SOC.
CH9
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 8 novembre 2023
Cassation
Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 2020 F-B
Pourvoi n° X 22-18.784
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 8 NOVEMBRE 2023
M. [P] [E], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° X 22-18.784 contre l'arrêt rendu le 11 mai 2022 par la cour d'appel de Bordeaux (chambre sociale, section A), dans le litige l'opposant à la société Brel distribution, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Maitral, conseiller référendaire, les observations de la SCP Zribi et Texier, avocat de M. [E], de la SARL Boré, Aa de Bruneton et Mégret, avocat de la société Brel distribution, après débats en l'audience publique du 3 octobre 2023 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Maitral, conseiller référendaire rapporteur, M. Barincou, conseiller, et Mme Aubac, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 11 mai 2022) et les productions, M. [E] a été engagé en qualité de responsable de magasin le 1er avril 1991 par la société Brel. Son contrat de travail a été transféré le 16 novembre 2013 à la société Brel distribution. Il exerçait en dernier lieu les fonctions de magasinier vendeur.
2. Licencié pour motif économique le 29 janvier 2018, le salarié a saisi la juridiction prud'homale en contestation de son licenciement.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en sa quatrième branche
Enoncé du moyen
3. Le salarié fait grief à l'arrêt de dire que son licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse et de le débouter de ses demandes indemnitaires, alors « que le périmètre à prendre en considération pour l'exécution de l'obligation de reclassement se comprend de l'ensemble des entreprises du groupe dont les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation leur permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel, peu important qu'elles appartiennent ou non à un même secteur d'activité ; qu'en jugeant que dès lors qu'il avait été retenu, dans le cadre de la recherche portant sur la réalité des difficultés économiques invoquées par l'employeur, que les différentes sociétés auprès desquelles la société Brel Distribution avait effectué une recherche de reclassement n'avaient pas le même secteur d'activité que cette dernière, la permutabilité ne pouvait être retenue, sans rechercher si les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation de ces différentes sociétés ne leur permettaient pas d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel, [la cour d'appel] a privé sa décision de base légale au regard de l'
article L. 1233-4 du code du travail🏛. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 1233-4, alinéa 1er, du code du travail, dans sa rédaction modifiée par l'
ordonnance n° 2017-1718 du 20 décembre 2017🏛 :
4. Aux termes de ce texte, le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré sur les emplois disponibles, situés sur le territoire national dans l'entreprise ou les autres entreprises du groupe dont l'entreprise fait partie et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel.
5. Le périmètre à prendre en considération pour l'exécution de l'obligation de reclassement se comprend de l'ensemble des entreprises du groupe dont les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation leur permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel, peu important qu'elles appartiennent ou non à un même secteur d'activité.
6. Pour dire que le licenciement du salarié repose sur une cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient que les sociétés Etablissement Brel, Sols et peintures brivistes et Plastic décors, qui ont pour objet la réalisation de travaux, n'ont pas le même secteur d'activité que la société Brel distribution, qui a pour objet le négoce. Il en déduit que la permutabilité entre les membres du personnel de ces sociétés n'est pas établie, que le périmètre de la recherche d'un poste de reclassement ne comprenait donc pas ces sociétés.
7. En se déterminant ainsi, par des motifs insuffisants à caractériser que les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation des différents entreprises du groupe auquel la société appartient ne leur permettaient pas d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 11 mai 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Agen ;
Condamne la société Brel distribution aux dépens ;
En application de l'
article 700 du code de procédure civile🏛, rejette la demande formée par la société Brel distribution et la condamne à payer à M. [E] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du huit novembre deux mille vingt-trois.