AFFAIRE DU CONTENTIEUX DE LA PROTECTION SOCIALE
DOUBLE RAPPORTEUR
R.G : N° RG 21/04623 - N° Portalis DBVX-V-B7F-NU2L
S.A.S. [3]
C/
A B -ALPES
APPEL D'UNE DÉCISION DU :
Pole social du TJ de LYON
du 26 Avril 2021
RG : 15/00530
AU NOM DU PEUPLE FRAN'AIS
COUR D'APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE D
PROTECTION SOCIALE
ARRÊT DU 19 SEPTEMBRE 2023
APPELANTE :
S.A.S. [3]
[Adresse 4]
[Localité 1]
représentée par Me Myriam BERENGUER, avocate au barreau de PYRENEES-ORIENTALES
INTIMEE :
URSSAF RHÔNE -ALPES
[Adresse 5]
[Localité 2]
représenté par Mme [J] [C] , juriste munie d'un pouvoir
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 23 Mai 2023
Présidée par Nathalie PALLE, président et Françoise CARRIER, conseillère honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles, magistrats rapporteurs (sans opposition des parties dûment avisées) qui en ont rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistés pendant les débats de Fernand CHAPPRON, greffier
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
- Nathalie PALLE, présidente
- Vincent CASTELLI, conseiller
- Françoise CARRIER, conseillère honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 19 Septembre 2023 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'
article 450 alinéa 2 du code de procédure civile🏛 ;
Signé par Françoise CARRIER, conseillère honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles , pour la présidente empêchée et par Anais MAYOUD, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
********************
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Après avoir procédé à un contrôle de l'application des législations de sécurité sociale, d'assurance chômage et de garantie des salaires AGS portant sur les années 2011 et 2012 au sein de l'établissement situé à [Z]-Bénite de la société [3] (la société), l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales Pays de la Loire (l'URSSAF) a notifié à cette dernière, le 29 septembre 2014, une lettre d'observations portant sur 14 chefs de redressement pour un montant total de 234 518 euros, ramené à 232 911 euros, compte tenu d'un crédit de 1 607 euros, ainsi que des observations sans redressement.
Le 29 octobre 2014, la société a contesté l'existence de la délégation de compétence de l'URSSAF Pays de la Loire, a sollicité l'annulation de 4 chefs de redressement et a formulé une demande de remboursement des cotisations qu'elle estimait avoir indûment versées au titre des années 2010 à 2012 à la suite d'un nouveau calcul de la réduction Fillon.
Le 24 décembre 2014, l'URSSAF Rhône-Alpes a notifié à la société une mise en demeure portant sur la somme totale de 271 652 euros, soit 232 911 euros en cotisations et 38 741 euros en majorations de retard.
Le 8 janvier 2015, la société a saisi la commission de recours amiable de l'URSSAF Rhône-Alpes en contestation de la mise en demeure du 24 décembre 2014.
Le 16 mars 2015, la société a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Lyon, devenu le tribunal de grande instance de Lyon, puis le pôle social du tribunal judiciaire de Lyon, en contestation de la décision implicite de rejet de la commission de recours amiable. L'affaire a été enregistrée sous le numéro 15/00530.
Le 28 décembre 2015, l'URSSAF Rhône-Alpes, en réponse au courrier du 29 octobre 2014 de la société, a informé celle-ci qu'aucun crédit ne pouvait être dégagé pour l'année 2011 et qu'il ne pouvait être fait droit à sa demande de crédit que dans la limite de 12 237 euros pour l'année 2012.
Le 8 janvier 2016, la société a saisi la commission de recours amiable en contestation de la décision du 28 décembre 2015.
Le 19 février 2016, la société a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Lyon en contestation de la décision implicite de rejet de la commission de recours amiable, saisie le 8 janvier 2016. L'affaire a été enregistrée sous le numéro 16/0376.
Par décisions du 28 avril 2017, notifiées à la société les 1 et 2 juin 2017, la commission de recours amiable a :
- estimé le refus de remboursement bien fondé,
- fait droit à la requête de la société s'agissant du point 6 de la lettre d'observations, soit une annulation en cotisations de 4565 euros et a rejeté le surplus des demandes.
Par jugement du 26 avril 2021, le pôle social du tribunal judiciaire de Lyon, devant lequel l'instance s'est poursuivie, a :
- ordonné la jonction de la procédure n°16/0376 à la procédure n°15/0530,
- déclaré le recours de la société recevable mais mal fondé,
- débouté la société de l'ensemble de ses demandes,
- constaté que la commission de recours amiable, dans sa décision du 28 avril 2017, notifiée le 2 juin 2017, a annulé le chef de redressement relatif à l'indemnité transactionnelle versée à M. [T], point 6, pour la somme de 4565 euros, et dit que la demande de la société à ce titre est devenue sans objet,
- confirmé les décisions de la commission de recours amiable du 28 avril 2017, notifiées les 1er et 2 juin 2017,
- condamné la société à verser à l'URSSAF la somme de 2000 euros au titre des dispositions de l'
article 700 du code de procédure civile🏛,
- condamné la société aux dépens,
- ordonné l'exécution provisoire.
Le 19 mai 2021, la société a relevé appel de ce jugement.
Dans ses conclusions déposées au greffe le 2 mai 2023, oralement soutenues à l'audience des débats et auxquelles il convient de se reporter pour un plus ample exposé de ses moyens, la société demande à la cour de :
- juger son recours recevable,
- juger que sa bonne foi est établie,
- juger que la mise en demeure a été contestée de bonne foi,
- confirmer le jugement du 26 avril 2021 en ce qu'il a jugé son recours recevable,
- infirmer le jugement en ce qu'il :
* l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes,
* a confirmé les décisions de la commission de recours amiable du 28 avril 2017, notifiées les 1er et 2 juin 2017,
* l'a condamnée à verser à l'URSSAF la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et l'a condamnée aux dépens.
Statuant à nouveau,
In limine litis,
Sur la nullité de la procédure de recouvrement :
- juger que la société pouvait contester la lettre d'observations et faire valoir un indu de cotisations sur un point vérifié par les inspecteurs du recouvrement,
- juger que les inspecteurs du recouvrement ne pouvaient disjoindre la contestation de la réduction loi Fillon,
- juger que les irrégularités entachent de nullité la procédure de recouvrement,
- annuler la procédure de recouvrement,
- annuler la mise en demeure,
- infirmer le jugement de première instance,
- condamner l'URSSAF à lui rembourser le montant de la mise en demeure réglée soit la somme de 271 652 euros et de l'indu de cotisations à hauteur des sommes demandées par courrier du 29 octobre 2014 soit 92 093 euros,
Sur la nullité de la procédure de contrôle par sondage et extrapolation, portant sur le point 14, frais professionnels des chauffeurs routiers :
- juger que les conditions relatives à la mise en œuvre de la procédure de contrôle par sondage extrapolation n'ont pas été respectées,
- juger que la procédure de contrôle par sondage et extrapolations des indemnités de frais versées aux chauffeurs routiers est entachée d'irrégularités,
- juger que le principe du contradictoire n'a pas été respecté,
- infirmer le jugement de première instance,
- annuler la procédure de contrôle par sondage et extrapolation,
- annuler le redressement entrepris au titre des indemnités de déplacements versées aux chauffeurs routiers pour un montant de 172 224 euros de cotisations ainsi que les majorations de retard afférentes,
- condamner l'URSSAF à lui rembourser la somme de 172 224 euros ainsi que les majorations de retard afférentes,
Sur la pluralité du taux accident du travail, (point 2 du redressement)
- juger que l'URSSAF est seule compétente pour vérifier que les taux AT notifiés par la CARSAT (sic),
- annuler le redressement de ce chef pour la somme de 3 728 euros, ainsi que les majorations de retard,
- condamner l'URSSAF à lui rembourser la somme de 3 728 euros,
Sur la demande de remboursement au titre du mauvais paramétrage de la réduction Fillon,
A titre principal,
- juger que M. [W], responsable du service de contrôle de l'URSSAF de Nantes n'était pas compétent pour traiter la demande de crédit émise en contestation de la lettre d'observations,
- annuler le courrier du 5 octobre 2015,
- juger que l'URSSAF n'ayant fait aucun constat sur ses demandes étayées et ne faisant que reprendre les termes d'un courrier jugé nul et non avenu est également entaché de nullité,
- condamner l'URSSAF à lui verser la somme de 92 093 euros pour l'établissement [Z] [O],
A titre subsidiaire,
- juger que le crédit " fourchette haute " est justifié et que l'URSSAF Rhône Alpes doit lui rembourser le montant produit en contestation de la lettre d'observations soit 92 093 euros,
A titre infiniment subsidiaire,
- condamner l'URSSAF à lui rembourser la somme de 12 237 euros,
En tout état de cause,
- juger que le crédit ayant été produit en contestation de la lettre d'observations, il doit être déduit des cotisations réclamées par voie de mise en demeure,
A titre reconventionnel,
- condamner l'URSSAF à lui verser la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouter l'URSSAF de l'intégralité de ses demandes.
Au soutien de son recours, la société soutient que :
Sur les causes de nullité :
- l'URSSAF ne peut décider de traiter séparément une demande de remboursement de l'indu, produite en contestation d'une observation notifiée par les inspecteurs du recouvrement et que l'absence de réponse des inspecteurs sur un point de la lettre d'observations contesté vicie la procédure de recouvrement de l'URSSAF Rhône-Alpes,
- les inspecteurs du recouvrement ne peuvent évoquer que la société a adressé une réponse tardive, puisqu'intervenant en tout état de cause pendant le délai légal de 30 jours imparti au cotisant pour contester ou apporter des éléments complémentaires, la période contradictoire fait suite à la réception de la lettre d'observations,
- la juridiction, en l'absence de la preuve du respect du contradictoire au cours des quatre phases de mise en œuvre de la procédure de contrôle par sondage et extrapolation, ne pouvait conclure à la régularité de la procédure.
Sur la pluralité de taux AT/MP, la société fait valoir que l'inspecteur ne peut que s'assurer du respect par l'employeur des taux qui sont notifiés par la CARSAT, mais ne peut pas juger du bon droit d'une entreprise d'appliquer un taux AT bureau à un salarié.
Sur la demande de remboursement des réductions loi Fillon au titre des erreurs de paramétrage rencontrées, la société met en évidence que :
- la décision de l'URSSAF Pays de la Loire, signée par M. [Aa], responsable de la demande de crédit, se devait d'être traitée dans le cadre de la procédure de contrôle et qu'à titre subsidiaire, si la demande pouvait être disjointe, il n'était pas de la compétence de l'URSSAF Pays de la Loire de traiter la gestion des comptes d'un autre organisme,
- la demande d'indu a été produite en contestation de la lettre d'observations, de sorte qu'elle doit être rattachée de facto à la procédure de contrôle ; que l'année 2011 ne souffrait d'aucune prescription et la mise en demeure a été valablement contestée par la saisine de la commission de recours amiable,
- à titre principal, les inspecteurs du recouvrement se devaient de constater le crédit dans le cadre des vérifications, ou pour le moins répondre à la contestation de la lettre d'observations sur ce point ; que le courrier du 5 octobre 2015, n'ayant pas été signé par les inspecteurs en charge du contrôle, est irrégulier,
- à titre subsidiaire, la société met en évidence que l'URSSAF a refusé sa demande de crédit alors qu'en cas de décalage de paie, le SMIC à prendre en considération est celui de la période de paie (et non celui de la période d'emploi) ; que la société valorisait les congés payés sur la base de la règle du 1/10ème des rémunérations perçues, pour autant elle ne calculait pas le coefficient de réduction sur la base du rapport entre la rémunération perçue à la rémunération qu'il aurait dû percevoir ; qu'elle a omis d'actualiser le SMIC en 2012 ; qu'elle a omis de neutraliser la majoration des heures d'équivalence dans la formule ; qu'en cas de suspension du contrat de travail, elle n'appliquait pas la formule de proratisation du SMIC en fonction de la rémunération versée divisée par la rémunération qu'aurait dû percevoir le salarié.
Dans ses conclusions déposées au greffe le 28 avril 2023, oralement soutenues à l'audience et auxquelles il convient de se reporter pour un plus ample exposé de ses moyens, l'URSSAF Rhône-Alpes demande à la cour de :
- confirmer le jugement en toutes ses dispositions,
- débouter la société de l'ensemble de ses demandes,
- condamner la société au paiement de la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Sur la régularité de la procédure de contrôle et de recouvrement, l'URSSAF Rhône-Alpes réplique que :
- la demande de remboursement formulée par la société, le 29 octobre 2014, ne peut être analysée comme une contestation des observations formulées par les inspecteurs du recouvrement au point 15 de la lettre d'observations, de sorte que les inspecteurs ont, à juste titre, expressément informé la société que la demande de crédit serait traitée séparément, car aucun texte n'impose aux URSSAF de traiter les demandes de crédit formulées de manière dilatoire, pendant les opérations de contrôle,
- pendant les opérations de contrôle, la société prétendait être dans l'impossibilité technique d'extraire les données du fait d'un changement de logiciel paie, alors qu'elle a présenté postérieurement à la lettre d'observations une demande de remboursement inexacte et incomplète,
- contrairement aux affirmations de la société c'est bien l'URSSAF Rhône-Alpes qui a examiné la demande de remboursement et qui a décidé de rejeter partiellement celle-ci ; que les échanges intervenus avec M. [W] sont sans lien avec les opérations de vérification et que celui-ci n'avait pas à signer les actes qui ponctuent la procédure de contrôle,
- le courrier du 20 novembre 2014 est parfaitement motivé et les observations non chiffrées ne pouvaient pas figurer sur la mise en demeure.
Sur la validité de la procédure de contrôle par sondage et extrapolation, l'URSSAF Rhône-Alpes fait valoir que la société a dûment été informée préalablement, dans les délais requis, de la mise en œuvre de la procédure d'échantillonnage et d'extrapolation et de la possibilité de faire valoir ses observations lors de chaque étape de la procédure de sorte que la régularité de la procédure d'échantillonnage et d'extrapolation ne saurait être remise en cause.
Sur le bien fondé du chef de redressement relatif à la répartition par catégorie de salariés du taux accident du travail, l'URSSAF Rhône-Alpes met en évidence qu'il lui appartient de vérifier que l'employeur a correctement calculé le montant des cotisations AT dues pour chacun de ses salariés en appliquant le taux AT correspondant à chaque catégorie de personnel ; que la société ne démontre pas que la CARSAT a admis que les salariés pour lesquels le redressement a été envisagé pouvaient bénéficier d'un taux AT bureau.
Sur la demande de remboursement de la réduction générale des cotisations, l'URSSAF Rhône-Alpes soutient que :
- la nullité du courrier du 5 octobre 2015 invoquée par la société est sans emport en l'espèce, dès lors que la demande de remboursement avait été, à bon droit, détachée de la procédure de contrôle et de la mise en recouvrement subséquente résultant de la mise en demeure du 24 décembre 2014,
- le courrier du 12 juin 2013, en l'absence d'élément détaillant le chiffrage de la demande de remboursement, ne peut être retenu comme étant interruptif de la prescription ; que ce n'est qu'à la suite du courrier du 29 octobre 2014, auquel était joint une lettre explicative détaillée du 27 octobre 2014, que le cours de la prescription a été interrompue, de sorte que l'année 2010 est prescrite,
- lorsque les employeurs procèdent au décalage de paie, le montant du SMIC à retenir pour le calcul de la réduction Fillon doit être identique à celui servant de calcul à la rémunération versée aux salariés ; qu'il ne peut être envisagé, pour un même mois d'activité, de calculer le coefficient de réduction Fillon sur la base d'une valeur de SMIC différente de celle retenue pour rémunérer le travail du salarié ; que le versement de salaire en application du 1/10ème des congés payés ou des indemnités journalières complémentaires n'entre pas dans le champ d'application de l'
article D. 241-7 du code de la sécurité sociale🏛 ; que la demande de la société est dénuée de tout fondement juridique.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la nullité de la procédure de recouvrement
Aux termes de l'
article R. 243-59, alinéas 5 à 8, du code de la sécurité sociale🏛, dans sa rédaction applicable :
A l'issue du contrôle, les inspecteurs du recouvrement communiquent à l'employeur ou au travailleur indépendant un document daté et signé par eux mentionnant l'objet du contrôle, les documents consultés, la période vérifiée et la date de la fin du contrôle. Ce document mentionne, s'il y a lieu, les observations faites au cours du contrôle, assorties de l'indication de la nature, du mode de calcul et du montant des redressements envisagés. Le cas échéant, il mentionne les motifs qui conduisent à ne pas retenir la bonne foi de l'employeur ou du travailleur indépendant. Ce constat d'absence de bonne foi est contresigné par le directeur de l'organisme chargé du recouvrement. Il indique également au cotisant qu'il dispose d'un délai de trente jours pour répondre par lettre recommandée avec accusé de réception, à ces observations et qu'il a, pour ce faire, la faculté de se faire assister d'un conseil de son choix.
En l'absence de réponse de l'employeur ou du travailleur indépendant dans le délai de trente jours, l'organisme de recouvrement peut engager la mise en recouvrement des cotisations, des majorations et pénalités faisant l'objet du redressement.
Lorsque l'employeur ou le travailleur indépendant a répondu aux observations avant la fin du délai imparti, la mise en recouvrement des cotisations, des majorations et pénalités faisant l'objet du redressement ne peut intervenir avant l'expiration de ce délai et avant qu'il ait été répondu par l'inspecteur du recouvrement aux observations de l'employeur ou du travailleur indépendant.
L'inspecteur du recouvrement transmet à l'organisme chargé de la mise en recouvrement le procès-verbal de contrôle faisant état de ses observations, accompagné, s'il y a lieu, de la réponse de l'intéressé et de celle de l'inspecteur du recouvrement.
Au cas présent, les parties s'opposent sur la portée du point 15 de la lettre d'observations qui est relatif aux règles générales applicables à la réduction dite Fillon.
La lecture en pages 28 et 29 de la lettre d'observations révèle que les inspecteurs du recouvrement ont constaté une erreur dans l'application de la réduction dite Fillon par la société contrôlée, ceux-ci concluant « nous avons décidé de laisser la situation en l'état et de ne faire qu'un simple rappel de la législation».
Ce faisant, c'est par une juste analyse que la cour rejoint, que les premiers juges ont retenu qu'il n'avait été procédé à aucun redressement, les inspecteurs ayant fait un simple rappel à la législation, la cour ajoutant qu'il n'a été formalisé aucune observations pour l'avenir, ni aucune observations exprimées en termes impératifs.
Aussi, c'est par des motifs pertinents, que la cour adopte, que les premiers juges ont retenu qu'au regard de la demande de remboursement Fillon, formée par la société le 29 octobre 2014 pendant la phase contradictoire et jamais pendant la phase de contrôle, la question du remboursement d'un crédit Fillon devait être analysée comme étant une demande propre de la société, et non pas comme le support d'une demande de redressement à traiter durant la phase contradictoire, pour conclure que c'est à bon droit que cette demande spécifique de remboursement Fillon a été traitée distinctement par les inspecteurs de l'URSSAF, de sorte que les moyens soutenus par la société, tirés de l'irrégularité de la réponse apportée par une personne qui n'était pas signataire de la lettre d'observations comme de la tardiveté et du caractère non motivé de la réponse de l'URSSAF de Rhône-Alpes sont inopérants, et le jugement est confirmé en ce qu'il a rejeté le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure de contrôle.
Sur la nullité de la procédure de contrôle par sondage et extrapolation (point n°14 de la lettre d'observations, relatif aux frais professionnels des chauffeurs routiers)
Il résulte de l'
article R. 243-59-2 du code de la sécurité sociale🏛, dans sa rédaction antérieure au
décret n° 2016-941 du 8 juillet 2016🏛, applicable au litige, et de l'arrêté du 11 avril 2007 définissant les méthodes de vérification par échantillonnage et extrapolation, pris en application de cet article, que la mise en oeuvre, aux fins de régulation du point de législation, des méthodes de vérification par échantillonnage et extrapolation suit un protocole composé de quatre phases : la constitution d'une base de sondage ; le tirage d'un échantillon ; la vérification exhaustive de l'échantillon ; l'extrapolation à la population ayant servi de base à l'échantillon. Dans le cadre de la procédure contradictoire, l'employeur est associé à chacune de ces phases et doit notamment être informé à l'issue de l'examen exhaustif des pièces justificatives, correspondant à la troisième phase, des résultats des vérifications effectuées sur chaque individu composant l' échantillonnage et des régularisations envisagées et être invité à faire part de ses remarques afin que les régularisations soient, le cas échéant, rectifiées.
ll n'est pas discuté que pour les frais professionnels des chauffeurs « longue distance », l'URSSAF a mis en œuvre la méthode de vérification par échantillonnage et extrapolation prévue à l'article susvisé.
L'URSSAF justifie que les inspecteurs du recouvrement ont, par courrier du 16 avril 2013, réceptionné le 18 avril suivant, informé l'employeur de l'intention de mettre en œuvre la méthode de vérification par échantillonnage et extrapolation et il ne résulte d'aucune pièce que la société s'y soit opposée.
De même, elle justifie que c'est la société, elle-même qui a constitué la base de sondage en transmettant un fichier « frais de déplacement » du 4 juillet 2013 pour l'année 2012 et un fichier du 8 juillet 2013 pour l'année 2011 et un exemplaire des échantillons a été remis au responsable des paies, ainsi que celui-ci en a attesté, le 11 juillet 2013.
Il ne peut dès lors être sérieusement soutenu par la société que les phases 1 et 2, soit la constitution de la base de sondage et le tirage de l'échantillon, ont été effectuées le même jour, non plus que la société n'a pas été invitée à faire part de ses observations sur la base, qu'elle avait elle-même établie, pour le sondage.
Alors que la société déplore qu'aucun examen exhaustif des échantillons ne lui a été présenté et qu'elle n'a pas non plus été associée aux opérations d'extrapolation, l'URSSAF se borne à alléguer s'agissant des opérations d'extrapolation, que les méthodes d'extrapolation sont explicitées dans le descriptif en annexe de la lettre d'observations, lequel ne figure pas au nombre des pièces numérotées de son bordereau de pièces, non plus que dans la lettre d'observations produite en pièce n°2 de la société, et à soutenir qu'il y est indiqué que les modalités de report sont expressément acceptées par l'employeur, les résultats globaux lui étant communiqués par l'envoi de la lettre d'observations.
Ce faisant, l'URSSAF ne justifie pas avoir communiqué à la société l'examen exhaustif des échantillons, correspondant à la troisième phase, ni communiqué les résultats des vérifications effectuées sur la base des échantillons et des régularisations envisagées, ni de l'avoir invitée à faire part de ses remarques afin que les régularisations soient, le cas échéant, rectifiées.
Il s'ensuit que la procédure contradictoire n'a pas été respectée dans l'établissement du chef de redressement n°14 en cause d'un montant de 172 224 euros, de sorte qu'il doit être annulé et l'URSSAF condamnée à rembourser cette somme à la société.
Le jugement est infirmé de ce chef.
Sur le bien fondé du point n°2 de la lettre d'observations, relatif à la répartition par catégorie de salariés des taux accident du travail
Selon l'
article L. 242-5 du code de la sécurité sociale🏛 le taux des cotisations dues par l'employeur au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles est déterminé annuellement par la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail et selon l'article L. 243-7 du même code, le contrôle de l'application par le redevable des règles d'assiette, de taux et de calcul de ces cotisations est confié à l'organisme de recouvrement.
Il résulte de la combinaison de ces dispositions que si la détermination du taux de ces cotisations relève de la compétence exclusive de la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail, il appartient à l'organisme de recouvrement de s'assurer du respect par l'employeur des taux qui ont été ainsi notifiés.
L'attribution d'un taux d'AT bureau est subordonnée à une demande préalable de l'entreprise qui souhaite en bénéficier, laquelle doit transmettre à la CARSAT en particulier un plan détaillé ou un croquis des locaux ainsi que l'identité des salariés affectés à l'activité de bureau et, pour chacun d'eux, la qualification professionnelle ainsi que la nature et la fréquence de leurs déplacements.
Il ressort de la lettre d'observations qu'après avoir rappelé les dispositions de l'
article 1er, III, de l'arrêté du 17 octobre 1995🏛, modifié, relatives aux sièges sociaux et bureaux des entreprises et que le taux dit bureau doit être réservé à la catégorie auquel il est applicable, après analyse de la ventilation des taux accidents du travail, les inspecteurs du recouvrement ont constaté que le taux bureau avait été appliqué sur les rémunérations alloués aux formateurs, alors que ceux-ci sont amenés à se déplacer pour leur activité y compris en tant que chauffeurs routiers ou en tant qu'accompagnateurs dans le cadre de formation à la conduite et que, de ce fait, les formateurs étant exposés à un risque professionnel autre que celui des personnels administratifs, le taux correspondant à l'activité de l'employeur aurait dû être appliqué.
Ce faisant, alors que l'attribution d'un taux AT bureau par la CARSAT est subordonnée à l'identification des salariés affectés à l'activité bureau, les constatations des inspecteurs du recouvrement ne font pas ressortir, comme l'URSSAF le soutient dans ses écritures oralement soutenues, qu'il s'agissait uniquement de rectifier des erreurs matérielles d'imputation et que les régularisations opérées portaient uniquement sur des salariés exerçant des fonctions pour lesquelles, sur d'autres années, l'employeur avait correctement appliqué le taux « activité » de l'entreprise.
Compte tenu de l'état de leurs constatations, ne faisant pas ressortir l'existence d'une erreur matérielle quant à l'affectation à l'activité bureau des salariés concernés par le redressement,les inspecteurs du recouvrement ne se sont donc pas bornés à s'assurer du respect par l'employeur des taux de cotisation d'accident du travail pour chacun des salariés concernés.
Ce chef de redressement d'un montant de 3 728⚖️ euros outre majorations de retard doit par conséquent être annulé.
Le jugement est infirmé de ce chef.
Sur la demande de remboursement des réductions Fillon au titre des erreurs de paramétrage
Il est constant que, par courrier du 29 octobre 2014, la société a sollicité auprès de l'URSSAF de Nantes le remboursement de cotisations qu'elle estimait avoir indûment versées à hauteur de la somme de 92 093 euros, au motif qu'elle avait appliqué une méthode erronée pour le calcul de la réduction Fillon, et que par courrier du 28 décembre 2015 de l'URSSAF Rhône-Alpes un refus lui a été opposé pour l'année 2011 et un crédit de 12 237 euros a été admis pour 2012.
Alors qu'il a été jugé plus avant qu'il n'avait été procédé à aucun redressement, non plus qu'à aucune observations pour l'avenir du chef de la réduction Fillon, le moyen soutenu par la société tiré de ce que sa demande ne pouvait être examinée que par un inspecteur du recouvrement ayant procédé au contrôle n'est pas fondé et le non respect par l'organisme de recouvrement du délai de quatre mois pour effectuer le remboursement des cotisations indues, tel que prévu à l'
article L. 243-6 du code de la sécurité sociale🏛, suppose la reconnaissance préalable d'un indu, lequel est contesté au cas présent, de sorte que ce moyen est inopérant.
Par ailleurs, il ne résulte pas du courrier du 29 octobre 2014 que la société y formait une réclamation au titre de l'année 2010.
Sur le fond, par application des
articles L. 241-13 et D. 241-7 du code de la sécurité sociale🏛, alors applicable, la cour adopte les motifs des premiers juges, le SMIC à prendre en compte pour le calcul de la réduction Fillon sur la période en cause étant celui en vigueur au cours de la période d'emploi et ayant servi de base à la rémunération des salariés et le versement d'un rappel de salaire en application du 1/10° des congés payés, ou des indemnités journalières complémentaires, n'entrant pas dans le champ d'application limitatif de l'article D. 241-7 du code de la sécurité sociale, de sorte que la demande en remboursement formée par la société au titre de l'année 2011, non fondée, doit être rejetée, ainsi que l'ont retenu les premiers juges.
Sur les frais et dépens
Compte tenu de l'issue du litige, les prétentions de la société, partie demanderesse et appelante étant en partie satisfaites, le jugement est infirmé en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens.
L'URSSAF est condamnée aux dépens de première instance et d'appel, et il est équitable de fixer à 2 000 euros l'indemnité qu'elle doit payer à la société au titre des frais non compris dans les dépens qu'elle a pu exposer.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe et en dernier ressort,
INFIRME le jugement déféré en ce qu'il a rejeté les demandes de la société [3] en annulation du redressement au titre du point n°14 et du point n°2 de la lettre d'observations et en ce qu'il a condamné la société [3] aux dépens et à payer à l'URSSAF la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
LE CONFIRME en ses autres dispositions,
Et statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
Annule le redressement au titre du point n°14 de la la lettre d'observations pour un montant de 172 224 euros de cotisations outre les majorations de retard,
Annule le redressement au titre du point n°2 de la la lettre d'observations pour un montant de 3 728 euros de cotisations outre les majorations de retard,
CONDAMNE l'URSSAF Rhône-Alpes à rembourser à la société [3] les sommes afférentes à ces annulations,
REJETTE les demandes de l'URSSAF Rhône-Alpes au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE l'URSSAF Rhône-Alpes à payer à la société [3] la somme de
2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
CONDAMNE l'URSSAF Rhône-Alpes aux dépens de première instance et d'appel.
La greffière, La présidente empêchée,
La conseillère honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles,