CONSEIL D'ETAT
Statuant au contentieux
Cette décision sera mentionnée dans les tables du Recueil LEBON
N° 197352
M.RENOUX
M. Ménéménis, Rapporteur
M. Courtial, Commissaire du Gouvernement
Séance du 14 février 2001
Lecture du 19 mars 2001
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Le Conseil d'Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux, 9e et 10e sous-sections réunies)
Sur le rapport de la 9e sous-section de la Section du contentieux
Vu, enregistrés les 18 juin et le 19 octobre 1998 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, présentés pour M. Jean-Pierre RENOUX, demeurant à Saint-Germain-sur-Bresle, (80430) Beaucamps-le-Vieux ; M. RENOUX demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 2 avril 1998 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du 13 août 1991 du tribunal administratif d'Amiens ordonnant une expertise avant dire droit sur ses demandes tendant à la décharge, d'une part, des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et des pénalités y afférentes auxquelles il a été assujetti au titre des années 1981, 1982, 1983 et 1984, d'autre part, des compléments de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités y afférentes mis à sa charge au titre de la période du 1er mai 1980 au 30 avril 1984, ainsi qu'à celle du jugement du 24 novembre 1993 de ce même tribunal rejetant lesdites demandes ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Ménéménis, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Delaporte, Briard, avocat de M. RENOUX,
- les conclusions de M. Courtial, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. RENOUX, qui exerce depuis 1977 la profession de boucher-charcutier ambulant, a fait l'objet en 1985 d'une vérification approfondie de sa situation fiscale d'ensemble et d'une vérification de comptabilité portant sur les années 1980 à 1984 ; qu'à la suite de ces vérifications, des notifications de redressements lui ont été notifiées le 13 décembre 1985 et confirmées le 26 mai 1986, en matière d'impôt sur le revenu et de taxe sur la valeur ajoutée ; que ces redressements ont été assortis de pénalités pour mauvaise foi ;
En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :
Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'ensemble des dispositions du livre des procédures fiscales relatives aux opérations de vérification que celles-ci se déroulent chez le contribuable ou au siège de l'entreprise vérifiée ; que, toutefois, sur la demande écrite du contribuable, le vérificateur peut emporter certains documents dans les bureaux de l'administration qui en devient ainsi dépositaire ; qu'en ce cas, il doit délivrer à l'intéressé un reçu détaillé des pièces qui lui sont remises ;
Considérant que la Cour n'a pas dénaturé les faits qui lui étaient soumis en interprétant la demande formulée par lettre du 17 octobre 1985 par M. RENOUX, qui ne disposait d'aucun local professionnel, tendant à ce que la vérification de sa comptabilité ait lieu dans les locaux de l'administration comme équivalant à une demande d'emport de documents ; qu'après avoir relevé que le vérificateur avait remis à M. RENOUX, les 17 et 31 octobre 1985, des reçus détaillés, la Cour a pu déduire, sans erreur de droit, de l'ensemble de ces circonstances que l'emport des documents comptables de M. RENOUX n'était pas intervenu dans des conditions irrégulières ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'en relevant que le vérificateur avait rencontré M. RENOUX à quatre reprises, qu'il avait procédé avec lui à un relevé de prix le 24 octobre 1985 et qu'il avait ainsi pu prendre connaissance des particularités de l'exploitation de M. RENOUX, la Cour ne s'est pas fondée sur des faits matériellement inexacts ; qu'elle n'a pas commis d'erreur de droit en en déduisant que M. RENOUX avait bénéficié du débat oral et contradictoire auquel il avait droit ;
Considérant, en troisième lieu, que la Cour ne s'est pas bornée à relever, comme le soutient M. RENOUX, que celui-ci comptabilisait globalement en fin de journée les recettes tirées de l'exploitation de son commerce, mais a également noté, en se livrant à une appréciation souveraine des faits qui lui étaient soumis sans les dénaturer, que M. RENOUX n'avait pas été en mesure de produire des documents de nature à justifier le détail de ses recettes ; qu'elle a dès lors fait une exacte application des dispositions, alors en vigueur, de l'article L. 75 du livre des procédures fiscales en jugeant que l'administration avait pu légalement rectifier d'office le chiffre d'affaires et les résultats de l'entreprise de M. RENOUX ;
En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :
Considérant que la Cour a relevé que, si le vérificateur avait, pour reconstituer le chiffre d'affaires de M. RENOUX, déterminé les quantités de viande revendues à partir des quantités achetées en se référant à une monographie professionnelle, il avait modifié les résultats ainsi obtenus pour tenir compte des particularités de l'activité du contribuable ; qu'en jugeant que la méthode ainsi retenue par le vérificateur n'était pas sommaire, que la méthode alternative proposée par M. RENOUX était moins précise que celle de l'administration et que le contribuable ne démontrait pas l'exagération des bases d'imposition retenues par le vérificateur, la Cour s'est livrée à une appréciation souveraine des faits, qui ne peut être discutée en cassation ; qu'en outre, la Cour a pu, sans qualifier inexactement les faits qu'elle avait appréciés, juger que la méthode du vérificateur n'était pas viciée dans son principe. ;
En ce qui concerne les pénalités pour mauvaise foi :
Considérant, en premier lieu, qu'en estimant que la réponse faite aux observations du contribuable le 26 mai 1986 contenait un exposé suffisant des circonstances de fait et de droit justifiant l'application aux suppléments d'impôt sur le revenu et aux compléments de taxe sur la valeur ajoutée mis à la charge de M. RENOUX des majorations prévues en cas de mauvaise foi, la Cour a porté une appréciation souveraine, insusceptible d'être discutée en cassation ;
Considérant, en deuxième lieu, que la Cour a pu, sans erreur de droit, après avoir relevé l'absence de caractère suivi et probant de la comptabilité de M. RENOUX et l'importance des minorations de recette déclarées, déduire une intention délibérée de la part du contribuable de se soustraire à l'impôt et, par suite, son absence de bonne foi ;
Considérant, en troisième lieu, que le moyen tiré de la prescription qui s'attacherait aux pénalités pour mauvaise foi dont ont été assortis les rappels d'impôt sur le revenu et de taxe sur la valeur ajoutée mis à la charge de M. RENOUX au titre de l'année 1981, présenté pour la première fois devant le juge de cassation, est irrecevable ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la requête de M. RENOUX doit être rejetée ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. RENOUX est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M, Jean-Pierre RENOUX et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.