COMM.
FB
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 22 novembre 2023
Rejet
M. VIGNEAU, président
Arrêt n° 739 F-B
Pourvoi n° J 22-17.691
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 22 NOVEMBRE 2023
1°/ La Caisse locale de crédit agricole mutuel de Camaret, dont le siège est [Adresse 8], [Localité 7],
2°/ la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Alpes Provence (CRCAM), dont le siège est [Adresse 4], [Localité 2]
ont formé le pourvoi n° J 22-17.691 contre l'arrêt rendu le 3 mars 2022 par la cour d'appel de Nîmes (chambre civile, 1re chambre), dans le litige les opposant :
1°/ à la société Ajilink [W] [L], société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 3], [Localité 1], en la personne de M. [F] [L], prise en qualité de mandataire ad hoc de la société Conserves de Provence le cabanon,
2°/ à la société Etude Balincourt, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 5], [Localité 6], en la personne de M. [Aa] [M], prise en qualité de mandataire judiciaire à la liquidation judiciaire de la société Conserves de Provence le cabanon,
défenderesses à la cassation.
Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Bélaval, conseiller, les observations de la SCP Bouzidi et Bouhanna, avocat de la Caisse locale de crédit agricole mutuel de Camaret et de la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Alpes Provence (CRCAM), de la SCP Gury & Maitre, avocat de la société Etude Balincourt, ès qualités, après débats en l'audience publique du 3 octobre 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Bélaval, conseiller rapporteur, Mme Vaissette, conseiller doyen, et Mme Mamou, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 3 mars 2022), la société Conserves de Provence le cabanon (la société) est sociétaire de la Caisse locale de crédit agricole mutuel de Camaret (la caisse locale) dont elle détient 74 081 parts sociales d'une valeur nominale de 1,50 euros, en dépôt à la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Alpes Provence (la caisse régionale).
2. Le 5 février 2014, la société a été mise en liquidation judiciaire, M. [M] étant désigné liquidateur. Les 22 septembre et 29 octobre 2014, la société Douhaire [W] a été désignée en qualité de mandataire ad hoc de la société avec pour mission de la représenter en justice et dans tous les actes autres que ceux dévolus au liquidateur judiciaire.
3. Le 18 avril 2019, le liquidateur et le mandataire ad hoc de la société ont assigné la caisse locale aux fins de retrait de la société et de remboursement de ses parts sociales. La caisse régionale est intervenue à l'instance.
Examen des moyens
Sur le second moyen
4. En application de l'
article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile🏛, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Et sur le premier moyen
Enoncé du moyen
5. La caisse locale et la caisse régionale font grief à l'arrêt de condamner la caisse locale à payer à la société Etude Balincourt, venant aux droits de M. [M], ès qualités, la somme principale de 111 121,50 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 30 mai 2017, la somme de 2 100,20 euros au titre des intérêts échus de l'année 2014, et le montant des intérêts échus au titre des années 2015 et suivantes jusqu'au jour du retrait effectif, alors :
« 1°/ selon l'article L. 649-1 (lire L. 641-9) du code de commerce, si le liquidateur judiciaire a vocation à poursuivre les actions purement patrimoniales de son administrée, il est dépourvu de qualité à agir en remboursement des parts sociales appartenant à son administrée dés lors que cette demande, liée à la qualité de sociétaire du débiteur, est une procédure de retrait régie par l'article L. 512-31 du code de commerce et relève des droits attachés à la personne du débiteur liés à sa qualité de sociétaire ; qu'en retenant que le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire emporte de plein droit dessaisissement du débiteur et que les parts sociales détenues par le débiteur dans le capital d'une société font partie de son patrimoine, pour en déduire que le liquidateur qui exerce toutes les actions patrimoniales du débiteur est de ce fait recevable à demander le remboursement desdites parts sociales, la cour d'appel qui ajoute que s'agissant de l'exercice du droit de retrait, cette faculté est rattachée strictement à la personne du sociétaire mais qu'en l'espèce l'assignation a été délivrée tant au nom du liquidateur qu'au nom du mandataire ad hoc de la société débitrice, que dés lors le liquidateur a qualité à agir, n'a pas tiré les conséquences légales s'évinçant de ses constatations dont il ressortait que seul l'administrateur ad hoc ayant qualité à agir, l'action en remboursement des parts sociales diligentée par le liquidateur était irrecevable et elle a violé les articles L. 649-1 (lire L. 641-9) du code de commerce et 31 du code de procédure civile ;
2°/ que selon l'article L. 649-1 (lire L. 641-9) du code de commerce, si le liquidateur judiciaire a vocation à poursuivre les actions purement patrimoniales de son administrée, il est dépourvu de qualité à agir en remboursement des parts sociales appartenant à son administrée dès lors que cette demande, liée à la qualité de sociétaire du débiteur, est une procédure de retrait régie par l'article L. 512-31 du code de commerce et relève des droits attachés à la personne du débiteur lié à sa qualité de sociétaire ; qu'ayant relevé que s'agissant de l'exercice du droit de retrait, cette faculté est rattachée strictement à la personne du sociétaire, qu'en l'espèce l'assignation a été délivrée tant au nom du liquidateur qu'au nom du mandataire ad hoc de la société débitrice, pour en déduire que le liquidateur a qualité à agir en remboursement des parts sociales quand le dessaisissement ne concernant que l'administration et la disposition des biens du débiteur, ce dernier a qualité pour intenter seul une action tendant à la constatation de son retrait du capital de la Caisse locale, cette action étant attachée à sa personne, qui inclut le remboursement du capital investi dans l'acquisition de ces parts sociales et les accessoires y attachés, sans préjudice de l'exercice par le liquidateur, qui entend rendre inopposable à la procédure collective le remboursement des parts sociales appartenant au débiteur qui serait décidé par le juge, de la tierce opposition contre cette disposition du jugement ou de l'exercice de toute autre voie de droit dans le cadre des actions patrimoniales relevant de sa compétence exclusive, la cour d'appel a violé les articles L. 649-1 (lire L. 641-9) du code de commerce et 31 du code de procédure civile ;
3°/ que selon l'article L. 649-1 (lire L. 641-9) du code de commerce, si le liquidateur judiciaire a vocation à poursuivre les actions purement patrimoniales de son administrée, il est dépourvu de qualité à agir en remboursement des parts sociales appartenant au débiteur dès lors que cette demande, liée à la qualité de sociétaire du débiteur, est une procédure de retrait régie par l'article L. 512-31 du code de commerce qui relève des droits attachés à la personne du débiteur lié à sa qualité de sociétaire ; qu'en retenant que le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire emporte de plein droit dessaisissement du débiteur et que les parts sociales détenues par le débiteur dans le capital d'une société font partie de son patrimoine, pour retenir que le liquidateur qui exerce toutes les actions patrimoniales du débiteur est de ce fait recevable à demander le remboursement desdites parts sociales, puis que, s'agissant de l'exercice du droit de retrait, cette faculté est rattachée strictement à la personne du sociétaire mais qu'en l'espèce l'assignation a été délivrée tant au nom du liquidateur qu'au nom du mandataire ad hoc de la société débitrice, pour en déduire que le liquidateur a qualité à agir, quand l'association du mandataire ad'hoc aux demandes faites par le liquidateur à son bénéfice, ès qualités exclusivement, ne saurait avoir pour effet de valider de telles demandes faites au mépris de la compétence exclusive du débiteur représenté par un mandataire ad hoc, la cour d'appel a violé les articles L. 649-1 (lire L. 641-9) du code de commerce et 31 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
6. Ayant énoncé que la faculté de retrait proprement dite est rattachée strictement à la personne du sociétaire et ne peut être exercée que par ce dernier, tandis que les parts sociales détenues par un débiteur en liquidation judiciaire font partie de son patrimoine et que le liquidateur, qui exerce toutes les actions patrimoniales du débiteur, est recevable à en demander le remboursement, puis relevé, par motifs propres et adoptés, que l'action en retrait et en remboursement des parts détenues par la société en liquidation judiciaire avait été engagée conjointement contre la caisse locale par le liquidateur et le mandataire ad hoc de la société, lequel s'était associé, dès l'origine, à la démarche et a conclu dans le même sens que le liquidateur, l'arrêt en déduit exactement que la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité du liquidateur devait être écartée.
7. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la Caisse locale de crédit agricole mutuel de Camaret et la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Alpes Provence (CRCAM) aux dépens ;
En application de l'
article 700 du code de procédure civile🏛, rejette la demande formée par la Caisse locale de crédit agricole mutuel de Camaret et la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Alpes Provence (CRCAM) et les condamne à payer à la société Etude Balincourt, en qualité de liquidateur de la société Conserves de Provence le cabanon, la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux novembre deux mille vingt-trois.