CONSEIL D'ETAT
Statuant au Contentieux
N° 159846
MINISTRE DU BUDGET
contre
S.A. Yves Saint-Laurent
Lecture du 18 Mai 1998
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Le Conseil d'Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux)
Le Conseil d'Etat statuant au Contentieux, (Section du contentieux, 9ème et 8ème sous-sections réunies),
Sur le rapport de la 9ème sous-section, de la Section du Contentieux,
Vu le recours du MINISTRE DU BUDGET enregistré le 5 juillet 1994 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat ; le ministre demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 5 mai 1994 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté son appel du jugement du tribunal administratif de Paris du 7 juillet 1992 accordant à la S.A. Yves Saint-Laurent, dont le siège est 5, avenue Marceau, à Paris (75116), une réduction des suppléments d'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre de chacune des années 1981, 1982 et 1983 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique : - le rapport de M. Fabre, Conseiller d'Etat, - les observations de la SCP Vier, Barthélemy, avocat de la S.A. Yves Saint-Laurent, - les conclusions de M. Loloum, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article 39 terdecies du code général des impôts, dans sa rédaction applicable en l'espèce : "1. Le régime des plus-values à long terme est applicable... aux produits des cessions de brevets, de procédés et de techniques, ainsi qu'aux concessions de licences exclusives d'exploitation..." ;
Considérant qu'en recherchant au vu de l'instruction, sans estimer qu'il y avait matière à dévolution de la charge d'une preuve, si les droits concédés par la S.A. Yves Saint-Laurent aux fabricants avec lesquels elle avait passé des "contrats de licence", portaient sur des "procédés" ou "techniques", au sens et pour l'application du 1 précité de l'article 39 terdecies du code général des impôts, la cour administrative d'appel de Paris n'a, contrairement à ce que soutient le MINISTRE DU BUDGET, commis aucune erreur de droit ;
Considérant que la Cour a relevé que la S.A. Yves Saint-Laurent "dispose, grâce aux recherches de ses sept ateliers-licences, d'un savoir-faire constitué d'un ensemble de techniques et de procédés de couture qu'elle a mis au point", qu'elle concède à ses licenciés l'usage de cette "technologie spécifique de fabrication", et que la transmission en est, notamment, assurée par l'accès, prévu aux contrats, des représentants de la société aux ateliers des licenciés "afin de mettre au point la fabrication des modèles" ; qu'en jugeant, au vu de ces faits, tels qu'elle les a souverainement appréciés, que les redevances versées par ses licenciés à la S.A. Yves Saint-Laurent rétribuaient la concession de droits portant sur des "procédés" ou "techniques" de fabrication et qu'elles étaient, par suite, imposables selon le régime des plus-values à long terme, la Cour a fait une exacte application des dispositions du 1 précité de l'article 39 terdecies du code général des impôts ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le MINISTRE DU BUDGET n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat, par application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991, à payer à la S.A. Yves Saint-Laurent une somme de 15 000 F, au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : Le recours du MINISTRE DU BUDGET est rejeté.
Article 2 : L'Etat paiera à la S.A. Yves Saint-Laurent une somme de 15 000 F, au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et à la S.A. Yves Saint-Laurent.