CONSEIL D'ETAT
Statuant au Contentieux
N° 147335
M. QUEMAR
Lecture du 07 Février 1994
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Le Conseil d'Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux)
Le Conseil d'Etat statuant au Contentieux, (Section du Contentieux, 4ème et 1ère sous-sections réunies),
Sur le rapport de la 4ème sous-section de la Section du Contentieux,
Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat les 22 avril 1993 et 24 mai 1993, présentés pour M. QUEMAR, demeurant 45, avenue de la Motte Picquet à Paris (75015) ; M. QUEMAR demande au Conseil d'Etat d'annuler une décision de rejet résultant du silence gardé par le tribunal administratif de Paris sur sa demande enregistrée le 29 janvier 1993, et tendant à obtenir l'autorisation de déposer au nom de la ville de Paris une plainte avec constitution de partie civile à l'encontre des signataires de la convention de cessation d'activité passée le 20 août 1990 entre la société d'économie mixte et d'aménagement de la ville de Paris (SEMAVIP) et la société Garages SOGA ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des communes ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique : - le rapport de M. Girardot, Auditeur, - les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de M. Georges QUEMAR et de Me Foussard, avocat de la Ville de Paris, - les conclusions de M. Kessler, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 316-5 du code des communes : "Tout contribuable inscrit au rôle de la commune a le droit d'exercer, tant en demande qu'en défense, à ses frais et risques, avec l'autorisation du tribunal administratif, les actions qu'il croit appartenir à la commune, et que celle-ci, préalablement appelée à en délibérer, a refusé ou négligé d'exercer" ; qu'il appartient au tribunal administratif statuant comme autorité administrative, et au Conseil d'Etat saisi d'un recours de pleine juridiction dirigé contre la décision du tribunal administratif, lorsqu'ils examinent une demande présentée par un contribuable sur le fondement de ces dispositions, de vérifier, sans se substituer au juge de l'action, et au vu des éléments qui leur sont fournis, que l'action envisagée présente un intérêt suffisant pour la commune et qu'elle a une chance de succès ; Considérant, en premier lieu, que M. QUEMAR demande à être autorisé à déposer au nom de la ville de Paris une plainte avec constitution de partie civile à l'encontre des parties à la convention de cessation d'activité commerciale signée le 20 août 1990 entre la société d'économie mixte de la ville de Paris (SEMAVIP), représentée par M. Beguet, et la société SOGA, représentée par MM. François et Patrick Bilan, qui exploitait un garage situé 40-42, quai de la Loire à Paris (19ème) ; que la ville de Paris a refusé, par une délibération du 13 avril 1992, d'exercer l'action en cause ; que la convention litigieuse étant postérieure au dépôt par la ville, le 13 août 1990, d'une plainte avec constitution de partie civile dirigée contre M. QUEMAR, elle ne peut, en tout état de cause, prétendre avoir fait diligence, relativement au préjudice que cette convention aurait pu lui occasionner ; que par suite, la ville de Paris doit être regardée comme ayant refusé ou négligé d'exercer l'action en cause ; Considérant, en deuxième lieu, que la décision de la ville refusant d'exercer l'action en cause n'a pas été notifiée à M. QUEMAR ; que ce dernier ne peut être réputé en avoir pris connaissance du seul fait de sa mention par la ville dans un mémoire en réplique afférent à une procédure juridictionnelle antérieure ; qu'ainsi sa demande présentée devant le tribunal administratif de Paris n'était pas tardive ; Considérant, en troisième lieu, que M. QUEMAR avait saisi la ville de Paris, le 20 novembre 1991, d'une demande présentée en application de l'article L. 316-5 du code des communes précité ; que si cette demande n'avait pu, ainsi que l'a jugé le Conseil d'Etat statuant au contentieux, par une décision du 25 janvier 1993, faire naître une décision de refus implicite à la date du 26 novembre 1991 à laquelle M. QUEMAR avait, une première fois saisi le tribunal administratif de Paris, et si, par suite, la décision prise le 24 janvier 1992 par ce tribunal d'autoriser M. QUEMAR à agir au nom de la ville de Paris a été annulée, M. QUEMAR pouvait, après la décision susmentionnée du 25 janvier 1993, saisir le tribunal administratif de Paris sans avoir préalablement appelé la ville de Paris à délibérer à nouveau de l'action qu'elle avait entre temps, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, expressément refusé d'exercer ; Considérant, en quatrième lieu, qu'il ressort de l'instruction que l'indemnité d'un montant de 26 400 000 F, versée à la société SOGA en vertu de la convention de cessation d'activité du 20 août 1990, tient compte du préjudice résultant de la perte de clientèle qu'aurait subie cette société ; qu'à la date de cette expropriation, la SOGA avait transféré son siège social au 102, avenue Bolivar et pris toutes dispositions utiles pour y déplacer ses activités commerciales et informer sa clientèle de ce transfert ; que cette nouvelle localisation était, comme la précédente, située dans le XIXème arrondissement de Paris ; que la SOGA disposant de la concession exclusive de plusieurs marques automobiles pour les Xème et XIXème arrondissements, ce transfert d'activité n'a pu occasionner de pertes sensibles de clientèle ;
Considérant enfin que, si le préjudice résultant de cette indemnisation excessive a été le fait de la convention signée par la société d'économie mixte et d'aménagement de la ville de Paris, il n'est pas contesté que le coût des opérations d'expropriation menées par cette société d'économie mixte est directement supporté par la ville de Paris ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que le préjudice matériel que ces faits ont pu occasionner à la ville de Paris est de nature à conférer à l'action que M. QUEMAR se propose d'intenter un intérêt suffisant pour celle-ci, et que cette action n'est pas dépourvue de chances de succès ;
D E C I D E :
Article 1er : M. QUEMAR, contribuable de la ville de Paris, est autorisé à déposer au nom de ladite commune une plainte avec constitution de partie civile à l'encontre de MM. René Beguet, Patrick et François Bilan, à l'effet d'obtenir la réparation du préjudice que la ville aurait subi du fait de l'indemnisation du fonds de commerce de la société SOGA.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. QUEMAR, à la ville de Paris, à MM. Patrick et François Bilan, à M. Beguet, à la société d'économie mixte et d'aménagement de la ville de Paris et au ministre de l'équipement, des transports et du tourisme.