Jurisprudence : CE 9/8 SSR, 06-07-1994, n° 120118

CONSEIL D'ETAT

Statuant au Contentieux

N° 120118

M. GOZLAN

Lecture du 06 Juillet 1994

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Le Conseil d'Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux)


Le Conseil d'Etat statuant au Contentieux, (Section du contentieux, 9ème et 8ème sous-sections réunies), Sur le rapport de la 9ème sous-section, de la Section du Contentieux,
Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 28 septembre 1990 et 29 janvier 1991 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Jacques GOZLAN, demeurant 3, rue des Argentiers à Bordeaux (33000) ; M. GOZLAN demande que le Conseil d'Etat annule l'arrêt du 2 juillet 1990 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté sa requête à fins de décharge des cotisations d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre de chacune des années 1982 et 1983, et, réglant l'affaire au fond, de lui accorder cette décharge ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique : - le rapport de M. Fabre, Conseiller d'Etat, - les observations de la SCP Guiguet, Bachellier, de la Varde, avocat de M. GOZLAN, - les conclusions de M. Ph. Martin, Commissaire du gouvernement ;
Sur la régularité en la forme de l'arrêt attaqué :
Considérant, en premier lieu, que la cour administrative d'appel a pu, sans entacher l'arrêt critiqué d'insuffisance de motifs, statuer sur la régularité de la procédure d'évaluation d'office suivant laquelle a été établie la cotisation d'impôt sur le revenu à laquelle M. GOZLAN a été assujetti au titre de l'année 1982 en s'abstenant d'examiner, à cette occasion, certains des moyens soulevés par le requérant, dès lors qu'en ce qui concerne cette imposition, lesdits moyens, ainsi qu'il sera dit ci-dessous, étaient inopérants ; Considérant, en second lieu, qu'il ressort de l'examen de l'arrêt attaqué que, contrairement à ce que soutient M. GOZLAN, la cour a, notamment examiné, pour l'écarter, en ce qui concerne la cotisation d'impôt sur le revenu établie au titre de l'année 1983, le moyen tiré par le requérant d'une méconnaissance par l'administration des prescriptions de l'article L.76 du livre des procédures fiscales ;
Considérant qu'il suit de là que M. GOZLAN n'est pas fondé à soutenir que l'arrêt attaqué serait entaché d'omissions de réponse à ses moyens ;
Sur les moyens ayant trait à la régularité des procédures d'imposition :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que les cotisations litigieuses d'impôt sur le revenu auxquelles M. GOZLAN a été assujetti au titre de chacune des années 1982 et 1983 procèdent de l'imposition de bénéfices industriels et commerciaux issus de l'activité de l'entreprise Corail-Editions, que l'intéressé a exploitée, en société de fait avec Mme Thiry durant ces années, et ont été établies par voie d'évaluation d'office des résultats non déclarés de ladite entreprise pour l'exercice co‹ncidant avec l'année 1983 ; que les bases d'imposition retenues par l'administration ont été notifiées à la société de fait le 27 septembre 1984 ; En ce qui concerne le déroulement des procédures jusqu'à la notification des bases d'imposition : Pour l'année 1982 :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la situation d'évaluation d'office dans laquelle la société de fait Corail-Editions s'est placée, en ce qui concerne l'exercice 1982, pour ne pas avoir souscrit dans le délai légal la déclaration de ses résultats a, devant la cour administrative d'appel, été établie par l'administration sans référence nécessaire aux constatations effectuées, soit au cours de l'enquête ouverte, le 5 septembre 1983, sur le fondement des dispositions des ordonnances du 30 juin 1945 alors en vigueur, par des agents du service de renseignement de la police judiciaire de Bordeaux, soit à l'occasion de la vérification de comptabilité entreprise par les services fiscaux après qu'ils aient eu communication de renseignements recueillis lors de ladite enquête ; que, par suite, alors même que, pour arrêter le montant du bénéfice imposable de la société, au titre de l'année 1982, l'administration a utilisé des informations provenant de ces investigations, ni la circonstance, alléguée par M. GOZLAN, que l'enquête conduite par le service de renseignement de la police judiciaire aurait procédé d'un détournement de procédure à des fins de contrôle fiscal, ni les prétendues irrégularités qui auraient entaché la communication aux services fiscaux d'un rapport et de procès-verbaux établispar les agents de police judiciaire et les opérations de vérification de comptabilité, elles-mêmes, ne sauraient affecter la régularité de la procédure d'évaluation d'office suivant laquelle a été établie l'imposition ; que, dès lors, M. GOZLAN n'est pas fondé à soutenir que la cour administrative d'appel aurait commis une erreur de droit en réputant inopérants, en ce qui concerne cette imposition, les divers moyens qu'il soulevait ainsi, y compris le moyen tiré du détournement de procédure qui, selon lui, aurait affecté l'enquête diligentée par le service de renseignement de la police judiciaire ; Pour l'année 1983 : Considérant, en premier lieu, que, pour écarter comme non fondé le moyen, cidessus analysé, tiré de ce que l'enquête du service de renseignement de la police judiciaire de Bordeaux aurait procédé d'un détournement de procédure à des fins de contrôle fiscal, la cour administrative d'appel a relevé qu'il résultait de l'instruction que les fonctionnaires ayant effectué cette enquête "recherchaient réellement des infractions de caractère économique" et ont d'ailleurs dressé procès-verbal de telles infractions ; que, contrairement à ce que soutient M. GOZLAN, la cour, en statuant ainsi, n'a commis aucune erreur de droit ni dénaturé les faits ressortant des pièces du dossier ; Considérant, en deuxième lieu, que la cour administrative d'appel n'a pas méconnu la portée des dispositions de l'article L.101 du livre des procédures fiscales, en jugeant que celles-ci peuvent légalement fonder la communication aux services fiscaux, par l'autorité judiciaire, de tous documents qu'elle détient et qui sont au nombre des "indications... de nature à faire présumer une fraude commis en matière fiscale", visées par ces dispositions ; Considérant, en troisième lieu, que M. GOZLAN, qui ne soutient pas que la cour administrative d'appel aurait dénaturé les pièces du dossier en écartant comme manquant en fait le moyen tiré par lui de ce que la vérification de la comptabilité de la société de fait CorailEditions, pour l'exercice 1983, n'aurait pas été précédée de l'avis prescrit par l'article L.47 du livre des procédures fiscales, n'est pas fondé à prétendre que la cour aurait violé les dispositions dudit article ; Considérant, en dernier lieu, que, si, au cours d'une vérification de comptabilité, il doit être offert au contribuable d'avoir, avec l'agent vérificateur, un débat oral et contradictoire relatif aux constatations auxquelles donne lieu ce contrôle, il est, en revanche, sans incidence sur la régularité de la vérification que le vérificateur s'abstienne de faire part au contribuable à cette occasion, en vue de lui permettre d'en discuter, des éléments d'information que, par ailleurs, le cas échéant, il a pu recueillir auprès de tiers, en vertu du droit de communication de l'administration ; que M. GOZLAN n'est donc pas fondé à soutenir que la vérification de la comptabilité de Corail-Editions aurait, à cet égard, été entachée d'une irrégularité méconnue par la cour administrative d'appel ; En ce qui concerne le déroulement subséquent des procédures d'imposition :
Considérant qu'en jugeant que la notification adressée, le 27 septembre 1984, à la société de fait Corail-Editions comportait un exposé suffisamment précis des modalités de détermination des bases d'imposition rectifiées ou évaluées d'office, la cour administrative d'appel n'a, ni dénaturé ces pièces du dossier, ni méconnu la portée des dispositions de l'article L.76 du livre des procédures fiscales ; que, la même notification contenant, sur l'origine et la teneur des informations recueillies par le vérificateur dans l'exercice de son droit de communication, la cour administrative d'appel a, sans commettre d'erreur de droit, jugé que l'administration, qui n'étaitpas tenue de communiquer spontanément, en vue d'un débat contradictoire, lesdites documents, avait régulièrement mis en oeuvre les procédures d'évaluation ou de rectification d'office ;
Sur les moyens ayant trait au bien-fondé des impositions et à la charge de la preuve :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que les impositions litigieuses ont, quant à leur bien-fondé, été contestées par M. GOZLAN en tant qu'elles procèdent de ce que l'administration n'a pas admis la déductibilité, à titre de charges d'exploitation de l'entreprise Corail-Editions, des commissions versées par celle-ci à des courtiers, au motif que la société de fait ne justifiait pas de la réalité des services ainsi rétribués ; que M. GOZLAN a, devant la cour administrative d'appel, soutenu que l'activité déployée par lesdits courtiers pour l'entreprise était précisément retracée sur des fiches au vu desquelles étaient calculées les commissions, et que les agents du service de renseignement de police judiciaire ont, notamment, saisies ; que, pour contester l'arrêt attaqué en ce que la cour a, néanmoins, jugé qu'il n'apportait pas la preuve d'une exagération de ses bases d'imposition, le requérant fait valoir que les démarches effectuées auprès de l'autorité judiciaire en vue d'obtenir la restitution des documents saisis sont restées vaines, et soutient que cette circonstance aurait dû être regardée comme de nature à l'exonérer de la charge d'une preuve qui ne pouvait être apportée qu'à l'aide de ceux-ci ; Mais considérant que la cour administrative d'appel a, à bon droit, écarté cette objection au motif que, si le requérant n'avait pu obtenir la restitution des pièces dont s'agit, il n'établissait, ni même n'alléguait avoir sollicité d'y accéder, et que cette possibilité lui eût été refusée ; Considérant, enfin, qu'en jugeant que, dans ces conditions, M. GOZLAN n'apportait pas la preuve, à juste titre mise à sa charge eu égard à la procédure d'évaluation d'office régulièrement mises en oeuvre par l'administration, d'une exagération de ses bases d'imposition, la cour administrative d'appel a émis une appréciation souveraine qui ne saurait être discutée devant le juge de la cassation ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. GOZLAN est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. GOZLAN et au ministre du budget.

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