TA Paris, du 12-07-2023, n° 2128003
A24041BN
Référence
Par une requête et un mémoire enregistrés les 24 décembre 2021 et 22 avril 2022, M. A B demande au tribunal, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler l'entretien professionnel du 17 juin 2021 réalisé au titre de l'année 2020, ensemble le rejet de son recours hiérarchique ;
2°) d'annuler l'entretien professionnel de l'année 2022 réalisé au titre de l'année 2021 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛.
Il soutient que :
- son recours est recevable ; il a intérêt à agir et la décision contestée lui fait grief ;
- la décision du 17 juin 2021 est entachée d'un vice d'incompétence ;
- elle est entachée d'un vice de procédure ; l'appréciation littérale et la notation faisant état d'une dégradation importante de sa manière de servir, un entretien intermédiaire avec son supérieur hiérarchique direct dans l'objectif de formuler des préconisations aurait dû avoir lieu, ce qui n'est pas le cas ; sa notation du 26 mars 2021 s'est faite sans qu'il soit entendu ; l'entretien du 17 juin 2021 n'a été que la notification du précédent acte annulé ;
- elle est entachée d'erreur de droit et d'erreur manifeste d'appréciation ;
- les appréciations littérales et le niveau de notation doivent respecter une totale cohérence et les appréciations doivent être étayées ; or, la comparaison avec les précédentes notations marque l'absence de cohérence des appréciations portées à son encontre ; la même incohérence est présente dans les appréciations chiffrées avec des baisses non justifiées ; ces baisses ne sont pas justifiées dans l'appréciation littérale de 2021 et sont incohérentes avec les appréciations des années précédentes ;
- la décision attaquée est entachée de détournement de pouvoir.
Par un mémoire en défense enregistré le 22 mars 2022, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. B ne sont pas fondés.
Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative🏛, de ce que le jugement était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions tendant à l'annulation de l'entretien professionnel de 2022 au titre de l'année 2021, lesquelles présentées pour la première fois par le requérant dans son mémoire du 22 avril 2022, constituent des conclusions nouvelles.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983🏛 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984🏛 ;
- le décret du 9 mai 1995🏛 fixant les dispositions communes applicables aux fonctionnaires actifs des services de la police nationale ;
- le décret du 28 juillet 2010🏛 relatif aux conditions générales de l'appréciation de la valeur professionnelle des fonctionnaires de l'Etat ;
- le code de justice administrative.
Le président du tribunal a désigné Mme Kanté en application de l'article R. 222-13 du code de justice administrative🏛.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Kanté, première conseillère,
- les conclusions de M. Thulard, rapporteur public,
- et les observations de M. B et de M. C, chargé de mission au bureau du contentieux judiciaire et de l'excès de pouvoir, représentant le préfet de police.
1. M. B est brigadier de police, officier de police judiciaire, affecté depuis le 1er septembre 2016 sur un poste d'enquêteur financier à la brigade financière de la direction régionale de la police judiciaire (DRPJ). Le 28 avril 2021, il s'est vu notifier le compte-rendu de son évaluation 2021 réalisée au titre de l'année 2020. Le 14 mai 2021, il en a sollicité la révision auprès du commissaire général de la police nationale, chef de service de la brigade financière, lequel, par courrier du 27 mai 2021 a décidé d'annuler l'entretien professionnel contesté et lui a signifié que le commandant divisionnaire fonctionnel, Thierry Querol, agissant en qualité d'évaluateur N+1, procéderait à une nouvelle notation. Il a été procédé à un nouvel entretien professionnel le 17 juin 2021, dont M. B a eu notification le jour même. Ce même jour, M. B en a sollicité la révision en formant un recours hiérarchique auprès du commissaire général, directeur de la police judiciaire, lequel a rejeté sa demande. M. B en a été informé par courrier du 26 octobre 2021. Par sa requête, M. B demande l'annulation de son entretien professionnel du 17 juin 2021 réalisé au titre de l'année 2020, ensemble le rejet de son recours hiérarchique et dans le dernier état de ses écritures, l'annulation de son entretien professionnel pour 2022 réalisé au titre de l'année 2021.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
3. Aux termes de l'article 17 de la loi ci-dessus-visée du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " La valeur professionnelle des fonctionnaires fait l'objet d'une appréciation qui se fonde sur une évaluation individuelle donnant lieu à un compte rendu qui leur est communiqué. ()". Aux termes de l'article 55 de loi du 11 janvier 1984🏛 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : " Le pouvoir de fixer les notes et appréciations générales exprimant la valeur professionnelle des fonctionnaires dans les conditions définies à l'article 17 du titre Ier du statut général est exercé par le chef de service. Les commissions administratives paritaires ont connaissance des notes et appréciations ; à la demande de l'intéressé, elles peuvent proposer la révision de la notation. Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités d'application du présent article.. () ". Aux termes de l'article 1er du décret du 28 juillet 2010🏛 relatif aux conditions générales de l'appréciation de la valeur professionnelle des fonctionnaires de l'Etat : " Le présent décret s'applique à tous les corps de fonctionnaires de l'Etat dotés d'un statut particulier. Toutefois, les statuts particuliers peuvent prévoir, après avis du Conseil supérieur de la fonction publique de l'Etat, un système de notation pour apprécier la valeur professionnelle des fonctionnaires, dont ils fixent les modalités ". Aux termes de l'article 2 : " Le fonctionnaire bénéficie chaque année d'un entretien professionnel qui donne lieu à compte rendu. Cet entretien est conduit par le supérieur hiérarchique direct. La date de cet entretien est fixée par le supérieur hiérarchique direct et communiquée au fonctionnaire au moins huit jours à l'avance ". Aux termes de l'article 16 du décret du 9 mai 1995🏛 fixant les dispositions communes applicables aux fonctionnaires actifs des services de la police nationale : " La notation des fonctionnaires actifs des services de la police nationale fait l'objet d'un ou plusieurs entretiens d'évaluation. Elle est établie annuellement sur une notice qui comporte : 1.Une liste d'éléments d'appréciation non chiffrée permettant d'évaluer les qualités personnelles, professionnelles et les aptitudes manifestées dans l'exercice des fonctions ; 2.Une grille de notation par niveau de 1 à 7 qui rend compte de la situation du fonctionnaire ; 3.Une appréciation non chiffrée qui rend compte de l'évolution de la valeur du fonctionnaire () ".
4. En premier lieu, il résulte des dispositions précitées qu'il appartient au supérieur hiérarchique direct du fonctionnaire de mener l'entretien professionnel et de signer le compte-rendu qui en découle. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que l'évaluation contestée a été menée par le commandant de police, chef de groupe Querol, lequel n'était plus, à la date de tenue et de notification de l'entretien professionnel du requérant, soit le 17 juin 2021, en fonction dans le service de M. B qu'il avait quitté en octobre 2020, ayant été affecté comme chef d'Etat-major à la sous-direction des affaires économiques et financières. Il n'était donc plus le supérieur hiérarchique direct de M. B. La décision attaquée est ainsi entachée d'un vice de compétence. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens, M. B est fondé à demander son annulation, la circonstance que l'évaluation litigieuse ait également été signée par le commandant fonctionnel, chef de section du service d'affectation du requérant (et autorité N+2) étant sans incidence sur la légalité de la décision contestée.
5. En deuxième lieu, M. B conteste, dans ses écritures complémentaires du 22 avril 2022, la légalité de son compte rendu d'évaluation pour 2021, établi le 17 mars 2022. Toutefois, en se bornant à en solliciter l'annulation par voie de conséquence de l'annulation du compte rendu d'évaluation pour 2020, il n'assortit ses conclusions d'aucun moyen opérant. Celles-ci ne peuvent, dès lors, qu'être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
6. Il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de M. B présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761 1 du code de justice administrative🏛, celui-ci ne justifiant pas avoir engagé des frais pour assurer sa défense.
Article 1er : Le compte rendu de l'entretien professionnel de M. B en date du 17 juin 2021 réalisé au titre de l'année 2020 et la décision rejetant son recours hiérarchique sont annulés.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 3 : Le présent jugement sera notifié à M. A B et au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 6 juillet 2023, à laquelle siégeait :
Mme Kanté, magistrate désignée.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 juillet 2023.
La rapporteure,
C. KantéLa greffière,
V. Lagrède
La République mande et ordonne au préfet de police en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.