CONSEIL D'ETAT
Statuant au Contentieux
N° 88301
M. POMMIER
Lecture du 09 Octobre 1992
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Le Conseil d'Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux)
Le Conseil d'Etat statuant au Contentieux, (Section du Contentieux, 7ème et 8ème sous-sections réunies),
Sur le rapport de la 7ème sous-section de la Section du Contentieux,
Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 9 juin 1987 et 28 septembre 1987 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Georges POMMIER, demeurant 18, rue de la Glacière à Paris (75013) ; M. POMMIER demande que le Conseil d'Etat : 1°) annule le jugement en date du 9 avril 1987 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande en décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu ainsi que des pénalités y afférentes auxquelles il a été assujetti au titre des années 1977 à 1980 dans les rôles de la ville de Paris ; 2°) lui accorde la décharge des impositions contestées ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le livre des procédures fiscales ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu : - le rapport de Mme Dominique Laurent, Maître des requêtes, - les observations de Me Capron, avocat de M. Georges POMMIER, - les conclusions de Mme Hagelsteen, Commissaire du gouvernement ;
Sur les conclusions en décharge du supplément d'impôt sur le revenu établi au titre de l'année 1977 :
Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article R.77 du code des tribunaux administratifs, la requête introductive d'instance doit contenir l'exposé sommaire des faits et moyens et des conclusions des parties ; qu'en admettant que la demande présentée par M. POMMIER, au tribunal administratif de Paris, ait comporté des conclusions tendant à la décharge de l'imposition supplémentaire à l'impôt sur le revenu établie au titre de l'année 1977, le contribuable n'a pas présenté dans le délai de recours contentieux l'exposé sommaire de faits et moyens qu'il entendait invoquer à l'appui de ces conclusions ; que celles-ci n'étaient, dès lors, pas recevables ;
Sur les conclusions en décharge des suppléments d'impôt sur le revenu établis au titre des années 1978, 1979 et 1980 :
Considérant qu'il ressort des dispositions des articles L.16 et L. 69 du livre des procédures fiscales que l'administration peut demander des justifications au contribuable lorsqu'elle a réuni des éléments permettant d'établir que celui-ci peut avoir des revenus plus importants que ceux qui font l'objet de sa déclaration et qu'il peut être recouru à la taxation d'office, "sous réserve des dispositions particulières relatives au mode de détermination des bénéfices industriels et commerciaux, des bénéfices agricoles et des bénéfices non commerciaux" en cas de réponse insuffisante ;
Considérant qu'il résulte de ces dispositions que l'administration, lorsqu'elle entreprend, par la voie de la procédure contradictoire de redressement, de réparer les erreurs ou omissions dont sont entachées les déclarations de bénéfices non commerciaux, ne perd pas la faculté, si elle a réuni des éléments permettant d'établir que le contribuable a disposé de disponibilités supérieures à celles qu'impliquent les revenus catégoriels déclarés par celui-ci augmentés des redressements apportés par ses soins, de lui demander des éclaircissements ou des justifications et, au cas où l'intéressé s'abstient ou refuse de répondre, de réintégrer d'office dans le revenu global les sommes dont l'origine demeure inexpliquée et qui ne peuvent pas être rangées dans une catégorie particulière de bénéfices ou de revenus ; que ces mêmes dispositions font en revanche obstacle à ce que, par la mise en euvre de la procédure prévue à l'article L.16 du livre des procédures fiscales, des sommes ayant le caractère de bénéfices non commerciaux puissent être directement rattachées au revenu global par voie de taxation d'office ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'après avoir procédé, du 13 avril au 10 juin 1982, à la vérification de la comptabilité de M. POMMIER, chirurgien-dentiste à Paris, et lui avoir fait savoir, le 11 juin 1982, qu'il se proposait, suivant la procédure de redressement contradictoire prévue à l'article L.55 du livre des procédures fiscales, de rehausser le montant des bénéfices non commerciaux que ce contribuable avait déclaré au titre de chacune des années 1978, 1979 et 1980, le service lui a, le même jour, notifié un avis de vérification de sa situation fiscale d'ensemble ; que la notification de cet avis a été suivie le 20 juillet 1982, par application de l'article L.16 du livre des procédures fiscales, d'une demande d'éclaircissements et de justifications sur la discordance constatée par le service entre les bénéfices non commerciaux déclarés par le contribuable et rehaussés dans les conditions ci-dessus énoncées, et le montant des sommes portées au crédit de ses comptes bancaires et postaux ; En ce qui concerne les rehaussements des bénéfices non commerciaux :
Considérant qu'il n'est pas contesté que le vérificateur a restitué à M. POMMIER, le 21 juillet 1982, les relevés de ses comptes bancaires et postaux relatifs aux années 1978, 1979 et 1980 ; qu'il ressort des pièces du dossier que, contrairement à ce que soutient le requérant, ces documents n'ont pas été emportés par le vérificateur lors de la vérification de comptabilité ayant débouché sur les redressements en cause, mais remis à l'administration fiscale lors de la vérification de la situation fiscale d'ensemble du contribuable ; qu'il s'ensuit que le moyen tiré de l'irrégularité qui entacherait, selon le requérant, la procédure d'imposition suivie à son encontre en matière de bénéfices non commerciaux, manque en fait ;
Considérant que les bénéfices non commerciaux de M. POMMIER n'ont pas été directement rattachés au revenu global par voie de taxation d'office mais rehaussés suivant la procédure du redressement contradictoire ; que la circonstance que le service ait adressé le 7 octobre 1982 au contribuable une notification de redressement reprenant d'une part les rehaussements apportés aux bénéfices non commerciaux, tels qu'ils avaient été portés à la connaissance du contribuable le 11 juin 1982, et d'autre part le montant des crédits d'origine inexpliquée taxés d'office, n'a pas eu pour effet de vicier la procédure de redressement des bénéfices professionnels de M. POMMIER ; En ce qui concerne les revenus d'origine indéterminée : Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
Considérant qu'à l'occasion de la vérification de sa situation fiscale d'ensemble, M. POMMIER a remis au vérificateur un ensemble de documents relatifs à ses comptes bancaires et postaux ; qu'après avoir procédé à leur dépouillement le vérificateur a adressé à ce contribuable le 20 juillet 1982, sur le fondement du 4 ème alinéa de l'article 176 du code général des impôts, une demande de justification de l'origine de ses crédits bancaires ; qu'il est constant, toutefois, qu'à cette date l'intéressé n'avait pas été remis en possession des documents susmentionnés qui ne lui ont, en effet, été renvoyés par voie postale que le 21 juillet 1982 ; que la demande de justification a ainsi été formulée dans des conditions qui ne permettaient pas au contribuable de faire pleinement valoir ses droits dans le délai de trente jours ; que cette demande est, dès lors, entachée d'une irrégularité de nature à vicier la procédure d'imposition ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. POMMIER est seulement fondé à soutenir que les bases de ses impositions à l'impôt sur le revenu au titre des années 1978 à 1980 soient respectivement réduites de 131 017 F, 76 495 F et de 29 494 F et à demander la décharge correspondante des cotisations d'impôt sur le revenu litigieuses ainsi que la réformation en ce sens du jugement attaqué ;
D E C I D E :
Article 1er : Les bases d'imposition de M. POMMIER à l'impôt sur le revenu sont réduites de 131 017 F pour l'année 1978, 76 495 F pour l'année 1979 et 29 494 F pour l'année 1980.
Article 2 : M. POMMIER est déchargé des droits et pénalités correspondant à cette réduction de la base d'imposition.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Paris, en date du 9 avril 1987 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. POMMIER est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. POMMIER et au ministre du budget.