Jurisprudence : CA Paris, 6, 12, 15-09-2023, n° 19/08392, Confirmation


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS


COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 12


ARRÊT DU 15 septembre 2023


(n° , 2 pages)


Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 19/08392 et 19/08599 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CANFT


Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 12 juillet 2019 par le Tribunal de Grande Instance de BOBIGNY RG n° 19/01139



APPELANTE

URSSAF ILE DE FRANCE

Division des recours amiables et judiciaires

TSA 80028

[Localité 2]

représentée par Mme [U] [T] en vertu d'un pouvoir général


INTIMÉE

SAS [5]

[Adresse 4]

[Localité 1]

représentée par Me Martin PERRINEL, avocat au barreau des HAUTS-DE-SEINE, toque : 1701



COMPOSITION DE LA COUR :


L'affaire a été débattue le 1er juin 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Raoul CARBONARO, Président de chambre

Monsieur Gilles REVELLES, Conseiller

Madame Natacha PINOY, Conseillère


qui en ont délibéré.


Greffier : Madame Aa Aa, lors des débats


ARRÊT :


- CONTRADICTOIRE

- prononcé

par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile🏛.

- signé par Monsieur Raoul CARBONARO, Président de chambre, et Madame Claire BECCAVIN, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.


La cour statue sur l'appel interjeté par l'Urssaf Ile de France (l'Urssaf) et par la société [5] (la société) à l'encontre d'un jugement rendu le 12 juillet 2019 par le tribunal de grande instance de Bobigny dans un litige les opposant.



FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES


Les circonstances de la cause ayant été correctement rapportées par le tribunal dans son jugement au contenu duquel la cour entend se référer pour un plus ample exposé, il suffit de rappeler que la société a fait l'objet d'un contrôle de l'Urssaf relatif à l'application des législations de sécurité sociale, de l'assurance chômage et de la garantie des salaires "AGS" sur la période du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2009.


A la suite de ce contrôle l'Urssaf a adressé à la société une lettre faisant état de plusieurs chefs de redressement, le 11 octobre 2010, puis une mise en demeure pour un montant de 138.043 euros (soit 124.157 euros à titre de rappel de cotisations et contributions chiffrées par l'inspecteur + 13.886 euros de majorations de retard), le 23 décembre 2010.


Par courrier du 10 novembre 2010, la société a contesté auprès de l'Urssaf les chefs n°1 : Réductions Fillon au 1er octobre 2007 : règles générales, n°3 : Cotisations : rupture conventionnelle du contrat de travail, n°4 : Pénalité pour absence de déclaration lors de départ de salariés âgés.


Par courrier du 26 janvier 2011, la société a saisi la commission de recours amiable contestant le redressement effectué, se prévalant d'un crédit au titre des allégements Fillon supérieur au montant des redressements opérés lors du contrôle, sollicitant l'annulation de la mise en demeure.


Le 26 janvier 2011, la société s'est acquittée, à titre conservatoire, de la somme de 138.043 euros réclamée au terme de la mise en demeure critiquée du 23 décembre 2010.


Le 1er mars 2011, l'Urssaf a adressé à la société une mise en demeure correspondant aux majorations de retard calculées sur les années 2008 et 2009 pour la somme de 482 euros ; le 31 mars 2011, la société s'est acquittée à titre conservatoire de cette somme.


Par décision du 12 novembre 2012, la commission de recours amiable a rejeté la requête de la société au motif que :

- elle n'apportait aucun élément permettant de justifier l'indu dont elle se prévalait au titre de la réduction Fillon,

- en l'absence de justificatif sur la situation de M. [Ab], le redressement avait lieu d'être maintenu quant à l'indemnisation de rupture de son contrat de travail,

- elle n'apportait aucun élément permettant d'établir qu'elle avait rempli l'obligation déclarative et que dés lors le redressement opéré avait lieu d'être maintenu concernant la pénalité due au titre du départ de M. [Ab] en 2009.


Aux fins de contester ce rejet, par requête du 18 janvier 2013, la société a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny lequel, par jugement du 14 janvier 2016, a dit que cette requête était frappée d'une nullité de fond au motif qu'elle avait été introduite par une personne ne justifiant pas du pouvoir d'ester en justice au nom de la société.



Par un arrêt en date du 11 janvier 2019, la présente cour a confirmé ce jugement.


Par requête du 8 mars 2019, la société a saisi le tribunal de grande instance de Bobigny afin d'obtenir l'annulation des mises en demeure, de la décision de la commission de recours amiable, des redressements et des opérations de contrôle s'y rapportant, ainsi que la condamnation de l'Urssaf à lui rembourser la somme de 138.525 euros versée à titre conservatoire et la somme de 22.673,07 euros au titre des cotisations indûment versées au regard de la législation relative à la réduction générale de cotisations sociales dite réduction Fillon pour la période courant du 1er janvier au 30 septembre 2007, avec intérêts au taux légal à compter de la saisine de la commission de recours amiable du 20 janvier 2011.


Le tribunal de grande instance de Bobigny par jugement du 12 juillet 2019 a :

- Dit que lors de l'introduction de la requête devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny, le 18 janvier 2013, le délai de prescription de l'article L. 243-6 du code de la sécurité sociale🏛 avait expiré ;

- Fait droit en conséquence à la fin de non recevoir de l'Urssaf tirée de la prescription de la demande de remboursement de cotisations sociales formulée par la société ;

- Déclaré la demande de remboursement de cotisations sociales acquittées du 1er janvier 2007 au 30 septembre 2007 pour un montant de 22.673,07 euros par la société irrecevable car prescrite ;

- Dit que l'introduction de la requête devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny le 18 janvier 2013 par la société aux fins d'annulation du redressement notifié par lettre d'observations du 11 octobre 2010 a interrompu le délai de forclusion de l'article R. 142-18 du code de la sécurité sociale🏛 ;

- Rejeté en conséquence la fin de non recevoir soulevée par l'Urssaf au motif de la forclusion du recours de la société formée aux fins d'annulation du redressement notifié par lettre d'observations du 11 octobre 2010 ;

- Déclaré le recours introduit le 8 mars 2019 par la société aux fins d'annulation du redressement notifié par lettre d'observations du 11 octobre 2010 recevable ;

- Dit que l'Urssaf a manqué aux obligations de l'article R. 243-59 du code de la sécurité sociale🏛 ;

- Annulé en conséquence la lettre d'observation du 11 octobre 2010, la mise en demeure du 23 décembre 2010 et la mise en demeure du 1er mars 2011 adressée à la société par l'Urssaf ;

- Condamné l'Urssaf à rembourser à la société la somme de 138.525 euros assortie des intérêts calculés au taux légal à compter du 26 janvier 2011 pour la somme de 138.043 et à compter du 18 janvier 2013 pour le surplus ;

- Débouté l'Urssaf et la société de leurs demandes formulées au titre de l'article 700 du code de procédure civile🏛 ;

- Condamné l'Urssaf et la société aux dépens de l'instance à parts égales.


Pour statuer ainsi le tribunal a essentiellement retenu qu'au regard des dispositions de l'article 2241 du code civil🏛 la demande en justice du 18 janvier 2013 avait interrompu la prescription et que dès lors la société était recevable en son recours introduit le 8 mars 2019 ;

Que la demande de remboursement d'indu est soumise au délai de prescription de l'article L. 243-6 du code de la sécurité sociale qui prévoit que cette demande doit être introduite dans le délai de trois ans suivant la date à laquelle les cotisations indues ont été versées ; que le point de départ de la prescription est donc situé à la date à laquelle les cotisations faisant l'objet de la demande en remboursement ont été effectivement payées ; qu'en conséquence, en l'espèce, toute demande de remboursement des cotisations acquittées dont la société prétend qu'elles étaient pour partie consécutives d'un indu était prescrite à l'introduction de son recours contentieux le 18 janvier 2013, la société ne justifiant d'aucune demande de remboursement préalable auprès de l'Urssaf ; que l'Urssaf ne justifie pas de l'envoi de l'avis de contrôle prévu par l'article R. 243-59 du code de la sécurité sociale préalable aux opérations de contrôle ; que cette défaillance de l'Urssaf entraîne la nullité du contrôle, de la lettre d'observations et de la mise en demeure ainsi que par voie de conséquence le remboursement à la société des sommes réglées par cette dernière au titre de la mise en demeure, ce avec intérêts au taux légal à compter du 26 janvier 2011 date du versement pour 138.043 euros et à compter de la date de l'introduction du recours devant le tribunal des affaires de sécurité sociale soit le 18 janvier 2013 pour le surplus.


L'Urssaf a interjeté appel de ce jugement le 1er août 2019, l'affaire a été enregistrée sous le n° de RG 19/08392.


La société a interjeté appel de ce jugement le 9 août 2019, l'affaire a été enregistrée sous le n° RG : 19/08599.


Dans des écritures reprises et complétées oralement à l'audience par sa représentante, l'Urssaf demande à la cour de :

- La déclarer recevable en son appel ;

- Infirmer le jugement en ce qu'il a déclaré la société recevable en son recours aux fins d'annulation du redressement notifié par lettre d'observations du 11 octobre 2010 ;

Statuant à nouveau :

- Dire et juger la société irrecevable en son recours enregistré le 8 mars 2019, compte tenu de la prescription de l'action ;

A titre subsidiaire si la cour estimait le recours recevable :

- Valider la procédure de contrôle et les redressements opérés au titre du départ de M. [Ab] et en conséquence infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamnée au remboursement de la somme de 138.525 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 26 janvier 2011 pour la somme de 138.043 euros et à compter du 18 janvier 2013 pour le surplus ;

- Confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande de remboursement de la société au titre de la réduction Fillon pour un montant de 22.673,07 euros ;

En tout état de cause,

- Condamner la société à lui payer la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 code de procédure civile.


Par conclusions écrites soutenues et complétées oralement à l'audience par son avocat, la société demande à la cour de :

- Déclarer l'Urssaf irrecevable en son appel ;

- Infirmer le jugement en ce qu'il a :

* Dit que lors de l'introduction de la requête devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny, le 18 janvier 2013, le délai de prescription de l'article L. 243-6 du code de la sécurité sociale avait expiré ;

* Fait droit en conséquence à la fin de non-recevoir de l'Urssaf tirée de la prescription de la demande de remboursement de cotisations sociales qu'elle avait formée ;

* Déclaré irrecevable car prescrite sa demande de remboursement de cotisations sociales acquittées du 1er janvier 2007 au 30 septembre 2007 pour un montant de 22.673,07 euros ;

* l'a déboutée de ses demandes formulées au titre de l'article 700 du code de procédure civile

* l'a condamnée avec l'Urssaf aux dépens de l'instance à parts égales.

- Confirmer le jugement en l'ensemble de ses autres dispositions ;

Statuant à nouveau dans la limite des chefs infirmés et y ajoutant:

- Condamner l'Urssaf à lui verser la somme de 22.673,07 euros au titre des cotisations indûment payées au cours de l'année 2007, avec intérêts au taux légal à compter du 21 janvier 2011 ;

- Condamner l'Urssaf à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens ;

- Débouter l'Urssaf de l'ensemble de ses demandes.


En application du deuxième alinéa de l'article 446-2 et de l'article 455 du code procédure civile🏛, il est renvoyé aux conclusions des parties déposées le 1er juin 2023 pour l'exposé des moyens développés et soutenus à l'audience.



SUR CE, LA COUR


Sur la recevabilité des demandes formées par l'Urssaf en cause d'appel


L'article 32 du code de procédure civile🏛 dispose qu'est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d'agir.


La société soutient qu'en vertu des dispositions de l' article 32 du code de procédure civile, l'Urssaf [Localité 3] étant dépourvue du droit de former appel d'un jugement rendu dans un litige l'opposant à l'Urssaf d'Ile de France.


Toutefois l'appel a bien été formé par [H] [F] directeur juridique de l'Urssaf d'Ile de France, par courrier posté le 1er août 2019 et parvenu le 2 août 2019 au greffe social de la cour.


C'est dans sa lettre du 27 août 2019 que le greffe avisant la société de l'appel interjeté par l'Urssaf Ile de France a indiqué par erreur que cet appel avait été formé par l'Urssaf [Localité 3].


La société sera donc déboutée de sa demande tendant à voir retenir le défaut de droit d'agir de l'appelante.


Sur la recevabilité du recours introduit par la société le 8 mars 2019


Aux termes de l'article 2241 du code civil, la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion. Il en est de même lorsqu'elle est portée devant une juridiction incompétente ou lorsque l'acte de saisine de la juridiction est annulé par l'effet d'un vice de procédure.


Selon l'article 2242 du code civil🏛, l'interruption résultant de la demande en justice produit ses effets jusqu'à l'extinction de l'instance.


L'article 2231 du code civil🏛 dispose que l'interruption efface le délai de prescription acquis. Elle fait courir un nouveau délai de même durée que l'ancien.


En vertu des dispositions de l'article 2243 du code civil🏛 l'interruption est non avenue si le demandeur se désiste de sa demande ou laisse périmer l'instance, ou si sa demande est définitivement rejetée.


L'Urssaf soutient que le recours introduit le 8 mars 2019 par la société est irrecevable en raison de la forclusion, le délai pour saisir le tribunal d'une contestation contre la décision de rejet de la commission de recours amiable du 12 novembre 2012 notifiée le 20 novembre 2012 ayant expiré le 20 janvier 2013.


Elle soutient que l'interruption du délai de prescription de l'article 2241 du code civil née de la demande en justice du 18 janvier 2013 est non avenue au regard des dispositions de l'article 2243 du code civil.


La société réplique qu'elle disposait d'un délai courant jusqu'au 11 mars 2019 pour former un nouveau recours, l'acte introductif d'instance du 18 janvier 2013 annulé en raison d'une irrégularité de fond ayant interrompu la prescription jusqu'au prononcé de l'arrêt du 11 janvier 2019 à compter duquel un nouveau délai de prescription de deux mois a commencé à courir en application des dispositions de l'article 2231 du code civil.


Il résulte des dispositions de l'article 2241 du code civil que la demande en justice interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion même si l'acte de saisine de la juridiction est annulé par l'effet d'un vice de procédure.


En l'espèce le défaut de pouvoir est une irrégularité de fond au sens de l'article 117 du code de procédure civile🏛 et faute pour la société d'avoir pu démontrer que M. [Ac] avait bien le pouvoir de saisir le tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny le 18 janvier 2013 au nom de la société, les premiers juges ont décidé le 14 janvier 2016 que la requête était frappée d'une nullité de fond ce que la cour d'appel a confirmé dans son arrêt du 11 janvier 2019.


L'irrégularité de fond au sens de l'article 117 du code de procédure civile peut être régularisée jusqu'à ce que le juge statue, y compris en cause d'appel en application de l'article 121 du code de procédure civile🏛 ; l'acte de saisine du 18 janvier 2013 annulé par l'effet d'un vice de procédure, vice de fond, au sens de l'article 117 du code de procédure civile, a donc bien interrompu la prescription.


L'Urssaf soutient que l'article 2243 du code civil trouve à s'appliquer dés lors que l'interruption née de la demande en justice est non avenue, la demande de la société ayant été définitivement rejetée par jugement du 14 janvier 2016 confirmé par arrêt en date du 11 janvier 2019 devenu définitif faute de pourvoi.


Toutefois, comme le souligne la société en réponse, le tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny et la cour d'appel de Paris n'ayant été amenés à se prononcer que sur la régularité de l'acte introductif d'instance du 18 janvier 2013 et n'ayant pas jugé le fond du litige aucune fin de non recevoir ne peut lui être opposée dans le cadre de la présente instance.


En effet les juridictions saisies successivement n'ont statué que sur la nullité de l'acte introductif d'instance du 18 janvier 2013 de sorte qu'il n'a pas été définitivement statué sur la demande d'annulation du redressement formulée par la société dans sa requête du 18 janvier 2013.


Les demandes présentées initialement par la société le 18 janvier 2013 n'ayant pas été examinées, l'interruption de prescription née de la première saisine de la juridiction de sécurité sociale a perduré dans ses effets nonobstant le jugement et l'arrêt rendus les 14 janvier 2016 et 11 janvier 2019.


Faute de demande définitivement rejetée, l'article 2243 du code civil ne trouve pas à s'appliquer en conséquence de quoi au regard des dispositions de l'article 2241 du code civil, la demande en justice du 18 janvier 2013 a bien interrompu la prescription et dés lors aucune prescription ni forclusion ne peut être opposée à la société concernant son action introduite par acte du 8 mars 2019.


En outre la contestation au fond n'ayant pas d'ores et déjà été soumise à l'appréciation du juge ne peut se voir opposer une fin de non recevoir sur le fondement de la chose jugée.


L'Urssaf soutient enfin que la société ne pouvait pas saisir une nouvelle fois le tribunal avant l'expiration des voies de recours ouvertes à l'encontre de l'arrêt du 11 janvier 2019.


Il convient toutefois de rappeler que par cet arrêt la cour d'appel a confirmé le jugement ayant retenu que faute pour la société de démontrer que M. [Ac] avait bien le pouvoir de saisir le tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny en son nom, sa requête initiale datée du 18 janvier 2013 était frappée d'une nullité de fond.


La nouvelle saisine du tribunal vaut acquiescement à l'arrêt pour la requérante. En outre, aucune disposition légale ne lui interdit d'introduire une nouvelle action, l'Urssaf ne pouvant alors opposer, en cas de poursuite de l'instance initiale, que la litispendance et, en cas de nouvelle décision, l'autorité de la chose jugée qui y aurait été attachée.


Le jugement sera dés lors confirmé en ce qu'il a déclaré recevable le recours introduit le 8 mars 2019 par la société.


Sur la prescription de la demande de remboursement d'indu


La réduction générale des cotisations prévues à l'article L.241-13 du code de la sécurité sociale🏛 est un dispositif de réduction dégressive des cotisations patronales de sécurité sociale. Le montant de la réduction est calculée chaque année civile, pour chaque salarié, et pour chaque contrat de travail. Le paragraphe V de cet article prévoit que : « les modalités selon lesquelles les cotisations dues au titre des rémunérations versées au cours d'un mois civil tiennent compte de cette réduction ainsi que les modalités de régularisation du différentiel éventuel entre la somme des montants de la réduction appliquée au cours de l'année et le montant calculé pour l'année sont précisées par décret. ». La réduction est donc calculée mensuellement ou trimestriellement par anticipation par l'employeur recouvrées par l'organisme de sécurité sociale, outre une régularisation annuelle le dernier mois ou le trimestre de l'année civile en cours ou le dernier mois ou trimestre d'emploi en cas de cessation d'emploi, conformément aux articles D. 241-7 et suivants du code de la sécurité sociale🏛.


L'article L. 243-6 du code de la sécurité sociale dispose que la demande de remboursement de cotisations et contributions sociales indûment versées se prescrit par trois ans à compter de la date à laquelle lesdites cotisations ont été acquittées, nonobstant le fait qu'elles fassent l'objet d'une régularisation en fin de trimestre ou d'année civile.


Une demande en paiement peut valoir sommation de payer ou interpellation suffisante au sens de l'article 1153 du code civil🏛 dès lors que le montant de la créance est déterminable par application de la loi ou du contrat. Le caractère déterminable de la créance se déduit de l'exposé dans la lettre portant demande de remboursement de l'ensemble des éléments permettant de déterminer le montant de l'indu et de la production des pièces essentielles justifiant sa position, telles qu'un accord de réduction du temps de travail, les conventions collectives applicables, des exemples de bulletins de paie ainsi que la liste des établissements concernés par la demande (2e Civ., 28 mai 2014, pourvoi n° 13-17.758⚖️).


Au cas particulier, les parties s'opposent sur le caractère interruptif du délai de prescription de l'article L. 243-6 du code de la sécurité sociale du courrier du 10 novembre 2010 adressé par la cotisante à l'Urssaf, concernant la demande de remboursement portant sur les années 2007, 2008, 2009 , à titre principal, voire du courrier adressé le 26 janvier 2011 par la cotisante à la commission de recours amiable concernant la demande de remboursement portant sur les années 2008 et 2009, à titre subsidiaire.


La cotisante a en effet adressé le 10 novembre 2010 à l'Urssaf un courrier contenant une analyse générale du dispositif des allégements Fillon avec l'évocation de dispositions permettant de valoriser en heures de travail diverses indemnités, de neutraliser certains éléments de la rémunération et des erreurs de paramétrage du logiciel de paie en cas de suspension du contrat de travail.


Aux termes de ce courrier la société invite l'Urssaf à renoncer au redressement relatif au calcul de la réduction Fillon.


Elle précise :

Point 1 : Réduction Fillon au 1er octobre 2007 : règles générales :

1- Sur le nombre d'heures rémunérées à retenir pour le calcul du coefficient depuis le 1er janvier 2006 :

" Notre société a omis de comptabiliser l'ensemble des éléments pouvant être transformés en heures payées :

- Indemnités compensatrices de congés payés ;

- Indemnités repos compensateur ;

- Indemnités de préavis non effectué ;

- Indemnité RTT.

Dans le cadre du contrôle que vous avez effectué, cette formule s'applique ainsi sur la période du 1er janvier 2007 au 30 septembre 2007."

2- Sur les allégements Fillon à compter du 1er octobre 2007 :

" - Le Smic proraté en cas de suspension du contrat de travail était erroné sur l'ensemble de nos payes ;

- N'ont pas été neutralisées, dans le salaire brut, les rémunérations afférentes aux temps d'habillage et de déshabillage versées en application de notre convention collective, ce également sur l'ensemble de nos payes."


L'Urssaf a répondu à ce courrier en indiquant à la société qu'en l'absence d'éléments probants elle ne pouvait pas donner suite à sa demande tendant à l'abandon du redressement relatif au calcul de la réduction Fillon.


Dans son courrier du 26 janvier 2011 adressé à la commission de recours amiable qui reprend les termes de celui du 10 novembre 2010 adressé à l'Urssaf, la société ajoute :

" Le montant du redressement que vous avez établi sur les allégement Fillon est inférieur au montant du crédit que nous avons calculé sur les 2 périodes de calcul des allégement Fillon. Compte tenu de la densité d'informations requises pour pouvoir justifier les calculs venant en révision des allégements Fillon que vous avez calculé , nous vous communiquerons sous format de tableau excel l'intégralité de nos calculs reprenant les éléments portés au crédit."


La commission de recours amiable a rejeté la requête de la société au motif que cette dernière n'apportait aucun élément permettant de justifier l'indu dont elle se prévalait que ce soit sur la période du 1er janvier 2007 au 30 septembre 2007 ou sur la période du 1er octobre 2007 au 31 décembre 2009.


L'appelante soutient que son courrier du 10 novembre 2010 voire celui du 26 janvier 2011, en l'absence d'éléments chiffrés ou de pièces jointes, s'ils ne permettaient pas à l'Urssaf de faire droit immédiatement à sa demande de remboursement étaient suffisamment précis pour permettre à l'Urssaf d'examiner cette demande avec son concours et étaient donc suffisants pour interrompre la prescription.


Toutefois, au vu des courriers des 10 novembre 2010 et 26 janvier 2011 ne comportant pas de demande chiffrée ou chiffrable mais seulement une analyse générale du dispositif des allégements Fillon et auxquels aucune pièce justifiant des erreurs alléguées n'était jointe, l'Urssaf n'était pas en mesure de déterminer le montant de l'indu que la cotisante entendait lui réclamer ni même de l'évaluer partiellement faute d'indications suffisantes.


Si dans sa lettre du 26 janvier 2011 la société annonce l'envoi d'un tableau excel reprenant l'ensemble de ses calculs, elle ne justifie pas l'envoi postérieur de ce tableau .


Dans ces courriers la société conteste les chefs de redressement mais ne présente aucune demande de crédit ou de remboursement chiffrée ou chiffrable.


En conséquence la société ne peut valablement soutenir que les courriers des 10 novembre 2010 et 26 janvier 2011 constituent une interpellation suffisante susceptible d'interrompre le délai de prescription prévu à l'article L.243-6 du code de la sécurité sociale.


Dès lors seule la lettre du 18 janvier 2013, par laquelle la société saisissait le tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny d'une demande en remboursement de cotisations sociales pour la somme de 22.673,07 euros, constituait une interpellation suffisante de nature à mettre en demeure l'Urssaf de rembourser des cotisations trop payées.


Or cette lettre a été adressée au tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny postérieurement à l'expiration du délai de prescription, la demande portant sur les cotisations des années 2007 et seules les cotisations réglées dans les trois ans de la demande pouvant faire l'objet d'un remboursement.


Dès lors, la demande de la cotisante tendant au remboursement d'un trop-perçu de cotisations sociales était prescrite en vertu des dispositions de l'article L. 243-6 du code de la sécurité sociale.


Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a déclaré la demande de remboursement de cotisations sociales acquittées du 1er janvier 2007 au 30 septembre 2007 pour un montant de 22.673,07 euros formée par la société irrecevable car prescrite.


Sur la validité des opérations de contrôle


L'article R. 243-59 alinéa 1er du code de la sécurité sociale, dans sa version issue du décret n°2007-546 du 11 avril 2007🏛 applicable lors de la procédure de contrôle dispose que tout contrôle effectué en application de l'article L. 243-7 est précédé de l'envoi par l'organisme chargé du recouvrement des cotisations d'un avis adressé à l'employeur ou au travailleur indépendant par lettre recommandée avec accusé de réception, sauf dans le cas où le contrôle est effectué pour rechercher des infractions aux interdictions mentionnées à l'article L. 324-9 du code du travail🏛.


Cet avis mentionne qu'un document présentant au cotisant la procédure de contrôle et les droits dont il dispose pendant son déroulement et à son issue, tels qu'ils sont définis par le présent code, lui sera remis dès le début du contrôle et précise l'adresse électronique où ce document est consultable. Lorsque l'avis concerne un contrôle mentionné à l'article R. 243-59-3, il précise l'adresse électronique où ce document est consultable et indique qu'il est adressé au cotisant sur sa demande, le modèle de ce document, intitulé "Charte du cotisant contrôlé", est fixé par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale.


L'inobservation de la formalité de l'avis préalable prévue par l'article R. 243-59, alinéa 1er du code de la sécurité sociale entraîne la nullité du contrôle et du redressement subséquent sans que soit exigée la preuve d'un préjudice.


En l'espèce, la société soutient que l'Urssaf ne lui a pas adressé d'avis de passage avant le début des opérations de contrôle.


L'Urssaf ne produit aucun avis de contrôle.


Par suite, il convient de retenir que le principe du contradictoire n'a pas été respecté à l'égard de la société et que le contrôle, le redressement subséquent et la mise en demeure doivent donc être annulés, le jugement déféré devant être confirmé sur ce point.


Sur la demande de remboursement des sommes réglées à titre conservatoire


Il n'est pas contesté que saisissant parallèlement la commission de recours amiable afin d'obtenir l'annulation du redressement opéré, le 26 janvier 2011, à la suite de la mise en demeure que lui avait notifiée l'Urssaf le 23 décembre 2010, la société s'est acquittée à titre conservatoire de la somme de 138.043 euros et que suite à la mise en demeure que lui avait notifiée l'Urssaf le 1er mars 2011, la société a payé à titre conservatoire la somme de 482 euros.


Le contrôle et le redressement subséquent devant être annulés, l'Urssaf n'ayant pas respecté le principe du contradictoire à l'égard de la société, il convient de faire droit à la demande de la société en remboursement des sommes versées au titre de ce redressement annulé.


Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a condamné l'Urssaf à rembourser à la société la somme de 138.525 euros assortie des intérêts calculés au taux légal à compter du 26 janvier 2011 sur la somme de 138.043 euros et à compter du 18 janvier 2013 sur le surplus.


Sur l'article 700 du code de procédure civile


Au regard des circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu à condamnation au titre des frais irrépétibles.


Sur les dépens d'appel


Les dépens seront laissés à la charge de chacune des parties.



PAR CES MOTIFS


LA COUR,


DÉCLARE recevables mais mal fondés les appels interjetés par l'Urssaf Ile de France et par la société [5] à l'encontre du jugement rendu le 12 juillet 2019 par le tribunal de grande instance de Bobigny ;


CONFIRME le jugement rendu le 12 juillet 2019 par le tribunal de grande instance de Bobigny ;


Y ajoutant,


DÉBOUTE les parties de leurs demandes ;


CONDAMNE l'Urssaf Ile de France et la société [5] à supporter chacune la charge de ses propres dépens d'appel.


La greffière Le président

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