Cour de justice des Communautés européennes
28 octobre 1975
Affaire n°C-36/75
Roland Rutili
c/
Ministre de l'intérieur
Recueil de Jurisprudence 1975 page 1219
Edition spéciale grecque 1975 page 0367
Edition spéciale portugaise 1975 page 0415
Edition spéciale espagnole 1975 page 0317
Edition spéciale suédoise 1975 page 0485
Edition spéciale finnoise 1975 page 0485
1. TRAVAILLEURS - LIBRE CIRCULATION - LIMITATIONS - ORDRE PUBLIC NATIONAL - PORTEE - DISPOSITIONS NATIONALES - DECISIONS INDIVIDUELLES
(TRAITE CEE, ART. 48)
2. TRAVAILLEURS - LIBRE CIRCULATION - EGALITE DE TRAITEMENT - PRINCIPES FONDAMENTAUX - DEROGATIONS - ORDRE PUBLIC NATIONAL - NOTION - INTERPRETATION STRICTE
(TRAITE CEE, ART. 7 ET 48)
3. TRAVAILLEURS - LIBRE CIRCULATION - RESSORTISSANTS DES ETATS MEMBRES - DROITS - RESTRICTIONS - ORDRE PUBLIC NATIONAL - MENACE - REALITE - GRAVITE
(TRAITE CEE, ART. 48)
4. TRAVAILLEURS - LIBRE CIRCULATION - LIMITATIONS - ORDRE PUBLIC NATIONAL - ETATS MEMBRES - POUVOIRS - LIMITES - RESSORTISSANTS DES ETATS MEMBRES - DROITS - GARANTIES - REGLES DE DROIT MATERIEL - COMPORTEMENT INDIVIDUEL - EXERCICE DES DROITS SYNDICAUX - DISPOSITIONS PROCEDURALES - NOTIFICATION - MOTIVATION - VOIES DE RECOURS
(TRAITE CEE, ART. 48)
5. TRAVAILLEURS - LIBRE CIRCULATION - DROIT DE SEJOUR - INTERDICTION - LIMITATION A UNE PARTIE DU TERRITOIRE - EGALITE DE TRAITEMENT
(TRAITE CEE, ART. 7 ET 48)
1. L'EXPRESSION " SOUS RESERVE DES LIMITATIONS JUSTIFIEES PAR DES RAISONS D'ORDRE PUBLIC " DANS L'ARTICLE 48 CONCERNE NON SEULEMENT LES DISPOSITIONS LEGALES ET REGLEMENTAIRES QUE CHAQUE ETAT MEMBRE A PRISES POUR LIMITER, SUR SON TERRITOIRE, LA LIBRE CIRCULATION ET LE SEJOUR DES RESSORTISSANTS DES AUTRES ETATS MEMBRES, MAIS AUSSI LES DECISIONS INDIVIDUELLES PRISES EN APPLICATION DE TELLES DISPOSITIONS LEGALES OU REGLEMENTAIRES.
2. DANS LE CONTEXTE COMMUNAUTAIRE ET, NOTAMMENT, EN TANT QUE JUSTIFICATION D'UNE DEROGATION AUX PRINCIPES FONDAMENTAUX DE L'EGALITE DE TRAITEMENT ET DE LA LIBERTE DE CIRCULATION DES TRAVAILLEURS, LA NOTION D'ORDRE PUBLIC DOIT ETRE ENTENDUE STRICTEMENT, DE SORTE QUE SA PORTEE NE SAURAIT ETRE DETERMINEE UNILATERALEMENT PAR CHACUN DES ETATS MEMBRES SANS CONTROLE DES INSTITUTIONS DE LA COMMUNAUTE.
3. DES RESTRICTIONS NE SAURAIENT ETRE APPORTEES AUX DROITS DES RESSORTISSANTS DES ETATS MEMBRES D'ENTRER SUR LE TERRITOIRE D'UN AUTRE ETAT MEMBRE, D'Y SEJOURNER ET DE S'Y DEPLACER QUE SI LEUR PRESENCE OU LEUR COMPORTEMENT CONSTITUE UNE MENACE REELLE ET SUFFISAMMENT GRAVE POUR L'ORDRE PUBLIC.
4. LA JUSTIFICATION DE MESURES DESTINEES A SAUVEGARDER L'ORDRE PUBLIC DOIT ETRE APPRECIEE AU REGARD DE TOUTES REGLES DE DROIT COMMUNAUTAIRE AYANT POUR OBJET, D'UNE PART, DE LIMITER L'APPRECIATION DISCRETIONNAIRE DES ETATS MEMBRES EN LA MATIERE ET, D'AUTRE PART, DE GARANTIR LA DEFENSE DES DROITS DES PERSONNES SOUMISES, DE CE CHEF, A DES MESURES RESTRICTIVES.
DE TELLES LIMITES ET GARANTIES RESULTENT NOTAMMENT DE L'OBLIGATION, IMPOSEE AUX ETATS MEMBRES, DE FONDER EXCLUSIVEMENT LES MESURES PRISES SUR LE COMPORTEMENT INDIVIDUEL DES PERSONNES QUI EN FONT L'OBJET, DE S'ABSTENIR DE TOUTES MESURES QUI SERAIENT UTILISEES A DES FINS ETRANGERES AUX BESOINS DE L'ORDRE PUBLIC OU PORTERAIENT ATTEINTE A L'EXERCICE DES DROITS SYNDICAUX, DE COMMUNIQUER SANS DELAI, A TOUTE PERSONNE FRAPPEE DE MESURES RESTRICTIVES - ET SOUS RESERVE DU CAS OU DES MOTIFS INTERESSANT LA SURETE DE L'ETAT S'Y OPPOSERAIENT -, LES RAISONS QUI SONT A LA BASE DE LA DECISION PRISE, ENFIN, D'ASSURER L'EXERCICE EFFECTIF DES VOIES DE RECOURS.
5. DES MESURES RESTRICTIVES DU DROIT DE SEJOUR LIMITEES A UNE PARTIE DU TERRITOIRE NATIONAL NE PEUVENT ETRE PRONONCEES, PAR UN ETAT MEMBRE, A L'EGARD DE RESSORTISSANTS D'AUTRES ETATS MEMBRES RELEVANT DES DISPOSITIONS DU TRAITE QUE DANS LES CAS ET CONDITIONS DANS LESQUELS DE TELLES MESURES PEUVENT ETRE APPLIQUEES AUX NATIONAUX DE L'ETAT EN CAUSE.
dans l'affaire 36/75
AYANT POUR OBJET LA DEMANDE ADRESSEE A LA COUR, EN APPLICATION DE L'ARTICLE 177 DU TRAITE CEE, PAR LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE PARIS ET TENDANT A OBTENIR, DANS LE LITIGE PENDANT DEVANT CETTE JURIDICTION ENTRE
ROLAND RUTILI, DEMEURANT A GENNEVILLIERS,
ET
MINISTRE DE L'INTERIEUR,
UNE DECISION A TITRE PREJUDICIEL SUR L'INTERPRETATION DE L'ARTICLE 48 DU TRAITE CEE,
1 ATTENDU QUE, PAR JUGEMENT DU 16 DECEMBRE 1974, PARVENU AU GREFFE DE LA COUR LE 9 AVRIL 1975, LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE PARIS A POSE, EN VERTU DE L'ARTICLE 177 DU TRAITE CEE, DEUX QUESTIONS RELATIVES A L'INTERPRETATION DE LA RESERVE RELATIVE A L'ORDRE PUBLIC DANS L'ARTICLE 48 DU TRAITE CEE, COMPTE TENU DES MESURES PRISES POUR LA MISE EN OEUVRE DE CET ARTICLE, NOTAMMENT DU REGLEMENT N° 1612/68 ET DE LA DIRECTIVE N° 68/360 DU CONSEIL, DU 15 OCTOBRE 1968, CONCERNANT LA LIBRE CIRCULATION DES TRAVAILLEURS (JO N° L 257, P. 2 ET 13) ;
2 QUE CES QUESTIONS ONT ETE SOULEVEES DANS LE CADRE D'UN RECOURS INTRODUIT PAR UN RESSORTISSANT ITALIEN, DEMEURANT DANS LA REPUBLIQUE FRANCAISE, A L'ENCONTRE D'UNE DECISION ATTRIBUANT A L'INTERESSE UNE CARTE DE SEJOUR DE RESSORTISSANT D'UN ETAT MEMBRE DE LA CEE ASSORTIE D'UNE INTERDICTION DE SEJOUR DANS CERTAINS DEPARTEMENTS FRANCAIS ;
3 QU'IL RESSORT DU DOSSIER DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF ET DES DEBATS DEVANT LA COUR QUE LE REQUERANT AU PRINCIPAL A ETE, EN 1968, L'OBJET D'ABORD D'UN ARRETE D'EXPULSION, PUIS D'UN ARRETE D'ASSIGNATION A RESIDENCE DANS UN DEPARTEMENT DETERMINE ;
4 QUE, LE 23 OCTOBRE 1970, CETTE MESURE A ETE REMPLACEE PAR L'INTERDICTION DE SEJOUR DANS QUATRE DEPARTEMENTS, DONT LE DEPARTEMENT DANS LEQUEL L'INTERESSE AVAIT SON DOMICILE ET OU CONTINUE A RESIDER SA FAMILLE ;
5 QU'IL RESULTE EGALEMENT DU DOSSIER DE L'AFFAIRE ET DES INFORMATIONS FOURNIES A LA COUR QUE LES MOTIFS DES MESURES PRISES A L'ENCONTRE DU REQUERANT AU PRINCIPAL ONT ETE REVELES A L'INTERESSE, EN DES TERMES GENERIQUES, AU COURS DE LA PROCEDURE INTENTEE DEVANT LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF, C'EST-A-DIRE A UNE DATE POSTERIEURE A L'INTRODUCTION DU RECOURS, LE 16 DECEMBRE 1970 ;
6 QU'IL APPARAIT DES INDICATIONS DONNEES PAR LE MINISTERE DE L'INTERIEUR AU TRIBUNAL ADMINISTRATIF, CONTESTEES IL EST VRAI PAR LE REQUERANT AUCH PRINCIPAL, QU'IL EST FAIT GRIEF A L'INTERESSE D'ACTIVITES DE CARACTERE POLITIQUE ET SYNDICAL AU COURS DES ANNEES 1967 ET 1968 ET QUE LA PRESENCE DE CELUI-CI DANS LES DEPARTEMENTS VISES PAR LA DECISION EST CONSIDEREE POUR CETTE RAISON COMME ETANT " DE NATURE A TROUBLER L'ORDRE PUBLIC " ;
7 QU'EN VUE DE RESOUDRE LES QUESTIONS DE DROIT COMMUNAUTAIRE SOULEVEES DANS CE LITIGE AU REGARD DES PRINCIPES DE LIBRE CIRCULATION ET D'EGALITE DE TRAITEMENT DES TRAVAILLEURS DES ETATS MEMBRES, LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF A POSE A LA COUR DEUX QUESTIONS DESTINEES A PRECISER LA PORTEE DE LA RESERVE RELATIVE A L'ORDRE PUBLIC INSCRITE A L'ARTICLE 48 DU TRAITE ;
SUR LA PREMIERE QUESTION
8 ATTENDU QUE, PAR LA PREMIERE QUESTION, IL EST DEMANDE SI L'EXPRESSION " SOUS RESERVE DES LIMITATIONS JUSTIFIEES PAR DES RAISONS D'ORDRE PUBLIC " DANS L'ARTICLE 48 DU TRAITE CONCERNE LES SEULES DECISIONS REGLEMENTAIRES QUE CHAQUE ETAT MEMBRE A DECIDE DE PRENDRE POUR LIMITER, SUR SON TERRITOIRE, LA LIBRE CIRCULATION ET LE SEJOUR DES RESSORTISSANTS DES AUTRES ETATS MEMBRES, OU SI ELLE CONCERNE AUSSI LES DECISIONS INDIVIDUELLES PRISES EN APPLICATION DE TELLES DISPOSITIONS REGLEMENTAIRES ;
9 ATTENDU QU'AUX TERMES DE L'ARTICLE 48, PARAGRAPHE 1, LA LIBRE CIRCULATION DES TRAVAILLEURS EST ASSUREE A L'INTERIEUR DE LA COMMUNAUTE ;
10 QU'AUX TERMES DU PARAGRAPHE 2 DU MEME ARTICLE, ELLE IMPLIQUE L'ABOLITION DE TOUTE DISCRIMINATION, FONDEE SUR LA NATIONALITE, EN CE QUI CONCERNE L'EMPLOI, LA REMUNERATION ET LES AUTRES CONDITIONS DE TRAVAIL ;
11 QU'AUX TERMES DU PARAGRAPHE 3, ELLE COMPORTE LE DROIT, POUR LES TRAVAILLEURS, DE SE DEPLACER LIBREMENT SUR LE TERRITOIRE DES ETATS MEMBRES, D'Y SEJOURNER AFIN D'Y EXERCER UN EMPLOI ET D'Y DEMEURER APRES LA FIN DE CELUI-CI ;
12 QU'ENFIN, AUX TERMES DE L'ARTICLE 7 DU TRAITE, SOUS RESERVE DES DISPOSITIONS PARTICULIERES PREVUES PAR CE DERNIER EST INTERDITE, DE MANIERE GENERALE, DANS LE DOMAINE D'APPLICATION DU TRAITE, TOUTE DISCRIMINATION EXERCEE EN RAISON DE LA NATIONALITE ;
13 QUE, CEPENDANT, AUX TERMES DE L'ARTICLE 48, PARAGRAPHE 3, LA LIBRE CIRCULATION DES TRAVAILLEURS, NOTAMMENT LEUR LIBERTE DE SE DEPLACER SUR LE TERRITOIRE DES ETATS MEMBRES, EST SUSCEPTIBLE D'ETRE RESTREINTE PAR LES LIMITATIONS JUSTIFIEES PAR DES RAISONS D'ORDRE PUBLIC, DE SECURITE PUBLIQUE ET DE SANTE PUBLIQUE ;
14 QUE DIVERSES MESURES D'APPLICATION ONT ETE PRISES EN VUE DE LA MISE EN OEUVRE DES DISPOSITIONS CITEES, NOTAMMENT LE REGLEMENT N° 1612/68 ET LA DIRECTIVE N° 68/360 DU CONSEIL, RELATIFS A LA LIBRE CIRCULATION DES TRAVAILLEURS ;
15 QUE LA RESERVE RELATIVE A L'ORDRE PUBLIC A ETE SPECIFIEE PAR LA DIRECTIVE DU CONSEIL N° 64/221, DU 25 FEVRIER 1964, POUR LA COORDINATION DES MESURES SPECIALES AUX ETRANGERS EN MATIERE DE DEPLACEMENT ET DE SEJOUR JUSTIFIEES PAR DES RAISONS D'ORDRE PUBLIC, DE SECURITE PUBLIQUE ET DE SANTE PUBLIQUE (JO 1964, P. 850) ;
16 QUE TOUTES CES DISPOSITIONS ONT, SANS EXCEPTION, POUR EFFET D'IMPOSER DES OBLIGATIONS AUX ETATS MEMBRES ET QU'IL APPARTIENT DES LORS AUX JURIDICTIONS, DANS L'HYPOTHESE OU DES ACTES LEGISLATIFS OU REGLEMENTAIRES PRIS PAR UN ETAT MEMBRE EN VUE DE LIMITER, SUR SON TERRITOIRE, LA LIBRE CIRCULATION ET LE SEJOUR DES RESSORTISSANTS DES AUTRES ETATS MEMBRES SE REVELERAIENT NON CONFORMES A L'UNE DE CES OBLIGATIONS, DE FAIRE PREVALOIR, SUR LES DISPOSITIONS DU DROIT INTERNE, LES REGLES DU DROIT COMMUNAUTAIRE SUSCEPTIBLES D'ETRE INVOQUEES EN JUSTICE ;
17 QUE, DANS LA MESURE OU LES DISPOSITIONS DU TRAITE ET DU DROIT DERIVE ONT POUR OBJET DE REGLER LA SITUATION DE PARTICULIERS OU D'ASSURER LEUR PROTECTION, IL APPARTIENT ENCORE AUX JURIDICTIONS NATIONALES D'EXAMINER LA CONFORMITE DES DECISIONS INDIVIDUELLES AUX DISPOSITIONS PERTINENTES DU DROIT COMMUNAUTAIRE ;
18 QUE TEL EST LE CAS NON SEULEMENT DES REGLES DE NON-DISCRIMINATION ET DE LIBRE CIRCULATION CONSACREES PAR LES ARTICLES 7 ET 48 DU TRAITE ET LE REGLEMENT N° 1612/68, MAIS ENCORE DES DISPOSITIONS DE LA DIRECTIVE N° 64/221 DESTINEES TANT A DEFINIR LA PORTEE DE LA RESERVE RELATIVE A L'ORDRE PUBLIC QU'A ASSURER CERTAINES GARANTIES MINIMALES DE CARACTERE PROCEDURAL AUX PERSONNES FRAPPEES DE MESURES RESTRICTIVES DE LEUR LIBERTE DE CIRCULATION OU DE LEUR DROIT DE SEJOUR ;
19 QUE CETTE CONCLUSION SE DEGAGE TOUT AUTANT DU RESPECT DU AUX DROITS DES RESSORTISSANTS DES ETATS MEMBRES, CONFERES DIRECTEMENT PAR LE TRAITE ET LE REGLEMENT N° 1612/68, QUE DE LA DISPOSITION EXPRESSE DE L'ARTICLE 3 DE LA DIRECTIVE N° 64/221 AUX TERMES DUQUEL LES MESURES D'ORDRE PUBLIC OU DE SECURITE PUBLIQUE " DOIVENT ETRE FONDEES EXCLUSIVEMENT SUR LE COMPORTEMENT PERSONNEL DE L'INDIVIDU QUI EN FAIT L'OBJET " ;
20 QUE CETTE MANIERE DE VOIR S'IMPOSE D'AUTANT PLUS QUE LES LEGISLATIONS INTERNES RELATIVES A LA SAUVEGARDE DE L'ORDRE ET DE LA SECURITE PUBLICS RESERVENT GENERALEMENT, AUX AUTORITES NATIONALES, DES APPRECIATIONS QUI RISQUERAIENT D'ETRE SOUS-TRAITES A TOUT CONTROLE JURIDIQUE SI LE JUGE NE POUVAIT ETENDRE SON EXAMEN AUX DECISIONS INDIVIDUELLES PRISES DANS LE CADRE DE LA RESERVE FORMULEE PAR L'ARTICLE 48, PARAGRAPHE 3, DU TRAITE ;
21 QU'IL Y A DONC LIEU DE REPONDRE A LA QUESTION POSEE QUE L'EXPRESSION " SOUS RESERVE DES LIMITATIONS JUSTIFIEES PAR DES RAISONS D'ORDRE PUBLIC " DANS L'ARTICLE 48 CONCERNE NON SEULEMENT LES DISPOSITIONS LEGALES ET REGLEMENTAIRES QUE CHAQUE ETAT MEMBRE A PRISES POUR LIMITER, SUR SON TERRITOIRE, LA LIBRE CIRCULATION ET LE SEJOUR DES RESSORTISSANTS DES AUTRES ETATS MEMBRES, MAIS QU'ELLE CONCERNE AUSSI LES DECISIONS INDIVIDUELLES PRISES EN APPLICATION DE TELLES DISPOSITIONS LEGALES OU REGLEMENTAIRES ;
SUR LA DEUXIEME QUESTION
22 ATTENDU QUE, PAR LA DEUXIEME QUESTION, IL EST DEMANDE DE PRECISER LE SENS QU'IL CONVIENT D'ATTRIBUER DANS L'ARTICLE 48, PARAGRAPHE 3, DU TRAITE - " SOUS RESERVE DES LIMITATIONS JUSTIFIEES PAR DES RAISONS D'ORDRE PUBLIC " - AU MOT " JUSTIFIEES ",
23 ATTENDU QUE, DANS CETTE DISPOSITION, L'EXPRESSION " LIMITATIONS JUSTIFIEES " SIGNIFIE QUE NE SONT ADMISSIBLES, EN CE QUI CONCERNE NOTAMMENT LE DROIT DE SE DEPLACER LIBREMENT ET DE SEJOURNER DES RESSORTISSANTS DES ETATS MEMBRES, QUE LES LIMITATIONS CONFORMES AUX EXIGENCES DU DROIT, DONT CELLES QUI RELEVENT DU DROIT COMMUNAUTAIRE ;
24 QU'A CET EGARD, IL CONVIENT DE PRENDRE EN CONSIDERATION, D'UNE PART, LES REGLES DE DROIT MATERIEL, D'AUTRE PART, LES REGLES DE CARACTERE FORMEL OU PROCEDURAL QUI CONDITIONNENT L'EXERCICE, PAR LES ETATS MEMBRES, DES POUVOIRS RESERVES PAR L'ARTICLE 48, PARAGRAPHE 3, EN MATIERE D'ORDRE ET DE SECURITE PUBLICS ;
25 QU'AU SURPLUS, IL CONVIENT D'EXAMINER LES PROBLEMES PARTICULIERS POSES, AU REGARD DU DROIT COMMUNAUTAIRE, PAR LE CARACTERE DE LA MESURE DEFEREE AU TRIBUNAL ADMINISTRATIF EN CE QUE CELLE-CI CONSISTE DANS UNE INTERDICTION DE SEJOUR LIMITEE A UNE PARTIE DU TERRITOIRE NATIONAL ;
QUANT A LA JUSTIFICATION DES MESURES D'ORDRE PUBLIC AU POINT DE VUE DU DROIT MATERIEL
26 ATTENDU QUE, POUR L'ESSENTIEL, LES ETATS MEMBRES RESTENT LIBRES DE DETERMINER, EN VERTU DE LA RESERVE INSCRITE A L'ARTICLE 48, PARAGRAPHE 3, CONFORMEMENT A LEURS BESOINS NATIONAUX, LES EXIGENCES DE L'ORDRE PUBLIC ;
27 QUE CEPENDANT, DANS LE CONTEXTE COMMUNAUTAIRE ET, NOTAMMENT, EN TANT QUE JUSTIFICATION D'UNE DEROGATION AUX PRINCIPES FONDAMENTAUX DE L'EGALITE DE TRAITEMENT ET DE LA LIBERTE DE CIRCULATION DES TRAVAILLEURS, CETTE NOTION DOIT ETRE ENTENDUE STRICTEMENT, DE SORTE QUE SA PORTEE NE SAURAIT ETRE DETERMINEE UNILATERALEMENT PAR CHACUN DES ETATS MEMBRES SANS CONTROLE DES INSTITUTIONS DE LA COMMUNAUTE ;
28 QUE, DES LORS, DES RESTRICTIONS NE SAURAIENT ETRE APPORTEES AUX DROITS DES RESSORTISSANTS DES ETATS MEMBRES D'ENTRER SUR LE TERRITOIRE D'UN AUTRE ETAT MEMBRE, D'Y SEJOURNER ET DE S'Y DEPLACER QUE SI LEUR PRESENCE OU LEUR COMPORTEMENT CONSTITUE UNE MENACE REELLE ET SUFFISAMMENT GRAVE POUR L'ORDRE PUBLIC ;
29 QU'A CET EGARD, L'ARTICLE 3 DE LA DIRECTIVE N° 64/221 IMPOSE AUX ETATS MEMBRES L'OBLIGATION DE PORTER CETTE APPRECIATION AU REGARD DE LA SITUATION INDIVIDUELLE DE TOUTE PERSONNE PROTEGEE PAR LE DROIT COMMUNAUTAIRE ET NON SUR BASE D'APPRECIATIONS GLOBALES ;
30 QU'EN OUTRE, L'ARTICLE 2 DE LA MEME DIRECTIVE DISPOSE QUE LES RAISONS D'ORDRE PUBLIC NE SAURAIENT ETRE DETOURNEES DE LEUR FONCTION PROPRE PAR LE FAIT QU'ELLES SOIENT " INVOQUEES A DES FINS ECONOMIQUES " ;
31 QUE L'ARTICLE 8 DU REGLEMENT N° 1612/68, QUI GARANTIT L'EGALITE DE TRAITEMENT EN MATIERE D'AFFILIATION AUX ORGANISATIONS SYNDICALES ET D'EXERCICE DES DROITS SYNDICAUX, FAIT RECONNAITRE QUE LA RESERVE RELATIVE A L'ORDRE PUBLIC NE SAURAIT ETRE INVOQUEE, NON PLUS, POUR DES MOTIFS TENANT A L'EXERCICE DE CES DROITS ;
32 QUE, DANS LEUR ENSEMBLE, CES LIMITATIONS APPORTEES AUX POUVOIRS DES ETATS MEMBRES EN MATIERE DE POLICE DES ETRANGERS SE PRESENTENT COMME LA MANIFESTATION SPECIFIQUE D'UN PRINCIPE PLUS GENERAL CONSACRE PAR LES ARTICLES 8, 9, 10 ET 11 DE LA CONVENTION DE SAUVEGARDE DES DROITS DE L'HOMME ET DES LIBERTES FONDAMENTALES, SIGNEE A ROME LE 4 NOVEMBRE 1950, RATIFIEE PAR TOUS LES ETATS MEMBRES, ET DE L'ARTICLE 2 DU PROTOCOLE N° 4 A LA MEME CONVENTION, SIGNE A STRASBOURG LE 16 SEPTEMBRE 1963, QUI DISPOSENT EN DES TERMES IDENTIQUES QUE LES ATTEINTES PORTEES, EN VERTU DES BESOINS DE L'ORDRE ET DE LA SECURITE PUBLICS, AUX DROITS GARANTIS PAR LES ARTICLES CITES NE SAURAIENT DEPASSER LE CADRE DE CE QUI EST NECESSAIRE A LA SAUVEGARDE DE CES BESOINS " DANS UNE SOCIETE DEMOCRATIQUE " ;
QUANT A LA JUSTIFICATION DES MESURES D'ORDRE PUBLIC DU POINT DE VUE PROCEDURAL
33 ATTENDU QU'AUX TERMES DU TROISIEME CONSIDERANT DE SON PREAMBULE, LA DIRECTIVE N° 64/221 POURSUIT, ENTRE AUTRES, LE BUT D' " OUVRIR DANS CHAQUE ETAT MEMBRE, AUX RESSORTISSANTS DES AUTRES ETATS MEMBRES, DES POSSIBILITES SUFFISANTES DE RECOURS CONTRE LES ACTES ADMINISTRATIFS " DANS LE DOMAINE DES MESURES FONDEES SUR LA SAUVEGARDE DE L'ORDRE PUBLIC ;
34 QU'AUX TERMES DE L'ARTICLE 8 DE LA MEME DIRECTIVE, L'INTERESSE DOIT POUVOIR INTRODUIRE, CONTRE LES MESURES PRISES A SON EGARD, " LES RECOURS OUVERTS AUX NATIONAUX CONTRE LES ACTES ADMINISTRATIFS " ;
35 QU'A DEFAUT, L'INTERESSE DOIT AVOIR A TOUT LE MOINS, AUX TERMES DE L'ARTICLE 9, LA POSSIBILITE DE FAIRE VALOIR SES MOYENS DE DEFENSE DEVANT UNE AUTORITE COMPETENTE, DIFFERENTE DE CELLE QUI A PRIS LA MESURE RESTRICTIVE DE SA LIBERTE ;
36 QU'AU SURPLUS, L'ARTICLE 6 DE LA DIRECTIVE DISPOSE QUE LES RAISONS QUI SONT A LA BASE D'UNE DECISION LE CONCERNANT SONT PORTEES A LA CONNAISSANCE DE L'INTERESSE, A MOINS QUE DES MOTIFS INTERESSANT LA SURETE DE L'ETAT NE S'Y OPPOSENT ;
37 QU'IL APPARAIT DE CES DISPOSITIONS QUE TOUTE PERSONNE PROTEGEE PAR LES DISPOSITIONS CITEES DOIT JOUIR D'UNE DOUBLE GARANTIE, CONSISTANT DANS LA COMMUNICATION DES MOTIFS DE TOUTE MESURE RESTRICTIVE PRISE A SON EGARD ET DANS L'OUVERTURE D'UNE VOIE DE RECOURS ;
38 QU'IL CONVIENT DE PRECISER QUE TOUTES DISPOSITIONS DOIVENT ETRE PRISES PAR LES ETATS MEMBRES EN VUE D'ASSURER, A TOUTE PERSONNE FRAPPEE PAR UNE MESURE RESTRICTIVE, LA JOUISSANCE EFFECTIVE DE CETTE DOUBLE SAUVEGARDE ;
39 QUE CETTE EXIGENCE IMPLIQUE NOTAMMENT, DE LA PART DE L'ETAT CONCERNE, UNE COMMUNICATION A L'INTERESSE, AU MOMENT MEME OU LA MESURE RESTRICTIVE PRISE A SON EGARD LUI EST NOTIFIEE, DES MOTIFS PRECIS ET COMPLETS DE LA DECISION, EN VUE DE LE METTRE EN MESURE D'ASSURER UTILEMENT SA DEFENSE ;
QUANT A LA JUSTIFICATION, EN PARTICULIER, DES INTERDICTIONS DE SEJOUR LIMITEES A UNE PARTIE DU TERRITOIRE NATIONAL
40 ATTENDU QUE LES QUESTIONS POSEES PAR LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF ONT ETE SOULEVEES AU SUJET D'UNE MESURE PORTANT INTERDICTION DE SEJOUR POUR UNE PARTIE LIMITEE DU TERRITOIRE NATIONAL ;
41 QU'EN REPONSE A UNE QUESTION POSEE PAR LA COUR, LE GOUVERNEMENT DE LA REPUBLIQUE FRANCAISE A FAIT CONNAITRE QUE DE TELLES MESURES PEUVENT ETRE PRISES A L'EGARD DES PROPRES NATIONAUX SOIT AU TITRE DE PEINES ACCESSOIRES, DANS LE CAS DE CERTAINES CONDAMNATIONS PENALES, SOIT A LA SUITE DE LA DECLARATION DE L'ETAT D'URGENCE ;
42 QUE, PAR CONTRE, LES DISPOSITIONS PERMETTANT D'INTERDIRE CERTAINES CIRCONSCRIPTIONS DU TERRITOIRE A DES RESSORTISSANTS ETRANGERS SONT FONDEES SUR DES TEXTES LEGISLATIFS OU REGLEMENTAIRES SPECIFIQUES A CEUX-CI ;
43 QU'A CET EGARD, LE GOUVERNEMENT DE LA REPUBLIQUE FRANCAISE ATTIRE L'ATTENTION SUR L'ARTICLE 4 DE LA DIRECTIVE DU CONSEIL N° 64/220, DU 25 FEVRIER 1964, POUR LA SUPPRESSION DES RESTRICTIONS AU DEPLACEMENT ET AU SEJOUR DES RESSORTISSANTS DES ETATS MEMBRES A L'INTERIEUR DE LA COMMUNAUTE EN MATIERE D'ETABLISSEMENT ET DE PRESTATION DE SERVICES (JO 1964, P. 845) AUX TERMES DUQUEL " LE DROIT DE SEJOUR S'ETEND A TOUT LE TERRITOIRE DE L'ETAT MEMBRE, SAUF MESURES INDIVIDUELLES MOTIVEES PAR DES RAISONS D'ORDRE PUBLIC OU DE SECURITE PUBLIQUE " ;
44 QU'IL APPARAIT QUE CETTE DISPOSITION EST PARTICULIERE A LA DIRECTIVE EN CAUSE, APPLICABLE SEULEMENT EN MATIERE D'ETABLISSEMENT ET DE PRESTATION DE SERVICES, ET QU'ELLE N'A PAS ETE REPRISE DANS LES DIRECTIVES CONCERNANT LA LIBRE CIRCULATION DES TRAVAILLEURS - NOTAMMENT LA DIRECTIVE N° 68/360, ACTUELLEMENT EN VIGUEUR - NI D'AILLEURS DANS LA DIRECTIVE DU CONSEIL N° 73/ 148 DU 21 MAI 1973, EN MATIERE D'ETABLISSEMENT ET DE PRESTATION DE SERVICES (JO N° L 172, P. 14), QUI A REMPLACE ENTRE-TEMPS LA DIRECTIVE N° 64/220 ;
45 QUE, SELON L'AVIS DE LA COMMISSION, EXPRIME AU COURS DU DEBAT ORAL, L'ABSENCE DE CETTE CLAUSE DANS LES DIRECTIVES ACTUELLEMENT APPLICABLES, TANT AUX TRAVAILLEURS SALARIES QU'AU DOMAINE DE L'ETABLISSEMENT ET DES PRESTATIONS DE SERVICES, NE SIGNIFIERAIT CEPENDANT PAS QUE LES ETATS MEMBRES SERAIENT ABSOLUMENT PRIVES DU POUVOIR DE PRONONCER A L'EGARD D'ETRANGERS, RESSORTISSANTS D'AUTRES ETATS MEMBRES, DES INTERDICTIONS DE SEJOUR LIMITEES A UNE PARTIE DU TERRITOIRE ;
46 ATTENDU QUE LE DROIT DE TROUVER ACCES AU TERRITOIRE DES ETATS MEMBRES AINSI QUE LE DROIT D'Y SEJOURNER ET DE SE DEPLACER LIBREMENT EST DEFINI PAR LE TRAITE PAR REFERENCE AU TERRITOIRE GLOBAL DE CES ETATS ET NON PAR REFERENCE A SES SUBDIVISIONS INTERNES ;
47 QUE LA RESERVE FORMULEE A L'ARTICLE 48, PARAGRAPHE 3, EN CE QUI CONCERNE LA SAUVEGARDE DE L'ORDRE PUBLIC A LA MEME PORTEE QUE LES DROITS A L'EXERCICE DESQUELS ELLE PERMET D'APPORTER DES RESTRICTIONS ;
48 QU'IL EN RESULTE QUE DES INTERDICTIONS DE SEJOUR NE PEUVENT ETRE PRONONCEES, EN VERTU DE LA RESERVE INSEREE A CET EFFET A L'ARTICLE 48, PARAGRAPHE 3, QUE POUR L'ENSEMBLE DU TERRITOIRE NATIONAL ;
49 QU'EN CE QUI CONCERNE, PAR CONTRE, LES INTERDICTIONS DE SEJOUR PARTIELLES, LIMITEES A CERTAINES CIRCONSCRIPTIONS DU TERRITOIRE, LES PERSONNES PROTEGEES PAR LE DROIT COMMUNAUTAIRE DOIVENT, EN VERTU DE L'ARTICLE 7 DU TRAITE ET DANS LE DOMAINE D'APPLICATION DE CETTE DISPOSITION, ETRE TRAITEES SUR UN PIED D'EGALITE AVEC LES RESSORTISSANTS DE L'ETAT MEMBRE CONCERNE ;
50 QU'IL S'ENSUIT QU'UN ETAT MEMBRE NE PEUT PRONONCER, A L'ENCONTRE D'UN RESSORTISSANT D'UN AUTRE ETAT MEMBRE RELEVANT DES DISPOSITIONS DU TRAITE, DES INTERDICTIONS DE SEJOUR TERRITORIALEMENT LIMITEES QUE DANS LES CAS OU DE TELLES INTERDICTIONS PEUVENT ETRE PRONONCEES A L'EGARD DE SES PROPRES RESSORTISSANTS ;
51 ATTENDU QU'IL CONVIENT DONC DE REPONDRE A LA DEUXIEME QUESTION QUE LA JUSTIFICATION DE MESURES DESTINEES A SAUVEGARDER L'ORDRE PUBLIC DOIT ETRE APPRECIEE AU REGARD DE TOUTES REGLES DE DROIT COMMUNAUTAIRE AYANT POUR OBJET, D'UNE PART, DE LIMITER L'APPRECIATION DISCRETIONNAIRE DES ETATS MEMBRES EN LA MATIERE ET, D'AUTRE PART, DE GARANTIR LA DEFENSE DES DROITS DES PERSONNES SOUMISES, DE CE CHEF, A DES MESURES RESTRICTIVES ;
52 QUE DE TELLES LIMITES ET GARANTIES RESULTENT NOTAMMENT DE L'OBLIGATION, IMPOSEE AUX ETATS MEMBRES, DE FONDER EXCLUSIVEMENT LES MESURES PRISES SUR LE COMPORTEMENT INDIVIDUEL DES PERSONNES QUI EN FONT L'OBJET, DE S'ABSTENIR DE TOUTES MESURES EN LA MATIERE QUI SERAIENT UTILISEES A DES FINS ETRANGERES AUX BESOINS DE L'ORDRE PUBLIC OU PORTERAIENT ATTEINTE A L'EXERCICE DES DROITS SYNDICAUX, DE COMMUNIQUER SANS DELAI, A TOUTE PERSONNE FRAPPEE DE MESURES RESTRICTIVES - ET SOUS RESERVE DU CAS OU DES MOTIFS INTERESSANT LA SURETE DE L'ETAT S'Y OPPOSERAIENT -, LES RAISONS QUI SONT A LA BASE DE LA DECISION PRISE, ENFIN, D'ASSURER L'EXERCICE EFFECTIF DES VOIES DE RECOURS ;
53 QU'EN PARTICULIER, DES MESURES RESTRICTIVES DU DROIT DE SEJOUR LIMITEES A UNE PARTIE DU TERRITOIRE NATIONAL NE PEUVENT ETRE PRONONCEES, PAR UN ETAT MEMBRE, A L'EGARD DE RESSORTISSANTS D'AUTRES ETATS MEMBRES RELEVANT DES DISPOSITIONS DU TRAITE QUE DANS LES CAS ET CONDITIONS DANS LESQUELS DE TELLES MESURES PEUVENT ETRE APPLIQUEES AUX NATIONAUX DE L'ETAT EN CAUSE ;
QUANT AUX DEPENS
54 ATTENDU QUE LES FRAIS EXPOSES PAR LE GOUVERNEMENT DE LA REPUBLIQUE FRANCAISE, LE GOUVERNEMENT DE LA REPUBLIQUE ITALIENNE ET LA COMMISSION DES COMMUNAUTES EUROPEENNES, QUI ONT SOUMIS DES OBSERVATIONS A LA COUR, NE PEUVENT FAIRE L'OBJET D'UN REMBOURSEMENT ;
55 QUE LA PROCEDURE REVETANT A L'EGARD DES PARTIES AU PRINCIPAL LE CARACTERE D'UN INCIDENT SOULEVE AU COURS DU LITIGE PENDANT DEVANT LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE PARIS, IL APPARTIENT A CELUI-CI DE STATUER SUR LES DEPENS ;
PAR CES MOTIFS,
LA COUR,
STATUANT SUR LES QUESTIONS A ELLE SOUMISES PAR LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE PARIS PAR JUGEMENT DU 16 DECEMBRE 1974, DIT POUR DROIT :
1) L'EXPRESSION " SOUS RESERVE DES LIMITATIONS JUSTIFIEES PAR DES RAISONS D'ORDRE PUBLIC " DANS L'ARTICLE 48 CONCERNE NON SEULEMENT LES DISPOSITIONS LEGALES ET REGLEMENTAIRES QUE CHAQUE ETAT MEMBRE A PRISES POUR LIMITER, SUR SON TERRITOIRE, LA LIBRE CIRCULATION ET LE SEJOUR DES RESSORTISSANTS DES AUTRES ETATS MEMBRES, MAIS CONCERNE AUSSI LES DECISIONS INDIVIDUELLES PRISES EN APPLICATION DE TELLES DISPOSITIONS LEGALES OU REGLEMENTAIRES ;
2) LA JUSTIFICATION DE MESURES DESTINEES A SAUVEGARDER L'ORDRE PUBLIC DOIT ETRE APPRECIEE AU REGARD DE TOUTES REGLES DE DROIT COMMUNAUTAIRE AYANT POUR OBJET, D'UNE PART, DE LIMITER L'APPRECIATION DISCRETIONNAIRE DES ETATS MEMBRES EN LA MATIERE ET, D'AUTRE PART, DE GARANTIR LA DEFENSE DES DROITS DES PERSONNES SOUMISES, DE CE CHEF, A DES MESURES RESTRICTIVES.
DE TELLES LIMITES ET GARANTIES RESULTENT NOTAMMENT DE L'OBLIGATION, IMPOSEE AUX ETATS MEMBRES, DE FONDER EXCLUSIVEMENT LES MESURES PRISES SUR LE COMPORTEMENT INDIVIDUEL DES PERSONNES QUI EN FONT L'OBJET, DE S'ABSTENIR DE TOUTES MESURES EN LA MATIERE QUI SERAIENT UTILISEES A DES FINS ETRANGERES AUX BESOINS DE L'ORDRE PUBLIC OU PORTERAIENT ATTEINTE A L'EXERCICE DES DROITS SYNDICAUX, DE COMMUNIQUER SANS DELAI, A TOUTE PERSONNE FRAPPEE DE MESURES RESTRICTIVES - ET SOUS RESERVE DU CAS OU DES MOTIFS INTERESSANT LA SURETE DE L'ETAT S'Y OPPOSERAIENT -, LES RAISONS QUI SONT A LA BASE DE LA DECISION PRISE, ENFIN, D'ASSURER L'EXERCICE EFFECTIF DES VOIES DE RECOURS.
EN PARTICULIER, DES MESURES RESTRICTIVES DU DROIT DE SEJOUR LIMITEES A UNE PARTIE DU TERRITOIRE NATIONAL NE PEUVENT ETRE PRONONCEES, PAR UN ETAT MEMBRE, A L'EGARD DE RESSORTISSANTS D'AUTRES ETATS MEMBRES RELEVANT DES DISPOSITIONS DU TRAITE QUE DANS LES CAS ET CONDITIONS DANS LESQUELS DE TELLES MESURES PEUVENT ETRE APPLIQUEES AUX NATIONAUX DE L'ETAT EN CAUSE.