juges du second degre, les termes contenus dans la lettre du 1er mars 1983 et reproches a l'avocat seraient indetachables des propos tenus a l'audience du 22 fevrier precedent, puisque la lettre constituait une reponse a une plainte deposee par le greffier a la suite de ces propos ;
Alors que, d'autre part, le manquement a la moderation, retenu par la cour d'appel, ne figure pas parmi les fautes disciplinaires enumerees par l'article 106 du decret du 9 juin 1972, de sorte qu'en considerant qu'un manquement a la moderation constituait une faute disciplinaire, l'arret attaque aurait viole ce texte ;
Alors que, enfin, les juges d'appel n'auraient pas repondu aux conclusions de M. Wallon qui soutenaient que la lettre du 1er mars 1973 ne constituait qu'une reponse a la plainte du greffier et une protestation contre une intervention de celui-ci aupres d'un temoin ;
Mais attendu que, sans etre tenue de suivre les parties dans le detail de leur argumentation, la cour d'appel a constate que, si les paroles prononcees par l'avocat a l'audience du 22 fevrier 1983 pouvaient etre l'expression incontrolee d'une certaine nervosite, la lettre du 1er mars suivant avait ete ecrite de propos delibere par M. Wallon, dans le silence de son cabinet, apres un temps de reflexion de six jours, et procedait d'un etat d'esprit different ;
Qu'au vu de ces constatations et enonciations, elle a souverainement estime que les termes de cette lettre etaient detachables des propos tenus a l'audience ;
Qu'en relevant que, par ces termes, M. Wallon accusait le greffier d'avoir "demarche un temoin", lui signifiait "qu'il se contrefout de ses explications", et le menacait de poursuites (en l'assurant "des sentiments qui lui sont dus"), et en estimant que l'avocat avait ainsi manque de moderation, la cour d'appel, eu egard aux "principes de probite, de desinteressement, de moderation et de confraternite" sur lesquels repose, aux termes de l'article 17, 3°, de la loi du 31 decembre 1971, la profession d'avocat, a par la-meme, constate un manquement a la loi et aux regles professionnelles constitutif d'une faute disciplinaire ;
Qu'ainsi le moyen n'est fonde en aucune de ses branches ;
Par ces motifs : rejette le pourvoi forme contre l'arret rendu le 13 octobre 1983 par la cour d'appel de pau ;