Jurisprudence : CE contentieux , 13-10-2000 , n° 189505


CONSEIL D'ÉTAT

Statuant au contentieux

N° 189505

S.A. MARIN

M. Fabre, Rapporteur
M. Goulard, Commissaire du Gouvernement

Séance du 5 juillet 2000
Lecture du 13 octobre 2000

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d'État statuant au contentieux

(Section du contentieux, 9e et 10e sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 9e sous-section de la Section du contentieux


Vu la requête, enregistrée au secrétariat du Contentieux du Conseil d'État le 5 août 1997, présentée pour la S.A. MARIN, dont le siège est Zone Industrielle, 138, boulevard de la Turdine, B.P. 138 à Tarare (69173) ; la requérante demande au Conseil d'État d'annuler l'arrêt du 9 juin 1997 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté sa requête aux fins de réduction de la cotisation de taxe professionnelle à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 1988 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts ;

Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;

Après avoir entendu en audience publique :

- le rapport de M. Fabre, Conseiller d'État,
- les observations de Me Bouthors, avocat de la S.A. MARIN,
- les conclusions de M. Goulard, Commissaire du Gouvernement ;

Sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie :

Considérant que la requête introductive présentée par la S.A. MARIN a été régularisée par la production ultérieure d'un mémoire signé par l'avocat aux Conseils représentant ladite société ; que la fin de non-recevoir tirée par le ministre de ce que la requête serait irrecevable pour n'avoir pas été présentée par le ministère d'un avocat au Conseil d'Etat doit dès lors, être écartée ;

Sur les conclusions de la requête :

Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article R. 196-2 du livre des procédures fiscales : « Pour être recevables, les réclamations relatives aux impôts directs locaux et aux taxes annexes doivent être présentées à l'administration des impôts au plus tard le 31 décembre de l'année suivant... : a) L'année de la mise en recouvrement du rôle... », et qu'aux termes de l'article R. 196-3 du même Livre : « Dans le cas où un contribuable fait l'objet d'une procédure de reprise ou de redressement de la part de l'administration des impôts, il dispose d'un délai égal à celui de l'administration pour présenter ses propres réclamations » ; que, d'autre part, aux termes de l'article L. 174 du même Livre : « Les omissions ou les erreurs concernant la taxe professionnelle peuvent être réparées par l'administration jusqu'à l'expiration de la troisième année suivant celle au titre de laquelle l'imposition est due » ; que le contribuable à l'égard duquel l'administration met en oeuvre le pouvoir de « réparation » qui lui est ainsi conféré en matière de taxe professionnelle doit être regardé comme faisant l'objet d'une « procédure de reprise » au sens de l'article R. 196-3 précité ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis à la cour administrative d'appel qu'à l'issue d'une vérification de sa comptabilité, l'administration a adressé à la S.A. MARIN, le 18 décembre 1989, une notification de redressements dans laquelle, en outre, elle a informé cette société de son intention de l'assujettir à un supplément de cotisation de taxe professionnelle au titre de l'année 1988 ; que, par une réclamation présentée le 12 décembre 1991, la S.A. MARIN a sollicité une réduction de la cotisation de taxe professionnelle à laquelle elle avait été primitivement assujettie au titre de ladite année, par application du plafonnement à 3,5 % de la valeur ajoutée produite au cours de la période de référence prévu à l'article 1647 B sexies-I du code général des impôts ; que la cour administrative d'appel a, par l'arrêt attaqué, jugé cette réclamation tardive, en se fondant sur la circonstance que le rappel de taxe annoncé à la société le 18 décembre 1989 l'avait été à titre de simple information, et non dans le cadre d'une procédure contradictoire, expressément exclue en matière de taxe professionnelle en vertu de l'article L. 56-1° du livre des procédures fiscales ; qu'en statuant ainsi, alors qu'il ressortait de la notification faite à la société que celle-ci faisait l'objet d'une procédure de reprise de nature à l'autoriser, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, en application des dispositions de l'article R. 196-3 du livre des procédures fiscales, à présenter une réclamation jusqu'à l'expiration du délai de reprise dont disposait l'administration en vertu de l'article L. 174 précité de ce Livre, la cour administrative d'appel a entaché l'arrêt attaqué d'une erreur de droit ; que la S.A. MARIN est, par suite, fondée à demander que ledit arrêt soit annulé ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, par application de l'article 11, deuxième alinéa, de la loi du 31 décembre 1987, de régler l'affaire au fond ;

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus qu'en application des dispositions de l'article R. 196-3 du livre des procédures fiscales, la S.A. MARIN a vu, à compter de la notification du 18 décembre 1989, le délai dont elle disposait pour présenter une réclamation tendant à la réduction de la cotisation de taxe professionnelle à laquelle elle avait primitivement été assujettie au titre de l'année 1988 prolongé jusqu'au terme du nouveau délai de reprise ouvert à l'administration par cet acte interruptif de la prescription, soit jusqu'au 31 décembre 1992 ; qu'ainsi, la réclamation qu'elle a présentée le 12 décembre 1991 était, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif, recevable ;

Considérant, en second lieu, que le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ne conteste pas qu'en application des dispositions de l'article 1647 B sexies-I du code général des impôts, la S.A. MARIN est fondée à demander que la cotisation de taxe professionnelle à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 1988 soit réduite de 708 914 F, somme à laquelle la société dans le dernier état de ses conclusions, limite sa prétention ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la S.A. MARIN est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement dont elle fait appel, le tribunal administratif de Lyon ne lui a pas accordé la réduction, limitée toutefois à la somme de 708 914 F, de la cotisation de taxe professionnelle à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 1988 ;

Sur l'application des dispositions de l'article 75-1 de la loi du 10 juillet 1991 :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 et de condamner l'Etat à payer à la S.A. MARIN, une somme de 20 000 F au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon du 9 juin 1997 est annulé.

Article 2 : Il est accordé à la S.A. MARIN une réduction de 708 914 F de la cotisation de taxe professionnelle à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 1988.

Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Lyon du 21 juin 1995 est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 2 ci-dessus.

Article 4 : L'Etat versera à la S.A. MARIN, au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991, une somme de 20 000 F.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la S.A. MARIN et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

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