ARRÊT DU CONSEIL D'ETAT
CONSEIL D'ETAT
Statuant au contentieux
N° 196130
M. RIFFIOD
M. Bonnot, Rapporteur
M. Courtial, Commissaire du Gouvernement
Séance du 21 juin 2000
Lecture du 28 juillet 2000
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Le Conseil d`Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux, 9ème et 10ème sous-sections réunies)
Sur le rapport de la 9ème sous-section de la Section du contentieux
Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 24 avril et 20 août 1998 au secrétariat du Contentieux du Conseil d`Etat, présentés pour M. RIFFIOD, demeurant La Fontaine à Plainoiseau (39210) ; M. RIFFIOD demande au Conseil d`Etat d'annuler l'arrêt du 19 février 1998 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté sa requête tendant à la réformation du jugement du 6 octobre 1994 du tribunal administratif de Besançon rejetant sa demande en décharge des compléments d'impôt sur le revenu auxquels il a été assujetti au titre des années 1985 et 1988, et de condamner l'Etat à lui verser une somme de 12 000 F au titre de l'article 75-I de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Bonnot, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Guiguet, Bachelier, Potier de la Varde, avocat de M. RIFFIOD,
- les conclusions de M. Courtial, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article 206-1 du code général des impôts : "... sont passibles de l'impôt sur les sociétés, quel que soit leur objet, les sociétés anonymes... et toutes autres personnes morales se livrant à une exploitation ou à des opérations de caractère lucratif' ; qu'aux termes du 1 de l'article 109 dudit code : "Sont considérés comme revenus distribués : 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital..." ; qu'aux termes de l'article 110 du même code : "Pour l'application de l'article 109-1-1°, les bénéfices s'entendent de ceux qui ont été retenus pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés..." ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la SARL Sogeprim dont le capital était initialement détenu par l'Association chambre départementale de la propriété immobilière du Jura à 99,5 % et pour le solde par cinq membres de cette association, a procédé en 1985, puis en 1988 après sa transformation en société anonyme, à deux augmentations de capital au pair sans prime d'émission qui ont porté son capital social de 100 000 F à 300 000 F puis à 1 200 000 F ; que l'association, renonçant à son droit préférentiel de souscription, s'est abstenue de souscrire à ces augmentations de capital, sa participation au capital de la société Sogeprim passant de la sorte de 99,5 % à 33,16 % puis à 8,29 % les titres émis ayant été souscrits en totalité par les autres associés membres de l'association pour leur valeur nominale de 100 F par titre ; qu'après avoir évalué la valeur réelle, supérieure à la valeur nominale, des parts ou actions de la société Sogeprim avant et après chaque augmentation de capital et déterminé ainsi l'avantage auquel l'association avait renoncé au profit des autres associés membres de l'association qui avaient souscrit à l'augmentation de capital pour la valeur nominale des titres, l'administration, assujettisant l'association à l'impôt sur les sociétés sur le montant correspondant à l'avantage ainsi consenti au titre des années 1985 et 1988, a assujetti à l'impôt sur le revenu, au titre des mêmes années, les souscripteurs membres de l'association sur leur part respective de l'avantage regardé comme distribué ;
Considérant qu'en laissant ainsi les autres associés de la société Sogeprim qui étaient membres de l'association souscrire au pair la totalité des parts ou actions nouvelles alors que la valeur réelle de ces parts ou actions était nettement supérieure à leur valeur nominale, l'association a consenti à ces derniers un avantage dont l'octroi n'était pas compatible avec une gestion désintéressée ; qu'elle entrait, par suite, comme en a jugé la Cour, sans commettre d'erreur de droit, dans le champ de l'impôt sur les sociétés ;
Considérant que l'avantage ainsi consenti par l'association à certains de ses membres ne comportait aucune contrepartie pour elle ; que, par suite, la Cour n'a pas inexactement qualifié les faits en regardant l'abstention délibérée de l'association de souscrire aux augmentations de capital de la société Sogeprim comme un acte anormal de gestion, constitutif d'une libéralité imposable entre les mains des bénéficiaires dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers ; que dès lors, la requête par laquelle M. RIFFIOD conteste l'arrêt de la cour jugeant fondée la réintégration dans ses bases imposables à l'impôt sur le revenu de l'avantage que l'association lui a consenti sans contrepartie, ne peut qu'être rejetée ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions del'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant que les dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à M. RIFFIOD la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. RIFFIOD est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. RIFFIOD et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.