ARRÊT DU CONSEIL D'ETAT
CONSEIL D'ETAT
Statuant au contentieux
Cette décision sera mentionnée dans les tables du Recueil LEBON
N° 223055
COMMUNAUTE URBAINE DE LILLE
M. Boulouis, Rapporteur
Mme Boissard, Commissaire du Gouvernement
Séance du 6 avril 2001
Lecture du 23 mai 2001
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Le Conseil d'Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux, 1ère et 2ème sous-sections réunies)
Sur le rapport de la 1ère sous-section de la Section du contentieux
Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés le 13 juillet 2000, présentés pour la COMMUNAUTE URBAINE DE LILLE, représentée par son président ; la COMMUNAUTE URBAINE DE LILLE demande au CONSEIL D'ETAT :
1°) d'annuler la décision du 16 juin 2000 par laquelle le tribunal administratif de Lille a autorisé M. Eric barques à déposer devant les juridictions répressives, pour le compte de la COMMUNAUTE URBAINE DE LILLE, à ses risques et périls, une plainte avec constitution de partie civile des chefs de soustractions et détournements de fonds publics, recel de fonds détournés par une personne titulaire de l'autorité publique, faux et usage de faux concernant un document délivré par une administration publique et commis par une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public, d'ingérence et de complicité au titre d'un emploi fictif de collaborateur de cabinet qu'aurait créé la COMMUNAUTE URBAINE DE LILLE ;
2°) de rejeter la demande d'autorisation d'exercer ces actions présentée par M. barques devant le tribunal administratif de Lille ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu le code pénal,
Vu la code de procédure pénale ;
Vu la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 modifiée ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Boulouis, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la COMMUNAUTE URBAINE DE LILLE, de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiziez, avocat de Mme Cohen-Solal et de la SCP Tiffreau, avocat de M. Darques,
- les conclusions de Mme Boissard, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que la requête de la COMMUNAUTE URBAINE DE LILLE est dirigée contre la décision en date du 16 juin 2000 par laquelle le tribunal administratif de Lille a autorisé, sur le fondement des dispositions de l'article L 5211-58 du code général des collectivités territoriales, M. Darques à déposer devant les juridictions répressives, pour le compte de la COMMUNAUTE URBAINE DE LILLE, une plainte avec constitution de partie civile des chefs de soustractions et détournements de fonds publics, recel de fonds détournés par une personne titulaire de l'autorité publique, faux et usage de faux concernant un document délivré par une administration publique et commis par une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public, d'ingérence et de complicité au titre d'un emploi fictif de collaborateur de cabinet qu'aurait créé la COMMUNAUTE URBAINE DE LILLE ;
Sur l'intervention de Mme Cohen-Solal :
Considérant que Mme Cohen-Solal, qui a occupé de mars à décembre 1992 l'emploi de collaborateur de cabinet dont le caractère fictif a été dénoncé par M. Darques et se trouve donc mise en cause par la plainte dont le dépôt a été autorisé par le tribunal administratif de Lille, a intérêt à l'annulation de la décision de ce tribunal ; que son intervention est, par suite, recevable ;
Sur les conclusions de la COMMUNAUTE URBAINE DE LILLE :
Sur la fin de non-recevoir opposée par M. Darques :
Considérant que, par une délibération du 18 mai 2000 prise sur le fondement de l'article L.5211-10 du code général des collectivités territoriales, le conseil de la COMMUNAUTE URBAINE DE LILLE a délégué à son président le pouvoir "d'intenter au nom de la communauté urbaine les actions en justice ou de défendre la communauté dans les actions intentées contre elle, sans restriction' ; que, par suite, la fin de non-recevoir tirée par M. Darques de ce que le président de la COMMUNAUTE URBAINE DE LILLE n'avait pas qualité pour engager au nom de cet établissement public la présente instance contentieuse doit être écartée ;
Sur l'autorisation de plaider :
Considérant qu'aux termes de l'article L.5211-58 du code général des collectivités territoriales : "Tout contribuable inscrit au rôle de la commune a le droit d'exercer, tant en demande qu'en défense, à ses frais et risques, avec l'autorisation du tribunal administratif, les actions qu'il croit appartenir aux établissements publics de coopération intercommunale auxquels a adhéré la commune et que ceux-ci, préalablement appelés à en délibérer, ont refusé ou négligé d'exercer- / Le contribuable adresse au tribunal administratif un mémoire détaillé./ Le président de l'établissement public de coopération intercommunale soumet ce mémoire à l'organe délibérant de l'établissement lors de la plus proche réunion tenue en application de l'article L. 5211-11" ;
Considérant qu'il appartient, en vertu des dispositions législatives susmentionnées, au tribunal administratif statuant comme autorité administrative et au CONSEIL D'ETAT saisi d'un recours de pleine juridiction, lorsqu'ils examinent une demande présentée par un contribuable sur le fondement de ces dispositions, de vérifier, sans se substituer au juge de l'action, et au vu des éléments qui leur sont fournis, que l'action envisagée présente un intérêt suffisant pour l'établissement public de coopération intercommunale et qu'elle a une chance de succès ;
Considérant que la circonstance que le président du tribunal administratif a, le 9 mai 2000, transmis directement le mémoire de M. Darques au président de la COMMUNAUTE URBAINE DE LILLE, alors que l'article R 5211-49 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction issue de l'article 1er du décret du 28 février 2000, dispose que cette transmission a lieu par l'intermédiaire du préfet, n'a pas entaché la procédure d'irrégularité, dès lors que celle-ci a permis au président de la communauté urbaine de satisfaire à la formalité substantielle que constitue, en application de l'article L. 5211-58, l'obligation pour celui-ci de soumettre ce mémoire au conseil de communauté ; que ce dernier, réuni le 9 juin 2000, a refusé d'intenter l'action en justice demandée par M. Darques ; que le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure ne peut, par suite, être accueilli ;
Considérant que la décision attaquée, qui constitue une autorisation de plaider et non un refus d'autorisation, n'entre dans aucune des catégories d'actes administratifs qui doivent être motivés ; que le mayen tiré du défaut de motivation doit, par suite, être écarté ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la COMMUNAUTE URBAINE DE LILLE a recruté, pour la période du 1er mars au 31 décembre 1992, Mme Cohen-Solal pour occuper un emploi de collaborateur de cabinet à temps plein en charge "des relations avec la presse" ; que M. Darques fait valoir que la création puis l'occupation de cet emploi ne répondaient à aucun intérêt communautaire dès lors que l'intéressée, qui exerçait à Paris, pendant la même période, les fonctions de rédactrice en chef d'un hebdomadaire en vertu d'un contrat de travail également à temps plein, ne pouvait consacrer un temps suffisant à ses fonctions au service de la communauté urbaine ;
Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'au regard de la qualification pénale qui est susceptible de leur être donnée, les faits ainsi dénoncés sont nécessairement couverts par la prescription ; que compte tenu de l'ensemble des pièces du dossier, et en particulier des observations de la Chambre régionale des comptes du Nord-Pas-de-Calais portant sur les faits rappelés ci-dessus, l'action envisagée ne peut être regardée comme dépourvue de toute chance de succès ; qu'elle présente, contrairement à ce que soutient la COMMUNAUTE URBAINE DE LILLE, un intérêt suffisant pour cet établissement public ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la COMMUNAUTE URBAINE DE LILLE n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision du 15 juin 2000 par laquelle le tribunal administratif de Lille a autorisé M. Darques à déposer une plainte avec constitution de partie civile pour agir au nom de cet établissement public ;
DECIDE :
Article 1er : L'intervention de Mme Cohen-Solal est admise.
Article 2 : La requête de la COMMUNAUTE URBAINE DE LILLE est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la COMMUNAUTE URBAINE DE LILLE, à M. Eric Darques, à Mme Lyne Cohen-Solal et au ministre de l'intérieur.