CONSEIL D'ÉTAT
Statuant au contentieux
N° 204797
Mlle CZEPITA
M. Olléon, Rapporteur
Mme Mignon, Commissaire du Gouvernement
Séance du 29 septembre 2000
Lecture du 20 octobre 2000
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Le Conseil d'État statuant au contentieux
(Section du contentieux, 8e et 3e sous-sections réunies)
Sur le rapport de la 8e sous-section de la Section du contentieux
Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 18 février et 15 juin 1999 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, présentés pour Mlle CZEPITA, demeurant 56, boulevard du 14 juillet à Sens (89100) ; Mlle CZEPITA demande au Conseil d'État d'annuler l'arrêt du 23 décembre 1998 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du 20 septembre 1994 du tribunal administratif de Dijon rejetant sa demande en décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1987 et 1988 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Olléon, Auditeur,
- les observations de la SCP Lesourd, avocat de Mlle CZEPITA,
- les conclusions de Mme Mignon, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à l'issue d'une vérification de sa comptabilité, la société anonyme Comelec, qui exploitait des magasins de vente au détail d'appareils électroménagers, dont, sous la responsabilité de Mlle CZEPITA, un magasin implanté à Sens (Yonne), a été assujettie, au titre des exercices 1987 et 1988, à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, notamment à raison de la réintégration dans ses bases imposables de rémunérations versées à Mlle CZEPITA, dont le service a estimé le montant excessif ; que, pair voie de conséquence, Mlle CZEPITA a elle-même été assujettie, au titre des années 1987 et 1988, à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu correspondant à l'imposition comme revenus distribués de la fraction de ses rémunérations ainsi qualifiées d'excessives, contrairement à l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ; qu'elle se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 23 décembre 1998 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du 20 septembre 1994 du tribunal administratif de Dijon rejetant sa demande en décharge des cotisations supplémentaires ainsi mises à sa charge ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi :
Considérant qu'en s'abstenant de répondre au moyen, non inopérant, tiré par la requérante de ce que le rehaussement de bases imposables opéré par le service serait intervenu en méconnaissance de la doctrine contenue dans l'instruction 4 C-42, la cour a entaché son arrêt d'irrégularité ; que cet arrêt doit, dès lors, être annulé ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article 11 de la loi du 31 décembre 1987 et de régler l'affaire au fond ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
Considérant que, contrairement à ce que soutient la requérante, la notification de redressements en date du 14 mai 1990 dont elle a été destinataire, qui comportait les moyens de droit et de fait justifiant l'imposition comme revenus distribués de la fraction estimée excessive de ses rémunérations, était suffisamment motivée ;
Sur le bien-fondé des impositions :
Considérant, d'une part, qu'aux termes du 1° du I de l'article 39 du code général des impôts : « I. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant... notamment : 1 ° Les frais généraux de toute nature, les dépenses de personnel... Toutefois, les rémunérations ne sont admises en déduction des résultats que dans la mesure où elles correspondent à un travail effectif et ne sont pas excessives eu égard à l'importance du service rendu » ; qu'aux termes de l'article 111 c du code général des impôts : « Sont notamment considérés comme revenus distribués : ... d. la fraction des rémunérations qui n'est pas déductible en vertu du 1° du I de l'article 39 » ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que Mlle CZEPITA, responsable du magasin exploité par la société Comelec dans le centre de la ville de Sens (Yonne), a perçu, au cours des années 1987 et 1988, des rémunérations supérieures tant à celles, cumulées, des deux autres responsables des magasins exploités par cette société à Auxerre et Saint-Florentin qu'à celle du président-directeur général de la société ; que, dès son embauche par la société Comelec, elle a bénéficié de conditions de rémunération nettement plus favorables que ses collègues, auxquels incombaient des responsabilités comparables aux siennes ; qu'une telle différence de rémunération ne pouvait pas trouver de fondement dans les caractéristiques propres à l'exploitation du magasin de Sens, dont la superficie était nettement inférieure à celle des deux autres magasins de centre-ville susmentionnés et dont le personnel était limité à un seul manutentionnaire à mi-temps alors que les autres établissements comptaient plusieurs employés ; que, si la requérante se prévaut de ce que la distance séparant le magasin de Sens du siège social de la société était plus importante que pour les deux autres magasins, elle admet également que ce magasin bénéficiait d'une assistance directe assurée par la direction de l'entreprise ; que, dans ces conditions, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve, qui lui incombait, de l'exagération des rémunérations versées ;
Considérant, d'autre part, que si la requérante soutient que le service aurait qualifié d'excessive la part de ses rémunérations réintégrées dans son revenu imposable comme revenus distribués en méconnaissance de la doctrine contenue dans l'instruction n° 4 C-42 selon laquelle la réintégration des salaires, appointements ou rémunérations versés par les entreprises à leur personnel non dirigeant ne doit être poursuivie que « dans les situations exceptionnelles, soit que les rémunérations versées soient manifestement exagérées par rapport au service rendu, soit que les circonstances de fait permettent de présumer que l'avantage consenti n'a pas été consenti dans l'intérêt direct de l'exploitation, mais notamment en fonction de liens affectifs ou d'intérêts unissant les bénéficiaires à des personnes possédant le contrôle de l'entreprise », il ne résulte pas de l'instruction que ces excédents de rémunérations aient été versés dans l'intérêt direct de l'exploitation ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mlle CZEPITA n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu susmentionnées ;
Sur les conclusions de Mlle CZEPITA tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant que les dispositions de l'article 75-I de la loi susvisée du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que l'État qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à Mlle CZEPITA la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : L'arrêt du 23 décembre 1998 de la cour administrative d'appel de Lyon est annulé.
Article 2 : La requête présentée par Mlle CZEPITA devant la cour administrative d'appel de Lyon est rejetée.
Article 3 : Le surplus des conclusions de Mlle CZEPITA est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mlle CZEPITA et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.