Jurisprudence : CE 2/6 SSR, 04-03-1994, n° 116724

CONSEIL D'ETAT

Statuant au Contentieux

N° 116724

MINISTRE DE L'INTERIEUR
contre
Epoux Jodon

Lecture du 04 Mars 1994

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Le Conseil d'Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux)


Le Conseil d'Etat statuant au Contentieux, (Section du contentieux, 2ème et 6ème sous-sections réunies), Sur le rapport de la 2ème sous-section, de la Section du Contentieux,
Vu 1°), sous le n° 116 724, le recours enregistré le 14 mai 1990 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le MINISTRE DE L'INTERIEUR ; le MINISTRE DE L'INTERIEUR demande que le Conseil d'Etat : - annule le jugement en date du 27 février 1990 par lequel le tribunal administratif de Dijon a annulé, à la demande de M. Jodon, l'arrêté de cessibilité du préfet de la Nièvre du 9 mars 1987 concernant l'expropriation pour cause d'utilité publique de la parcelle B 343 dont M. Jodon est propriétaire sur le territoire de la commune de Chitry-les-Mines ; - rejette la demande de M. Jodon ;
Vu 2°), sous le n° 116 873, la requête sommaire et les mémoires complémentaires enregistrés les 17 mai, 26 juillet, 23 août et 17 septembre 1990 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés par M. et Mme Gilbert JODON, demeurant 4, Grand Mouèsse à Nevers (58000) ; M. et Mme JODON, demandent que le Conseil d'Etat : - réforme le jugement du 27 février 1990 par lequel le tribunal administratif de Dijon a annulé l'arrêté de cessibilité du préfet de la Nièvre en date du 9 mars 1987 permettant l'expropriation de la parcelle B 343 appartenant aux requérants non pas au motif du défaut d'utilité publique du projet d'expropriation mais pour inexactitude matérielle sur la contenancede la parcelle susmentionnée ; - accorde la restitution de leur parcelle B 343 ; - alloue des dommages et intérêts pour atteinte à leur tranquillité ; - condamne l'Etat au paiement des frais irrépétibles ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le code de l'expropriation ;
Vu le code de la voirie routière ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Après avoir entendu en audience publique : - le rapport de M. Nallet, Conseiller d'Etat, - les conclusions de M. Vigouroux, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que les requêtes des époux JODON et du MINISTRE DE L'INTERIEUR sont dirigées contre le même jugement et présentent à juger des questions identiques ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ; Sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la requête des époux JODON :
Sur les conclusions relatives à l'arrêté de cessibilité :
Considérant qu'aux termes de l'article R. 11-28 du code de l'expropriation : "
Sur le vu du procès-verbal et des documents y annexés, le préfet, par arrêté, déclare cessibles les propriétés ou parties de propriétés dont la cession est nécessaire. Ces propriétés sont désignées conformément aux dispositions de l'article 7 du décret n° 55-22 du 4 janvier 1955 portant réforme de la publicité foncière" ; que l'article 7 précité dispose que "tout acte ou décision judiciaire, sujet à publicité, doit indiquer pour chacun des immeubles qu'il concerne la nature, la situation, la contenance et la désignation cadastrale (section, numéro du plan et lieu-dit)" ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'état parcellaire annexé à l'arrêté de cessibilité précité du 9 mars 1987 satisfait aux exigences de l'article 7 du décret n° 5522 du 4 janvier 1955 et qu'il fixe sans ambigu‹té la nature, la situation, la contenance ainsi que la désignation cadastrale de la parcelle expropriée ; que si la superficie indiquée sur l'état parcellaire, identique à celle figurant dans le dossier de l'enquête, était erronée et a été rectifiée par le centre des impôts fonciers de Nevers, les indications figurant sur l'arrêté étaient suffisantespour permettre aux propriétaires de ladite parcelle de l'identifier ; que l'erreur contenue dans l'arrêté de cessibilité n'est pas, dans ces circonstances, de nature à entacher d'illégalité ledit arrêté ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède comme le soutient le MINISTRE DE L'INTERIEUR, que c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé sur l'existence d'une erreur matérielle pour annuler l'arrêté du préfet de la Nièvre ;
Considérant toutefois qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par les époux JODON devant le tribunal administratif de Dijon ;
Considérant qu'aux termes de l'article R 11-3 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique : "L'expropriant adresse au préfet pour être soumis à l'enquête, un dossier qui comprend obligatoirement : I - Lorsque la déclaration d'utilité publique est demandée en vue de la réalisation de travaux ou d'ouvrages : 1°) une notice explicative, 2°) le plan de situation, 3°) le plan général des travaux, 4°) les caractéristiques principales des ouvrages les plus importants, 5°) l'appréciation sommaire des dépenses..." ; que la description et le plan des travaux figurant au dossier d'enquête satisfont à ces prescriptions ; que les époux JODON n'apportent aucun élément de matière à établir qu'ils ont été dans l'impossibilité de consulter l'intégralité du dossier d'enquête ;
Considérant qu'aux termes de l'article R 11-5 du code de l'expropriation : "Le commissaire enquêteur est choisi par le préfet sur une liste nationale établie chaque année par le ministre de l'équipement ou sur une quelconque des listes départementales établies annuellement par les préfets. Les personnes choisies par le préfet ne doivent pas appartenir à l'administration expropriante ni participer à son contrôle et ne doivent avoir aucun intérêt à l'opération..." ; que si M. Melin désigné en qualité de commissaire enquêteur sur le projet de déclaration d'utilité publique de l'élargissement de la voie communale n°5 a eu la qualité de secrétaire en chef de la sous-préfecture de Clamecy, il n'a aucun intérêt à l'opération ; que, dans ces conditions, sa désignation en qualité de commissaire enquêteur n'a pas entaché d'irrégularité la procédure ;
Considérant que les atteintes à la propriété privée invoquées par les époux JODON, qui tiennent uniquement à l'expropriation de leur parcelle de terrain cadastrée B 343, afin d'élargir la voie communale n° 5, ne sont pas de nature à retirer son caractère d'utilité publique à l'opération d'aménagement de la voirie, d'ailleurs prévue au plan d'alignement de la commune de Chitry-les-Mines, qui a fait l'objet de l'arrêté susvisé du préfet de la Nièvre ;
Considérant que si les requérants soutiennent qu'un autre tracé aurait offert les mêmes avantages au prix d'inconvénients moindres, il n'appartient pas au Conseil d'Etat statuant au Contentieux, d'apprécier l'opportunité du tracé choisi ;
Considérant que le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le MINISTRE DE L'INTERIEUR est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué le tribunal administratif de Dijon a annulé l'arrêté du préfet de la Nièvre en date du 9 mars 1990 ;
Sur les conclusions relatives à l'inexactitude d'allégations contenues dans certaines pièces du dossier :Considérant que si les époux JODON sollicitent des dommages et intérêts à raison du caractère inexact de certaines allégations contenues dans les lettres du maire de Chitryles-Mines, le rapport du commissaire-enquêteur et certaines observations du préfet de la Nièvre, ces conclusions ne sont, en tout état de cause, pas assorties de précisions suffisantes pour permettre d'en apprécier le bien-fondé ;
Sur la demande de restitution de la parcelle B 343 :
Considérant qu'il n'appartient pas au juge administratif d'adresser des injonctions à l'administration ; que la demande des époux JODON tendant à ce que la commune de Chitryles-Mines leur restitue la parcelle B 343 expropriée tend à ce qu'une injonction soit adressée à la commune ; que dès lors, les conclusions de la requête des époux JODON sont irrecevables ;
Sur les conclusions tendant à la réparation des autres dommages subis par les époux JODON :
Considérant qu'aucun texte spécial ne dispense de telles conclusions du ministère d'avocat au Conseil d'Etat ; que, faute pour les époux JODON d'avoir répondu à la demande qui leur a été faite de recourir à ce ministère et de régulariser ainsi leur demande, lesdites conclusions présentées sans le ministère d'un avocat au Conseil d'Etat ne sont pas recevables ;
Sur les conclusions des époux JODON tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant que les dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas en l'espèce la partie perdante, soit condamné à payer aux époux JODON la somme de 2 000 F au titre des sommes exposées par eux et non comprises dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement en date du 27 février 1990 du tribunal administratif de Dijon est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. JODON devant le tribunal administratif de Dijon est rejetée.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête des époux JODON est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée aux époux JODON et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.

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