CONSEIL D'ETAT
Statuant au Contentieux
N° 137869
COMMUNE DE YERRES
contre
M. Prats
Lecture du 04 Novembre 1992
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Le Conseil d'Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux)
Le Conseil d'Etat statuant au Contentieux, (Section du Contentieux, 1ère et 4ème sous-sections réunies),
Sur le rapport de la 1ère sous-section de la Section du Contentieux,
Vu la requête, enregistrée au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 29 mai 1992, présentée pour la COMMUNE DE YERRES (Essonne), représentée par son maire en exercice ; la COMMUNE DE YERRES demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler la décision en date du 21 avril 1991 par laquelle le tribunal administratif de Versailles a autorisé M. Michel Prats à intenter une action en justice pour le compte de ladite commune ; 2°) de condamner M. Prats à lui verser la somme de 15 000 F au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l'article 75-I de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code des communes ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu : - le rapport de M. Aguila, Auditeur, - les observations de la S.C.P. Guiguet, Bachellier, Potier de la Varde, avocat de la COMMUNE DE YERRES, - les conclusions de M. Le Chatelier, Commissaire du gouvernement ;
Sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision en date du 21 avril 1992 par laquelle le tribunal administratif de Versailles a autorisé M. Prats à engager une action en justice au nom de la COMMUNE DE YERRES :
Sur les fins de non-recevoir soulevées par M. Prats :
Considérant, en premier lieu, que la requête de la COMMUNE DE YERRES, dirigée contre la décision du tribunal administratif de Versailles en date du 21 avril 1992, notifiée à la commune le 4 mai 1992, a été enregistrée au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 29 mai 1992, soit dans le délai d'un mois prescrit à l'article R.316-3 du code des communes ; qu'ainsi, ladite requête n'est pas tardive ; Considérant, en second lieu, que la circonstance que la délibération du 26 juin 1992, par laquelle le conseil municipal de la COMMUNE DE YERRES a décidé d'engager un recours devant le Conseil d'Etat est postérieure à l'introduction de ce recours par le maire de ladite commune, ne saurait avoir d'influence sur la recevabilité de la présente requête ; Considérant, en troisième lieu, que les irrégularités dont serait entachée l'inscription d'une délibération sur le registre des délibérations du conseil municipal sont sans effet sur sa légalité ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que l'ensemble des conseillers municipaux n'auraient pas signé le registre des délibérations relatif à la délibération précitée en date du 26 juin 1992 est inopérant ; Considérant, en quatrième lieu, que la requête de la COMMUNE DE YERRES, initialement présentée sans le ministère d'un avocat au Conseil d'Etat, a fait l'objet d'une régularisation ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les fins de non-recevoir soulevées par M. Prats doivent être rejetées ;
Sur le fond :
Considérant qu'aux termes de l'article L.316-5 du code des communes : "Tout contribuable inscrit au rôle de la commune a le droit d'exercer, tant en demande qu'en défense, à ses frais et risques, avec l'autorisation du tribunal administratif, les actions qu'il croit appartenir à la commune, et que celle-ci, préalablement appelée à en délibérer, a refusé ou négligé d'exercer" ; qu'il appartient au tribunal administratif statuant comme autorité administrative, et au Conseil d'Etat saisi d'un recours de peine juridiction dirigé contre la décision du tribunal administratif, lorsqu'ils examinent une demande présentée par un contribuable sur le fondement de ces dispositions, de vérifier, sans se substituer au juge de l'action, et au vu des éléments qui leur sont fournis, que l'action envisagée présente un intérêt suffisant pour la commune et qu'elle a une chance de succès ;
Considérant que M. Prats, au soutien de sa demande tendant à être autorisé à exercer une action en justice au nom de la COMMUNE DE YERRES, allègue que la commune aurait eu des relations financières avec les bureaux d'études Gracco et Urba Conseil, sans d'ailleurs se référer à une infraction déterminée ; que ni la délibération du conseil municipal de la COMMUNE DE YERRES en date du 28 juin 1977 mentionnant des propositions présentées par le bureau d'études Urba Conseil à la suite d'un appel d'offres relatif au plan de circulation de la COMMUNE DE YERRES, dès lors qu'il résulte de l'instruction que l'étude du plan de circulation n'a pas été confiée audit bureau d'études, mais à un autre candidat, ni la lettre-type du 28 octobre 1980, par laquelle le président-directeur général du "Groupement d'achats des collectivités", dit Gracco, présentait les différents services que la société était susceptible d'offrir aux communes intéressées, qui est adressée, de façon non nominative, à "Monsieur le maire" et présente le caractère d'une publicité impersonnelle et destinée également à d'autres communes que celle de YERRES, ni la seule circonstance que le directeur des services techniques de la COMMUNE DE YERRES aurait été nommé directeur régional de Gracco à Toulouse, ne sont de nature à permettre d'apprécier si l'action envisagée, que M. Prats ne précise d'ailleurs pas, présente un intérêt suffisant pour la commune et une chance de succès ; qu'il suit de là que la COMMUNE DE YERRES est fondée à demander l'annulation de la décision du 21 avril 1992 par laquelle le tribunal administratif de Versailles a accordé l'autorisation sollicitée, ainsi que le rejet de la demande présentée par M. Prats devant ledit tribunal ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 :
Considérant qu'aux termes de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 : "Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation" ; que ces dispositions font obstacle à ce que la COMMUNE DE YERRES, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamnée à payer à M. Prats la somme qu'il demande au titre des sommes exposées par lui et non comprises dans les dépens ; qu'en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner M. Prats à payer à la COMMUNE DE YERRES la somme de 10 000 F au titre des sommes exposées par elle et non comprises dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : La décision susvisée en date du 21 avril 1992 du tribunal administratif de Versailles est annulée.
Article 2 : La demande présentée par M. Prats devant le tribunal administratif de Versailles et ses conclusions devant le Conseil d'Etat sont rejetées.
Article 3 : M. Prats versera à la COMMUNE DE YERRES la somme de 10 000 F au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991.
Article 4 : Les conclusions de M. Prats tendant à ce qu'il soit fait application de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la COMMUNE DE YERRES, à M. Prats et au ministre de l'intérieur et de la sécurité publique.