SOC.
ZB1
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 18 octobre 2023
Cassation
M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 1060 F-B
Pourvoi n° H 22-18.678
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 18 OCTOBRE 2023
La société Crocodile restaurants, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° H 22-18.678 contre l'arrêt rendu le 11 mai 2022 par la cour d'appel d'Amiens (5e chambre prud'homale), dans le litige l'opposant :
1°/ à Mme [D] [M], domiciliée [Adresse 1],
2°/ au Pôle emploi de Paris, dont le siège est [Adresse 2],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Bérard, conseiller, les observations de Me Balat, avocat de la société Crocodile restaurants, de Me Occhipinti, avocat de Mme [M], après débats en l'audience publique du 20 septembre 2023 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Bérard, conseiller rapporteur, M. Rinuy, conseiller, et Mme Aubac, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 11 mai 2022), Mme [M] a été engagée en qualité de cuisinière le 14 mars 2019 par la société Crocodile restaurants (la société).
2. La salariée a été licenciée pour faute grave le 18 novembre 2019.
3. Soutenant avoir été licenciée pour avoir dénoncé un harcèlement sexuel, elle a saisi la juridiction prud'homale le 11 février 2020 aux fins de juger son licenciement nul et condamner l'employeur à lui verser diverses sommes à ce titre.
Examen du moyen
Sur le moyen pris en sa première branche
Enoncé du moyen
4. La société fait grief à l'arrêt de dire le licenciement de la salariée nul et de la condamner à lui verser diverses sommes au titre d'un rappel de salaire à la suite de la mise à pied conservatoire, de l'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents, de l'indemnité légale de licenciement, et à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul, ainsi qu'à rembourser à l'organisme concerné le montant des indemnités chômage versées à la salariée dans la limite de trois mois de prestations, alors « que lorsque la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, contient plusieurs griefs distincts à l'encontre du salarié, le juge ne peut dire le licenciement injustifié sans avoir examiné chacun des griefs qui y sont énoncés ; qu'en jugeant le licenciement nul au seul motif que ‘'les faits reprochés à la salariée au sein de la lettre de licenciement sont concomitants à la date à laquelle la salariée a déposé plainte'‘, ce dont il se déduit que ‘la dénonciation de harcèlement sexuel a pesé sur la décision de licenciement'‘, sans examiner les griefs évoqués dans la lettre de licenciement tenant au refus réitéré de la salariée d'accomplir certaines de ses tâches et à ses abandons de postes et actes d'insubordination, lesquels pouvaient à eux seuls justifier son licenciement pour faute grave, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des
articles L. 1232-6 et L. 1153-3 du code du travail🏛🏛, applicable en l'espèce. »
Réponse de la Cour
Vu les
articles L. 1152-2, L. 1152-3 et L. 1154-1 du code du travail🏛🏛🏛 :
5. Il résulte de ces textes que lorsque les faits invoqués dans la lettre de licenciement caractérisent une cause réelle et sérieuse de licenciement, il appartient au salarié de démontrer que la rupture de son contrat de travail constitue une mesure de rétorsion à une plainte pour harcèlement moral ou sexuel. Dans le cas contraire, il appartient à l'employeur de démontrer l'absence de lien entre la dénonciation par le salarié d'agissements de harcèlement moral ou sexuel et son licenciement.
6. Pour prononcer la nullité du licenciement, l'arrêt retient que l'engagement de la procédure de licenciement pour faute grave trouve son origine dans la dénonciation par la salariée de faits de harcèlement sexuel, laquelle a manifestement pesé sur la décision de l'employeur, et que ce dernier n'établit pas que cette dénonciation a été faite de mauvaise foi.
7. En se déterminant ainsi, alors qu'elle avait constaté que la lettre de licenciement ne fait pas mention d'une dénonciation de faits de harcèlement sexuel, sans rechercher si les motifs énoncés par la lettre de licenciement pour caractériser la faute grave étaient établis par l'employeur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 11 mai 2022, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Douai ;
Condamne Mme [M] aux dépens ;
En application de l'
article 700 du code de procédure civile🏛, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit octobre deux mille vingt-trois.