Jurisprudence : Cass. crim., 21-11-2023, n° 23-82.891, F-B, Rejet

Cass. crim., 21-11-2023, n° 23-82.891, F-B, Rejet

A222213P

Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2023:CR01427

Identifiant Legifrance : JURITEXT000048465504

Référence

Cass. crim., 21-11-2023, n° 23-82.891, F-B, Rejet. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/101530954-cass-crim-21112023-n-2382891-fb-rejet
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Abstract

Lorsque le juge des libertés et de la détention autorise des interceptions judiciaires en application de l'article 706-95 du code de procédure pénale, il résulte de ce texte et de l'article 230-45 dudit code qu'il entre dans les fonctions du procureur de la République de donner à l'officier de police judiciaire, placé sous son autorité, l'autorisation de déroger, en cas d'impossibilité technique, au recours à la plate-forme nationale des interceptions judiciaires pour leur exécution


N° Z 23-82.891 F-B

N° 01427


GM
21 NOVEMBRE 2023


REJET


M. BONNAL président,


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 21 NOVEMBRE 2023



M. [S] [Aa] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Lyon, en date du 24 février 2023, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs d'infractions à la législation sur les armes, association de malfaiteurs, en récidive, et recel en bande organisée, a prononcé sur sa demande d'annulation de pièces de la procédure.

Par ordonnance du 12 juin 2023, le président de la chambre criminelle a prescrit l'examen immédiat du pourvoi.


Un mémoire a été produit.

Sur le rapport de Mme Chaline-Bellamy, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. [S] [Aa], et les conclusions de M. Quintard, avocat général, après débats en l'audience publique du 7 novembre 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Chaline-Bellamy, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale🏛, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.



Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. M. [S] [Aa] a été mis en examen le 17 décembre 2021 et supplétivement le 8 mars 2022 des chefs précités.

3. Le 17 juin 2022, l'avocat de M. [Aa] a saisi la chambre de l'instruction d'une requête en annulation d'actes de la procédure.


Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa première branche, et le troisième moyen

4. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.

Sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

5. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la requête en annulation de M. [Aa] et plus précisément le moyen tiré de l'irrégularité de la pose du dispositif de captation, fixation, transmission et enregistrement de l'image des personnes dans le parking souterrain sis [Adresse 1] à [Localité 2] et en particulier à l'intérieur du box 88-89 en dehors des heures prévues à l'article 59 du code de procédure pénale🏛, alors :

« 2°/ qu'il résulte de la combinaison des articles 706-95- 12, 706-96-1 et 59 du code de procédure pénale🏛 que l'autorisation que peut donner le juge des libertés et de la détention pour l'introduction dans un lieu privé en dehors des heures prévues à l'article 59 pour la mise en place d'un dispositif de captation d'images doit être expresse notamment en ce qu'elle permet cette introduction et cette mise en place entre 21 heures et 6 heures ; qu'au cas d'espèce, il ressortait des éléments de la procédure que le dispositif contesté avait été posé entre 23 heures et 6 heures alors même que l'autorisation du juge des libertés ne donnait pas d'autorisation d'introduction et de pose à un tel horaire ; qu'en retenant, pour refuser de faire droit à la demande d'annulation, que « la loi prévoit que cette autorisation permet aux enquêteurs de s'introduire dans les lieux susvisés y compris hors des heures prévues à l'article 59 du code de procédure pénale », quand le contrôle effectif de l'atteinte au droit au respect de la vie privée susceptible d'être causé par une telle mesure suppose que le juge des libertés et de la détention autorise spécifiquement l'introduction de nuit dans un lieu privé aux fins de sa mise en oeuvre, la chambre de l'instruction, qui n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations, a violé les articles 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 706-96, 706-95-12, 706-96-1, 59, 591 et 593 du code de procédure pénal. »


Réponse de la Cour

6. Pour rejeter le moyen de nullité, l'arrêt attaqué énonce que la pose du dispositif technique de captation, fixation, transmission et enregistrement d'images effectuée par les enquêteurs s'étant transportés sur les lieux après 23 heures est régulière puisque le juge des libertés et de la détention a autorisé les officiers et agents de police judiciaire à s'introduire dans le box, à l'insu ou sans le consentement de l'occupant des lieux ou de toute personne titulaire d'un droit sur ceux-ci et à la seule fin de mise en place du dispositif, et que la loi prévoit que cette autorisation permet aux enquêteurs de s'introduire dans les lieux concernés y compris hors des heures prévues à l'article 59 du code de procédure pénale.

7. En prononçant ainsi, la chambre de l'instruction n'a pas méconnu les textes visés au moyen pour les motifs qui suivent.

8. D'une part, selon l'article 706-96-1 du code de procédure pénale, au cours de l'enquête préliminaire et en vue de mettre en place le dispositif technique mentionné à l'article 706-96 dudit code ou de le désinstaller, le juge des libertés et de la détention peut autoriser l'introduction dans un véhicule ou un lieu privé, y compris hors des heures prévues à l'article 59 de ce même code, à l'insu ou sans le consentement du propriétaire ou du possesseur du véhicule ou de l'occupant des lieux ou de toute personne titulaire d'un droit sur ceux-ci.

9. L'autorisation donnée par l'ordonnance du juge des libertés et de la détention, prise au visa de la requête du ministère public reprenant les termes de l'article 706-96-1 précité et sur son fondement, implique, par la seule application de ce texte, la possibilité de procéder à l'opération de mise en place ou de retrait du dispositif, y compris entre 21 heures et 6 heures, sans nécessiter une autorisation spécifique en ce sens.

10. D'autre part, par son ordonnance écrite, motivée par référence aux éléments de fait et de droit justifiant la nécessité de l'opération critiquée conformément à l'article 706-95-13 du code de procédure pénale et comportant tous les éléments prévus à l'article 706-97 dudit code permettant d'identifier les lieux privés visés en l'espèce, l'infraction qui motive la mesure ainsi que la durée de celle-ci, le juge des libertés et de la détention a assuré le contrôle effectif de l'atteinte susceptible d'être causée par une telle mesure.

11. En conséquence, le grief doit être écarté.


Sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

12. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la requête en nullité de M. [Aa] et plus particulièrement le moyen tiré de l'irrégularité des opérations de « constatations visuelles » opérées au sein du box 88-89 situé dans le parking souterrain sis [Adresse 1] à [Localité 2], alors :

« 1°/ que les enquêteurs ne peuvent, sur la base d'une autorisation de pose d'un dispositif de captation d'images, effectuer d'autres actes d'enquêtes ; qu'au cas d'espèce, la défense faisait valoir que sous couvert de l'autorisation de pose d'un dispositif de captation d'images dans le box de [Localité 2], les enquêteurs avaient « examiné l'intérieur du box » à l'aide des « moyens mis à leur disposition », ce qui excédait le champ de l'autorisation ; qu'en affirmant, pour rejeter le moyen d'annulation soulevé de ce chef, que « les fonctionnaires de police n'ont effectué que de simples constations visuelles ou observations, leur permettant d'installer le dispositif technique autorisé par le juge des libertés et de la détention », la chambre de l'instruction, qui a dénaturé les éléments de la procédure en sa possession, n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 706-96, 706-96-1, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

2°/ que les enquêteurs ne peuvent, sur la base d'une autorisation de pose d'un dispositif de captation d'images, effectuer d'autres actes d'enquêtes ; qu'au cas d'espèce, la défense faisait valoir que sous couvert de l'autorisation de pose d'un dispositif de captation d'images dans le box de [Localité 2], les enquêteurs avaient « examiné l'intérieur du box » à l'aide des « moyens mis à leur disposition », ce qui excédait le champ de l'autorisation ; qu'en affirmant, pour rejeter le moyen d'annulation soulevé de ce chef, que « les enquêteurs n'ont procédé à aucune perquisition ni fouille sommaire à l'intérieur de ce box », motif impropre à écarter l'atteinte à la vie privée résultant de ce détournement de procédure, la chambre de l'instruction n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 706-96, 706-96-1, 591 et 593 du code de procédure pénale. »


Réponse de la Cour

13. Pour rejeter le moyen de nullité tiré des constatations visuelles, l'arrêt attaqué retient que M. [Aa] ne justifie d'aucun grief puisqu'il résulte du procès-verbal du 28 juin 2021 contesté que les simples constatations visuelles ou observations ont été réalisées afin de permettre d'installer le dispositif technique de captation d'images autorisé par ordonnance écrite et motivée du juge des libertés et de la détention, en date du 25 juin 2021, à l'intérieur du box 88-89 situé dans le parking souterrain du [Adresse 1] à [Localité 2].

14. Les juges ajoutent que les enquêteurs n'ont procédé à aucune perquisition ni fouille sommaire à l'intérieur de ce box.

15. En statuant ainsi, et dès lors que l'officier de police judiciaire s'est limité à transcrire ses constatations visuelles faites à l'ouverture du box, régulièrement autorisée par le juge des libertés et de la détention dans les conditions fixées par l'article 706-96-1 du code de procédure pénale, préalablement à la mise en place du dispositif technique et sans qu'aucun détournement de procédure ne soit établi, la chambre de l'instruction a légalement justifié sa décision sans dénaturer les pièces du dossier ni méconnaître les dispositions conventionnelles et légales invoquées.

16. Le moyen ne peut donc être accueilli.


Sur le quatrième moyen

Enoncé du moyen

17. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la requête en nullité de M. [Aa], en particulier le moyen relatif à l'irrégularité des interceptions téléphoniques mises en oeuvre via les prestataires de service « Elektron » et « Deveryware », alors :

« 1°/ que le recours à une plate-forme autre que la PNIJ pour la transmission des réquisitions et demandes adressées en application des articles 100 à 100-7 et 706-95 du code de procédure pénale🏛🏛🏛 est subordonné à une autorisation du juge des libertés et de la détention ; qu'en affirmant qu'une telle autorisation « entrait dans les attributions du procureur de la République », la chambre de l'instruction a violé les articles 77-1-1, 591 et 593 du code de procédure pénale🏛🏛🏛 ;

2°/ que le recours à une plate-forme autre que la PNIJ pour la transmission des réquisitions et demandes adressées en application des articles 100 à 100-7 et 706-95 du code de procédure pénale est subordonné à une impossibilité de recourir à la PNIJ ; qu'en se bornant, pour dire régulier le recours à la plate-forme Elektron, que la demande des enquêteurs au procureur de la République faisait était motivée par la circonstance que « l'utilisation du système Elektron permet une exploitation et une analyse des données data que ne permet pas la PNIJ », sans constater que le procureur de la République se serait approprié le constat d'une telle impossibilité technique, la chambre de l'instruction n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 230-45, 591 et 593 du code de procédure pénale🏛. »



Réponse de la Cour

18. Pour écarter le moyen de nullité, l'arrêt attaqué énonce que l'autorisation de recourir aux prestations de la société Elektron a été expressément donnée par le procureur de la République aux enquêteurs le 4 juin 2021, dans le cadre de l'enquête préliminaire, en application des dispositions de l'article 77-1-1 du code de procédure pénale.

19. Les juges ajoutent que le procureur de la République a repris à son compte, dans son autorisation de recourir à la société Elektron, l'impossibilité technique résultant du fait que la plate-forme nationale des interceptions judiciaires ne pouvait pas réaliser l'exploitation et l'analyse des données en DATA nécessaires à l'enquête.

20. En l'état de ces énonciations, la chambre de l'instruction n'a meconnu aucun des textes visés au moyen.

21. En premier lieu, l'autorisation d'interception, d'enregistrement et de transcription de correspondances par la voie de communications électroniques a été prise par le juge des libertés et de la détention en application de l'article 706-95 du code de procédure pénale, lequel prévoit que, pour l'application des dispositions des articles 100-3 à 100-5 et 100-8 du même code🏛🏛🏛 et l'exécution de la mesure, les attributions confiées au juge d'instruction ou à l'officier de police judiciaire commis par lui sont exercées par le procureur de la République.

22. En deuxième lieu, selon l'article 230-45 du code de procédure pénale, sauf impossibilité technique, les réquisitions et demandes adressées notamment en application des articles 100 à 100-7, et 706-95 dudit code, sont transmises par l'intermédiaire de la plate-forme nationale des interceptions judiciaires qui organise la centralisation de leur exécution.

23. Il résulte de ces textes qu'il entre dans les fonctions du procureur de la République de donner à l'officier de police judiciaire, placé sous son autorité, l'autorisation de déroger à l'article 230-45 précité.

24. Dès lors, le moyen ne peut qu'être écarté.

25. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.



PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un novembre deux mille vingt-trois.

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