Jurisprudence : CJCE, 27-04-1994, aff. C-393/92, Commune d'Almelo et autres c/ NV Energiebedrijf Ijsselmij

CJCE, 27-04-1994, aff. C-393/92, Commune d'Almelo et autres c/ NV Energiebedrijf Ijsselmij

A1667AWN

Référence

CJCE, 27-04-1994, aff. C-393/92, Commune d'Almelo et autres c/ NV Energiebedrijf Ijsselmij. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/1008027-cjce-27041994-aff-c39392-commune-dalmelo-et-autres-c-nv-energiebedrijf-ijsselmij
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Cour de justice des Communautés européennes

27 avril 1994

Affaire n°C-393/92

Commune d'Almelo et autres
c/
NV Energiebedrijf Ijsselmij



61992J0393

Arrêt de la Cour
du 27 avril 1994.

Commune d'Almelo et autres contre NV Energiebedrijf Ijsselmij.

Demande de décision préjudicielle: Gerechtshof Arnhem - Pays-Bas.

Concurrence - Accord entravant l'importation d'électricité - Service d'intérêt général.

Affaire C-393/92.

Recueil de Jurisprudence 1994 page I-1477

1. Questions préjudicielles - Saisine de la Cour - Juridiction nationale au sens de l'article 177 du traité - Notion - Juridiction statuant en équité sur un appel d'une sentence arbitrale

(Traité CEE, art. 5 et 177)

2. Monopoles nationaux à caractère commercial - Notion - Contrôle des courants d'échanges entre États membres par les autorités nationales - Concession de distribution d'énergie électrique accordée à un distributeur régional - Clause d'achat exclusif convenue entre distributeurs régionaux et locaux - Exclusion

(Traité CEE, art. 37)

3. Concurrence - Entreprises chargées de la gestion de services d'intérêt économique général - Soumission aux règles du traité - Limites - Distribution d'énergie électrique - Distributeur régional imposant aux distributeurs locaux une clause d'achat exclusif excluant toute importation - Admissibilité - Condition

(Traité CEE, art. 85, § 1, 86 et 90, § 2)

1. Une juridiction nationale, qui, dans un cas prévu par la loi, statue sur un recours formé contre une sentence arbitrale, doit être considérée comme une juridiction nationale au sens de l'article 177 du traité, même lorsque, en vertu de la convention d'arbitrage conclue entre les parties, cette juridiction doit statuer comme amiable compositeur. En effet, en dépit du fait qu'elle doive statuer en équité, cette juridiction est tenue, en vertu des principes de la primauté et de l'uniformité d'application du droit communautaire, en combinaison avec l'article 5 du traité, de respecter les règles du droit communautaire, en particulier celles en matière de concurrence.

2. L'application de l'article 37 du traité, relatif aux monopoles nationaux à caractère commercial, suppose une situation où les autorités nationales sont à même de contrôler ou de diriger les échanges entre les États membres, ou encore de les influencer sensiblement, par voie d'un organisme institué à cet effet ou d'un monopole délégué.

Ne relève pas de cet article mais de l'article 85 du traité une situation dans laquelle une entreprise de distribution régionale d'énergie électrique, bien que titulaire d'une concession non exclusive de distribution d'électricité dans le territoire concédé, interdit, par voie d'une clause d'achat exclusif, aux distributeurs locaux d'électricité d'importer de l'énergie électrique. En effet, les contrats en question ont été conclus non pas entre l'autorité publique et l'entreprise de distribution régionale, mais entre celle-ci et les distributeurs locaux. Ces contrats déterminent les conditions de fourniture de l'énergie électrique et n'opèrent pas une transmission de la concession de service public dont a été investie l'entreprise régionale aux distributeurs locaux, ces conditions, notamment la clause d'achat exclusif, trouvant leur fondement dans les contrats conclus entre les distributeurs et n'étant pas inhérentes à la concession territoriale concédée par les autorités publiques

3. L'article 85 du traité s'oppose à l'application, par une entreprise de distribution régionale d'énergie électrique, d'une clause d'achat exclusif, figurant dans ses conditions générales de vente, qui interdit à un distributeur local d'importer de l'électricité destinée à la distribution publique et qui, compte tenu de son contexte économique et juridique, à savoir l'existence d'autres accords d'exclusivité de même nature et leur effet cumulé, affecte le commerce entre États membres.

L'article 86 du traité s'y oppose également, si l'entreprise en cause appartient à un groupe d'entreprises détenant une position dominante collective dans une partie substantielle du marché commun.

Toutefois, l'application de ladite clause échappe à cette double interdiction, en application de l'article 90, paragraphe 2, du traité, dans la mesure où la restriction à la concurrence qu'elle opère est nécessaire pour permettre à l'entreprise d'assurer sa mission d'intérêt généralinéa A cet égard, le juge national, à qui il appartient d'apprécier cette nécessité, doit tenir compte des conditions économiques dans lesquelles l'entreprise, du fait des contraintes qui pèsent sur elle, se trouve placée, notamment des coûts qu'elle doit supporter et des réglementations, particulièrement en matière d'environnement, auxquelles elle est soumise.

Dans l'affaire C-393/92,

ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en application de l'article 177 du traité CEE, par le Gerechtshof te Arnhem (Pays-Bas) et tendant à obtenir, dans le litige pendant devant cette juridiction entre

Gemeente Almelo e. a.

Energiebedrijf IJsselmij NV,

une décision à titre préjudiciel sur l'interprétation des articles 37, 85, 86, 90 et 177 du traité CEE,

LA COUR,

composée de MM. O. Due, président, G. F. Mancini, J. C. Moitinho de Almeida et M. Díez de Velasco, présidents de chambre, C. N. Kakouris, R. Joliet, F. A. Schockweiler (rapporteur), G. C. Rodríguez Iglesias, M. Zuleeg, P. J. G. Kapteyn et J. L. Murray, juges,

avocat général: M. M. Darmon

greffier: M. H. von Holstein, greffier adjoint

considérant les observations écrites présentées:

- pour la commune d'Almelo e.a., par Me C. M. Vinken-Geijselaers, avocat au barreau de s'Hertogenbosch,

- pour N. V. Energiebedrijf IJsselmij, par Mes B. H. ter Kuile, avocat au barreau de La Haye, et E. H. Pijnacker Hordijk, avocat au barreau d'Amsterdam,

- pour le gouvernement de la République hellénique, par M. V. Kontalaimos, conseiller juridique adjoint au Conseil juridique de l'État, en qualité d'agent,

- pour le gouvernement de la République française, par M. P. Pouzoulet, sous-directeur à la direction des affaires juridiques au ministère des Affaires étrangères, en qualité d'agent,

- pour le gouvernement du royaume des Pays-Bas, par M. A. Bos, conseiller juridique au ministère des Affaires étrangères, en qualité d'agent,

- pour la Commission des Communautés économiques européennes, par M. B. J. Drijber, membre du service juridique, en qualité d'agent,

vu le rapport d'audience,

ayant entendu les observations orales de la commune d'Almelo e. a., de N. V. Energiebedrijf IJsselmij, du gouvernement hellénique, du gouvernement néerlandais, représenté par M. J. W. de Zwaan, conseiller juridique adjoint au ministère des Affaires étrangères, en qualité d'agent, et de la Commission, à l'audience du 23 novembre 1993,

ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 8 février 1994,

rend le présent

Arrêt

1 Par arrêt arbitral du 3 novembre 1992, parvenu à la Cour le 10 novembre suivant, le Gerechtshof te Arnhem a posé, en vertu de l'article 177 du traité CEE, deux questions préjudicielles relatives à l'interprétation des articles 37, 85, 86, 90 et 177 du traité.

2 Ces questions ont été soulevées dans le cadre d'un litige opposant la commune d'Almelo et d'autres distributeurs locaux d'énergie électrique à N. V. Energiebedrijf IJsselmij (ci-après "IJM"), entreprise de distribution régionale d'énergie électrique, à propos d'un supplément de péréquation que cette dernière a facturé aux distributeurs locaux.

3 Aux Pays-Bas, l'énergie électrique est produite par quatre entreprises, actionnaires d'une entreprise commune, N. V. Samenwerkende Elektriciteits-Produktiebedrijven (ci-après "SEP"), qui est chargée de structurer la collaboration entre les producteurs.

4 La distribution d'énergie électrique est organisée au niveau régional et local: dans le territoire qui leur est concédé, les entreprises de distribution régionale approvisionnent les entreprises de distribution locale appartenant aux communes et, le cas échéant, certains consommateurs finals. Les entreprises de distribution locale assurent l'approvisionnement des clients dans les communes. Les entreprises de production et de distribution appartiennent, directement ou indirectement, aux provinces et aux communes.

5 IJM s'est vu accorder, par un arrêté royal de 1918, une concession non exclusive d'assurer la distribution d'électricité dans le territoire concédé. IJM fournit de l'électricité à des distributeurs locaux, notamment à la commune d'Almelo et aux autres parties demanderesses au principal, et assure également l'approvisionnement direct des consommateurs dans les zones rurales.

6 Pendant les années 1985 à 1988, l'importation d'électricité a été interdite aux distributeurs locaux en vertu d'une clause d'achat exclusif figurant dans les conditions générales de livraison d'énergie électrique aux communes ayant leur propre entreprise de distribution sur le territoire de N. V. Electriciteits-Maatschappij IJsselcentrale (ancienne dénomination d'IJM, ci-après "IJC"). L'article 2, paragraphe 2, de ces conditions générales prévoit, en effet, que la commune s'engage

"à s'approvisionner en énergie électrique exclusivement auprès d'IJC pour la distribution d'électricité sur son territoire et à n'utiliser cette énergie que pour son usage propre, ou pour les livraisons à des tiers, en vue de la consommation sur le territoire de la commune".

7 Les conditions générales imposées par IJM s'alignent sur les conditions générales types de livraison établies par l'association des exploitants de centres distributeurs d'électricité aux Pays-Bas.

8 A cette clause d'achat exclusif du distributeur local correspond un engagement de vente exclusive de la part de l'entreprise de distribution régionale.

9 Le distributeur local impose, de son côté, au consommateur final une obligation d'achat exclusif.

10 Au niveau des relations entre producteurs et distributeurs régionaux est également stipulée une interdiction d'importation d'énergie électrique (article 21 de l'Overeenkomst van Samenwerking - accord de coopération - entre les entreprises productrices d'électricité et SEP du 22 mars 1986, qui a remplacé la convention générale SEP de 1971, ci-après "accord OVS").

11 A compter du 1er janvier 1985, IJC a facturé aux entreprises de distribution locale un supplément de péréquation, c'est-à-dire une majoration destinée à compenser la différence entre le coût plus élevé de la distribution d'électricité aux consommateurs en zone rurale qu'elle a assurée elle-même et le coût plus bas de distribution aux consommateurs en zone urbaine par les distributeurs locaux.

12 En 1988, des entreprises de distribution locale ont saisi la Commission d'une plainte contre IJC fondée sur trois points:

- l'interdiction explicite d'importer figurant dans la convention générale SEP de 1971 et dans l'accord OVS;

- l'obligation d'achat exclusif découlant des accords passés avec IJC;

- le droit d'IJC de fixer les prix unilatéralement et d'imposer le supplément de péréquation.

13 La loi du 16 novembre 1989 portant réglementation de la production, de l'importation, du transport et de la vente d'électricité (Staatsblad 535) a réformé le régime de distribution d'énergie électrique aux Pays-Bas. En vertu de l'article 34 de cette loi et d'un arrêté ministériel du 20 mars 1990 (Staatscourant du 22 mars 1990), SEP est seule à pouvoir importer de l'électricité destinée à la distribution publique, à moins qu'il ne s'agisse d'électricité d'une tension inférieure à 500 V.

14 Suite à la plainte de 1988, la Commission a adopté la décision du 16 janvier 1991, relative à une procédure d'application de l'article 85 du traité CEE [IV/32.732 - IJsselcentrale (IJC) et autres, JO L 28, p. 32, ci-après "décision de 1991"]. A l'article 1er de cette décision, la Commission constate que l'article 21 de l'accord OVS

"constitue une infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE, dans la mesure où ledit article 21 a pour effet d'entraver les importations effectuées par des consommateurs industriels privés et les exportations de la production en dehors du domaine de l'approvisionnement public effectuées par des sociétés de distribution et des consommateurs industriels privés, et notamment des autoproducteurs".

15 La Commission a relevé que l'interdiction d'importation au niveau de la distribution non publique, c'est-à-dire celle imposée au consommateur dans ses relations contractuelles avec le distributeur local, ne peut être justifiée au titre de l'article 90, paragraphe 2, du traité.

16 Dans la décision de 1991, la Commission n'a pas pris explicitement position sur l'interdiction d'importation résultant de l'article 2, paragraphe 2, des conditions générales tout en notant que

"ces clauses des conditions générales et l'article 21 (de l'accord OVS) forment un tout qui s'applique à la fois mutuellement entre producteurs et, finalement, par l'intermédiaire des sociétés de distribution, entre producteurs et consommateurs industriels privés".

17 La Commission s'est abstenue de se prononcer sur l'application de l'article 90, paragraphe 2, du traité à propos de l'interdiction d'importation valant, en vertu de l'article 21 de l'accord OVS, pour la distribution publique d'électricité; en effet, l'interdiction faite aux sociétés de production et de distribution d'importer de l'électricité pour l'approvisionnement public sans passer par SEP relève désormais, selon la Commission, de l'article 34 de la loi de 1989 et une prise de position de sa part préjugerait la question de la compatibilité de cette loi avec le traité. La Commission n'a pas davantage statué sur la légalité du supplément de péréquation.

18 Le recours introduit par les entreprises plaignantes contre la décision de 1991 a été rejeté par arrêt du Tribunal de première instance du 18 novembre 1992, Rendo e.a./Commission (T-16/91, Rec. p. II-2417). Le pourvoi introduit contre cet arrêt par les entreprises plaignantes est pendant devant la Cour (C-19/93 P, Rendo e.a./Commission).

19 Dès avant la saisine de la Commission, les distributeurs locaux avaient, en application des conditions générales, déclenché une procédure d'arbitrage en vue d'obtenir une décision sur la légalité du supplément de péréquation imposé par IJM.

20 Contre la sentence arbitrale rejetant la position des distributeurs locaux, ces derniers ont introduit un appel devant le Gerechtshof te Arnhem, statuant en qualité d'amiable compositeur (als goede mannen naar billijkheid). Estimant qu'il est plausible qu'IJM n'aurait pas pu imposer le supplément de péréquation sans l'interdiction d'importation, le juge national a posé à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

"1) Une juridiction nationale, qui, dans un cas prévu par la loi, statue sur un recours formé contre une sentence arbitrale, doit-elle être considérée comme une juridiction nationale au sens de l'article 177 du traité CEE, lorsque en vertu de la convention d'arbitrage conclue entre parties, cette juridiction doit statuer comme amiable compositeur?

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