Jurisprudence : CE Contentieux, 22-07-1992, n° 134986

CONSEIL D'ETAT

Statuant au Contentieux

N° 134986

M. GRAPIN

Lecture du 22 Juillet 1992

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Le Conseil d'Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux)


Le Conseil d'Etat statuant au Contentieux, (Section du Contentieux), Sur le rapport de la 4ème sous-section de la Section du Contentieux,
Vu la requête et le mémoire additionnel, enregistrés les 19 février 1992 au secrétariat général du Conseil d'Etat et après transmission par la section de l'Intérieur, les 4 mars et 2 avril 1992 au secrétariat de la section du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Alain Jean GRAPIN, demeurant 5 Allée Debussy au Plessis-Trévise (94420) ; M. GRAPIN demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler la décision du 18 décembre 1991 par laquelle le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à être autorisé à exercer, au nom de la commune du Plessis-Trévise l'action en rescision de la vente immobilière intervenue le 15 mars 1990 entre la commune du Plessis-Trévise et la société d'économie mixte plesséenne d'aménagement, de construction et d'urbanisme (S.E.M.P.A.C.U.) ; 2°) de l'autoriser à exercer cette action ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des communes ;
Vu le décret n° 92-180 du 28 février 1992 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu : - le rapport de Mme Laroque, Conseiller d'Etat, - les observations de la S.C.P. Nicola y, de Lanouvelle, avocat de la commune du Plessis-Trévise, - les conclusions de M. Kessler, Commissaire du gouvernement ; Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
Considérant qu'aux termes de l'article L.316-5 du code des communes : "Tout contribuable inscrit au rôle de la commune a le droit d'exercer, tant en demande qu'en défense, à ses frais et risques, avec l'autorisation du tribunal administratif, les actions qu'il croit appartenir à la commune, et que celle-ci, préalablement appelée à en délibérer, a refusé ou négligé d'exercer" ; qu'il appartient au tribunal administratif statuant comme autorité administrative, et au Conseil d'Etat saisi d'un recours de pleine juridiction dirigé contre la décision du tribunal administratif, lorsqu'ils examinent une demande présentée par un contribuable sur le fondement de ces dispositions, de vérifier, sans se substituer au juge de l'action, et au vu des éléments qui leur sont fournis, que l'action envisagée présente un intérêt suffisant pour la commune et qu'elle a une chance de succès ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que le maire du Plessis-Trévise a été invité par une lettre du 29 avril 1991 à engager devant la juridiction compétente une action en rescision pour cause de lésion de la vente d'un terrain de 22 ares 60 centiares consentie le 15 mars 1990 à la société d'économie mixte plesséenne d'aménagement, de construction et d'urbanisme (S.E.M.P.A.C.U.) pour un prix de deux millions de francs ; qu'il n'est pas contesté que cette demande n'a reçu aucune suite ; que la commune avait été ainsi appelée à délibérer sur l'exercice d'une action en justice qu'elle a refusé d'exercer ; que M. GRAPIN, en sa qualité de contribuable de la commune du Plessis-Trévise, était recevable, alors même qu'il n'aurait pas été l'auteur de ladite demande, à solliciter du tribunal administratif de Paris, en application des dispositions législatives précitées, l'autorisation d'intenter l'action au nom de la commune ;
Considérant qu'en vertu de l'article 1674 du code civil, si le vendeur a été lésé de plus de sept douzièmes dans le prix d'un immeuble, il a le droit de demander la rescision de la vente ; qu'eu égard à la différence entre les prix figurant d'une part, dans l'acte de vente d'un terrain passé entre la commune du Plessis-Trévise et la société d'économie mixte le 15 mars 1990, et d'autre part, dans le contrat du 30 mars 1990 conclu entre la même société et la société civile immobilière Plessis-Habitat pour la cession du même terrain, vendu en l'état, l'exercice par la commune d'une action en rescision pour lésion de la vente consentie à la société d'économie mixte, sur le fondement des articles 1674 et suivants du code civil présente pour elle un intérêt suffisant, alors même qu'elle était l'actionnaire principal de la société d'économie mixte ; que cette action ne peut être regardée comme dépourvue de chances de succès ; qu'en conséquence il y a lieu d'annuler la décision susvisée du tribunal administratif de Paris du 18 décembre 1991 et d'accorder au requérant l'autorisation sollicitée ;
Sur la demande de la commune du Plessis-Trévise tendant à ce que M. GRAPIN soit condamné à lui verser 12 000 F sur le fondement de l'article R.222 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant que l'article R.222 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ayant été abrogé par le décret susvisé du 19 décembre 1991 portant application de la loi du 10 juillet 1991, les conclusions de la commune doivent être regardées comme tendant à la condamnation de l'Etat sur le fondement de l'article 75-I de ladite loi ;
Considérant qu'aux termes de l'article 75-I de la loi susvisée du 10 juillet 1991 : "- Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation." ; que ces dispositions font obstacle à ce que M. GRAPIN qui n'est pas, dans la présente instance la partie perdante, soit condamné à payer à la commune du Plessis-Trévise la somme qu'elle demande au titre des sommes exposées par elle et non comprises dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : La décision du tribunal administratif de Paris du 18 décembre 1991 est annulée.
Article 2 : M. GRAPIN, contribuable de la commune du Plessis-Trévise, est autorisé à exercer une action en justice pour le compte de ladite commune en vue d'obtenir la rescision pour cause de lésion de la vente d'un terrain de 22 ares 60 centiares consentie par acte du 15 mars 1990 par la commune du Plessis-Trévise à la société d'économie mixte plesséenne d'aménagement, de construction et d'urbanisme.
Article 3 : Les conclusions de la commune du Plessis-Trévise sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. GRAPIN, à la commune du Plessis-Trévise, à la société d'économie mixte plesséenne d'aménagement, de construction et d'urbanisme (S.E.M.P.A.C.U.) et au ministre de l'intérieur et de la sécurité publique.

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